Grand témoin : Féris Barkat, cofondateur de « Banlieues climat »
GRAND DÉBAT / Loi immigration : le gouvernement sous pression !
« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski
Lundi 11 décembre, le projet de loi immigration arrive sur les bancs de l'Assemblée nationale, après les modifications apportées par le Sénat puis par la commission des lois. Pour autant, l'étude de ce texte pourrait ne pas avoir lieu. Écologistes et Républicains ont déposé une motion de rejet, un procédé empêchant l'examen du texte si la majorité des députés votent pour cette motion. Un caillou dans la chaussure pour la majorité. Cette dernière avait anticipé l'opposition de la gauche de l'hémicycle mais pas forcément celle des partis de droite. Éric Ciotti considère le texte dénué de mesures fortes et a affirmé que les Républicains voteront contre l'étude de ce texte. Marine Le Pen et le RN se trouvent en position de force dans l'issue de ce débat, mais le parti d'extrême droite peut-il se permettre de voter contre un sujet qu'il défend depuis des années ?
Invités :
- Christophe Barbier, éditorialiste politique
- Sylvain Courage, directeur adjoint de la rédaction de « l'Obs »,
- Frédéric Dabi, Directeur Général Opinion du groupe Ifop,
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP,
GRAND ENTRETIEN / Féris Barkat : l'écolo des quartiers.
Féris Barkat, cofondateur de « Banlieues climat », veut que l'écologie devienne un moyen de s'émanciper. Avec son association, il organise des ateliers de sensibilisation et de vulgarisation autour des questions climatiques. Son discours, concret et abordable, évoque la pollution de l'air par les usines, les incinérateurs de déchets - majoritairement construits aux abords des banlieues - la canicule dans les HLM ou encore la sècheresse au Maghreb. Féris Barkat grandit en banlieue strasbourgeoise avant d'intégrer la London School of Economics. Ne se sentant pas à sa place, il prend la décision de quitter cette école pour intégrer le Collège citoyen de France, un nouvel institut pour former « les responsables publics de demain ». Lauréat du prix « À voix Haute pour la Biodiversité », il a récemment rejoint le conseil d'administration du Palais de Tokyo. Les banlieues sont-elles les plus touchées par le changement climatique ?
Grand témoin : Féris Barkat, cofondateur de « Banlieues climat »
LES AFFRANCHIS
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe,
- Mariette Darrigrand, sémiologue,
- « Action planète » : Léa Falco, membre du collectif « Pour un réveil écologique ».
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP - Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5
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GRAND DÉBAT / Loi immigration : le gouvernement sous pression !
« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski
Lundi 11 décembre, le projet de loi immigration arrive sur les bancs de l'Assemblée nationale, après les modifications apportées par le Sénat puis par la commission des lois. Pour autant, l'étude de ce texte pourrait ne pas avoir lieu. Écologistes et Républicains ont déposé une motion de rejet, un procédé empêchant l'examen du texte si la majorité des députés votent pour cette motion. Un caillou dans la chaussure pour la majorité. Cette dernière avait anticipé l'opposition de la gauche de l'hémicycle mais pas forcément celle des partis de droite. Éric Ciotti considère le texte dénué de mesures fortes et a affirmé que les Républicains voteront contre l'étude de ce texte. Marine Le Pen et le RN se trouvent en position de force dans l'issue de ce débat, mais le parti d'extrême droite peut-il se permettre de voter contre un sujet qu'il défend depuis des années ?
Invités :
- Christophe Barbier, éditorialiste politique
- Sylvain Courage, directeur adjoint de la rédaction de « l'Obs »,
- Frédéric Dabi, Directeur Général Opinion du groupe Ifop,
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP,
GRAND ENTRETIEN / Féris Barkat : l'écolo des quartiers.
Féris Barkat, cofondateur de « Banlieues climat », veut que l'écologie devienne un moyen de s'émanciper. Avec son association, il organise des ateliers de sensibilisation et de vulgarisation autour des questions climatiques. Son discours, concret et abordable, évoque la pollution de l'air par les usines, les incinérateurs de déchets - majoritairement construits aux abords des banlieues - la canicule dans les HLM ou encore la sècheresse au Maghreb. Féris Barkat grandit en banlieue strasbourgeoise avant d'intégrer la London School of Economics. Ne se sentant pas à sa place, il prend la décision de quitter cette école pour intégrer le Collège citoyen de France, un nouvel institut pour former « les responsables publics de demain ». Lauréat du prix « À voix Haute pour la Biodiversité », il a récemment rejoint le conseil d'administration du Palais de Tokyo. Les banlieues sont-elles les plus touchées par le changement climatique ?
Grand témoin : Féris Barkat, cofondateur de « Banlieues climat »
LES AFFRANCHIS
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe,
- Mariette Darrigrand, sémiologue,
- « Action planète » : Léa Falco, membre du collectif « Pour un réveil écologique ».
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
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00:00 [Musique]
00:05 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver dans Savourgarde ce soir,
00:10 l'écologie dans les quartiers populaires.
00:12 Bonsoir Féris Barkat, merci beaucoup d'être notre grand témoin.
00:15 Ce soir vous avez 21 ans et vous êtes la preuve vivante qu'il n'y a pas que la jeunesse
00:20 des beaux quartiers qui se modélisent pour le climat.
00:23 Votre association Banlieue Climat qui fête ses 1 an, fait un travail remarquable
00:28 de formation des jeunes dans les cités, on va en parler, formation certifiée.
00:33 S'il vous plaît, on se retrouve dans la deuxième partie tous les deux pour plus de détails.
00:37 Notre grand débat ce soir, tout comprendre sur le débat immigration qui arrive ce lundi
00:44 à l'Assemblée et qui pourrait bien tourner court, c'est le scénario cauchemar du gouvernement.
00:48 La motion de rejet pourrait arrêter l'examen du texte, les votes du RN et de LR seront décisifs.
00:56 Alors un grand descriptage forcément à la veille de ce débat dans un instant
01:00 avec mes invités sur ce plateau.
01:03 Enfin, nos affranchis ce soir, Anoukka à l'Elysée, ça ne passe pas pour le philosophe Pierre-Henri Tavoyot.
01:09 Le mot de la semaine de Mariette Darigrand, c'est l'uniforme.
01:12 Enfin, l'action planète de Léa Falco, la chronique écolo des vendredis.
01:17 Voilà pour le programme, on y va ? Vous êtes prêts ?
01:19 Paris Barcat, Savoir 4, top générique.
01:22 Musique
01:25 C'est donc l'heure de vérité pour le gouvernement.
01:35 Sera-t-il oui ou non capable de faire voter sa loi sur l'immigration tant attendue par les Français ?
01:41 Gérald Darmanin, on l'a bien compris, joue très gros sur ce projet de loi qui arrive ce lundi.
01:47 Il pourrait même y avoir, alors c'est pas sûr, mais peut-être un blocage d'entrée de jeu.
01:52 On va tout vous expliquer grâce à nos quatre invités.
01:55 Bonsoir Christophe Barbier. - Bonsoir Myriam.
01:56 - Ravie de vous retrouver, éditorialiste politique BFM TV, Franck Tireur.
01:59 Bonsoir Elsa Mondingava. - Bonsoir.
02:01 - Ma chère consoeur Del Cepé qui suit ces débats sur ce texte depuis le début,
02:06 aussi bien en coulisses qu'en commission à l'Assemblée.
02:08 Bonsoir Sylvain Courage. - Bonsoir.
02:10 - Bienvenue, directeur adjoint de la rédaction de L'Obs.
02:12 Enfin, bonsoir Frédéric Dhabi. - Bonsoir.
02:14 - Ravie de vous avoir, directeur général opinion du groupe IFOP, Ferris Bar 4.
02:18 Il y a plein de stratégies, il y a de la procédure parlementaire.
02:21 Alors, en fait, si vous ne comprenez pas, c'est que peut-être ceux qui nous regardent ne comprennent pas.
02:25 Donc n'hésitez pas à intervenir, à interroger nos invités.
02:29 On va commencer par planter le décor.
02:31 Cette motion de rejet qui donne des sueurs froides au gouvernement, c'est dans le chrono de Blaco. Tout de suite.
02:36 [Musique]
02:40 Allez, je me retourne pour vous accueillir. Je vous invite à faire pareil.
02:42 Bonsoir Stéphane. - Bonsoir Myriam.
02:44 Bonsoir à toutes et tous. - Alors, la motion.
02:46 - Alors, je ne sais pas vous, mais personnellement, j'adore le vendredi soir,
02:50 la perspective d'avoir deux jours tranquilles devant soi, mais je trouve qu'il n'y a pas mieux.
02:54 Évidemment, parfois, on a des soucis, on a du mal à se détendre.
02:57 Regardez le gouvernement, par exemple. Est-ce qu'ils vont passer un bon week-end ? Pas évident.
03:00 On nous dit que le gouvernement est nerveux, on nous dit que des gouttes de sueur froide lui coulent dans le dos.
03:05 Et à chaque fois, c'est la photo de Gérald Darmanin qu'on a choisie pour illustrer ça.
03:09 Alors, ce qui gâche le week-end, ou qui risque le gâcher du gouvernement,
03:12 c'est ce dont vous avez parlé, cette motion de rejet déposée par les écologies.
03:16 Si elle était adoptée lundi, ça entraînerait, comme son nom l'indique,
03:19 le rejet de cette loi sur l'immigration qui ne serait même pas débattue.
03:23 D'où cette nervosité un petit peu au sommet de l'État.
03:27 Alors, le résultat, c'est que tout le monde fait ses calculs pour essayer de deviner
03:30 est-ce qu'elle sera votée, est-ce qu'elle ne sera pas votée ?
03:32 Sauf que les calculs en politique, et qui dira le contraire ici,
03:36 c'est des équations avec beaucoup, beaucoup, beaucoup d'inconnus.
03:39 Alors, on peut essayer de faire le point.
03:40 Par exemple, la motion est déposée par les écologistes.
03:43 Donc, on se dit que toute la NUPES va être d'accord avec eux.
03:46 Mais est-ce qu'on en est sûr ?
03:47 Vous savez, par exemple, Fabien Roussel, il disait que cette loi,
03:50 il n'était pas totalement contre.
03:51 Peut-être même qu'il allait s'abstenir.
03:53 Et puis, du côté de la NUPES, normalement, elle n'existe plus, cette NUPES.
03:56 C'est ce qu'a confirmé Mélenchon.
03:57 Mais pourtant, la NUPES, à ton cas, et les filles,
04:00 va quand même voter la motion de rejet.
04:02 On écoute Paul Bagné.
04:03 Vous la voterez ?
04:05 Bien sûr, elle est salvatrice, cette motion de rejet.
04:07 Elle nous permettrait de consacrer l'Assemblée nationale au vrai sujet
04:10 plutôt qu'à la 22e loi sur l'immigration en 21 ans.
04:14 Alors, côté républicain, ce n'est pas simple non plus.
04:18 Parce qu'au départ, on se disait qu'ils pourraient voter cette motion de rejet
04:21 puisqu'eux-mêmes en ont déposé une.
04:23 Le problème, c'est qu'à l'Assemblée,
04:24 on ne peut pas avoir deux motions de rejet en même temps.
04:27 Alors, quand il y en a deux, on tient au sort.
04:29 Pas de bol pour les républicains,
04:30 c'est la motion de rejet des écologistes qui a gagné.
04:33 Donc, le résultat, c'est qu'Olivier Marlex hésite.
04:36 Vous voyez, si cette motion était votée,
04:38 ça permettrait d'infliger un échec cuisant au gouvernement.
04:41 Ça, Olivier Marlex, il aimerait bien.
04:43 Mais en même temps, quand on est de droite,
04:45 est-ce qu'on peut voter avec les écologistes ?
04:47 Voter ou ne pas voter ?
04:49 Telle est la question.
04:50 Olivier Marlex.
04:51 – Le rejet préalable du texte, ça reviendrait à quoi ?
04:53 Ça reviendrait à ce que le gouvernement ne puisse poursuivre
04:57 la discussion de ce texte, poursuivre la navette,
05:00 qu'à partir de la copie du Sénat.
05:03 Donc, c'est une solution assez tentante de notre part.
05:07 Après, on n'a pas forcément les mêmes motivations que les écologistes,
05:10 c'est un peu ce qui, à ce stade, me fait hésiter.
05:13 – Eh oui, on attend avec impatience la décision d'Olivier Marlex,
05:17 sachant surtout que ses députés l'obéissent rarement.
05:19 Donc, c'est vraiment beaucoup d'impatience qu'on attend
05:21 de savoir ce qu'il va décider.
05:22 Côté gouvernement, évidemment, on n'aimerait pas
05:24 que la LR vote pour la gauche.
05:26 Et donc, ce matin, sur France Info, Gérald Darmanin a ressorti
05:29 une de ses vieilles expressions françaises qu'on employait jadis
05:32 pour désigner un couple très mal assorti. On écoute.
05:35 – Ce serait la coalition entre la carpe et le lapin.
05:38 Vous voyez des parlementaires LR voter une motion sur l'immigration
05:42 avec les Verts et LFI.
05:44 Lundi, ça voudrait dire que la NUPES et M. Marlex,
05:47 les LR se mettraient d'accord contre l'intérêt général,
05:50 contre le débat démocratique, pour dire "on ne parle pas d'immigration",
05:53 tout en réclamant qu'il faut parler d'immigration.
05:55 Ce serait pas très sérieux.
05:56 – Mais là où le suspense est à son compte, c'est que même si LR et NUPES
06:00 et la gauche unissent leurs voix, il faut encore qu'ils comptent
06:03 sur les voix du Rassemblement National.
06:05 Et comme d'habitude, tous les regards se tournent vers Marine Le Pen
06:08 qui prend un malin plaisir à souffler le chaud et le froid
06:10 sur cette loi immigration. Au mois d'octobre, elle disait
06:12 "oui, peut-être que je la voterai, c'est une petite loi de toute façon".
06:14 Récemment, elle disait "non, finalement, on ne la votera pas".
06:17 Donc la décision, le groupe NRN la prendra lundi à 15h30,
06:21 c'est-à-dire une demi-heure avant le vote.
06:24 Nous voilà donc partis pour trois jours de pronostics, de calculs...
06:27 – Attends, attends, attends, ne partez pas.
06:29 – De calculs fébriles. – Restez là.
06:31 – Et ? – Je vous laisse terminer.
06:33 – Et je me demandais si malgré tout ce suspense intenable,
06:36 est-ce que vous réussiriez à passer un bon week-end ?
06:39 – Eh bien on va essayer, mais surtout vous allez rester deux secondes avec moi,
06:42 on va prendre quelques instants, mon cher Stéphane.
06:44 – Un gâteau d'anniversaire ?
06:45 – Non, pour vous remercier, pour vous remercier,
06:47 puisque c'était votre dernière chronique et qu'on a le cœur serré
06:50 et qu'on a passé quatre années formidables.
06:52 Voilà, vous allez nous quitter et on est vraiment, voilà, un peu tristes.
06:56 – J'ai appris beaucoup de choses sur LCP,
06:58 ça m'a surtout un peu changé l'idée que je me faisais de la politique.
07:01 Je trouve qu'on est trop facilement critiques avec les hommes politiques,
07:04 on ne se rend pas compte de la difficulté de notre travail que ça demande,
07:07 et donc l'ironie permanente, les sarcasmes et tout ça,
07:10 j'espère que je ne sombrerai plus là-dedans et je vous donne le même conseil.
07:14 – Ben voilà, magnifique. – Attention au populisme !
07:16 – Merci beaucoup, merci à vous Stéphane.
07:18 On revient à notre débat, Christophe Barbier.
07:20 On a vu venir cette affaire de motion de rejet,
07:23 ils ont raison de flipper au gouvernement, vous y croyez ?
07:26 – Oui, parce qu'il y a quand même une addition arithmétique néfaste
07:29 qui peut se faire pour le gouvernement, on l'a vu dans la démonstration de Blaco,
07:32 c'était très très clair, mais quand même, il y a quand même quelques freins.
07:36 D'abord le frein qu'on a entendu, Marlex disant,
07:39 "bon, voter avec les écologistes, ça fait tomber le texte,
07:42 mais ça valide quand même les motivations du rejet".
07:45 Donc est-ce qu'on peut être d'accord sur la forme,
07:47 on vote la motion de rejet, sans être d'accord sur le fond ?
07:50 C'est compliqué pour eux, mais l'avantage pour les LR,
07:52 c'est en effet de revenir au texte du Sénat, très à droite, comme base de discussion.
07:56 En revanche, le RN, faire tomber le texte, c'est 5 minutes de plaisir,
08:01 c'est un camouflet pour Darmanin,
08:03 mais débattre du texte pendant une semaine, deux semaines et plus encore,
08:07 ça c'est intéressant pour le RN, de pouvoir faire valoir son programme sur l'immigration,
08:12 de profiter de ce terrain idéologique qui, généralement, leur est favorable,
08:16 de montrer la division des LR et la division aussi de la majorité.
08:20 Donc il y a un intérêt pour Marine Le Pen.
08:21 Un intérêt au débat plus qu'à la motion.
08:24 Je précise que ça commence à 16h lundi,
08:26 et qu'il y a une conférence de presse de Marine Le Pen à 15h30,
08:29 tout le monde aura les yeux rivés sur la décision de Marine Le Pen.
08:31 Elles avons d'un gavin. Ils sont comment dans la majo, comme on dit ?
08:34 Comme dit Christophe, il y en a certains, c'est 15 sur 20 sur l'échelle du stress,
08:38 d'autres qui disent "mais tout le monde s'énerve alors qu'il n'y a aucune chance que ça passe",
08:42 ils donnent à peu près les mêmes arguments.
08:44 Le RN pourrait justement se faire plaisir et faire tomber le texte,
08:48 puisque 88 députés, ça compte beaucoup,
08:50 et en même temps le RN a plutôt intérêt à la discussion.
08:53 Non, c'est au niveau des LR, ils sont très divisés aussi.
08:55 Alors Marlex veut pas faire de cadeau, mais Ciotti, c'est pas le cas.
08:58 Et même Olivier Marlex, il hésite un peu,
09:00 alors que c'est celui qui est le plus allant pour cette motion de rejet-là.
09:03 D'autres députés LR nous disent "never je vote une motion avec les écolos".
09:07 Pour bien comprendre, Christophe le disait, parce qu'on décrypte ce soir,
09:10 si jamais, on comprend qu'il faut rester prudent,
09:12 cette motion est adoptée, le texte, qu'est-ce qui se passe ?
09:15 Il repart au Sénat ?
09:16 Alors évidemment, il y a un choix politique.
09:18 C'est une débat qui prend le gouvernement.
09:20 Le choix, il sera politique de savoir qu'est-ce qu'on fait après,
09:23 en tout cas d'un point de vue législatif,
09:25 ça coupe pas court à la poursuite du travail législatif.
09:28 Soit on peut convoquer la CMP, la Commission mixte paritaire,
09:31 évidemment sur le texte du Sénat,
09:33 donc les sénateurs de droite seront en position de force,
09:35 soit on continue avec une lecture au Sénat,
09:37 ça n'arrête pas l'examen du texte.
09:39 Après, évidemment, il faut choisir de le maintenir
09:41 quand on a subi une catastrophe industrielle comme ça.
09:43 -Bon, on n'en est pas là.
09:44 Sylvain Courage, ce qui est sûr,
09:46 c'est que Marine Le Pen va savourer ce moment-là.
09:49 C'est déjà quelque part une victoire.
09:51 Quelles sont les clés, dès lundi, du texte si important de cette fin d'année ?
09:55 -Oui, on voit bien que tout le monde est suspendu
09:57 à la décision du Rassemblement national.
10:00 Effectivement, ça les met dans une position exceptionnelle.
10:04 Et en fait, les deux choix peuvent être intéressants pour eux,
10:07 donc ils sont gagnants-gagnants.
10:09 Soit ils créent le spectacle
10:12 en renvoyant le texte du gouvernement,
10:15 soit, au contraire, ils viennent le soutenir,
10:18 donc ça peut aussi troubler le gouvernement.
10:20 -Mais ça capitalise, en termes de normalisation,
10:22 de jouer l'institution, le débat ?
10:24 -Ca donne un rôle institutionnel central.
10:26 En fait, ce qui est compliqué dans cette Assemblée,
10:28 c'est qu'il n'y a pas de majorité réelle,
10:30 enfin, voilà, absolue, et puis il y a des tiers ennemis.
10:33 Donc, du coup, à chaque fois, on peut spéculer sur des alliances,
10:36 mais qui sont des alliances un peu contre nature.
10:38 Mais ça ouvre aussi tout ce jeu de spéculation
10:41 et de fantasmes politiques
10:43 qui profitent plutôt au Rassemblement national.
10:45 -Frédéric Daby, le texte, il est attendu par les Français,
10:47 il y a un texte et puis un contexte aussi.
10:49 Rappelez-nous l'état de l'opinion sur ce projet de loi immigration.
10:51 Est-ce qu'il a bougé ?
10:52 -Eh bien, déjà, ce qui me frappe, c'est que les Français en parlent.
10:55 Dans notre enquête mensuelle, "Il faut un fiducial pour Paris-Mâché",
10:57 sur la radio, où on teste le niveau d'intérêt
10:59 de toute une série de sujets,
11:01 alors qu'on a tendance à dire que la scène parlementaire
11:03 n'est pas une scène visible,
11:04 beaucoup de Français en ont parlé,
11:06 et surtout, une majorité de sympathisants LR.
11:08 Ça oblige LR à ne pas jouer peut-être cette forme de politique du pire.
11:12 LR qui cherche à tout prix à exister dans cette guerre des trois blocs,
11:16 LFI, plutôt, l'UPS, ou ce qui leur reste,
11:19 le bloc RN, et le bloc central, où est LR.
11:23 Et les sympathisants de droite attendent, si je puis dire,
11:26 des actions sur la question de l'immigration.
11:28 -Ca veut dire que les électeurs de droite ne comprendraient pas
11:30 que LR à l'Assemblée refuse le texte ?
11:32 -Franchement, on a une droite absolument tiraillée.
11:37 Il y a la droite Canal Historique, qui est encore chez LR,
11:40 il y a la droite chez Emmanuel Macron,
11:42 il y a beaucoup d'électeurs de droite dans l'électorat,
11:44 et chez les sympathisants du Rassemblement national.
11:47 On a une opinion publique sur ce projet de loi,
11:49 pour répondre à votre question sur l'immigration,
11:52 qui est beaucoup moins clivée qu'on le dit.
11:54 On a testé les principales mesures il y a quelques semaines.
11:56 -Alors, qu'est-ce que ça donne ?
11:58 Ils tiennent autant aux deux jambes du texte ?
12:00 -Exactement. -L'autorité, l'intégration par le travail ?
12:02 -Le fait de régulariser des sans-papiers soutenus aux deux tiers,
12:05 y compris un sympathisant de droite sur deux,
12:07 parce qu'il y a cette question des métiers sous tension.
12:09 Il y a aussi ce volet répressif,
12:11 ce véritable durcissement.
12:13 Il faut dire aussi, depuis ce sondage qui a été fait début octobre,
12:16 il y a des attentats terroristes,
12:18 il y a un durcissement de l'opinion,
12:21 il y a un lien, il faut le dire aussi,
12:23 qui est maintenant fait automatiquement
12:25 dans quasiment toutes les familles politiques
12:27 entre insécurité et immigration.
12:29 Donc LR Jougreau,
12:31 comme ça a été très bien dit, le gouvernement Jougreau,
12:33 parce que la grille de lecture en termes d'inaction,
12:36 un gouvernement qui ne fait plus rien,
12:38 s'installe de plus en plus fort, Gérald Darmanin,
12:40 par toute une série d'initiatives,
12:42 le fait qu'il publie tous les jours sur son compte X,
12:45 X Twitter, le nom, enfin non,
12:47 le profil de personne expulsée,
12:49 ça arrive à lui donner l'idée,
12:51 un peu comme un Sarkozy 2002-2007 à Beauvau,
12:53 qu'il agit, qu'il fait des choses,
12:55 mais très clairement, et ça a été dit,
12:57 LR Jougreau, le gouvernement Jougreau,
13:00 Marine Le Pen, non, elle est en situation d'arbitre,
13:02 et cette posture de normalisation
13:04 est encore de plus en plus avancée.
13:06 - Alors on continue, avec vous Elsa,
13:08 on va parler de Gérald Darmanin,
13:10 on a vu qu'il joue gros,
13:12 il multiplie à la fois les déplacements,
13:14 et puis il reçoit à tour de bras
13:16 à la fois les sénateurs et les députés,
13:18 il va passer maintenant deux semaines décisives,
13:20 coller nos bancs dans l'hémicycle.
13:22 - Oui, oui, exactement, mais en plus,
13:24 ça fait des secrets pour personne que Gérald Darmanin
13:26 a une mission, la légende veut qu'il ait petit déjeuner,
13:28 déjeuner, dîner au moins trois fois par jour
13:30 depuis des semaines pour vraiment
13:32 député par député, essayer de les convaincre
13:34 de venir voter son texte,
13:36 mais il a une mission, on le voit, très difficile,
13:38 puisque dès qu'il donne un gage,
13:40 dès qu'il fait une concession à la droite,
13:42 c'est l'aile gauche de sa majorité qui se crispe,
13:44 et dès qu'il veut rassurer un petit peu la majorité,
13:46 c'est les voix de droite qui s'éloignent,
13:48 donc évidemment il est dans une négociation
13:50 très fine, au cas par cas,
13:52 député par député, on le dit souvent,
13:54 LALR, il est très divisé, c'est vraiment des individualités,
13:56 il veut pas les brusquer,
13:58 il veut pas les humilier, mais en même temps,
14:00 ce matin, dans l'interview, il a été quand même très offensif,
14:02 écoutez ce qu'il dit au cas
14:04 où LALR ne voterait pas la loi immigration.
14:06 - Je vois pas comment,
14:08 objectivement, un parlementaire de droite
14:10 peut voter contre un texte qui prévoit notamment
14:12 d'expulser 4000 étrangers délinquants par an.
14:14 Imaginez un seul instant,
14:16 que dans quelques semaines, une fois que ce texte
14:18 serait rejeté par la droite,
14:20 un étranger délinquant, criminel, passe à l'acte
14:22 et tue d'autres personnes.
14:24 La responsabilité des parlementaires LALR serait absolument énorme.
14:26 - Ca, ça peut marcher ?
14:28 - Oui. - Ils les entendent, alors ça peut braquer aussi.
14:30 - Vous pensez quoi ?
14:32 - C'est le même discours sur les retraites.
14:34 Comment un député de droite ne peut pas voter une proposition
14:36 qui était dans les programmes présidentiels de la droite ?
14:38 - Sauf que là, c'est plus populaire,
14:40 ça change comme un blabla. - C'est un peu plus populaire,
14:42 c'est sûr, et puis si les LALR se décrédibilisent
14:44 là-dessus, Marine Le Pen va leur voler ce thème,
14:46 alors que sur les retraites,
14:48 Marine Le Pen n'était pas en embuscade.
14:50 Néanmoins, je ne sais pas si ce genre de menace
14:52 "vous serez responsable des morts futures"
14:54 va marcher.
14:56 Gérald Darmanin, s'il arrive à faire passer ce texte
14:58 avec une majorité politique élargie,
15:00 il peut rêver de l'Elysée 2027
15:02 et en tout cas, il peut espérer Matignon à court terme.
15:04 S'il le fait passer avec un 49-3,
15:06 il restera ministre de l'Intérieur,
15:08 il aura sa loi, il y a les Jeux Olympiques,
15:10 mais enfin, la case Matignon, il n'y a plus vraiment d'avantage
15:12 par rapport à Elisabeth Borne.
15:14 Si la motion de rejet est votée ou si ce texte échoue
15:16 en termes de voix, alors là, ça devient compliqué pour lui.
15:18 Il peut rester parce qu'il y a
15:20 ces fameux Jeux Olympiques à gérer,
15:22 mais son étoile sera un peu éteinte.
15:24 - Frédéric Dhabi, on se met dans une situation
15:26 de scénario compliqué pour le gouvernement.
15:28 Est-ce que les Français regardent
15:30 les Jeux, les votes, les alliances
15:32 ou la carpe le lapin,
15:34 ou de toute façon, si ce texte n'est pas voté,
15:36 ou même s'il passe par 49-3,
15:38 ce sera une forme d'échec pour le gouvernement
15:40 perçu comme ça ?
15:42 - L'échec sera réel, c'est vrai que par contre,
15:44 les arcanes, comme vous le dites, les Jeux, les combines,
15:46 ça n'intéresse pas les gens, ça ne les touche pas
15:48 personnellement. Le jeu
15:50 parlementaire n'est pas quelque chose
15:52 qui est très au cœur des préoccupations,
15:54 même si, et ça a été dit,
15:56 le précédent retraite a fait que
15:58 les Français, il y a eu un coup de zoom sur l'Assemblée
16:00 nationale, sur le Sénat, surtout
16:02 sur l'Assemblée avec en plus cette composition
16:04 extrêmement inédite et cette majorité relative.
16:06 Les Français sont non pas sur une logique
16:08 de combine, mais une logique de résultat.
16:10 Pourquoi, je fais une petite parenthèse,
16:12 il y a un tel phénomène autour de Gabriel Attal,
16:14 c'est qu'on sent qu'il y a de l'action,
16:16 on sent qu'il y a des décisions sur
16:18 la question migratoire, sur la question de l'insécurité.
16:20 Les Français attendent
16:22 des résultats, attendent du changement, quand bien même,
16:24 il faut le dire, ce ne sont pas
16:26 aujourd'hui, ici et maintenant, des préoccupations
16:28 au cœur des priorités
16:30 des Français. On vient de faire
16:32 une enquête avec Sud Radio, en reprenant notre
16:34 enquête de rentrée de début septembre,
16:36 traditionnelle, c'est le triptyque
16:38 santé, pouvoir d'achat,
16:40 inflation et insécurité qui arrive
16:42 avec également l'éducation qui structure
16:44 les attentes des Français, mais sur
16:46 l'immigration, la grille d'entrée des Français,
16:48 c'est la perte de contrôle,
16:50 c'est l'idée que l'Etat ne contrôle plus ses frontières
16:52 et peine à contrôler son
16:54 immigration. - Sylvain Courage, Gérald Darmanin,
16:56 il sort une nouvelle carte de son jeu
16:58 qui s'appelle "Le délit de séjour
17:00 irrégulier". Ca, c'est
17:02 d'ailleurs ce que défend le RN, ça a été
17:04 voté au Sénat,
17:06 et puis détricoté à l'Assemblée,
17:08 c'est bien joué, ou attention, c'est aussi
17:10 joué avec le feu. - C'est une monnaie d'échange
17:12 avec la droite, apparemment, et la droite
17:14 pourrait d'ailleurs profiter de l'épisode, là,
17:16 de la motion de rejet préalable pour essayer
17:18 de le réintroduire dans la négociation,
17:20 mais évidemment,
17:22 c'est plutôt un épouvantail pour
17:24 l'aile gauche de la Macronie, donc
17:26 on retombe dans ce difficile équilibre
17:28 que Gérald Darmanin doit essayer de préserver
17:30 pour arriver à bon port, mais...
17:32 - C'est un bon négociateur, vous pensez ?
17:34 Parce que là, au fond, il connaît très bien la droite,
17:36 c'est son ancienne famille politique,
17:38 il a sa peau, quelque part, peut-être pas,
17:40 mais c'est un moment de vérité pour lui
17:42 dans sa carrière. Est-ce qu'il est habile ?
17:44 Est-ce que vous le trouvez bon dans cet exercice
17:46 quasi impossible ? - C'est le résultat
17:48 qui le dira, mais en tout cas, il a l'air d'être à l'aise,
17:50 quand même, c'est-à-dire qu'on voit bien
17:52 qu'il fait pas mal de rhétorique,
17:54 on a vu l'argument qu'il utilisait en essayant
17:56 de responsabiliser la droite en cas de nouvel attentat,
17:58 il aime bien jouer sur tous
18:00 les ressorts psychologiques de la négociation.
18:02 Il parviendra-t-il ?
18:04 Ça, c'est... Effectivement, ensuite,
18:06 ça va conditionner le reste de sa carrière,
18:08 mais on a l'impression qu'il est au centre du jeu
18:10 et qu'il est assez à l'aise
18:12 dans cette position.
18:14 - D'un mot à Elsa, le délit de séjour irrégulier,
18:16 pour nous dire concrètement,
18:18 ça correspond à quoi ? - Ça avait été supprimé
18:20 depuis 2012, ce n'est pas un délit
18:22 de séjourner de manière irrégulière,
18:24 ça a été réintroduit, ce délit, au Sénat
18:26 avec une amende de 3 750 euros.
18:28 La commission des lois a enlevé
18:30 cette mesure, mais Gérald Darmanin,
18:32 un peu comme sur la ME, il ménage un petit peu
18:34 tout le monde à ce moment-là, dit
18:36 pourquoi pas rétablir ce délit
18:38 de séjour irrégulier, évidemment avec une amende,
18:40 pas une peine d'emprisonnement,
18:42 pourquoi pas le mettre au niveau des frontières
18:44 à 20 km, par exemple, dans des zones géographiques
18:46 assez précises, et effectivement,
18:48 c'est un des moyens de négociation
18:50 pour essayer de faire venir des députés de droite.
18:52 Est-ce que ça suffira ? Pas sûr, vu que...
18:54 - Aujourd'hui, ça n'est pas une infraction pénale
18:56 d'être en situation irrégulière, même si on peut avoir
18:58 une OQTF de façon administrative.
19:00 On dit un mot sur les métiers aux tensions,
19:02 avec ce climat, le retour des attentats,
19:04 plus personne ne parle de ce volet-là, Elsa.
19:06 - Oui, on en est à la troisième version.
19:08 Je vous rappelle, un texte initial du gouvernement,
19:10 c'est un droit automatique de régularisation
19:12 en titre de séjour, si on est dans un métier
19:14 en tension et si on justifie
19:16 d'un certain nombre d'années de résidence en France,
19:18 trois ans. Le Sénat débattit
19:20 article 3, ça devient article 4 bis,
19:22 c'est un pouvoir discrétionnaire
19:24 du préfet, mais il y a quand même des régularisations,
19:26 et en commission, c'est donc
19:28 un article de compromis, c'est un droit
19:30 automatique, à part si le préfet
19:32 s'y oppose, en cas de menace de trouble à l'ordre
19:34 public, de non-respect des valeurs de la République,
19:36 ou encore de polygamie,
19:38 mais ça peut encore bouger en séance,
19:40 puisque Gérard Ménard... - Il peut y avoir une quatrième version.
19:42 - Il peut y avoir une quatrième version, en tout cas,
19:44 le ministre de l'Intérieur est ouvert. Là encore, la marge
19:46 de manœuvre, elle est vraiment, vraiment très fine.
19:48 On peut jouer sur les conditions,
19:50 le nombre de mois à avoir travaillé,
19:52 on peut jouer aussi sur
19:54 le durcissement, le raccourcissement de l'expérimentation,
19:56 c'est 2028, on peut couper à
19:58 2026, on peut aussi évoquer
20:00 un chiffre maximal de bénéficiaires,
20:02 ça, ça ressemble à des quotas, c'est quand même très compliqué
20:04 à mettre en place. - Pour ceux qui vont suivre sur
20:06 LCP, parce que la chaîne parlementaire
20:08 diffuse à partir de lundi,
20:10 16h, l'intégralité de ce débat, quand on
20:12 arrive à l'article 3, faut se dire
20:14 "Attention, là, c'est Casus Belli, si
20:16 il est adopté, ça veut dire que c'est bon pour l'ensemble du texte,
20:18 est-ce qu'on peut voir les choses comme ça ?" - Non, non, ça sera
20:20 plus complexe que cela, d'autant que
20:22 l'article 3, ou
20:24 ex 4 bis, n'est pas seulement
20:26 un article de rapport de force entre la majorité
20:28 et la droite, c'est un article qui peut diviser la majorité.
20:30 C'est-à-dire, s'il n'est pas assez généreux
20:32 avec les demandeurs d'emploi, s'il n'est pas assez généreux
20:34 dans la régularisation, la gauche
20:36 de la Macronie peut lâcher le texte.
20:38 Et là, ça crée une équation très difficile à résoudre
20:40 pour Gérald Darmanin. - C'est un casse-tête, c'est
20:42 pouvantable. - Oui, c'est très très compliqué, et ce qui me
20:44 frappe, c'est le contraste avec le précédent
20:46 projet de loi porté par Gérard Collomb,
20:48 où justement, la majorité
20:50 avait arrivé à l'Assemblée,
20:52 elle avait une majorité en vérité absolue, et auprès
20:54 de l'opinion, comme un point d'équilibre entre
20:56 la gauche qui trouvait le texte trop sévère
20:58 et la droite trop laxiste.
21:00 Là, on voit une fois de plus
21:02 le reflet de ce
21:04 jeu politique, de ce champ politique
21:06 et parlementaire complètement fracturé.
21:08 Et c'est vrai que sur les métiers en
21:10 tension, sur la question de la régularisation,
21:12 qui avant était un véritable chiffon
21:14 rouge pour les électeurs de droite
21:16 et ceux du Front National, rappelez-vous la régularisation
21:18 sous Lionel Jospin en 97-98,
21:20 là, je dis pas que ça passe crème
21:22 auprès des Français, mais c'est beaucoup
21:24 moins tendu, parce qu'on est aussi
21:26 dans un contexte, Mériam, très particulier
21:28 où le chômage, en termes de
21:30 préoccupations, s'est évaporé.
21:32 Les préoccupations des Français, dans l'enquête
21:34 Sud Radio dont je parlais, ce n'est plus que là,
21:36 tenez-vous bien, 13e préoccupation
21:38 des Français. On est quand même loin
21:40 des années passées. - Oui, ça c'est intéressant,
21:42 parce que ça c'est aussi quand même une forme de désaveu
21:44 pour Marine Le Pen, parce qu'elle, elle veut pas
21:46 du tout entendre parler de régularisation
21:48 quelle qu'il soit, et ça, les Français sont
21:50 en porte-à-faux avec la fameuse
21:52 préférence nationale. - Ce qu'on voit aussi dans
21:54 certaines études d'opinion, c'est que les Français ont compris
21:56 qu'il y a des gens qui bossent,
21:58 qui occupent des emplois, et que, bon,
22:00 il est quand même légitime de les régulariser,
22:02 et ça, c'est quand même
22:04 du bon sens. Pour le coup,
22:06 Marine Le Pen n'arrête pas d'invoquer le bon sens,
22:08 mais là, elle en manque. Et donc, c'est
22:10 sur ce plan-là qu'elle est dogmatique.
22:12 Après, le jeu de Darmanin,
22:14 quand même, c'est qu'il... Plus il avance,
22:16 plus il négocie, il fait faire des petits pas
22:18 aux uns et aux autres, et finalement,
22:20 il se dirige peut-être vers un compromis
22:22 qui finira par lui être bénéfique.
22:25 - Féris Bakat, je veux pas vous demander
22:27 ces textes, oh là là, les articles,
22:29 les compliqués, et puis je pense que
22:31 beaucoup de gens n'y comprennent rien, mais
22:33 en même temps, est-ce qu'on en parle,
22:35 dans les quartiers ? Est-ce que ces textes
22:37 "immigration", le fait que
22:39 ça fait quasiment deux ans qu'on...
22:41 Il va y avoir ce projet de loi,
22:43 un coup, il arrive, il repart, etc., c'est un sujet
22:45 qui est quand même très fort dans l'actualité,
22:47 dans les médias. Qu'est-ce qu'on en dit ?
22:49 Qu'est-ce qu'ils disent, ceux à qui
22:51 vous parlez, écologiste ?
22:53 - Alors, je suis pas forcément
22:55 celui qui va représenter tout le monde.
22:57 - Ah non, non, non, je fais juste un retour de terrain.
22:59 - De ce que je constate, c'est que,
23:01 en tout cas pour ma part, et les jeunes qu'on forme,
23:03 c'est pas forcément un sujet,
23:05 c'est très théorique, c'est assez déprimant
23:07 comme débat.
23:09 Par contre, quand on fait des formations et qu'on aborde,
23:11 par exemple, la question de la migration climatique,
23:13 un sujet qui est souvent abordé et qui est jamais
23:15 mis sur la table, qui est la cause,
23:17 qui est la cause, en fait, simplement. Pourquoi les gens se déplacent ?
23:19 Et Dieu se rie de ceux qui déplorent
23:21 les conséquences dont ils chérissent les causes.
23:23 Et en l'occurrence, les causes, c'est quand on voit,
23:25 d'un point de vue macro, l'Occident
23:27 qui fait des ravages parfois
23:29 dans d'autres continents, quand on prend
23:31 les massacres en RDC, quand on prend plein de choses,
23:33 jamais on met ça sur la table, parce qu'il paraît que c'est pas le sujet.
23:35 Alors si le sujet, c'est commenter la politique
23:37 et des jeux politiques,
23:39 il y en a qui commentent, il y en a d'autres qui la vivent,
23:41 et ceux qui la vivent, en l'occurrence,
23:43 quand on parle de supprimer l'AME,
23:45 ou ce genre de choses, même si ça a été rétabli après,
23:47 c'est des gens qui,
23:49 on va encore plus loin dans l'indignité,
23:51 et même en termes de santé publique,
23:53 ça n'a pas trop de sens, donc ouais,
23:55 c'est juste, à nouveau,
23:57 une discrimination supplémentaire où on fait
23:59 des liens entre immigration et insécurité de manière
24:01 constante, mais sans jamais poser
24:03 la question de la cause, et sans avoir une vision
24:05 un peu plus macro, pour se dire qu'est-ce qu'on fait
24:07 pour que le débat arrête de se radicaliser,
24:09 parce qu'on commence à rentrer dans une banalisation du sujet
24:11 qui, je pense, fait peur,
24:13 en tout cas, moi, en mon nom, je peux dire que...
24:15 -Vous faites peur, cette banalisation, par la migration,
24:17 comme vous parlerez de la météo ?
24:19 -On droitise le sujet comme si c'était
24:21 normal qu'on arrive à, à ce point,
24:23 partir du principe et du prérequis
24:25 qu'il y a un problème de base, de fait,
24:27 en matière d'immigration, à cause de l'origine,
24:29 mais est-ce qu'on peut se poser la question du pourquoi,
24:31 est-ce qu'on peut essayer juste d'interroger
24:33 les conséquences sociales,
24:35 l'environnement social d'un individu,
24:37 j'ai l'impression que ça s'est simplifié,
24:39 banalisé, et c'est un peu triste.
24:41 -Qui veut réagir, Christophe Barbier ?
24:43 -On a un problème d'immigration, parce qu'on a un problème
24:45 d'intégration, et qu'on n'arrive pas à rendre heureux
24:47 les immigrés qui sont venus, certains, il y a longtemps,
24:49 d'autres, plus récemment, pour travailler dans ce pays,
24:51 pour faire leur vie, et on voit bien que ça coince.
24:53 On a, sur l'ascenseur social, eu beaucoup de difficultés,
24:55 sur l'intégration par les valeurs républicaines,
24:57 on en a d'autres, on a des cultures
24:59 qui résistent, on a une attraction républicaine
25:01 qui faiblit, on n'arrive plus à résoudre
25:03 cette équation. -Et pourquoi ?
25:05 Et pourquoi on ne s'y attaque pas vraiment ?
25:07 -Il y a plusieurs raisons. D'abord, on a eu la disparition
25:09 de puissants moteurs d'intégration.
25:11 L'Église catholique, qui a intégré beaucoup,
25:13 mais qui, là, s'est trouvé confronter une population
25:15 qui n'était pas du culte catholique, c'était compliqué.
25:17 Le Parti communiste, qui a intégré énormément,
25:19 les ouvriers des usines, mais aussi ceux
25:21 qui étaient dans les clubs de foot le week-end,
25:23 le Parti communiste s'est effondré en même temps que la culture industrielle,
25:25 il n'est plus là. L'école,
25:27 qui était un puissant moteur d'intégration,
25:29 se retrouve concurrencée par les réseaux sociaux,
25:31 par des résistances familiales, et l'école n'a peut-être plus
25:33 aussi les moyens qu'elle avait avant.
25:35 Bref, ça coince de partout pour réussir
25:37 ce "melting pot", ce creuset républicain.
25:39 Ajouter à cela que
25:41 le pays s'est appauvri, qu'on a des problèmes
25:43 de croissance, qu'on n'a pas réussi
25:45 la mixité sociale des logements,
25:47 les difficultés urbaines, tout ça a fait
25:49 qu'on se retrouve dans une situation extrêmement compliquée,
25:51 confrontée à des migrations qui sont plus nombreuses,
25:53 notamment parce que les migrations climatiques s'ajoutent
25:55 aux migrations de la faim, de la pauvreté ou de la guerre.
25:57 -C'est complètement absent, même de la réflexion
25:59 à ce stade du gouvernement,
26:01 au-delà même de ce texte. Frédéric Dhabi ?
26:03 -Ce que dit Féris Barkat est extrêmement juste,
26:05 avec le lien migration-climat,
26:07 personne ne le fait.
26:09 Ce sont des enjeux qui sont complètement
26:11 hermétiques. Alors, tout à l'heure,
26:13 quand j'ai parlé de durcissement de l'opinion publique
26:15 dans le contexte, d'ailleurs, que Christophe vient
26:17 de rappeler, il ne faut pas non plus croire
26:19 que les Français sont d'un seul tenant
26:21 là-dessus. Moi, je suis frappé de voir
26:23 que malgré les coups de boutoir,
26:25 malgré un climat qui peut être
26:27 perçu comme extrêmement défavorable
26:29 à l'immigration,
26:31 quand l'IFOP, et c'est une question que nous posons
26:33 depuis une vingtaine d'années, notamment avec la fondation
26:35 Jean Jaurès, l'idée que c'est le devoir
26:37 de la France d'accueillir des personnes
26:39 qui ont la guerre ou la misère, on trouve toujours
26:41 une petite majorité de Français qui se déclarent
26:43 favorables. Les Français peuvent être vus
26:45 aussi également comme rocardiens.
26:47 La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde,
26:49 mais doit y prendre sa part. -Mais la liste de la France.
26:51 -Le durcissement, il est lié, à mon avis,
26:53 à cette idée de perte de contrôle que l'Etat
26:55 n'est plus maître chez lui et n'arrive pas à organiser
26:57 sa politique migratoire
26:59 plus qu'un rejet épidermique
27:01 ou catégorique à l'égard
27:03 du phénomène des migrations.
27:05 -Pour se projeter sur les
27:07 différentes issues possibles,
27:09 on va parler du 49-3 dans un instant,
27:11 mais Elsa, combien
27:13 de voix doit trouver ce gouvernement ?
27:15 -Voilà, parce que la politique, c'est des argumentaires
27:17 et puis à la fin, c'est des mathématiques.
27:19 On le rappelle, les députés, ils sont 577.
27:21 Alors, s'ils sont
27:23 tous là le jour J au moment du vote,
27:25 et c'est rarement le cas, il faut 289 voix
27:27 pour avoir la majorité absolue.
27:29 La majorité, elle en dispose de 251.
27:31 Si tout le monde vote comme un seul homme,
27:33 il en faut donc 38.
27:35 On espère en avoir une bonne partie
27:37 du groupe Lyot, Liberté indépendante
27:39 et Outre-mer, peut-être 17, 18.
27:41 Le reste, il faut soit des voix pour,
27:43 soit le double en abstention.
27:45 Donc ça apparaît très, très compliqué.
27:47 Maintenant, c'est très difficile de se projeter sur le texte final
27:49 parce que même au sein du gouvernement, de la majorité,
27:51 on dit qu'il peut évoluer.
27:53 Très difficile de faire tous ces calculs,
27:55 mais en tout cas, c'est l'objectif.
27:57 -Et là encore, si Marine Le Pen s'abstint, ça passe.
27:59 -Ça passe, normalement.
28:01 Les seules voix de la majorité peuvent suffire si elle s'abstient.
28:03 C'est pas franchement ce qu'elle laisse supposer
28:05 en ce moment, dernièrement.
28:07 -Le 49-3,
28:09 il est si insupportable,
28:11 il est si difficile...
28:13 -Il est envisageable, au bout de tout ce processus.
28:15 Et puis, surtout,
28:17 c'est moins dramatique que le 49-3
28:19 envisagé dans la perspective de la réforme des retraites.
28:21 Parce que là, le gouvernement peut se permettre
28:23 d'abord d'aller au vote,
28:25 et de voir ce que ça donne,
28:27 pour renvoyer tout le monde à ses responsabilités,
28:29 et ensuite, peut-être,
28:31 justement, pour expliquer
28:33 que dans ce cas-là, il faut absolument
28:35 qu'une loi soit prise,
28:37 adopter la loi par le 49-3,
28:39 et probablement, ensuite,
28:41 la motion de censure ne passera pas.
28:43 -Oui, c'est ça. Expliquez ça aussi.
28:45 Les gens comprennent pas, parce que ça fait des espèces
28:47 de scénarios, de projections, etc.
28:49 Le gouvernement a verrouillé,
28:51 d'une certaine façon, avec
28:53 le centre-gauche, le groupe Liott,
28:55 qu'il n'y aura pas de majorité
28:57 pour faire tomber le gouvernement
28:59 en cas de motion de censure post-49-3.
29:01 -Non, j'imagine mal
29:03 une motion de censure
29:05 recueillir une majorité, parce que là aussi,
29:07 ça serait une addition de voix à ses contraires.
29:09 Le schisme qui s'est produit dans le groupe LR
29:11 au moment du débat sur les retraites,
29:13 qui a amené un certain nombre de députés LR
29:15 à supprimer la motion de censure Liott
29:17 et donc à passer tout près d'un gouvernement renversé,
29:19 on ne retrouvera pas cette alchimie-là,
29:21 je ne pense pas.
29:23 En revanche, je vois mal comment le gouvernement
29:25 va éviter le 49-3, ce qui sera déjà une forme d'échec politique.
29:27 Mais le 49-3 des retraites,
29:29 il violait aussi les foules dans la rue,
29:31 l'expression démocratique de milliers de gens
29:33 qui ont manifesté pendant des semaines.
29:35 Là, y a pas de manifestation contre la loi immigration.
29:37 Donc c'est un 49-3 entre-parlementaire,
29:39 d'exécutif contre-parlementaire,
29:41 c'est pas un 49-3 qui bouscule la rue
29:43 et qui bouscule les manifestants et les syndicats.
29:45 - Il est beaucoup moins tabou que celui sur les retraites.
29:47 Et ça, les Français vont le sentir,
29:49 parce qu'on dit beaucoup, le 49-3,
29:51 la société française ne le supporte plus,
29:53 c'est au Parlement de voter.
29:55 Est-ce que là, en l'espèce, sur ce sujet-là,
29:57 il pourrait être compris par les Français ?
29:59 - Je pense, beaucoup moins inflammable
30:01 que la réforme des retraites,
30:03 parce qu'effectivement, la rue,
30:05 y a été défavorable, et également l'opinion publique,
30:07 2/3 à 3/4 des Français.
30:09 Là, on a une opinion qui serait plutôt favorable
30:11 d'un Michel Rocard utilisant 38 fois le 49-3
30:13 sans aucun problème, à Isaëlle Borne,
30:15 qui se trouve complètement enquisté.
30:17 Son image, maintenant, c'est Madame 49-3,
30:19 qui a une image, maintenant,
30:21 d'autoritarisme,
30:23 de passage en force,
30:25 de brutalité et de déconnexion
30:27 avec ce qu'attendent les Français
30:29 de l'horizontalité, du dialogue,
30:31 également une action avec une majorité ouverte.
30:33 - Donc c'est quand même un moment de bascule,
30:35 quel que soit le scénario, il va se passer,
30:37 il y aura des conséquences tirées.
30:39 - Vous avez voté votre risque, alors 49-3,
30:41 Elsa ? - Alors moi, je pariais aussi sur le 49-3,
30:43 mais c'est vrai que les députés de la majorité
30:45 n'en veulent pas, parce que le 49-3, c'est un cadeau,
30:47 un cadeau fait à la droite, qui, encore une fois,
30:49 comme sur les retraites, ne sera pas obligé de se prononcer.
30:51 Donc moi, j'ai envie de dire, je pense, 49-3,
30:53 mais pour voir, à la fin des fins, qui vote quoi,
30:55 je préférais qu'il y ait un vote.
30:57 - Sylvain ? - Oui, moi, je pense qu'il y a quand même
30:59 une chance que ça passe aux voix,
31:01 parce que, justement,
31:03 je trouve que Gérald Darmanin
31:05 mène assez bien
31:07 cette négociation,
31:09 où, finalement, tout en faisant
31:11 mine de rejeter,
31:13 les différentes parties
31:15 acceptent des petits bouts.
31:17 Et donc, à la fin, il peut peut-être y arriver.
31:19 - Pronostic de fin ? - Alors, un sondage n'est pas
31:21 un pronostic, donc un sondeur se garde
31:23 de faire des pronostics, si vous voulez dire.
31:25 - Mais quelle question ! Merci. En tout cas,
31:27 merci beaucoup. J'espère que c'était beaucoup plus clair
31:29 pour ceux qui nous regardent.
31:31 On l'a compris, coup d'envoi, lundi,
31:33 15h30 avec Brigitte Boucher,
31:35 16h dans l'hémicycle.
31:37 Il y aura des invités, du commentaire en direct.
31:39 Vous allez voir, ça va changer
31:41 le suivi des textes en direct
31:43 et en longueur sur LCP.
31:45 Merci à vous, merci d'être venus
31:47 nous décrypter tout ça. Vous restez avec moi,
31:49 Féris Barkat. Dans une dizaine de minutes,
31:51 les partis pris de nos affranchis.
31:53 Ce soir, le regard du philosophe Pierre-Henri Tavoyau
31:55 sur cette cérémonie
31:57 de la fête juive de Hanoukka,
31:59 célébrée à l'Elysée. "Uniforme",
32:01 c'est le mot de la semaine de notre sémiologue
32:03 d'Arrigrand. De quoi nous parlez-vous, Léa,
32:05 dans "Action Planète", Léa Falco ?
32:07 - On va faire un tour à la COP28 et parler d'un terme
32:09 dont on va beaucoup entendre, le stockage de carbone.
32:11 - Le stockage de carbone, je suis sûre que vous comprenez
32:13 mieux ça que moi, mais c'est
32:15 de vous qu'on va parler à présent,
32:17 Féris Barkat, et surtout de votre action,
32:19 votre association Banlieue Climat.
32:21 Faites-ces un an et rencontre un succès
32:23 important, incontestable même,
32:25 un peu partout en France. Non seulement
32:27 vous délivrez des formations certifiées
32:29 aux jeunes, mais vous créez aussi
32:31 des emplois. On voit ça dans l'invitation
32:33 de Meite Frémont, et on en parle
32:35 juste après.
32:37 ...
32:41 - Si on vous invite,
32:43 Féris Barkat, c'est parce que vous
32:45 nous alertez. Les quartiers
32:47 populaires doivent se saisir des
32:49 enjeux climatiques. Au coeur
32:51 de cette COP28, la question
32:53 du climat ne doit pas être réservée
32:55 aux élites. Bétonnisation
32:57 à outrance, passoire thermique,
32:59 les habitants de ces quartiers en sont
33:01 les premières victimes. Le problème,
33:03 c'est qu'aujourd'hui, personne n'aurait
33:05 les codes pour aborder le sujet
33:07 avec eux. - En tant que messager
33:09 issu des quartiers populaires, on a les mêmes références qu'eux.
33:11 Donc forcément, ça va passer. Parfois, ils disent "mais comment ça se fait
33:13 si le rapport du GIEC, c'est trop compliqué ?" Mais non, frérot.
33:15 Le monopole aujourd'hui sur l'écologie, de dire que l'écologie,
33:17 c'est les ours polaires et la réduction de je sais pas quoi.
33:19 Y a pas que ça. - Féris Barkat,
33:21 à 21 ans, vous défendez "dure comme
33:23 fer une écologie populaire".
33:25 Vous êtes un militant
33:27 et un activiste devenu une figure
33:29 emblématique de votre génération.
33:31 Le prestigieux magazine
33:33 Vanity Fair vous fait entrer dans son
33:35 palmarès des 30 nouvelles
33:37 têtes de moins de 30 ans
33:39 qui vont compter demain.
33:41 Cette conscience écologique, vous l'avez acquise
33:43 grâce à vos cours de philosophie.
33:45 Élève modèle, pur produit
33:47 de la méritocratie, vous vous êtes
33:49 donné une mission. Sensibiliser
33:51 les jeunes de banlieue au dérèglement
33:53 climatique et à ses conséquences
33:55 au quotidien avec
33:57 du très concret.
33:59 Objectif de votre association,
34:01 depuis un an, accompagner
34:03 les jeunes de 16 à 25 ans
34:05 vers les métiers de la transition
34:07 écologique. - On ne se rend pas compte que si
34:09 la terre, elle est morte, ils pourront même pas dépenser
34:11 leur argent, vous faites ce raccord.
34:13 Cette formation, en me montrant les risques,
34:15 ça m'a permis de me rendre compte
34:17 de l'importance des petits gestes du quotidien,
34:19 à quel point ça pourrait aider, même à petite échelle.
34:21 - Aujourd'hui, Féris Barkat,
34:23 vous avez réussi à imposer
34:25 votre voix dans les discussions
34:27 au sommet de l'Etat.
34:29 On a une interrogation ce soir.
34:31 Pourquoi la question climatique
34:33 est-elle un angle mort
34:35 des banlieues ?
34:37 - Réponse.
34:39 - Alors, justement, l'objectif,
34:41 c'est de montrer que c'est pas un angle mort.
34:43 C'est que la définition qu'on a de l'écologie n'est pas appropriée
34:45 à l'écologie que nous, on a dans la carrière.
34:47 C'était de révéler le fait que, OK, on appelle
34:49 écologie plein de choses, les ours polaires, la réduction
34:51 de je sais pas trop quoi, d'accord, mais nous aussi,
34:53 on a une autre écologie à proposer, l'alimentation,
34:55 la qualité de l'air, et nos ancêtres, tout simplement,
34:57 c'est parfois des paysans qui ont immigré en France.
34:59 Et donc, cette écologie-là, on l'a en nous.
35:01 Et c'était juste l'objectif de la révéler.
35:03 On vient pas révolutionner quoi que ce soit.
35:05 - Oui, c'est passionnant parce que, justement,
35:07 vous, vous mettez en avant d'autres sujets,
35:09 beaucoup plus concrets, la santé notamment.
35:11 Mais elles sont où, les grandes voies de l'écologie
35:13 en banlieue ? Quand on parle d'angle mort,
35:15 c'est pas simplement par les habitants,
35:17 c'est aussi par les absents.
35:19 Les grands scientifiques, ils sont où
35:21 dans les quartiers ? Y en a pas ?
35:23 - Ça, c'est... Y en a, y en a. - Y en a ?
35:25 - Des scientifiques, y en a. - Qui viennent ?
35:27 - Qui viennent, on a bossé avec eux sur la formation,
35:29 mais effectivement, y a un angle mort au niveau
35:31 de l'écologie mainstream et au niveau de la représentativité,
35:33 mais là, c'est un problème limite-méritocratique.
35:35 C'est qu'est-ce qu'on fait au niveau de l'éducation
35:38 pour être sûr qu'au niveau, par exemple,
35:40 des rapports du GIEC, on a harmonisé les connaissances
35:42 pour que nous aussi, on ait une voix au chapitre.
35:44 Et nous, ce qu'on a essayé de montrer, c'est que le problème,
35:46 c'est le messager. Et donc, si nous, on vient
35:48 avec une autre identification, avec ce qu'on est,
35:50 ça va fonctionner. Donc le problème, c'est pas
35:52 les quartiers populaires, c'est comment on s'adresse à eux.
35:54 - C'est la question de la méthode, du comment.
35:56 On va d'ailleurs voir ça tout à l'heure.
35:58 N'empêche que c'est fou parce que quand on regarde
36:00 dans le détail, les cités sont plus vulnérables.
36:02 Y a la pollution de l'air,
36:04 y a la bétonisation,
36:06 y a les passoires thermiques, y a le manque d'espace vert.
36:08 Pourquoi on parle pas de ça ?
36:10 - Parce que justement, c'est définitivement...
36:12 - C'est de notre faute à nous, les médias ?
36:14 - C'est un monopole au niveau de l'écologie,
36:16 où vous, et de manière générale les médias,
36:18 on traduit l'écologie par ce qui était le plus mainstream.
36:20 Ah oui, d'accord, c'est le CO2 et c'est tout.
36:22 Et donc nous, on s'est dit... - La décarbonation.
36:24 - C'est ça. L'habillage de l'écologie, c'est ça.
36:26 On va s'appeler banlieue climat parce qu'aujourd'hui, le climat, c'est sexy.
36:28 Donc on va s'appeler banlieue climat.
36:30 Mais l'objectif, c'est de montrer les inégalités sociales
36:32 qui sont liées aux questions environnementales
36:34 et qui, en fait, se rejoignent et qui vont lier
36:36 tous les enjeux sociaux de manière générale.
36:38 - Alors justement, s'il parlait de trajectoire,
36:40 de décarbonation, de changement de modèle,
36:42 c'est trop abstrait. On va regarder comment
36:44 vous vous adressez aux jeunes. On a choisi un petit extrait
36:46 de votre chaîne YouTube. Regardez.
36:48 - C'est vraiment la merde.
36:50 Et donc c'est pas... J'entendais beaucoup les générations futures
36:52 et j'ai l'impression d'après, nos enfants,
36:54 nos ci, nos ça. Non, non, c'est nous.
36:56 Donc on n'est pas sur un sujet
36:58 "Est-ce que c'est kiffant ? Est-ce que c'est drôle ou pas ?"
37:00 On est juste sur un sujet de "Est-ce qu'on veut
37:02 survivre dans 10 ans ou est-ce qu'on veut que ça soit
37:04 la guerre totale ?"
37:06 - Alors le comment, c'est quoi ? Est-ce que c'est
37:08 une manière de parler ou est-ce que ce sont
37:10 des sujets spécifiques ?
37:12 - C'est à la fois une identification et à la fois
37:14 des références symboliques culturelles qui vont toucher nos publics.
37:16 - D'autres codes. - C'est ça.
37:18 L'identification, c'est parce que c'est Sana Saïtouli,
37:20 Abdelali, El Badawi, Cefiu,
37:22 donc les trois cofondateurs avec moi,
37:24 Cefiu qui a une icône dans les cartes populaires, parce qu'on a cette
37:26 identification qui va se faire, c'est plus simple.
37:28 Au niveau du comment, on aborde des références symboliques
37:30 comme les mangas, le rap, etc.
37:32 - Naruto, notamment.
37:34 - On va parler avec nos codes et ça va fonctionner.
37:36 Et donc cette manière-là,
37:38 parce que maintenant c'est certifié avec le ministère de l'Enseignement supérieur,
37:40 ça montre précisément
37:42 en quoi on arrivait à avoir
37:44 cette reconnaissance et cette légitimité,
37:46 nous aussi, sur les enjeux écologiques qui sont
37:48 soi-disant un peu élitistes. - Et sur les sujets
37:50 d'alimentation, la santé
37:52 notamment, ça, ça parle plus ?
37:54 - Oui, totalement, parce que c'est
37:56 concret. Et là, l'objectif,
37:58 c'est de montrer à quel point... - Exemples.
38:00 - Par exemple, quand on prend la qualité de l'air,
38:02 les particules inhulaies, les particules fines,
38:04 les PM1 toutes petites qui rentrent dans le cerveau,
38:06 vous prenez juste les enfants qui déclenchent de l'asthme.
38:08 C'est plus présent dans les quartiers populaires.
38:10 Précisément à cause du fait que les autoroutes
38:12 et les particules fines, elles sont plus là.
38:14 Vous prenez 19 000 morts en 2003 à la canicule,
38:16 le plus de morts, c'est où ? C'est Val-de-Marne et Saint-Samy.
38:18 Donc vous prenez à peu près tout et vous voyez qu'on est
38:20 les plus exposés. Et en même temps, on nous fait croire que c'est pas un sujet pour nous.
38:22 Donc c'est ce constat-là où on s'est dit
38:24 "Attends, comment ça ? Nous aussi, on a un truc à dire
38:26 sur le sujet." On a surtout une place à prendre
38:28 parce que sinon, personne ne va faire l'effort
38:30 de révéler ces inégalités sociales et climatiques
38:32 parce qu'elles ont été banalisées.
38:34 Le manque d'espace vert, ça pose un problème à personne.
38:36 Donc nous, on a revêtu un peu cette image
38:38 banlieue-climat pour parler de climat
38:40 et des enjeux sociaux parce qu'on a vu
38:42 qu'il y avait une hype autour de la question climatique.
38:44 Si ça était le tiramisu, on se rappelait
38:46 banlieue-tiramisu. Le but, c'est pas ça.
38:48 Le but, c'est de dire comment on peut
38:50 véritablement mettre en avant les enjeux sociaux
38:52 et climatiques et ça devient un peu un prétexte.
38:54 - Oui. Et ce qui est intéressant aussi,
38:56 c'est que, je comprends, mais c'est que vous culpabilisez
38:58 jamais. Il n'y a pas ce côté
39:00 un petit geste ou même un grand geste
39:02 parce que quand on ne prend jamais l'avion,
39:04 c'est pas la peine de
39:06 commencer à fermer
39:08 cette porte-là de l'avenir. Et ça, c'est important.
39:10 - On évite de sur-individualiser
39:12 et de sur-responsabiliser le comportement en disant
39:14 au fond, il y a l'adaptation,
39:16 il y a les enjeux locaux,
39:18 il y a plein de choses qu'on peut faire,
39:20 mais essayer d'expliquer
39:22 que ton problème, c'est parce que tu n'as pas trié
39:24 les déchets, qu'il y a le réchauffement climatique, ça ne va pas le faire.
39:26 Parce que ça va créer de la frustration. Donc nous, on a mis la connaissance
39:28 et de la connaissance, on arrive à la cohérence.
39:30 Mais nous, on ne va jamais dire "faites ci" ou "faites ça".
39:32 Par contre, ce qu'on va proposer, c'est des projets de terrain,
39:34 résilience alimentaire à Bagnolet, on a fait un truc
39:36 autour du sport et du climat
39:38 avec François Hollande à Strasbourg. - Oui, c'est ça.
39:40 - On a fait pas mal d'actions collectives
39:42 où on essaye de mettre la responsabilité sur le collectif
39:44 plus que sur l'individu. - Et ça marche parce que
39:46 vous en venez des quartiers populaires,
39:48 Ferris-Barcade. Racontez-nous un petit peu.
39:50 Vous avez grandi à Strasbourg, dans une cité.
39:52 Vous êtes un très bon élève,
39:54 une excellente élève,
39:56 mais c'est vrai.
39:58 Qui a joué un rôle clé pour vous ?
40:00 Qui vous a permis de croire en vous ?
40:02 - Moi, c'est des...
40:04 C'est des professeurs qui m'ont beaucoup,
40:06 beaucoup aidé. Mes parents étaient très présents aussi
40:08 à la maison. J'avais pas de frères et sœurs,
40:10 donc ils ont essayé de me sortir
40:12 des difficultés. Il y a une prof, un jour,
40:14 qui m'a pris son aile et qui m'a beaucoup, beaucoup aidé.
40:16 Et je me disais comment une trajectoire
40:18 peut changer à travers une personne.
40:20 Et nous, dans les quartiers en tout cas,
40:22 et quand tu prends le chemin des transfuges
40:24 de manière générale, c'est beaucoup basé sur des personnes.
40:26 Alors que dans les quartiers riches, on va dire,
40:28 là, l'école, elle fait son taf. Là, l'environnement,
40:30 il est là. Et donc nous, on base tellement sur des personnes
40:32 que nous aussi, on a envie d'être avec,
40:34 bon, le climat, ces mêmes personnes pour les jeunes
40:36 qu'on accompagne. - Vous auriez pu devenir philosophe.
40:38 On va accueillir Pierre-Henri Tavoyot.
40:40 Vous êtes quand même allé à Londres, dans une des meilleures écoles
40:42 du monde, la London School of Economics.
40:44 Et puis vous êtes rentré à Paris.
40:46 Donc vous avez lâché la philo.
40:48 Le déclic, l'engagement écolo,
40:50 ça vient d'où ? Vous vous êtes pas
40:52 tombé dedans petit, non ? - Non, non, non.
40:54 Il n'y avait pas forcément de déclic. En l'occurrence,
40:56 c'est juste une nécessité. J'avais pas le choix.
40:58 Ma mère est tombée très malade quand j'étais à Londres,
41:00 donc j'ai dû arrêter mes études pour m'occuper d'elle.
41:02 Et puis, quand tu commences
41:04 à regarder les liens de causalité,
41:06 ou en tout cas de corrélation entre les cancers
41:08 et les particules fines, ou en tout cas
41:10 les exposomes, ce qu'on appelle en environnement,
41:12 tout ce qui... ce à quoi on est exposé,
41:14 tu te rends compte qu'on est les plus vulnérables
41:16 et donc c'est comme ça que mon engagement est né.
41:18 Mais "engagement", c'est un peu un mot hype,
41:20 dire "ah, c'est bon, t'es engagé, c'est cool", mais en vrai, on s'en fout.
41:22 C'est juste, t'as pas le choix. Et nous,
41:24 dans les quartiers, on n'a pas le choix de
41:26 prendre en main notre destin, parce que sinon, personne
41:28 va le prendre en notre place. - Alors ce qui est formidable
41:30 aussi, c'est que non seulement il y a 100 formations,
41:32 100 formations en un an,
41:34 c'est beaucoup, mais en plus,
41:36 il y a des formateurs. C'est vous qui les formez.
41:38 - 100 jeunes formés, ouais. Donc on a fait
41:40 5-6 villes, Bagnolet, Lémureau,
41:42 Grigny, pas mal de villes en Ile-de-France
41:44 et aussi à Strasbourg. Et donc, effectivement, pour le moment,
41:46 on les a formées
41:48 sur un an. Ça fait qu'un an que Laurence Tubana
41:50 est devenue notre marraine, récemment, et on a fêté
41:52 nos un an. Pour 2024, il y a beaucoup
41:54 de villes qui nous attendent, et donc on a un enjeu
41:56 de se déployer un peu partout, parce que la formation,
41:58 c'est le début. C'est la légitimité, c'est comme ça
42:00 que nos publics... On sait très bien que, vu que c'est
42:02 illiquiste, comme on l'a dit au début, il y a un angle mort, etc.,
42:04 on se dit "vas-y, c'est pas pour nous". Il faut qu'on vienne avec une
42:06 formation carrée sur les chiffres, intransigeant.
42:08 Quand la conseillère de la ministre, elle vient à Bagnolet,
42:10 elle écoute les chiffres, elle se dit "mais attends, comment ça les jeunes, ils savent
42:12 le nombre exact d'agriculteurs en 1850 ?"
42:14 Ben c'est précisément parce qu'on a fait ce travail
42:16 intransigeant, de rigueur,
42:18 sur les connaissances. Une fois qu'on a fait ça,
42:20 là, après, on peut déployer des actions, mais c'est
42:22 un peu un prérequis, qui,
42:24 après, harmonise les connaissances, et après,
42:26 on outille sur des actions, et là, ça,
42:28 c'est le territoire, les jeunes,
42:30 des associations locales avec qui on bosse, qui décident
42:32 de vers où elles veulent aller, mais nous,
42:34 on est juste l'étincelle.
42:36 - Alors, c'est formidable, parce que c'est certifié,
42:38 on voit que ça permet
42:40 aussi de s'émanciper,
42:42 ça permet de s'en sortir, et d'avoir
42:44 un avenir, puisqu'il y a des emplois
42:46 de formateurs à la clé.
42:48 Vous faites aussi, d'une certaine façon,
42:50 de la politique, parce qu'il y a du
42:52 plaidoyer, c'est ça les ONG, quand elles défendent
42:54 des causes, sans être trop "hype"
42:56 avec des termes, mais quand même,
42:58 vous avez rencontré François Hollande, sa fondation,
43:00 la France t'engage, vous avez aussi
43:02 rencontré le chef de l'Etat,
43:04 plusieurs ministres, ça, ça vous plaît ?
43:06 C'est une partie du job que vous aimez ?
43:08 - Non, du tout, c'est...
43:10 c'est horrible.
43:12 Moi, c'est un peu fatigant. Nous, on n'est pas
43:14 là pour ça, on est là pour être sur le terrain.
43:16 C'était pas le chef de l'Etat, c'était ses conseillers, mais...
43:18 - Oui, ses conseillers, pardonnez-moi. - Effectivement, on est sur
43:20 ce sujet à chaque fois, d'essayer de
43:22 s'institutionnaliser, parce qu'on est obligé de passer par cette reconnaissance,
43:24 mais en même temps, on veut pas montrer qu'on
43:26 légitime la hiérarchie, on veut pas
43:28 légitimer le système de domination, donc on dit, on vient
43:30 vous voir, peut-être avec notre manière de parler, avec notre
43:32 manière d'être, peut-être que ça va vous bousculer, c'est pas ça le sujet.
43:34 Notre sujet, c'est l'urgence des jeunes
43:36 qu'on est en train d'accompagner, qui ont besoin d'un emploi,
43:38 qui ont besoin d'un taf, qui ont besoin de s'émanciper.
43:40 Et donc, parfois, on est obligé
43:42 de s'institutionnaliser, de passer
43:44 par la reconnaissance du ministère
43:46 de l'Enseignement supérieur, pour passer par un diplôme, par un certificat,
43:48 parce que c'est parfois leur premier diplôme de leur vie.
43:50 - Mais vous ne le vivez pas comme quelque chose
43:52 de forcément évident, pour vous ? - Pas évident, et pas...
43:54 - Donc, vous engagez
43:56 en politique, jamais ?
43:58 - C'est pas prévu, là. - Non, c'est pas prévu.
44:00 Vous restez sur le terrain associatif.
44:02 Qu'est-ce qui vous révolte le plus,
44:04 Féris Barcart, aujourd'hui ?
44:06 - La banalisation de nos...
44:08 de l'indignité.
44:10 À quel point c'est devenu normal ?
44:12 On pose même plus la question
44:14 de la qualité de l'air dans les quartiers populaires.
44:16 C'est devenu une externalité négative en économie.
44:18 Donc, on ne parle pas de ce sujet-là.
44:20 - Vous parlez d'une impuissance acquise, ça veut dire quoi ?
44:22 - Ça, c'est très lié sur la responsabilité individuelle.
44:24 C'est comment on crée
44:26 de l'impuissance en disant "c'est votre faute".
44:28 Alors que, de fait, c'est le contexte social
44:30 et le contexte environnemental et le contexte tout court
44:32 qui créent cette impuissance. Sauf qu'on la sur-individualise.
44:34 Donc, la personne internalise
44:36 l'échec, en disant "vas-y, si j'arrive pas
44:38 à faire ça, c'est ma faute", alors que peut-être que c'est l'école
44:40 ou c'est les messagers, ou c'est le contexte
44:42 de manière générale qui n'est pas approprié.
44:44 Donc, nous, au lieu de tout mettre sur l'individu,
44:46 on essaie de venir en disant "on est un collectif,
44:48 si on n'avance pas ensemble,
44:50 on n'avance pas".
44:52 - Merci beaucoup. Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter ?
44:54 Est-ce que vous êtes aussi un slammer ?
44:56 Si formidable, si...
44:58 Vos vidéos, etc.
45:00 Est-ce que ça vous tente aussi, cette partie-là,
45:02 plus artistique, dans l'écriture aussi,
45:04 ou pas du tout ?
45:06 - J'aime beaucoup écrire, mais il y a des gens qui l'écrivent
45:08 beaucoup mieux que moi, donc on a cette dimension un peu politique
45:10 parce qu'on se dit "nous aussi, on a le droit au beau".
45:12 On parle beaucoup de fissures d'espoir
45:14 pour nos jeunes, donc ce qu'on peut nous souhaiter,
45:16 c'est de créer encore pas mal
45:18 de fissures d'espoir pour 2024.
45:20 - Merci beaucoup. Merci à vous, Férisse Marcard.
45:22 Vous restez avec moi parce que c'est l'heure
45:24 d'accueillir nos affranchies, vous allez voir.
45:26 Leurs parties-pris vont sans doute
45:28 vous faire réagir. On les accueille tout de suite.
45:30 On termine cette émission
45:32 avec Pierre-Henri Tavoyau, du Collège de
45:34 Philosophie, Mariette Barry-Grand, notre
45:36 générologue. Installez-vous.
45:38 Léa Falco, pour commencer. Action
45:40 Planète, comme chaque vendredi.
45:42 À la COP28,
45:44 c'est votre chronique qui se déroule à Dubaï,
45:46 bien sûr. Ça paraît incroyable,
45:48 mais on parle pour la première fois de la
45:50 sortie des fossiles. - Eh oui,
45:52 c'est un petit peu dommage, effectivement, qu'il ait fallu 28
45:54 COP pour en arriver là, mais ça a l'avantage
45:56 de clarifier un petit peu la position de chacun.
45:58 Alors, petit rappel, évidemment,
46:00 le réchauffement climatique s'est provoqué
46:02 par des émissions excessives de gaz
46:04 à effet de serre qui, elles-mêmes, proviennent des énergies fossiles.
46:06 Charbon, gaz et
46:08 pétrole. Donc, du coup, si on veut
46:10 arrêter ou mitiguer le réchauffement climatique,
46:12 la ligne de vue a l'air d'être claire, même si
46:14 elle est évidemment loin d'être facile. On programme
46:16 et on organise l'arrêt de l'exploitation
46:18 des hydrocarbures. Sauf que
46:20 aujourd'hui, dans les textes de la COP,
46:22 dans les textes que vous retrouvez dans le négociation,
46:24 il y a beaucoup d'options sur la table. Alors, selon
46:26 les termes, il y a la sortie progressive des énergies
46:28 fossiles, la sortie juste
46:30 et ordonnée, ou tout simplement
46:32 un contournement pur et simple du problème,
46:34 en parlant de sortie des émissions
46:36 plutôt que de sortie des énergies fossiles.
46:38 - Vous croyez qu'il peut y avoir un accord sur la sortie,
46:40 même progressive, pour l'instant ? Il n'y a pas d'accord
46:42 international sur la question.
46:44 - Bah, évidemment, parce qu'en fait, il y a
46:46 beaucoup de pays qui sont des pays producteurs.
46:48 - La Chine, la Russie... - Voilà, il y a une coalition
46:50 carbone qui est en train de se mettre en place,
46:52 avec évidemment les pays producteurs
46:54 notamment du Golfe, avec l'Arabie saoudite en
46:56 premier lieu, la Chine, l'Inde,
46:58 qui sont d'ailleurs bien aidées par
47:00 les 2500 lobbyistes des énergies
47:02 fossiles accrédités à la COP, ce qui est un record absolu,
47:04 c'est 4 fois plus qu'à la précédente COP.
47:06 Donc, tout ça forme un ensemble
47:08 assez homogène, qui a une
47:10 demande assez claire. Ils ne veulent pas faire
47:12 figurer dans les textes la sortie des énergies fossiles.
47:14 Ce qu'ils disent, c'est qu'il faut continuer
47:16 à l'exploiter comme on le fait aujourd'hui,
47:18 mais qu'on va utiliser ce nouveau système
47:20 dont vous allez beaucoup entendre parler
47:22 dans les années à venir, le stockage et la capture
47:24 de carbone. Concrètement, on continue
47:26 d'émettre comme on le fait aujourd'hui, sauf que
47:28 on capte notamment le gaz et les
47:30 émissions à l'intérieur de NAP
47:32 ou là où étaient grosso modo
47:34 les énergies fossiles
47:36 auparavant. Donc, ces technologies-là,
47:38 sur le papier, c'est très sympa, sauf que dans la réalité,
47:40 non seulement elles ne sont pas matures, mais en plus
47:42 elles ne sont pas déployables à l'échelle
47:44 nécessaire aujourd'hui. Donc, c'est
47:46 une stratégie intelligente, mais
47:48 très clairement faite pour
47:50 repousser l'effort et éviter
47:52 d'avoir à affronter le problème climatique.
47:54 - Oui, donc la capture carbone, mauvaise
47:56 idée, en attendant, sans
47:58 accord sur les fossiles,
48:00 c'est une cope pour rien pour vous ?
48:02 - Pas tout à fait, parce que, alors,
48:04 même si c'est évidemment primordial, on est
48:06 loin de pouvoir être sûr que le mot
48:08 "fossile" sera même dans l'accord. Il y a deux autres
48:10 piliers très importants à regarder du côté énergétique,
48:12 c'est d'un côté la
48:14 réduction de... Enfin,
48:16 les économies d'énergie, on veut les doubler
48:18 dans ce texte-là, et de l'autre
48:20 côté, évidemment, le triplement des
48:22 investissements dans les énergies
48:24 renouvelables. Si ces deux piliers-là
48:26 de la stratégie énergétique sont assurés,
48:28 ce sera loin d'être une cope pour rien. Mais, évidemment,
48:30 il y a cette question fondamentale
48:32 de stockage carbone et des émissions,
48:34 puisque c'est une arène diplomatique.
48:36 La cope, il va falloir de toute façon mettre
48:38 toutes les parties d'accord vers
48:40 une formulation satisfaisante.
48:42 Il faut juste pouvoir espérer que la formulation
48:44 qui satisfasse les pays du Golfe
48:46 ne se fasse pas au détriment de l'habitabilité
48:48 de la planète entière. - Féris Bercard,
48:50 vous regardez de près ce qui se
48:52 joue, il ne reste plus beaucoup de temps, c'est la
48:54 semaine prochaine. - Ils veulent finir d'ici le 11, oui.
48:56 - Vous croyez qu'on peut arriver à mettre d'accord
48:58 des pays comme la Chine,
49:00 les Etats-Unis, sur la
49:02 sortie des fossiles, les pétromonarchies ?
49:04 - Vu que c'est une structure onisienne, comme l'a
49:06 rappelé Léa, c'est compliqué parce qu'il faut
49:08 l'unanimité. Et donc, de base,
49:10 la structure même de la cope est antinomique
49:12 avec le fait de trouver un accord. Donc, c'est un peu compliqué.
49:14 Après, tout ce qui est transition
49:16 ou sortie des fossiles, je pense qu'il
49:18 faut bien planifier ça, parce qu'il y a
49:20 toujours cet enchevêtrement des énergies,
49:22 parce qu'aujourd'hui, on crée des renouvelables grâce aux fossiles.
49:24 Donc, comment on sort de cette impasse ?
49:26 C'est un peu compliqué. Donc, voilà, bon,
49:28 la cope, elle est à Dubaï, j'ai pas trop d'espoir de base.
49:30 - De base, c'est Dubaï, c'est dire.
49:32 - Vraiment, c'est ça. - OK, merci
49:34 beaucoup, Féris Bercard. Vous restez
49:36 parce que ça va vous intéresser.
49:38 Vous vouliez revenir, Pierre-Henri Tavoyo, sur
49:40 la polémique autour de la célébration,
49:42 c'était hier soir à l'Elysée,
49:44 de la fête des enfants,
49:46 Ranouka, où on allume des bougies.
49:48 - Oui, donc, il faudra plus rappeler le contexte,
49:50 nous sommes la veille du 9 décembre,
49:52 qui est la journée de la laïcité, et le 7 décembre,
49:54 un épisode a eu lieu à l'Elysée,
49:56 où le président recevait
49:58 le prix Lord Jacobievicz,
50:00 qui est décerné au chef d'Etat
50:02 pour sa lutte contre l'antisémitisme.
50:04 Et à cette occasion,
50:06 il y a eu, alors, ce qui ressemble
50:08 à une cérémonie religieuse de Ranouka,
50:10 donc l'allumage de bougies...
50:12 - Il y a eu quand même des mots en hébreu
50:14 par le grand rabbin, Korsia.
50:16 - Oui, et donc, effectivement,
50:18 ça a suscité une polémique assez importante.
50:20 - Un tollé, même.
50:22 - C'est vrai que je pense personnellement
50:24 que c'est une situation assez malheureuse
50:26 à la fois pour la laïcité et pour le président de la République.
50:28 - Donc c'est une atteinte pour vous, à la laïcité ?
50:30 - Oui, de manière incontestable.
50:32 C'est une cérémonie religieuse
50:34 qui est organisée à l'Elysée,
50:36 je rappelle la base
50:38 de la loi de 1905.
50:40 La République
50:42 ne reconnaît, ne salarie
50:44 et ne subventionne aucun culte.
50:46 Donc, à l'évidence, on est dans une situation
50:48 où, pour le président,
50:50 le fait de mettre en scène
50:52 quelque chose qui est en lien avec la religion
50:54 à l'Elysée, c'est évidemment désastreux
50:56 parce qu'on se dit "Pourquoi ?
50:58 Pourquoi pas nous ? Est-ce qu'il va falloir
51:00 faire toutes les cérémonies religieuses
51:02 de toutes les religions à l'Elysée ? "
51:04 - Et puis c'est l'Elysée, c'est quand même
51:06 la Maison des Français, d'une certaine façon.
51:08 C'est une faute politique pour vous ?
51:10 - Oui, je pense que c'est fautif parce que ça témoigne
51:12 du fait qu'il n'a pas vraiment de boussole
51:14 en matière de laïcité, notre président.
51:16 J'avais défendu ici même sa présence
51:18 à la messe du pape
51:20 à Marseille en septembre parce que, justement,
51:22 il distinguait bien, à l'époque, le geste politique
51:24 de participer à une messe, mais de ne pas
51:26 participer au culte, donc il y avait bien une différence.
51:28 Là, c'est organisé à l'Elysée,
51:30 donc c'est beaucoup plus difficile de défendre ce genre de choses.
51:32 La deuxième chose, c'est qu'Isabelle Born
51:34 prend la défense de son président et dit "Oui,
51:36 mais dans le contexte actuel, vous comprenez que c'est un geste
51:38 en faveur de la lutte
51:40 contre l'antisémitisme, c'est important
51:42 d'être auprès de la communauté juive."
51:44 En effet, mais pourquoi, dans ce cas-là,
51:46 n'a-t-il pas participé à la fameuse
51:48 manifestation du 12 novembre,
51:50 où il n'a pas voulu y aller ?
51:52 D'une certaine façon, là, c'est vraiment le clivage.
51:54 D'un côté, il y a quelque chose qui réunit
51:56 tous les Français, c'est la lutte contre l'antisémitisme,
51:58 et puis là, il y a quelque chose qui est relatif
52:00 à une communauté. En tout cas, c'est une très belle fête.
52:02 Moi, j'aime beaucoup, c'est très sympathique,
52:04 on mange des petites choses frites, c'est formidable.
52:06 Mais voilà, ça ne concerne qu'une partie de la population
52:08 et donc là, il n'est pas dans son rôle.
52:10 Mais je pense que le point le plus profond,
52:12 et qui, moi, m'intéresse beaucoup, c'est que
52:14 il y a, chez Emmanuel Macron, un diagnostic
52:16 sur la crise de la démocratie.
52:18 Ce n'est pas une crise simplement politique,
52:20 c'est une crise, selon lui, spirituelle.
52:22 Je pense que, de ce point de vue-là,
52:24 il n'est pas dans l'erreur, c'est assez juste.
52:26 Simplement, il en tire la conséquence qu'il est absolument fasciné
52:28 par tout ce qui relève des religions.
52:30 Il regarde ça avec des yeux et ça fait bouillonner son cerveau.
52:32 Il oublie, je pense que c'est ça la clé,
52:34 que la laïcité, c'est une forme de spiritualité.
52:36 C'est une forme de spiritualité,
52:38 c'est pas une religion,
52:40 c'est pas concurrente des autres religions,
52:42 c'est une forme de spiritualité qui,
52:44 je l'appellerais la spiritualité des grandes personnes,
52:46 c'est-à-dire qui fait en sorte
52:48 que tout ce qui promeut,
52:50 ce qui permet de grandir l'homme,
52:52 eh bien, il faut le défendre.
52:54 A l'inverse, le contraire de la laïcité,
52:56 c'est le fondamentalisme, c'est-à-dire
52:58 tout ce qui rétrécit, c'est pas les religions,
53:00 c'est pas la religion, c'est le fondamentalisme.
53:02 Tout ce qui rétrécit, tout ce qui humilie,
53:04 tout ce qui enferme,
53:06 tout ce qui infantilise l'homme.
53:08 Et donc, c'est cette dimension de la laïcité
53:10 qui n'est pas simplement un principe juridique
53:12 et un principe de neutralité,
53:14 mais qui est véritablement un horizon.
53:16 Et c'est ça qu'il faut défendre, il faut vraiment
53:18 en prendre soin, et là, je trouve,
53:20 il n'en a pas pris soin.
53:22 - Merci pour ce parti pris. Vous avez une réaction.
53:24 Ca vous choque, vous ?
53:26 Qu'il y ait un rabbin
53:28 qui célèbre l'ouverture
53:30 d'une fête juive à l'Elysée,
53:32 avec le président ?
53:34 - Moi, c'est plus la laïcité à géométrie variable
53:36 qui peut me choquer, mais c'est dire
53:38 qu'il y a d'autres contextes
53:40 où, pour les musulmans, pour d'autres catégories
53:42 de populations, on serait allé beaucoup
53:44 plus loin dans la critique.
53:46 C'est pas tant la laïcité,
53:48 parce que c'est pas franchement un sujet
53:50 qui m'anime tous les jours,
53:52 mais c'est plus dans le contexte, à nouveau,
53:54 qui peut être difficile
53:56 pour aussi les humains
53:58 à Gaza, parce qu'on a vu
54:00 des journalistes qui, récemment, s'enfuyaient
54:02 et étaient sur le point de mourir.
54:04 Donc, le contexte est à prendre des deux côtés.
54:06 Je pense que, dans un contexte
54:08 comme ça, c'est d'autant plus compliqué
54:10 à légitimer. - Mais abrasif.
54:12 On va parler d'un mot.
54:14 Un mot qui, à mon avis, résonne aussi.
54:16 Aussi bien dans les quartiers
54:18 que dans les beaux quartiers,
54:20 si on peut dire ça comme ça. C'est le mot "uniforme".
54:22 Vous voulez revenir dessus ?
54:24 - Oui, parce que j'ai trouvé ça très amusant
54:26 que notre ministre de l'Education nationale
54:28 soit comme adjectif, il va mettre fin
54:30 au collège uniforme,
54:32 ou bien comme substantif,
54:34 c'est-à-dire les enfants vont porter l'uniforme.
54:36 Je me suis posé plusieurs questions d'élèves.
54:38 Est-ce que notre ministre veut nous faire
54:40 une leçon de grammaire ?
54:42 C'est une des choses les plus difficiles pour les enfants,
54:44 sur un plan cognitif, de faire la différence
54:46 entre l'adjectif et le substantif.
54:48 C'est une question philosophique.
54:50 Surtout qu'aujourd'hui, on ne parle même plus du nom
54:52 et de la caractérisation du nom,
54:54 mais du groupe nominal.
54:56 C'est un adjuvant du référent.
54:58 Moi-même, j'ai commencé à y perdre ma grammaire.
55:00 Je me suis dit que mon niveau baisse,
55:02 j'ai vite arrêté.
55:04 - C'était volontaire pour Gabriel Attal.
55:06 Vous pensez parler de collège uniforme
55:08 et non de collège unique ?
55:10 - Deuxième question, Myriam.
55:12 Est-ce que là, nous avons une leçon sur les figures de style ?
55:14 Ça se fait au collège, déjà.
55:16 Bien sûr, parce que là, le fémisme.
55:18 Le collège uniforme, c'est une façon atténuée
55:20 de parler du collège unique,
55:22 qui, comme formule, est toujours très abrasive.
55:24 Depuis, d'ailleurs, en 1975,
55:26 depuis que ça a été créé.
55:28 Donc là, oui, c'est adroit.
55:30 Au lieu de dire vraiment la chose qui peut fâcher,
55:32 le fémisme permet d'adoucir.
55:34 Je crois que de dire à des gens
55:36 "le collège unique uniformise les enfants",
55:38 ça se comprend dans une société
55:40 où chacun veut être unique,
55:42 soi-même ou son enfant.
55:44 - L'uniforme, c'est en contradiction.
55:46 - C'est ça qui était drôle.
55:48 L'uniforme fait exactement l'inverse.
55:50 C'est notre esprit égalitariste.
55:52 - La leçon, troisième question,
55:54 c'est substantivation adjectivale.
55:56 Est-ce que c'est là-dessus qu'on va nous renseigner ?
55:58 C'est possible. Vous savez,
56:00 quand on dit, par exemple, "les verts",
56:02 la couleur, l'adjectif, devient un nom.
56:04 Donc ça, c'est exactement ce qui se passe
56:06 quand on fait le mot "uniforme",
56:08 parce que j'ai bien vérifié, il n'y a pas d'uniformium
56:10 ou je sais pas quoi en latin.
56:12 C'est une qualité uniformis.
56:14 C'est une forme, et en latin, c'est large.
56:16 La forme, ça peut être la forme.
56:18 Et la couleur, d'où ma quatrième et dernière question,
56:20 absolument cruciale, Myriam,
56:22 de quelle couleur sera la blouse
56:24 scolaire du futur ?
56:26 Dans le temps, elle était grise,
56:28 très grise, comme un jour d'école
56:30 très ennuyeux. De quelle couleur, si elle existe,
56:32 cet uniforme scolaire ?
56:34 De quelle couleur va-t-il être ?
56:36 - Il faut qu'elle ne soit pas noire.
56:38 - Probablement pas noire.
56:40 Elle sera peut-être bleu-blanc-rouge,
56:42 elle sera peut-être de vert militaire, l'uniforme.
56:44 Alors moi, j'espère vraiment profondément
56:46 qu'elle sera de toutes les couleurs,
56:48 vous savez, comme le fameux cancre
56:50 de Prévert, vous vous souvenez ?
56:52 On a tous appris ça en sixième ou cinquième.
56:54 Sur le tableau noir
56:56 du malheur, il dessine
56:58 le visage du bonheur
57:00 avec des craies
57:02 de toutes les couleurs.
57:04 Toutes ces couleurs du collège, ça serait vraiment formidable.
57:06 - Merci pour ce cri du coeur.
57:08 On verra. Pour l'instant,
57:10 c'est peut-être expérimental, on n'en est pas
57:12 à l'uniforme partout au collège.
57:14 Vous en pensez quoi, vous, de cette idée
57:16 d'un uniforme pour terminer cette émission ?
57:18 Un uniforme à l'école ?
57:20 - Je sais pas. J'ai pas de creusettes.
57:22 Je pense que...
57:24 Non, pas d'avis.
57:26 - Ca peut réduire les inégalités sociales ?
57:28 - Effectivement, spontanément, on pourrait aussi
57:30 penser ça, mais après, ça renvoie aussi
57:32 à notre imaginaire très...
57:34 très normé, donc...
57:36 - Rétrograde. - Ouais. Donc,
57:38 question compliquée, j'ai pas d'avis sur tout,
57:40 pour le moment. - Oui, je comprends bien.
57:42 C'est tout à votre honneur, d'ailleurs.
57:44 - Les uniformes, et souvent, y a les chaussures
57:46 qui montrent aussi les différences sociales,
57:48 y a tous les accessoires, donc c'est vrai que sur l'argument
57:50 de l'égalité sociale, y a pas un argument extraordinaire.
57:52 - Surtout que les écoles sont déjà
57:54 dans une sorte de non-mixité sociale de base,
57:56 donc si c'est pour que tous les pauvres soient habillés
57:58 pareil, je sais pas si c'est le plus pertinent.
58:00 - Bien reçu.
58:02 - Chaque école pourrait avoir sa couleur,
58:04 mais bon, ça...
58:06 - Bah, écoutez... - On va faire de la discrimination
58:08 de couleur, c'est compliqué. - Si les ministres nous écoutent...
58:10 - L'uniforme des garçons et des filles,
58:12 c'est très compliqué aussi, et les autres.
58:14 - Ouais, c'est pas dangereux. - Effectivement.
58:16 - Voilà, donc ça... - Surtout pour les ados.
58:18 - Beaucoup de jouets. - Je sais de quoi je parle.
58:20 Merci beaucoup. On va s'arrêter là. Merci,
58:22 les Affranchis, Léa Falco,
58:24 Mariette Darigrand, Pierre-Henri Tavoyau,
58:26 revenez quand vous voulez, le vendredi,
58:28 bien sûr, pour vous deux, le jeudi, en général,
58:30 pour Pierre-Henri, et merci infiniment,
58:32 Féris Barkard, d'être venu sur le plateau
58:34 de LCP. C'est le week-end.
58:36 Profitez bien. A la semaine prochaine.
58:38 (générique)
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