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00:00 Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle émission dans laquelle je vais vous parler du dernier
00:15 livre que j'ai lu, dernier livre financier que j'ai lu qui s'appelle "Fooling some of the people
00:19 all of the time" donc qui signifie en gros tromper quelques personnes tout le temps,
00:25 qui a été écrit par David Einhorn, c'est le gérant dans Hedge Fund qui s'appelle Greenlight
00:30 Capital et dans ce livre il raconte une histoire qui est vraiment passionnante, l'histoire en fait
00:35 d'un seul trade, d'une seule de ses transactions alors qu'il en a fait plein d'autres à côté et
00:39 c'est une vente à découvert. Alors Greenlight Capital, le fonds dont on va parler c'est un fonds
00:43 activiste long short, alors long short ça veut dire qu'il a des positions acheteuses donc classiques
00:49 si vous voulez mais aussi des positions vendeuses à découvert pour profiter de la baisse, pour
00:54 vendre à découvert c'est très simple, enfin si vous avez un broker qui vous le permet, il faut
00:59 d'abord emprunter des titres, ces titres une fois que vous les avez vous pouvez les vendre et quand
01:04 vous voulez stopper votre position vous allez juste les racheter donc vous allez gagner quand
01:09 l'action ou l'indice ou peu importe baisse puisque vous allez d'abord vendre et ensuite acheter donc
01:15 l'inverse d'une position qu'on appelle longue, c'est à dire quand on va acheter et ensuite vendre.
01:19 Pour l'empreinte des titres c'est très simple, c'est le broker qui s'en occupe donc ils vont
01:23 être disponibles ou non et s'ils sont disponibles vous allez payer une certaine commission dessus,
01:28 ça peut être je sais pas 0,15, 0,2, 0,3 % par an, quand c'est des titres qui sont peu disponibles
01:34 vous pouvez payer bien sûr beaucoup plus cher quelques pourcents mais voilà. Sur la vente à
01:38 découvert ça reste simple, on emprunte, on vend et ensuite on rachète et puis je vous ai dit que
01:42 c'était un fonds activiste, activiste ça veut dire que c'est un fonds qui n'hésite pas à essayer
01:46 d'influencer la stratégie ou le management d'une entreprise. David Einhorn, sa stratégie c'est
01:54 d'avoir un portefeuille qui est bien concentré donc une dizaine de valeurs, pas forcément plus,
01:59 il va avoir sa première position qui doit pas dépasser, qui peut aller jusqu'à 20% ce qui est
02:04 quand même très très gros et ses cinq premières positions dans l'ensemble constituent entre 30
02:09 et 60 % de son portefeuille. Donc ça c'est pour la partie longue, pour la partie short, pour la
02:14 partie vendeuse à découvert, ce qu'il explique c'est qu'en fait il essaie d'avoir des positions
02:17 un peu plus petites, en général la moitié de ces longs, pourquoi ? Tout simplement parce que quand
02:23 vous êtes vendeur à découvert, si le marché va contre vous, si vous commencez à perdre,
02:27 votre position va augmenter. Si vous vendez à découvert une action qui vaut 100 et qu'elle
02:33 monte jusqu'à 150, votre position va gonfler alors que c'est à l'inverse en bourse normalement quand
02:38 on est long, quand on a une position standard, si elle perd 50% elle va représenter donc au départ
02:42 100 dans votre portefeuille, elle perd 50% elle va ne représenter plus que 50. Voilà donc pour se
02:49 protéger contre ça en fait il va y avoir des positions vendeuse à découvert en moyenne qui
02:53 vont être de la moitié de ses positions longues. Bref, revenons à notre histoire. Tout démarre par
02:58 un speech qui est donné par David Einhorn en 2002, speech qu'on peut d'ailleurs retrouver sur YouTube,
03:03 en tout cas en partie. Il est à ce moment-là invité à une conférence dans laquelle des
03:08 gérants de fonds, des investisseurs d'une manière générale se retrouvent, dont pas mal de gérants
03:13 de hedge funds. Alors c'est payant, c'est très cher, les fonds vont à des organismes caritatifs
03:18 etc. Vous connaissez le principe et donc certains des gérants de fonds sont invités pour pitcher
03:23 une idée, donc pour essayer d'expliquer pourquoi ils ont pris telle ou telle position. Donc dans
03:29 son speech, David Einhorn explique à l'audience qu'il vient de vendre à découvert une entreprise
03:33 appelée Allied Capital. Cette société c'est un peu une société de private equity, si vous voulez,
03:38 qui serait cotée en bourse. Elle fait surtout des prêts, en fait, elle fait des prêts à des
03:43 petites entreprises. Elle investit de temps en temps en action dans ces mêmes entreprises,
03:47 mais la plupart du temps elle fait des prêts. Des prêts qui sont risqués puisque ce sont des prêts
03:51 qu'on appelle des prêts mezzanine ou bien des prêts subordonnés, c'est-à-dire des prêts qui seront
03:56 parmi les derniers à être remboursés dans le monde de la dette. On parle souvent de dettes
04:00 senior qui vont être les premières à être remboursées et ensuite des dettes junior dont
04:04 ces prêts mezzanine ou bien ces prêts subordonnés qui ne seront remboursés que si les prêts senior
04:09 sont déjà remboursés. C'est une société qui jusqu'ici a plutôt bonne presse, elle est reconnue
04:14 d'ailleurs pour être généreuse en dividende depuis très longtemps, donc voilà c'est classé parmi les
04:19 actions de rendement si vous voulez. Elle est aussi bien aimée de Wall Street en général parce que
04:23 comme c'est une société financière, une société qui va faire pas mal de transactions, elle va
04:27 émettre des prêts, des obligations en rachetés, elle va acheter des actions dans des sociétés
04:33 non cotées, etc. Toutes ces transactions-là passent par les grandes banques de Wall Street
04:37 qui reçoivent des grosses commissions, donc c'est une entreprise qui est bien installée,
04:41 qui a pas mal de ramifications dans toutes les grosses banques, les Goldman Sachs, Morgan Stanley,
04:45 etc. Et David Einhorn explique que s'il a pris une vente à découvert, c'est qu'il a repéré un
04:49 problème dans cette entreprise, voire même plusieurs problèmes, mais le souci le plus
04:53 important c'est qu'il voit qu'Alight Capital, qui est en gros un portefeuille de prêts si vous voulez,
04:59 doit normalement valoriser les prêts qu'ils détiennent à leur "fair value", c'est à dire à
05:03 leur juste valeur. Or c'est pas du tout ce que fait Alight Capital. Alight Capital va valoriser les
05:08 prêts très souvent à leur coût et quand un de leurs créanciers n'est pas en forme, là où ils
05:13 sont censés normalement ajuster le prix du prêt pour dire "il est plus de 100, il est maintenant
05:18 de 80, de 70, de 60, etc.", eux décident quasiment systématiquement, voire même systématiquement,
05:24 de le garder à son coût, à son prix d'émission, là où d'autres concurrents, qui ont parfois
05:30 d'ailleurs des prêts plus seniors qu'Alight Capital, donc des prêts qui seront remboursés
05:34 en premier, eux vont faire du "mark to market" pour ceux qui est quand de ses côtés, ou bien
05:40 qu'ils vont mettre à la "fair value", à la juste valeur ces prêts, jusqu'au dernier jour,
05:45 jusqu'à la faillite, vraiment au moment où on sait qu'il va plus rien rester, ils vont garder
05:49 les prêts quasiment intactes dans leur bilan. Dans certains cas, ces prêts sont des obligations
05:53 sur lesquelles il y a des transactions qui ont lieu, pas des transactions sur un marché,
05:56 mais en tout cas des transactions de gré à gré, et donc sur lesquelles on peut trouver un prix,
06:00 suffit d'appeler les grandes banques et de dire à quel prix cote telle obligation,
06:05 et ils vont vous donner une fourchette de prix. Dans ces cas-là, on voit que le prix baisse,
06:09 mais Alight à nouveau laisse dans son bilan les obligations à 100% jusqu'à la faillite.
06:14 Alors suite à ce speech, l'action Alight va perdre directement 20% sur les marchés boursiers,
06:19 et ça va être perçu vraiment comme une déclaration de guerre entre Greenlight et
06:23 Alight. Greenlight, le hedge fund, vendeur à découvert, vu un peu en tout cas par Wall Street
06:29 comme le vautour, le méchant, le bad guy, etc. Et puis Alight, la pauvre entreprise qui essaye de
06:34 se défendre. Donc d'un côté, Greenlight va publier ses analyses, publiées sur son site internet,
06:40 des qui peuvent intervenir dans les journaux New York Times, Wall Street Journal, etc. Dans des
06:45 interviews, ils vont le faire pour pitcher cette idée, pour expliquer pourquoi on a affaire à une
06:49 quasi-fraude, voire même une fraude, on le verra tout à l'heure sur cette entreprise. Et puis de
06:54 l'autre côté, Alight, qui n'explique pas du tout, ils sont dans les clous, ils sont dans les règles,
06:59 ils ne comprennent pas ce qui se passe, qu'il y a un méchant vautour qui leur fait du mal. Et eux,
07:05 en fait, qui vont essayer de faire une campagne pour dénigrer non seulement le hedge fund,
07:09 mais la personne de David Einhorn, ils vont même jusqu'à voler ses relevés téléphoniques,
07:13 ses relevés personnels, les relevés téléphoniques aussi de Greenlight. Donc on le voit, c'est une
07:17 vraie guerre qui est démarrée. Alors évidemment, quand on lit le livre, on a tendance à prendre
07:21 parti et à penser, en tout cas c'est ce que je pense, qu'on a affaire à une véritable fraude.
07:26 En fait, on s'en aperçoit quand on étudie, ou plutôt quand on écoute David Einhorn,
07:31 étudier le type de prêts qui est fourni par cette entreprise. Donc Alight Capital va surtout
07:37 fournir des prêts, on l'a dit, des prêts risqués, à des petites entreprises. Qu'est-ce qu'on appelle
07:41 petites entreprises ? C'est vraiment des PME, ça va être une station de lavage, ça va être une
07:45 station service, etc. Et on se rend compte que les pratiques deviennent très vite frauduleuses,
07:51 c'est-à-dire qu'ils vont faire un prêt, par exemple, à un gérant de station service qui
07:54 ne va pas être capable de rembourser le prêt, qui va faire défaut. Et selon la réglementation,
07:59 cette personne-là ne serait plus capable de réemprunter ensuite. Mais ce que fait Alight,
08:04 alors c'est un peu compliqué de savoir à quel point ils le font volontairement, mais on a
08:08 l'impression que c'est quand même un petit peu des magouilles. Ce que fait Alight, c'est qu'ils vont
08:11 un peu conseiller la personne qui a fait faillite en lui disant "maintenant, faites demander un prêt
08:15 à la grand-mère, la mère, le frère, la sœur, le copain, etc." Et c'est ce qui se passe. Il y a
08:21 des familles comme ça dont chaque personne va demander un prêt, et sur des gros montants,
08:25 on ne parle pas de prêts de 50 000 dollars, on parle de prêts de 500 000 dollars, 1 million de
08:28 dollars, voire plus. Et ces personnes vont systématiquement faire défaut, voire même se
08:34 revendre le bien entre eux. Chacun va l'acheter avec un nouveau prêt, mais on parle de biens
08:38 qui sont comme une station-service, qui ne sont absolument pas rentables, et dont l'argent va
08:42 très souvent partir bien ailleurs que la station-service. D'ailleurs, Alight, ou plutôt
08:47 Greenlight, montre des photos dans le livre sur lesquelles on voit bien que la station-service
08:53 en question n'est absolument pas opérationnelle, qu'elle est abandonnée depuis une vingtaine
08:56 d'années, et pourtant il y a beaucoup de prêts qui ont été faits là-dessus et qui ont comme
09:00 hypothèque ce bien-là. Donc voilà, on est dans un monde de prêts un petit peu louche,
09:05 un petit peu douteux. Il y a aussi toute une partie où il détaille le montant des prêts
09:08 qui est confié à des pêcheurs de crevettes en Louisiane ou au Texas, avec notamment des prêts
09:13 qui sont donnés qui sont beaucoup plus gros que, par exemple, la valeur du bateau. On va faire un
09:18 prêt de 300 000 dollars à quelqu'un qui va acheter finalement un prêt de 30 000 dollars,
09:21 cette personne va à nouveau faire défaut, mais c'est pas très grave, à ce cas-là,
09:25 il va récupérer le bateau et va faire le prêt à quelqu'un d'autre, un autre prêt de 300 000
09:29 dollars pour que cette personne rachète ce bateau de 30 000 dollars grâce à l'aide du prêt, etc.
09:34 Donc ils arrivent toujours à se maintenir un petit peu à flot comme ça. Et puis,
09:38 quand on commence comme ça, on se dit "mais avec tous ces prêts qui ne sont pas remboursés,
09:42 Allied Capital va faire faillite, c'est pas possible qu'ils arrivent à garder un aussi
09:45 beau bilan, compte de résultat, etc. et à continuer à payer des dividendes avec autant
09:51 de personnes qui font faillite". Et bien non, parce qu'en fait Allied est éligible à un programme
09:55 qui s'appelle le SBA pour Small Business Administration qui lui permet de proposer
09:59 des prêts garantis par l'État. Donc ils ont tout intérêt à faire le maximum de prêts et à des
10:05 montants maximum. Ces personnes, si elles font défaut, c'est pas grave, c'est dans la plupart
10:10 des cas l'État qui va rembourser. Et tant finalement que l'État ne challenge pas la
10:16 manière dont Allied donne ses prêts, tant qu'ils ne remettent pas en question le fait
10:19 qu'ils soient éligibles à ce programme, tout se passe bien. Plus ils fourguent ses prêts,
10:23 plus c'est bon. Et il faut voir de quelle période on parle. Toute cette guerre va durer de 2002 à
10:29 2007. Donc on est dans ce monde un peu des subprimes. Alors ici, on n'est pas sur l'immobilier,
10:33 mais on est dans cette période un peu de folie, en fait, où tout le monde va... enfin,
10:37 le crédit va vraiment gonfler et où on arrive à faire des prêts. Je crois qu'il donne l'exemple
10:42 d'un pêcheur de crevettes qui a réussi à faire un prêt de 800 000 dollars alors qu'il avait,
10:47 sur sa déclaration de revenus l'année précédente, 731 dollars. Donc vous imaginez, voilà ce que ça
10:53 donne. Donc cette histoire va continuer avec tous ces prêts pourris, frauduleux pendant cinq ans.
10:58 Alors la liste de tous les problèmes, elle est trop longue pour que je vous la cite,
11:01 mais le cœur du problème c'est Allied ne valorise pas ses positions correctement. Elle ne génère pas
11:08 assez de cash pour maintenir son dividende, mais pourtant elle le maintient. Donc pour le maintenir,
11:12 elle est obligée de montrer des plus-values virtuelles pour gonfler son résultat comptable.
11:16 Et c'est assez facile parce que c'est Allied qui décide quel prix elle estime correct pour
11:20 chacune de ses positions. Donc en fait, dans la manière de gérer son portefeuille, pour justement
11:24 maintenir son dividende qui est la clé, qui maintient un peu toute cette pyramide en place,
11:28 ce que va faire Allied c'est très simple. Déjà ils vont avoir tendance à vendre leurs meilleures
11:32 positions, leurs meilleurs prêts, etc. et garder les plus pourris. Donc les ventes de ces meilleures
11:37 positions vont faire rentrer du cash, alors que les plus pourris, je vous l'explique au début,
11:41 on va continuer à les montrer à 100% de leur valeur puisque tant qu'ils ne sont pas challengés,
11:46 tant que personne à part Greenlight Capital a essayé d'expliquer au monde entier que c'est
11:52 pas normal de faire ça et que ça doit être valorisé à la fair value, eux continuent là-dessus. Et quand,
11:57 à force de pression, à force d'avoir dans toutes les conférences call, David Einhorn qui pose des
12:03 questions piège au management d'Allied pour expliquer "mais pourquoi telle position n'est
12:07 pas dévalorisée ? Pourquoi vous n'avez pas fait un write-down ? Pourquoi vous n'avez pas déprécié
12:10 ce prêt et celui-là et celui-là ?" Ils sont petit à petit obligés de le faire, mais la manière dont
12:15 ils s'en sortent, c'est qu'ils vont prendre leurs positions un peu meilleures et notamment des
12:20 positions en equity, en action, et ils vont les, plutôt que de faire des markdown, c'est-à-dire
12:24 les déprécier, ils vont faire des mark-up, c'est-à-dire qu'ils vont dire "cette position-là,
12:28 en fait, elle vaut plus" et plus ces années passent et plus les prêts sont dépréciés et plus de l'autre
12:33 côté, ils vont prendre des positions un peu moyennes et ils vont les apprécier, ce qui fait
12:38 qu'ils arrivent toujours à s'en tirer avec un bilan et des résultats très corrects et ils continuent,
12:43 pendant un moment en tout cas, à réussir à payer des dividendes. Et ce qui est fou, c'est que cette
12:47 histoire, je vous l'ai dit, elle dure cinq ans et pendant cinq ans, les analystes financiers ne
12:52 bougent pas, ils continuent à dire que la société c'est un achat, qu'il faut les garder en portefeuille.
12:58 Il y a un moment, un analyste de Deutsche Bank qui va émettre un avis vendeur sur la position,
13:05 il va se faire énormément chahuter, c'est-à-dire que juste après quelques jours après qu'il ait
13:10 mis cette recommandation de vente, il y a le NYSE, le New York Stock Exchange, la bourse de New York,
13:14 qui va faire une enquête sur lui, sur l'analyse financière pour expliquer pourquoi est-ce qu'il a
13:19 mis cette position en vente, est-ce qu'il n'est pas de mèche avec les vendeurs à découvert etc.
13:23 Il a démissionné rapidement de Deutsche Bank ou il s'est fait plus ou moins sortir et en cadeau,
13:29 en tout cas c'est ce que David Einhorn explique dans le livre, Allied Capital, juste après que
13:33 cette personne soit partie, va utiliser Deutsche Bank pour faire des nouvelles émissions etc. et
13:37 va lui donner des millions de dollars en frais. Donc on voit que les analystes financiers sont
13:41 très incités à continuer à donner des bonnes notes, on va dire, à Allied Capital. Les investisseurs,
13:47 ils n'ont pas intérêt à ce que la situation soit vue comme dégradée au sein d'Allied Capital. Là,
13:55 ici-ci, la SEC, le gendarme boursier américain, a rencontré plusieurs fois David Einhorn qui
13:59 essaye de les convaincre, il y a une fraude chez Allied Capital, pareil, rien ne va se passer
14:03 pendant des années. Donc on voit, il est un peu… c'est un peu à la donkey shot, il essaye de se
14:07 battre contre Wall Street, contre le management d'Allied Capital, mais personne ne le croit.
14:10 Il y a un des passages que j'ai bien aimé, c'est quand David Einhorn arrive à décrocher un
14:14 rendez-vous avec le deuxième plus gros actionnaire d'Allied Capital. Donc le gérant de fonds en
14:19 question, qui a une position de plus de 100 millions de dollars dans Allied Capital, se pointe au
14:23 meeting et Einhorn lui demande "alors qu'est-ce que vous avez pensé de mon analyse ? Est-ce que
14:27 j'ai fait des erreurs ? etc." On parle d'une analyse qui fait 27 pages, donc c'est pas non
14:32 plus extrême, c'est pas le livre qui fait lui-même 400 pages. Et le gérant lui dit "je
14:36 l'ai pas lu". Donc vous imaginez, vous avez un activiste qui publie une analyse contre l'une
14:40 de vos plus grosses positions et vous ne la lisez même pas. Et quand David Einhorn lui demande
14:44 pourquoi il détient la position, le gérant lui dit "ouais, c'est pour son dividende, et puis de
14:49 toute façon, j'ai une approche globale, j'ai pas trop analysé la société, mais j'ai parlé au
14:52 management et ils m'ont l'air honnête". Et c'est là où on voit que c'est terrible, qu'est-ce que
14:57 vous voulez répondre ? Comment voulez-vous vous "battre" face à des investisseurs qui font aussi
15:02 peu le travail ? Et en fait, le paiement du dividende, ça reste un gros problème pour David
15:07 Einhorn, parce que pour tout le monde, c'est vu comme un signe que tout se passe bien. Et d'ailleurs,
15:10 il faut être honnête, il y a quand même peu de gens, même dans le monde financier, j'ai envie
15:14 de dire, bon heureusement il y en a quand même, mais globalement il y a peu de gens qui font une
15:17 vraie différence entre le résultat net, donc celui qui est montré par Allied Capital dans ses comptes,
15:22 et puis le côté cashflow. Et donc vous l'avez compris, le truc en fait utilisé par Allied
15:27 Capital, c'est que leur gain, c'est qu'en fait ils vont marquer leur position à des valeurs
15:33 inflatées, ils vont faire croire entre guillemets que les positions qu'ils détiennent sont en train
15:38 de monter, ce qui n'est pas le cas, mais comme on est dans du non-coté, etc., ils font un peu ce
15:42 qu'ils veulent. Et grâce à ça, grâce à ces résultats comptables positifs, ils vont payer du
15:46 dividende, alors que le cash est en train de s'enfuir, et petit à petit, ils vont être obligés
15:52 de vendre des positions, comme je dis, ils vont vendre leurs meilleures positions pour garder du
15:55 cash et pour payer ce fameux dividende. Alors au final, Allied va quand même s'effondrer,
15:59 mais va pas trop s'effondrer grâce ou à cause de David Einhorn et de Greenlight Capital,
16:05 mais plutôt à cause de la crise de 2007-2008, vu que c'est une boîte qui est en train de faire des
16:10 kiffés des prêts risqués et qui a en plus des positions du non-coté. Vous imaginez quand une
16:14 crise sur le crédit arrive, ça complique fortement ces affaires. En plus, la SEC, donc le gendarme
16:19 boursier américain, va finalement admettre que oui, effectivement, Allied Capital a commis des
16:24 erreurs dans la valorisation de ses prêts. Donc voilà, tout ça s'enchaîne en 2007-2008. David
16:31 Einhorn, qui a subi en fait des positions un peu difficiles pendant ces cinq années, parce qu'Allied
16:38 Capital a baissé de 20%, je vous l'ai dit au début, mais après elle est remontée, etc. Ils ont
16:41 continué grâce à leur pub à avoir des bons résultats. Donc David Einhorn n'a pas eu finalement
16:47 un si bon gain que ça. Il a gagné, enfin son fonds a réussi à gagner 35 millions de dollars. Sur ces
16:52 35 millions de dollars, il y en a 20%, c'est-à-dire 7 millions qui reviennent dans la poche de Greenlight
16:57 Capital lui-même, les employés si vous voulez, dont David Einhorn. Et à la fin, David Einhorn va
17:02 faire don de ces 7 millions à des organisations caritatives pour montrer que, et ça il l'avait
17:07 annoncé dès le début, pour montrer qu'en fait son point c'est de faire découvrir la vérité,
17:14 de montrer qu'il y a une fraude, et pas seulement juste une fraude comptable dans une entreprise,
17:17 mais rappelez-vous, c'est une entreprise dont les prêts sont garantis par l'État. Donc en fait,
17:21 c'est aussi le contribuable américain qui a énormément payé dans cette histoire. Et ce qui
17:25 est dingue, c'est qu'à chaque fois que David Einhorn a essayé de tirer la sonnette d'alarme à la SEC,
17:29 à la SBA, etc., personne ne l'a écouté. Un des points que je trouve aussi intéressants dans ce
17:34 bouquin, c'est que David Einhorn explique qu'il a fait la même chose sur les Man Brothers,
17:37 pareil, valorisation des positions, c'est pas bien valorisé, etc. Donc là, on était début 2008,
17:43 et qu'en fait, il a eu raison très vite sur les Man Brothers, c'est-à-dire que les Man Brothers
17:47 a fait faillite en septembre 2008, donc au bout de six mois, il avait raison, il a fait un speech
17:52 sur les Man Brothers, il a gagné de l'argent, etc. Mais malgré tout, il a décidé de faire son livre
17:57 sur la partie Allied Capital, qui est un peu moins glorieuse pour lui, mais c'est pour montrer à
18:02 quel point il a eu du mal à faire découvrir la vérité. Et ce bouquin, je l'ai trouvé très
18:07 intéressant justement pour ça, pour ce côté où il explique à quel point c'est difficile dans ce
18:12 milieu un peu fait de copinage, etc. de Wall Street, de faire émerger la vérité. En tout cas,
18:18 moi j'ai retenu pas mal de leçons de ce livre-là. Et la première leçon, c'est que ça m'a rappelé le
18:23 travail que demande une vraie analyse. Et je parle pas juste d'une analyse financière,
18:26 mais d'une vraie analyse de A à Z d'une entreprise. Parce que je vous ai passé tous les détails,
18:31 mais en fait, ce qu'ils font, c'est qu'ils vont payer des détectives, ils vont se déplacer pour
18:37 voir les personnes qui ont fait les prêts, pour comprendre qui étaient ces personnes. Ils se
18:41 rendent compte que très souvent, ils sont face à des personnes de paille qui ont fait les prêts
18:46 pour arranger quelqu'un, un cousin, etc. Mais qu'ils n'ont jamais vu ni l'argent, ni le business
18:52 pour lequel le prêt a été fait. Ils vont photographier les entreprises, comme je vous le
18:55 disais, des stations de services, etc. pour montrer que ces prêts étaient frauduleux, pour montrer que
19:00 les travaux de rénovation n'avaient jamais été faits, etc. Et puis, surtout, ils lisent tous les
19:06 papiers qui sont publiés par Allied Capital. Et même, surtout, j'allais dire jusqu'aux petites
19:11 lignes, mais surtout les petites petites lignes, parce que comme le but du management, c'était de
19:15 cacher certaines pratiques, donc quand ils revalorisaient certaines choses, quand ils vendaient
19:19 certaines choses, quand ils rachetaient, etc. Quand ils faisaient des rachats entre filiales, etc.
19:22 Ils mettaient ça en tout petit, dans un des états financiers, si vous voulez. Et il n'y a que David
19:30 Einhorn qui faisait le boulot et qui demandait, mais qu'est-ce que c'est que cette petite ligne ?
19:34 Pourquoi d'un coup, vous valorisez tel truc à tel truc ? Et ça, s'il n'y a pas quelqu'un qui fait ce
19:40 travail, qui est vendeur à découvert et qui fait ce travail, c'est certain qu'aucun analyste
19:43 financier ne va jusque là. La deuxième leçon que ça m'a rappelé, c'est que les fraudes existent.
19:48 Les fraudes existent. On a vu, alors à l'époque où le bouquin se passe, il y a eu des wordlines,
19:54 des end-runs, etc. Aujourd'hui, on a vu, plus récemment, on a vu des wire cards, etc. Mais les
20:00 fraudes existent. Il faut toujours diversifier, il faut toujours se fixer en montant au maximum
20:05 par position et on peut avoir vraiment la meilleure conviction. On a beaucoup analysé,
20:10 etc. On n'est jamais à l'abri parce que même si vous êtes le meilleur investisseur, le meilleur
20:14 analyste du monde, si l'entreprise vous ment, si l'entreprise vous cache des choses, si les chiffres
20:19 sont trafiqués, votre analyse ne vaut rien. Votre décision d'achat est basée sur du vent. Ensuite,
20:24 autre leçon qui est intéressante, c'est qu'on peut avoir raison et on peut perdre de l'argent
20:29 en bourse. On peut avoir raison sur le fond et le marché peut nous montrer pendant cinq ans,
20:34 qu'on a tort. Sans la crise de 2008, ça aurait très probablement fini en perte pour Greenlight.
20:40 Et tout ça parce que le marché a joué contre eux. Le marché a été très positif. En fait,
20:47 on avait vraiment une économie florissante de 2002 à 2008 et ça ne les a pas aidés parce que c'est
20:52 toujours dans les plus fortes périodes de crise qu'on découvre les fraudes. Ce n'est pas un
20:57 détail si Madoff a été découvert en 2008, Kerviel, etc. C'est à chaque fois que les marchés se font
21:04 plomber qu'on va découvrir des fraudes, des pertes cachées, etc. Autre leçon, le fait que les bilans
21:09 des sociétés financières ou des banques sont compliqués, voire impossibles à analyser. Et là,
21:14 je ne parle que des documents standards, c'est-à-dire bilan, compte de résultats,
21:18 tableau des flux de trésorerie, mais il y a aussi beaucoup de choses qui sont hors bilan. Donc moi,
21:23 il y a bien longtemps que j'ai arrêté d'essayer de fouiller dans les bilans des banques pour
21:27 comprendre ce qui se passe. D'autant plus qu'il se passe toujours la même chose, c'est-à-dire que
21:32 les banques paraissent très solides, etc. Jusqu'au moment où on découvre ce qu'elles ont dans leur
21:37 bilan et on découvre qu'elles ont des crédits immobiliers chinois, on découvre qu'elles ont
21:42 des trucs un peu funky. Et ça, c'est toujours quand le marché s'effondre, quand il y a une
21:47 crise du crédit qu'on les découvre. Ce qui fait qu'avec les banques, je suis toujours un petit
21:52 peu prudent. Et puis le dernier point dans lequel ça m'a confirmé, c'est que les meilleures analyses
21:57 sont faites par, en premier, les vendeurs à découvert, et ça c'est toujours le cas, Citron
22:03 Research, Hindenburg, je crois que c'est ça vraiment. Tous ceux qui font de la vente à
22:07 découvert, ce sont des très très bons analystes. Pourquoi ? Parce que ce sont les purs contrariants,
22:12 c'est-à-dire qu'ils sont à l'inverse de ce que pense le marché. Ils ont beaucoup d'investisseurs
22:19 qui sont investis avec des positions exactement inverses à eux. Ils sont contre un management,
22:25 etc. Donc ils sont obligés de faire un énorme travail. Dans le même genre d'idées, c'est pour
22:30 ça aussi qu'en général, les investisseurs value, les investisseurs en entreprise des côtés, sont
22:35 de très bons analystes parce qu'eux aussi sont très contrariants, c'est-à-dire qu'ils vont dans
22:40 les entreprises qui sont les moins aimées par le marché, et ils pensent qu'ils ont une valeur
22:45 ajoutée. Ils pensent que la valeur intrinsèque de la société vaut plus que la valeur de marché.
22:50 Donc forcément, quand on pense qu'on a raison par rapport à tout le monde, il faut faire beaucoup
22:53 plus de boulot. C'est vrai que la stratégie value est moins en forme et gagne moins depuis des années,
23:02 voire des dizaines d'années, mais même si vous n'êtes pas un investisseur value, tout comme je
23:05 ne suis pas un investisseur value, les investisseurs value restent de très bons professeurs, et souvent
23:09 les meilleurs professeurs. C'est pour ça que j'aime beaucoup lire des livres d'investisseurs
23:13 qui sont plutôt type value, parce que c'est eux qui savent le mieux décortiquer une société.
23:18 Alors est-ce que je vous conseillerais ce livre ? Non, sauf si vous êtes un geek de finance,
23:22 d'analyse financière, etc. Dans ce cas-là, lisez-le, c'est vraiment passionnant. Je ne vous
23:25 le conseille pas, parce que même s'il est passionnant, il y a les trois quarts du livre
23:29 qui discutent de la valorisation des actifs, des prêts, et pourquoi tel prêt est frauduleux,
23:34 et pourquoi celui-ci aussi, et pourquoi celui-ci aussi. C'est vraiment un livre à charge,
23:37 si vous voulez. Il n'a pas écrit pour qu'il soit facile à lire, il a écrit pour prouver qu'Alain
23:44 et le capital étaient une fraude, tout simplement aussi parce que ce livre a été écrit, alors même
23:48 si là c'est une édition plus récente qui explique la fin de l'histoire, ce livre a été écrit au
23:53 moment où l'histoire était toujours vivante, c'est-à-dire Alide était toujours cotée en
23:56 bourse, n'avait pas de problème spécifique, etc. Donc c'est vraiment un plaidoyer à charge contre
24:03 Alide. Il s'avère que David Einhorn a eu raison, comme je vous le disais, donc l'entreprise s'est
24:08 effondrée en bourse, elle a été rachetée, mais voilà, donc c'est un peu trop technique,
24:13 si vous voulez, pour la plupart des gens. Vous pouvez le lire si ce n'est pas le cas, enfin si
24:17 ce n'est pas trop technique pour vous. Je termine par une dernière anecdote. Pendant toute cette
24:20 bataille boursière de vendeurs à découvert, David Einhorn rencontre Warren Buffett et lui dit
24:27 "Warren, est-ce que tu fais des ventes à découvert, est-ce que ça t'arrive et qu'est-ce que tu penses
24:32 de ma position, etc. Et Warren Buffett lui répond de manière assez drôle. Déjà, il lui dit "moi,
24:37 j'ai fait mes premières ventes à découvert quand j'étais adolescent", il n'y a que Warren Buffett
24:41 pour dire ça, donc il dit "j'ai fait mes premières ventes à découvert quand j'étais adolescent,
24:44 j'ai vendu à découvert AT&T", vous savez AT&T c'est une boîte de télécom qui serait l'équivalent
24:49 de Apple ou Microsoft maintenant, "et j'ai vendu à découvert AT&T parce que tous mes profs avaient
24:53 une partie de leur retraite investie là-dedans et je voulais les énerver", donc c'est pour la
24:57 petite histoire, mais surtout ce que dit Warren Buffett c'est qu'il dit "moi je fais très peu ou
25:02 pas de ventes à découvert, déjà parce que je ne veux pas passer pour un méchant, pour un vautour,
25:06 etc. et c'est l'image qu'on est vendeur à découvert, donc il dit "moi en tant que personne
25:09 publique, je préfère être vu comme un investisseur, comme quelqu'un qui investit
25:13 dans tes sociétés, donc qui est aligné avec le management, ça c'est la première chose",
25:17 et ensuite ce qu'il dit c'est "pour toi David, cette position là, c'est une position parmi d'autres",
25:22 ce qui est vrai, un gain de 35 millions à la fin c'est rien pour un hedge fund de plusieurs
25:26 milliards, donc il lui dit "pour toi, tu n'as qu'une petite implication psychologique ou autre
25:31 dans cette position", bon on voit que ce n'est pas le cas, mais voilà, il dit "mais pour le
25:34 management, c'est toute leur vie", et en fait le management, ils vont se battre comme des lions,
25:39 c'est vraiment impressionnant, ils vont se battre comme des lions, se payer des millions, se donner
25:43 des stock options, quand les stock options vont perdre leur valeur parce que l'action commence à
25:47 bouger, ils font changer toutes les stock options en actions à un très bon prix d'exercice, etc.,
25:52 enfin bon, bref, on voit que c'est magouille sur magouille, et on voit vraiment le côté,
25:55 on a un management qui est acculé, qui se bat comme un lion pour défendre sa vie,
26:02 en fait, parce que pour eux c'est leur job, c'est leur argent, c'est leur… oui, leur argent et
26:06 quasiment tout leur patrimoine, puisque une grosse partie de leur patrimoine est en actions à la
26:10 light capital, etc. Donc ce que dit Buffett, c'est qu'il dit "c'est dangereux, on a souvent du mal à
26:15 se sortir de ce type de position parce que les gens en face de la vente à découvert, ils se battent
26:20 comme des fous". Voilà pour cette émission. Alors pour la petite histoire, sachez que Greenlight
26:25 Capital, le fonds de David Einhorn, même s'il a très bien performé jusqu'en 2008, a ensuite eu
26:30 beaucoup plus de mal, donc voilà, c'est un fonds qui est tombé un peu dans les fonds du classement
26:35 des hedge funds en termes de performance, ce qui n'empêche pas cette histoire d'être passionnante,
26:39 enfin je trouve ces histoires comme ça d'investisseurs qui se battent pendant des années
26:43 pour essayer de faire découvrir la vérité, je trouve ça assez incroyable. Merci encore pour
26:48 de m'avoir suivi pendant cette émission, n'oubliez pas de vous abonner, n'oubliez pas de mettre des
26:53 avis sur le podcast ou sur la chaîne, ça fait toujours très plaisir et puis moi je vous dis à
26:56 bientôt pour une autre émission.

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