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Mardi 23 mai 2023, SMART BOURSE reçoit Alain du Brusle (Directeur de la gestion, Claresco) , Hervé Goulletquer (Senior Economic Advisor, Accuracy) et Vincent Chaigneau (Directeur de la recherche, Generali Investments)

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Transcription
00:00 [Musique]
00:10 Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:13 Vincent Chéniot est avec nous en plateau,
00:15 le directeur de la recherche de Generali Investments.
00:17 Bonsoir Vincent.
00:18 Merci d'être là.
00:19 Merci à Alain Dubruel de nous accompagner également.
00:21 Bonsoir Alain.
00:22 Bonsoir Grégoire.
00:23 Vous êtes directeur de la gestion de Claresco.
00:24 Merci à Hervé Goulette qui est heureux d'être avec nous également ce soir.
00:26 Bonsoir Hervé.
00:27 Bonsoir Grégoire.
00:28 On va parler de l'économie d'accuracie.
00:30 Un petit mot de la macro avec notamment les enquêtes d'activité pour le mois de mai
00:35 réalisées auprès des directeurs d'achat, des enquêtes mensuelles très suivies par les marchés
00:40 qui permettent peut-être d'y voir un peu plus clair, ça n'est pas certain,
00:44 sur cette dichotomie spectaculaire quand même entre le monde des services
00:48 et le monde de l'industrie ou le monde manufacturier.
00:50 On voit un écart grandissant dans certains pays.
00:52 C'est 15 points d'écart entre ces indices en Allemagne par exemple.
00:55 L'écart grandit également aux Etats-Unis avec une partie service qui fait mieux que tenir,
01:00 qui réaccélère dans certains cas et une partie manufacturière qui au mieux reste
01:05 sous la ligne de flottaison voire continue de s'enfoncer.
01:08 Hervé, que révèle cette situation à ce stade ?
01:12 Est-ce qu'on se réjouit de voir les services aussi bien tenir
01:15 ou est-ce qu'on s'inquiète de voir le manufacturier être de manière persistante
01:21 à ces niveaux de faiblesse ?
01:23 Les enquêtes PMI, c'était un peu un phare en matière de tempo de la conjoncture,
01:29 comme ça tombait tôt dans le mois.
01:32 C'était les nouvelles fraîches sur le profil conjoncturel et on aimait bien ça.
01:38 Alors aujourd'hui, il y a beaucoup de paradoxes dans les chiffres.
01:43 Celui que vous avez noté, c'est l'écart entre service et manufacturier.
01:49 Si on essaie de faire des moyennes, habituellement c'est assez proche.
01:52 Avoir un ou deux points d'écart en moyenne, c'est normal.
01:55 Lorsqu'il y a des moments d'inflexion cyclique, l'écart s'accroît.
02:00 Mais c'est vrai que 15 points, vous l'avez rappelé, sur l'Allemagne,
02:03 12 sur la zone euro, c'est très bizarre.
02:06 Qui doit-on croire ?
02:08 Si on cherche un message de nature plus conjoncturel,
02:12 donc vraiment repérer les mouvements du cycle,
02:15 le manufacturier serait sans doute plus à suivre.
02:18 Dans ce cas-là, le message est un peu moyen.
02:22 Ce qui donne du crédit à l'idée que le message du manufacturier est porteur de sens,
02:30 c'est que dans tous les retournements d'activités qu'on a connus ces longues dernières décennies,
02:38 c'était plutôt un choc.
02:39 Alors, secteur de l'immobilier, secteur financier, la santé publique.
02:43 Et là, on se retrouve avec quelque chose qui, en apparence, en oubliant ce qu'il y a derrière,
02:48 est plus cyclique.
02:49 On a accélération des prix, on a remonté des taux d'intérêt,
02:53 et donc finalement, que l'activité finisse par lâcher.
02:57 Dans ce contexte-là, c'est un peu normal.
02:59 Donc, le message du manufacturier paraît cohérent avec le schéma classique qu'on a en tête.
03:06 Par contre, du côté des services, c'est vrai que ça devrait commencer à flancher aussi,
03:11 et ça ne flanche pas.
03:12 Alors, il y a plusieurs explications.
03:15 Celle qui rassure le plus, c'est de se dire,
03:17 bon, finalement, les services avaient énormément souffert pendant la crise de la Covid.
03:24 Il y a encore des mécanismes de rattrapage, et donc, oui, on a un décalage.
03:29 C'est un mélange de structurel d'un côté, de conjoncturel de l'autre.
03:33 Il faut l'accepter.
03:34 Et puis, on peut dire aussi deux autres choses plus embêtantes
03:39 et qui font perdre un peu le sens de ce qui se passe.
03:42 La première, c'est qu'on le sait tous, la qualité des statistiques,
03:46 aujourd'hui, est moins bonne, simplement parce qu'il y a moins de gens qui répondent.
03:50 Ça se voit un peu partout, et c'est un problème.
03:54 Et donc, on ne sait pas quoi faire.
03:56 Et le deuxième point, et ça, on l'a déjà repéré,
03:59 c'est que cet indice PMI qu'on aime tant sur les marchés,
04:03 en fait, sa relation avec la croissance économique,
04:07 que l'on qualifie habituellement au travers de l'évolution du produit intérieur,
04:11 cette relation est devenue plus lâche,
04:14 tout au moins différent sur la période récente de ce qu'on observait auparavant.
04:18 Donc, oui, là où on voulait avoir un repérage facile de ce qui se passe,
04:23 aujourd'hui, on ne l'a pas.
04:24 On se perd un peu en conjecture, mais en n'oubliant pas
04:27 qu'on est dans un monde tout plein d'incertitudes partout,
04:30 et finalement, la difficulté à décrypter le message envoyé par les PMI,
04:36 et bien, voilà, ça part aussi de cette incertitude.
04:39 Vincent, on peut discuter à l'infini, effectivement,
04:41 de la fiabilité des enquêtes en 2023,
04:43 du niveau de corrélation entre les données soft et les données dures réalisées.
04:48 La dynamique, quand même, en faveur des services reste spectaculaire,
04:53 quel que soit le niveau d'activité qu'on a dans l'économie des services,
04:56 et notamment aux États-Unis.
04:58 Je voudrais qu'on mette ça en relation avec la pause
05:00 signalée par la réserve fédérale américaine,
05:03 quand on voit le niveau d'activité encore dans les services,
05:05 même une amélioration, alors peut-être partant de points très bas,
05:09 dans l'activité de construction, également.
05:11 Le moral des promoteurs remonte.
05:13 On voit quand même que la distribution de mortgage
05:15 n'est pas non plus complètement gelée.
05:17 Il y a encore de l'activité, de la dynamique,
05:19 y compris dans le secteur immobilier et le secteur de la construction aux États-Unis.
05:23 Est-ce que la pause est réelle, sérieuse,
05:26 ou est-ce que c'est une pause fragile pour la réserve fédérale américaine ?
05:29 Oui, ce sont des chiffres assez étonnants, cette dichotomie.
05:32 Je dirais d'abord que les services pèsent plus que le secteur manufacturier,
05:36 dans nos économies, mais c'est vrai que le secteur manufacturier
05:40 est plutôt un certain leadership.
05:43 C'est-à-dire que quand les entreprises manufacturières
05:46 sont dans des temps difficiles,
05:49 elles commencent à couper les services,
05:51 et avec retard, on voit un effaiblissement des services.
05:53 C'est vrai que le consommateur, lui, tient très bien,
05:56 et donc on a ces effets de queue de comète sur l'après-Covid,
06:00 avec l'épargne excédentaire qui est dépensée.
06:04 Donc ça tient bien, mais quand même,
06:07 je dirais que le message, c'est qu'on a eu une économie
06:10 qui, cette année jusqu'à présent, a plutôt très bien résisté,
06:14 plutôt mieux que prévu, globalement, et c'est vrai également pour l'Europe.
06:18 On voit quand même des signes d'affaiblissement.
06:21 Si vous regardez les indices de surprise économique en particulier,
06:24 aux États-Unis, on revient vers zéro,
06:27 on était montés sur des niveaux assez élevés.
06:29 En Europe, on est passé en négatif.
06:31 En Chine, on voit qu'après le rebond spectaculaire,
06:35 post-réouverture de l'économie, ça commence à s'essouffler.
06:39 Donc le message, quand même, globalement,
06:41 est celui d'une économie qui commence à ralentir,
06:45 et on peut supposer qu'avec le resserrement des conditions de crédit,
06:50 ce ralentissement va se poursuivre.
06:53 Donc la question, c'est à quel niveau, à quel degré,
06:58 connaîtra-t-on une récession ?
07:00 Nous pensons qu'on connaîtra une récession modeste, modérée, aux États-Unis.
07:05 En Europe, on pourrait y échapper,
07:08 mais quand même, les risques sont à la baisse.
07:10 Sur l'immobilier américain, c'est vrai que le moral des constructeurs s'est repris,
07:15 mais on n'a pas fait tout le chemin inverse, il reste relativement bas.
07:19 Les taux immobiliers et les taux mortgage sont encore très élevés.
07:22 Donc on peut quand même penser que ce secteur va rester sous pression,
07:25 et d'ailleurs, c'est un secteur qui, sur le marché des actions, reste à la traîne.
07:29 À partir de quel moment le ralentissement économique sera suffisant aux États-Unis
07:35 pour rendre tout le monde confortable avec l'idée que l'inflation reviendra,
07:39 allez, entre 2 et 3% à horizon visible ?
07:43 C'est une question de mois ? C'est une question de trimestre encore, peut-être, Vincent ?
07:48 Quelle est la capacité de résistance, là encore, du consommateur,
07:51 de la demande finale privée aux États-Unis, qui tient encore à ce stade ?
07:56 Non, la Fed est en une position très difficile,
07:58 puisqu'on sait que le cycle d'inflation est retardé par rapport au cycle de croissance,
08:03 et donc il faut que l'économie ralentisse encore davantage pour que l'inflation baisse.
08:08 Donc, quelle sera la patience de la Fed ?
08:11 C'est sûr qu'il y a des interrogations sur la fin de ce cycle de hausse des taux.
08:15 Nous, on pense que c'est terminé,
08:17 mais c'est sûr qu'on n'est pas certain de ça.
08:22 Quand vous regardez les enquêtes auprès des consommateurs,
08:24 par exemple, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe,
08:27 les anticipations de long terme sur l'inflation ont augmenté très fortement
08:30 lors de la dernière enquête.
08:32 C'est le type de choses qui ne va pas rassurer les banques centrales.
08:34 Ce n'est pas le seul indicateur qui le regarde.
08:37 Il regarde également les prévisions des professionnels, les entreprises,
08:42 les points morts d'inflation sur le marché.
08:44 Donc, il y a vraiment une batterie d'indicateurs.
08:46 Mais c'est le type d'éléments qui peut les inquiéter
08:49 sur la persistance de cette inflation,
08:52 dans la mesure où elle commence plutôt à être ancrée dans les mentalités.
08:56 La pause de la Fed, telle que signalée lors de la précédente réunion par Jérôme Poel,
09:01 c'est équivalent à la fin des hausses de taux ou pas forcément, Alain ?
09:06 Nous, on pense qu'on est très proche de la fin des hausses de taux.
09:09 Très proche ?
09:10 Oui, très proche.
09:11 D'ici l'été, c'est fini, il n'y aura plus de hausses de taux.
09:14 En revanche, on n'y est pas forcément tout de suite, aujourd'hui.
09:17 Si, si.
09:18 Non, mais...
09:19 Les hausses de taux, pour nous, c'est presque fini.
09:21 À partir de cet été, terminé.
09:23 D'accord.
09:24 En revanche, la contrepartie, c'était peut-être que les débuts des baisses de taux
09:28 n'étaient pas forcément pour tout de suite.
09:30 Par rapport à tout ce qui a été dit, en fait, le problème de toutes ces enquêtes,
09:33 c'est quand même beaucoup de sentiments,
09:35 qui sont quand même très, très, aujourd'hui, influencés par une conjoncture
09:38 qui, en apparence, reste assez bonne.
09:41 On l'a souligné, il y a des effets de rattrapage post-Covid.
09:44 C'est vrai que dans les services, on n'est pas encore au niveau pré-Covid,
09:47 même dans le tourisme, dans le transport aérien.
09:49 On s'en rapproche à grande vitesse, mais on n'y est pas encore tout à fait.
09:52 Aux États-Unis, les créations d'emplois continuent,
09:55 mais si on regarde de près, elles continuent dans les secteurs
09:57 qui n'ont pas encore rattrapé le Covid.
09:59 Alors, dans les secteurs qui sont déjà au niveau du Covid,
10:01 ça commence à plafonner un petit peu.
10:03 Et puis, sur l'inflation, effectivement, il y a une inflation qui est embarquée,
10:07 sous-jacente, notamment dans les salaires,
10:09 qui va mettre du temps à s'arrêter.
10:11 Mais pour autant, aux États-Unis,
10:13 je pense qu'on pourrait retrouver des niveaux d'inflation pas loin de 3 dès cet été.
10:18 Ce qui veut dire que si l'inflation se calme,
10:21 après, il y a la question de la croissance,
10:23 mais si l'inflation se calme, ça laisse de la marge côté taux.
10:26 Et puis, le deuxième point, c'est de dire qu'aujourd'hui,
10:29 tous les entreprises que je rencontre,
10:31 elles sont encore assez contentes, à très court terme.
10:33 Mais le paradoxe, c'est que, oui, j'exécute mon carnet de commande,
10:37 par exemple, dans la construction, dans les chantiers, c'est plus facile,
10:39 les livraisons sont là, les entreprises sont un petit peu moins débordées qu'avant,
10:44 donc elles délivrent.
10:46 On a des publications de chiffre d'affaires très bonnes.
10:48 Quand Beneteau nous fait +50 au premier trimestre,
10:50 c'est aussi parce qu'il y a certains bateaux,
10:51 on a pu mettre les trucs qui manquaient et les livrer.
10:53 Donc, ça donne une impression de bonne activité,
10:55 les recettes rendent, la TVA est là.
10:57 Mais les carnets de commande, eux,
10:59 ça se fait plus dans l'industrie, dans les services,
11:01 ils sont moins bons.
11:02 La dynamique de prise de commande, quand même, ralentit.
11:04 Pas forcément chez Beneteau, mais dans la construction, c'est évident.
11:06 La construction, c'est typiquement le secteur
11:08 où il y a une dichotomie incroyable entre l'activité spot,
11:11 qui est très bonne, et le deuxième semestre,
11:13 qui sera certainement mauvais.
11:16 Et donc, du coup, dans l'esprit des consommateurs,
11:18 aujourd'hui, c'est encore la fête.
11:20 La récession, ils ne l'ont pas encore vue.
11:22 Et pourtant, ça va ralentir.
11:24 Donc, à partir de là, le risque, c'est effectivement
11:26 que le marché, aujourd'hui, voit déjà qu'étoté, c'est fini,
11:29 mais que le ralentissement sera-t-il brutal ou non.
11:34 Là où j'aurais tendance à être malgré tout optimiste,
11:36 c'est que si le ralentissement s'avère un peu plus brutal
11:40 que prévu, et je dirais même, ralentissement,
11:43 on devrait déjà être en ralentissement,
11:45 et pour l'instant, on ne l'est pas.
11:46 Donc, du coup, le jour où on va commencer à le voir,
11:48 il y aura peut-être une marche un peu plus forte,
11:50 même si, in fine, ce n'est pas un énorme ralentissement.
11:52 Rappelons aujourd'hui que, moi, je suis stupéfait de voir
11:54 qu'au niveau du PIB, en Europe comme aux Etats-Unis,
11:57 on attend à peu près 1% sur l'année.
11:59 Si c'est ça, ce n'est pas la fin du monde, objectivement.
12:01 J'ai du mal à y croire.
12:02 Alors, maintenant, si ça se détériore,
12:04 on a quand même une réserve pour les marchés
12:07 qui est le pouls de Fed.
12:09 C'est-à-dire que si l'activité se détériore plus rapidement
12:12 que certains le craignent aujourd'hui,
12:14 les banques centrales, elles, pourront dégainer,
12:16 comme elles l'ont toujours fait,
12:18 et à ce moment-là, quelque part, ça pourrait atténuer la pilule.
12:21 Quel que soit le niveau d'inflation ?
12:24 Je suis assez constructif sur l'inflation,
12:26 surtout si ça...
12:27 Oui, oui, je comprends.
12:28 Enfin, Hervé ?
12:29 - Si on veut regarder au coeur de la formation
12:34 des coûts et des prix,
12:36 il y a ce qu'on appelle les coûts salariaux unitaires.
12:38 Donc, vous prenez l'évolution des salaires,
12:40 vous retranchez celle de la productivité.
12:43 Et la bizarrerie du moment, une fois encore,
12:46 on est face à des mécanismes que l'on ne comprend pas bien,
12:50 mais on observe une panne de la productivité du travail.
12:54 Et quand vous regardez aujourd'hui
12:56 la relation entre l'évolution des coûts salariaux unitaires
13:00 et l'évolution du noyau dur des prix à la consommation,
13:04 vous avez enlevé l'énergie, les produits alimentaires,
13:07 aujourd'hui, vous comprenez très bien ce qui se passe
13:09 sur les noyaux durs, qui sont à 6 %, à peu près,
13:12 de part et d'autre de l'océan.
13:15 Et donc, la question que vous vous posez, c'est
13:18 si on garde des marchés de l'emploi tendus,
13:21 et pour le moment, on a envie de dire qu'ils vont rester tendus,
13:24 et si on continue de traîner cette panne de la productivité,
13:29 vous avez une constitution de coûts salariaux unitaires
13:34 qui n'est pas bonne du tout.
13:36 Alors après, le choix, c'est soit vous voulez de la désinflation,
13:40 et dans ce cas-là, c'est les profits unitaires
13:43 qui vont prendre cela, c'est-à-dire qui vont baisser.
13:47 - L'encaisser, oui.
13:48 - Soit vous acceptez l'idée que vos coûts salariaux unitaires
13:52 vont continuer à être élevés, que les prix ne vont pas ralentir
13:57 autant que le marché ne le dit aujourd'hui.
14:00 En fait, avec une productivité faible,
14:03 si tant est qu'elle reste durablement faible,
14:06 et là, je crois qu'on ne sait pas répondre à cette question-là,
14:08 mais dans ce cas-là, vous avez quelque chose
14:10 qui ressemble de façon un peu furieuse
14:12 à ce qu'on a appelé il y a très longtemps la stagflation,
14:15 parce que la productivité, c'est une des composantes
14:18 de la croissance avec l'emploi.
14:20 On dit que l'emploi ralentit, mais emploi qui ralentit,
14:23 productivité pas trac, ça ne fait pas beaucoup de croissance.
14:26 Par contre, ça nous fera une inflation qui est toujours forte.
14:29 Donc, en fait, moi, j'ai l'impression qu'aujourd'hui,
14:32 le marché a un regard très cyclique en se disant,
14:35 voilà, on a eu de l'inflation, on a des taux d'intérêt qui ont monté,
14:39 l'activité va baisser, étape suivante, l'inflation va ralentir,
14:43 donc les banques centrales vont être plus sympas.
14:45 - Schéma classique.
14:46 - Ce qu'on ne va pas avoir du côté de l'activité,
14:49 on l'aura dans l'actualisation de la croissance
14:52 avec des taux d'intérêt plus bas, et finalement, je m'en sors.
14:55 Mais peut-être que ça ne sera pas comme ça
14:58 et qu'on s'en sortira plus difficilement.
15:01 - Non, pour moi, il y a quand même encore une dissonance dans le marché.
15:04 C'est-à-dire que le marché de taux anticipe des baisses assez rapides
15:08 de taux de la Fed, quand le marché d'action, lui, anticipe
15:11 qu'on a plutôt vu le point bas sur les earnings
15:14 et donc qu'on n'aura pas de ralentissement sévère.
15:18 Ces anticipations, ce consensus sur les earnings,
15:21 nous dit qu'un, on n'a pas de récession sévère du tout
15:27 et/ou deux, les entreprises gardent une capacité à fixer les prix.
15:33 Et donc, c'est le fameux gridflation, c'est-à-dire que les entreprises
15:36 ont utilisé cet environnement inflationniste pour monter les prix
15:40 et protéger leurs marges, voire gonfler leurs marges.
15:43 Donc, pour moi, il y a une dissonance entre cette baisse rapide de la Fed
15:48 qui impliquerait soit un fort ralentissement, soit une baisse brutale de l'inflation
15:52 et de l'autre côté, des anticipations sur les earnings
15:55 qui sont relativement optimistes.
15:57 Il y a quand même une dissonance.
15:59 Les marchés d'action, au total, se portent plutôt bien,
16:03 même si on a une correction aujourd'hui.
16:05 C'est vrai que les marchés d'action ont été soutenus
16:07 par une période trimestrielle des résultats qui a été excellente
16:11 avec des résultats nettement supérieurs aux anticipations.
16:15 Donc, ça, ça a soutenu le marché.
16:17 Mais pour moi, on a quand même une forme de dissonance
16:19 qui devra être résolue et a priori par une correction, la baisse des actions.
16:25 Même si au sein de ce marché d'action et de ces indices d'action,
16:29 là aussi, il y a deux mondes.
16:30 C'est-à-dire qu'il y a le S&P 005 et le S&P 495.
16:34 Il y a les GAFAM, les MEGACAP et des indices SMALLCAP
16:40 qui sont encore largement 20% en dessous de leur sommet précédent.
16:44 Il y a toute une partie de la cote qui est déjà noyée, j'allais dire,
16:48 dans l'idée de la récession.
16:49 Alors, on ne le voit pas parce que dans les indices,
16:51 les plus gros poids, luxe, tech américaine,
16:54 emportent tout en mode rouleau-compresseur.
16:56 Mais dès qu'on regarde, il n'y a pas besoin de regarder très finement non plus les choses,
17:00 on voit bien qu'il y a toute une partie du marché
17:02 qui intègre déjà, alors peut-être comme le marché obligataire,
17:05 des temps beaucoup plus difficiles.
17:07 Ce n'est pas le monde des bisounours, le marché actions, non plus.
17:10 C'est vrai. La profondeur dans le rallye des actions cette année est très limitée,
17:16 notamment, vous le mentionnez, aux Etats-Unis.
17:18 Si vous regardez le S&P, on doit être en hausse d'environ 9% depuis le début de l'année.
17:21 Mais si vous regardez...
17:23 Et qui pondérait, c'est très négatif.
17:25 Non, on est très marginalement positif.
17:28 Mais il y a un écart très important, effectivement, de 8-9 points.
17:32 Donc, ça dit bien que ces gains des actions ont été très concentrés.
17:37 Si vous regardez les marchés européens depuis 3 mois,
17:40 disons depuis début mars, donc avant la crise SVB,
17:43 c'est vrai que les secteurs cycliques sont plutôt à la traîne.
17:45 Ressources basiques, immobiliers, bien entendu,
17:49 mais également les banques, l'énergie,
17:51 tout ça, ce sont les sous-performeurs et ce sont des secteurs plutôt cycliques.
17:55 Donc, il y a quand même, sous la surface, des inquiétudes sur le cycle.
17:59 Mais il n'empêche que, dans son ensemble,
18:02 il me semble quand même qu'il y a une certaine dissonance entre les actions.
18:05 Mais ça veut dire que si les marchés actions doivent quand même corriger un peu,
18:08 comme vous dites, ça passe par une baisse de ces méga-cap,
18:11 de ces blue-chip américaines qu'on connaît tous,
18:14 ou du luxe à Paris qui d'ailleurs baisse aujourd'hui, de manière un peu significative.
18:18 C'est ces boîtes-là, ces compartiments-là qui doivent baisser.
18:21 On peut penser que l'euphorie sur ces secteurs, notamment sur le luxe,
18:25 sur la tech qui est sensible au taux, je me prononcerais moins vite.
18:30 Mais il y a aussi probablement de la place pour que le cyclique baisse davantage.
18:34 C'est-à-dire qu'elles ont souffert, mais en relatif.
18:38 Mais il y a probablement encore de la place pour que les inquiétudes cycliques augmentent.
18:45 Comment vous regardez ce marché actions à deux vitesses ?
18:48 Alors, le fait du jour, c'est effectivement la baisse du luxe,
18:51 partant du niveau de prix record.
18:53 On ne va pas s'alarmer pour LVMH et Hermès aujourd'hui.
18:56 L'excusé du luxe, c'est qu'il y a des prises de profit de temps en temps.
18:58 Là, on a eu une hausse incroyable, même si les multiples en absolu ne sont pas indécentes.
19:03 Hermès, si, mais ça l'a toujours été.
19:05 Mais chez LVMH, on est à 25, 26 fois les résultats.
19:07 Oui, mais ils sont moins élevés que les précédents records de l'action.
19:11 On ne peut pas dire qu'aujourd'hui, LVMH soit particulièrement cher, si vous voulez.
19:15 Maintenant, comme on l'a souligné, c'est vrai que la cote, il y a beaucoup d'écarts.
19:18 Il y a des sociétés, pour être très grossiers, de qualité.
19:22 Tech, luxe, où on sait que ça avance, quoi qu'il arrive.
19:25 Et qui sont à 25 fois les résultats.
19:27 Et vous avez des sociétés plus cycliques, plus incertaines, qui n'ont pas forcément du pricing power.
19:33 Qui, si ça ralentit, vont devoir baisser leur prix pour tenir leur volume, etc.
19:37 Et qui sont à 10 fois les résultats.
19:39 Et puis, dans le monde des small mid-cap, on a des boîtes de grande qualité.
19:41 Qui sont à 10 fois les résultats.
19:43 Parce qu'il n'y a pas de flux, pas de volume, pas de ceci, pas de ça.
19:45 Donc, les valorisations du marché en tant que telles.
19:48 13 fois les résultats de 2023 en Europe, 18 fois aux Etats-Unis.
19:52 En soi, c'est une forme de protection.
19:54 Parce qu'on n'est pas dans une bulle, au moins en termes de multiples.
19:57 Maintenant, en termes de valorisation, de dynamique.
20:01 C'est vrai que le luxe, on pourrait avoir un petit ralentissement d'activité.
20:05 Qui pourrait peser sur les cours de bourse.
20:08 Mais fondamentalement, ça reste un secteur de croissance.
20:10 Où il y a du pricing power.
20:12 Et le schéma où on a une économie qui ralentit.
20:15 Avec des taux d'intérêt qui se "calment".
20:18 Ça devrait favoriser les valeurs, soit les valeurs dites de croissance.
20:22 Ou qui ont la capacité de garder leur marge.
20:25 Dont les résultats ne souffriront pas trop.
20:27 Et qui bénéficieront, boursièrement parlant, d'une hausse des multiples.
20:30 Donc la tech, oui. Le luxe, oui.
20:32 Après, il y a des grandes tendances qui ne vont pas forcément changer.
20:35 Qu'il y ait une récession ou pas.
20:37 C'est cette tendance à la premiumisation des comportements.
20:39 Qu'on voit avec le luxe.
20:41 Et puis la tech, c'est aussi un moment où on a mis du temps à mettre en place.
20:44 Tout ce qu'on appelle l'infrastructure cloud.
20:47 L'IA, etc.
20:48 Et là on arrive à une phase où tout ce qui est intelligence artificielle va commencer.
20:51 A avoir des effets peut-être plus tangibles sur la performance des entreprises.
20:55 Et c'est aussi avec ce genre de choses que les questions de productivité pourraient s'améliorer.
21:01 Alors peut-être en détruisant des emplois.
21:03 Mais sur votre point sur la productivité, qu'est-ce qu'on a ?
21:05 On a du mal à trouver des gens pour travailler en ce moment.
21:08 Donc, il faut aller les chercher.
21:10 On va chercher des gens peut-être moins en forme, plus âgés, moins motivés.
21:14 Parce qu'il faut quand même les faire travailler.
21:16 Donc, ce n'est pas illogique que quand le marché de l'emploi est très tendu,
21:19 on est moins regardant sur la énième personne qu'on recrute.
21:22 Et donc, sa motivation, sa capacité à travailler, elle peut démissionner du jour au lendemain.
21:26 On comprend bien pourquoi dans une économie un petit peu sous tension,
21:29 la productivité marginale du travail est moins bonne.
21:32 C'est un peu logique.
21:34 Donc, si les choses se calment,
21:36 la France historiquement a été connue pour avoir une bonne qualité du travail.
21:39 Puisqu'on a des charges sociales extrêmement élevées.
21:41 Donc, tout le monde s'en plaint.
21:43 Mais au moins, la productivité du travail en France est bonne,
21:45 parce que le travail est très cher et pour cause.
21:47 Donc, la productivité du travail, c'est quelque chose qui peut s'améliorer.
21:49 Si l'activité ralentit, et puis, il y a toutes ces nouvelles technologies qui vont arriver.
21:53 Alors, certains le voient comme un drame social, parce que ça va libérer des bras,
21:57 créer du chômage, mais en même temps, libérer des bras, ça peut aussi permettre de faire d'autres choses.
22:00 Donc, c'est pas bon.
22:02 Donc, technologie, oui.
22:04 Les secteurs de croissance ou défensive, je pense, devraient s'en tirer.
22:06 En revanche, oui, les secteurs plus cycliques qui n'ont pas de pricing power,
22:09 ou alors, il va falloir baisser les prix pour garder les volumes, par exemple, l'automobile.
22:13 Ça peut encore baisser.
22:14 Je ne sais pas, le PST Lantis, il a quoi, 3 ?
22:16 Ça peut encore direhiter plus que ça ?
22:19 Le PE, peut-être pas, mais en tout cas, l'activité ou les baisses de prix, les marges,
22:22 oui, peuvent être sous pression dans des secteurs comme celui-là, oui.
22:25 Bon, la dynamique de marché, qu'est-ce que ça vous inspire ?
22:28 C'est vrai qu'il y a dans les marchés globaux des messages assez différents.
22:31 Les messages des marchés actions, les messages de la courbe des taux.
22:35 Les matières premières aussi, on note quand même la surperformance des métaux précieux
22:38 par rapport à l'énergie, par rapport aux métaux industriels.
22:41 Alors, ça peut corriger un peu sur quelques jours.
22:43 Effectivement, là, on voit le pétrole qui repart un peu aujourd'hui,
22:46 mais en tout cas, force est de constater qu'il y a des messages
22:49 qui ne sont pas très macro-positifs sur certains marchés.
22:51 Moi, j'aurais envie de dire, les marchés, alors c'est vrai qu'on peut dire
22:55 les niveaux de taux d'intérêt ont un peu baissé.
22:58 Les indices, les grands indices actions ont bien performé depuis le début de l'année.
23:04 C'est bien.
23:06 Mais quand on entre dans plus de détails, on a quand même notre inversion de la courbe des taux.
23:10 Elle est encore là.
23:11 Et donc, c'est quand même un message.
23:14 Du côté des actions, on a parlé des "equal weighted index".
23:18 On voit bien tout de même qu'il nous envoie un message de fragilité.
23:22 Et il faut savoir l'entendre.
23:24 Et puis, quand on voit le profil des "steel value" contre les "steel growth",
23:29 on voit bien que la préférence donnée aux "steel growth" par rapport aux "steel value",
23:35 quand on est en train de flirter avec la récession, ça s'estompe.
23:39 Donc moi, je trouve qu'il y a quand même des messages aujourd'hui,
23:41 du côté du marché des capitaux.
23:43 Alors là encore, c'est comme du côté de la conjoncture.
23:46 Les messages tirent un peu à U et à Dia.
23:49 Mais il y a des messages qu'il faut suivre aussi.
23:52 Parce que moi, une fois que j'ai dit tout ça,
23:55 il y a des éléments techniques qui me font dire
23:57 "Tiens, il y a des petits drapeaux que l'on agite et qu'il faut entendre,
24:01 ou qu'il faut regarder plutôt."
24:03 Mais en fait, moi, ce qui me gêne le plus, c'est les anticipations de marché.
24:07 Dire sur la croissance économique, en gros, ce qu'on nous dit,
24:10 c'est croissance zéro entre maintenant et la fin de l'année.
24:13 Zéro moins aux Etats-Unis, zéro plus.
24:16 Mais en fait, dans un environnement compliqué, pas qu'au niveau économique,
24:21 au niveau géopolitique, voire dans un certain nombre de pays importants,
24:25 au niveau de la politique intérieure,
24:28 comme c'est fragile, ça peut basculer.
24:31 Et donc, faisons attention qu'on n'ait pas des révisions.
24:34 Ce que Vincent disait sur les indices de surprise
24:37 montre bien qu'on peut avoir des révisions.
24:39 Donc, la croissance, on n'est pas sûr.
24:41 L'inflation, je pense qu'il y a un optimisme trop fort
24:44 sur un ralentissement à venir vite.
24:47 Sur le calendrier de ce ralentissement,
24:50 je dirais que ce sera plus lent que ce qu'on dit.
24:53 Et l'atterrissage, il se fera à quel niveau ? On n'en a aucune idée.
24:56 On dit autour de 3, un peu par...
24:59 - Parce que ça rassure !
25:01 - En fait, on sait pas bien.
25:03 Donc, tout ce qu'on dit derrière sur les banques centrales,
25:05 en disant "ouf, ça y est", on voit bien.
25:07 Qu'est-ce qui influence l'autre ?
25:09 Ce sont les marchés qui influencent les banquiers centraux,
25:12 les banquiers centraux qui influencent les marchés.
25:14 Il y a un peu de part et d'autre.
25:16 Mais tout ça ne me semble pas très assuré.
25:19 Je ne parierai pas sur le fait qu'on est tout proche
25:22 du plafond des taux courts avec ce que je dis sur les prix.
25:26 Il me semble que sur les anticipations,
25:28 il y a une capacité à être surpris.
25:31 J'aurais envie de dire négativement surpris.
25:33 Je mêle cela avec des petits indicateurs
25:37 qui rendent un peu prudents sur le comportement des marchés.
25:41 Tout ça mis ensemble, je serais plutôt d'accord sur l'idée
25:44 que sur les actions, ça baisserait devant,
25:47 mais ça ne m'étonnerait pas trop.
25:49 Après, on reste quand même dans un espèce d'entre-deux.
25:51 On a discuté et on voit bien les positions un peu différentes.
25:55 Celui qui a envie de rester constructif,
25:57 il trouve des éléments pour se rassurer et rester constructif
26:01 et profiter encore du voyage sur les marchés.
26:03 Celui qui a envie de se focaliser sur la destination
26:06 qui sera à un moment un épisode récessif,
26:08 il a là aussi tous les arguments pour se focaliser
26:10 sur ce point-là spécifiquement.
26:13 Comment on gère ça dans les portefeuilles
26:15 ou dans les stratégies d'investissement, Vincent ?
26:17 Il faut être pragmatique quand même.
26:19 Je dois dire que les investisseurs globalement
26:21 ont été surpris par la bonne performance des actions cette année,
26:25 notamment les gestions actives.
26:29 On s'aperçoit que beaucoup de gérants sont restés sous-pondérés,
26:33 plutôt négatifs, trop négatifs.
26:36 Mais en face de ça, on a eu un mouvement d'achat
26:39 de la part des fonds systématiques.
26:41 Donc là, on a une dichotomie très claire dans les comportements,
26:45 avec un comportement défensif sur les gestions actives
26:49 et par contre des achats venant des fonds systématiques
26:52 qui s'expliquent en partie par le fait que la volatilité action
26:58 est très basse par rapport à la volatilité taux.
27:02 La volatilité taux est très active
27:04 et notamment sur tout ce qui est fonds de risk parity.
27:07 Cette faible volatilité relative sur les actions
27:10 pousse à des achats d'actions
27:12 et ça a contribué à cette performance quand même
27:16 meilleure qu'attendue sur les actions cette année.
27:19 Alors, est-ce que ça, ça va se retourner ?
27:22 C'est possible, je pense.
27:24 Notamment, paradoxalement, si on venait à avoir des bonnes nouvelles
27:29 sur le plafond de la dette aux Etats-Unis,
27:31 on aurait passé, je dirais, une étape importante,
27:35 un facteur d'incertitude très important
27:38 qui pourrait faire baisser la volatilité sur les taux
27:42 et de ce fait inciter ces fonds systématiques
27:45 à rebalancer leurs obligations.
27:47 Donc ça, c'est un point à suivre.
27:49 L'autre implication un petit peu paradoxale
27:52 d'un accord sur le plafond de la dette,
27:54 c'est qu'une fois que le département du Trésor américain
27:58 est en position pour émettre de la dette de nouveau,
28:01 son compte, c'est un peu technique,
28:03 mais son compte de cash à la fête va gonfler
28:06 et ça va impliquer que la liquidité sort du marché
28:10 pour se trouver bloquée à la fête.
28:13 Donc c'est un choc négatif de liquidité
28:16 et on sait que ces chocs de liquidité
28:19 ont un impact important sur les actifs risqués.
28:22 Donc je pense que paradoxalement,
28:24 une bonne nouvelle sur le plafond de la dette
28:28 pourrait être un signal de...
28:30 Voilà, il faut vendre la bonne nouvelle
28:32 parce que, de toute façon, elle était plus ou moins anticipée,
28:35 je ne crois pas que le marché s'attend à une catastrophe,
28:38 soit positionné pour une catastrophe.
28:40 Donc même si on a un accord, paradoxalement,
28:43 ça pourrait générer une correction sur les actions.
28:46 Oui, le CDS américain, non, ce n'est pas le marché,
28:49 c'est un aspect du marché, c'est ça que vous voulez dire Vincent.
28:53 Le CDS américain ou les T-bills de court terme.
28:56 Il faut savoir qu'il y a certains acteurs
28:58 qui sont obligés de se couvrir par rapport à ce risque
29:01 et donc ça fait gonfler ce CDS,
29:03 mais on n'observe pas ce pessimisme globalement sur le marché.
29:07 C'est vrai que le CDS est plus élevé qu'il n'était en 2011,
29:10 lors de la crise sévère sur le plafond de la dette
29:13 et le rating américain,
29:15 mais sur l'ensemble du marché,
29:17 je ne crois pas du tout que le marché soit positionné
29:19 pour un scénario négatif.
29:20 Sur l'aspect liquidité, ce que vous disiez est important
29:23 parce qu'effectivement, une fois que le plafond de la dette
29:25 aura été relevé, la Fed va pouvoir réémettre
29:28 pour des milliards et des dizaines de milliards
29:31 de bons du trésor, Vincent,
29:34 et vous dites que tout le paradoxe,
29:36 c'est que cet argent va conduire à un drain de liquidité,
29:39 à un assèchement de la liquidité du marché.
29:41 Oui, parce que le trésor américain va se retrouver
29:43 avec tout ce cash qui ne sera pas immédiatement prêt
29:46 à être dépensé et donc il va être parqué à la Fed,
29:49 ce qui implique un retrait de liquidité du marché.
29:52 Il y a un autre choc de liquidité qui se profile,
29:54 c'est le TLT euro, le remboursement des TLT euro
29:57 en Europe auprès de la BCE,
29:58 donc les banques qui ont beaucoup emprunté auprès de la BCE
30:01 font face à un remboursement très important fin juin,
30:04 le 28 juin, et ça, ça impliquera également
30:07 une forte baisse du bilan de la BCE
30:09 et donc également un choc négatif de liquidité.
30:12 Et la BCE à ce stade n'a pas jugé opportun encore,
30:15 en tout cas, d'annoncer ou de mettre en place
30:18 des mesures peut-être de liquidité spécifique
30:21 pour les banques à nouveau ?
30:23 Elle a des outils le cas échéant,
30:25 mais au contraire, la BCE a annoncé
30:28 qu'elle se tenait à son plan,
30:30 à savoir qu'à partir du mois de juillet,
30:32 il n'y aura plus de réinvestissement
30:35 sur les papiers qui arrivent à maturité
30:39 et donc aujourd'hui, ça a un impact négatif
30:42 d'environ 15 milliards par mois sur le bilan de la BCE,
30:45 à partir de juillet, on sera plutôt à 30 milliards,
30:47 donc il y aura un effet supplémentaire
30:49 de choc négatif sur la liquidité.
30:52 Hervé, plafond de la dette,
30:53 vous en avez vu des plafonds de la dette,
30:55 des négociations et des dramas autour du plafond de la dette,
30:57 on en a tous vécu quelques-uns,
30:59 mais est-ce que cette fois, c'est différent ou pas ?
31:03 Hervé, qu'est-ce qu'il y a de différent
31:05 dans un monde qui est multipolarisé aujourd'hui,
31:09 où le dollar, certes, n'a pas d'alternative face à lui,
31:13 mais peut être de plus en plus décrié,
31:17 soulevé de plus en plus de défiance
31:19 vis-à-vis de certaines zones économiques
31:21 dans le monde aujourd'hui.
31:22 Si on reste dans l'espace américain,
31:24 ce qui change, c'est l'environnement politique,
31:29 qui est antagoniste comme jamais.
31:32 Il y a des séries qui essaient de suivre
31:35 l'antagonisme américain,
31:37 elles valent ce qu'elles valent,
31:39 mais en fait, aujourd'hui, l'antagonisme américain
31:41 serait au plus haut depuis la décennie
31:44 qui a suivi la guerre de sécession.
31:46 Quand on parle d'un climat de guerre civile aux Etats-Unis,
31:50 ce n'est pas innocent.
31:52 - La référence historique, c'est la sécession américaine.
31:54 - Il y a un dysfonctionnement de la démocratie américaine
31:59 qui est grave.
32:00 Donc, à ce titre-là, trouver des compromis,
32:04 c'est simplement plus compliqué.
32:06 Le plafond de la dette, tout au moins le shutdown,
32:11 c'est-à-dire l'incapacité du Trésor
32:14 à financer ses activités,
32:17 ça peut être juridique ou financier.
32:19 C'est juridique, les lois budgétaires n'ont pas été votées,
32:23 et dans ce cas-là, on n'a pas les moyens
32:25 de donner de l'argent aux différents départements.
32:28 Et donc, ça s'arrête.
32:30 - On ferme les administrations.
32:32 - Ça, c'était très fréquent sous les mandats Obama,
32:35 parce que les lois de dépense budgétaires n'étaient pas votées.
32:38 - C'est quelque chose que l'on connaît.
32:40 Après, il y a l'aspect financier,
32:42 c'est-à-dire qu'il y a un plafond de la dette
32:44 et on ne s'accorde pas sur l'augmentation du plafond de la dette.
32:47 Ça ne s'est jamais produit.
32:49 On a toujours trouvé le moyen d'augmenter le plafond de la dette
32:53 avant qu'on ne puisse plus mettre d'argent sur la table.
32:56 Donc, on est en train de vivre à la fois un moment où on se dit
32:59 qu'il y a déjà eu des shutdowns, on connaît,
33:01 et puis si jamais on va au blocage
33:04 parce qu'on n'a pas augmenté le plafond de la dette,
33:06 ça, ça sera nouveau.
33:08 Et je pense que ce caractère original
33:11 fait écho à l'antagonisme que l'on connaît aujourd'hui.
33:15 Donc, je pense qu'il n'y a peut-être pas
33:17 la prise de conscience sur le marché
33:20 que l'on vit un moment un peu exceptionnel,
33:22 mais en fait, il est bien un peu exceptionnel.
33:25 Par le passé, on n'a pas connu ça.
33:27 Donc, c'est vrai qu'aujourd'hui,
33:29 il y a plutôt un certain calme sur le marché,
33:31 mais je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas un contresens.
33:35 On parle de shutdown,
33:37 mais en fait, ça ne serait pas un shutdown,
33:39 ça serait vraiment une incapacité de financer ses factures.
33:44 Et ça, c'est quand même quelque chose qui est embêtant
33:48 dans un contexte international
33:50 où tout de même,
33:52 depuis les administrations,
33:54 Obama et Trump,
33:56 il y a quand même un rôle des Etats-Unis
33:58 sur la scène mondiale
34:00 qui est vu comme moins habile,
34:02 qu'il n'a pu l'être par le passé.
34:04 Alors, il n'y a pas à dramatiser.
34:06 Le plus probable, c'est qu'on s'entende,
34:08 alors on va s'entendre, à mon avis,
34:10 sur le minimum,
34:12 c'est-à-dire qu'on va avoir un relèvement
34:14 qui permettra de faire repartir l'activité
34:17 pour quelques mois.
34:19 Mais je pense que la question de fond demeure
34:21 parce que, pour finir,
34:23 en gros, pour remettre de l'ordre dans les comptes publics,
34:25 les démocrates disent qu'il faut augmenter les impôts,
34:28 ils demandent 3 500 milliards d'augmentation d'impôts
34:31 à l'horizon dix ans,
34:33 ce à quoi les républicains répondent,
34:35 mais non, il faut réduire les dépenses de 5 000 milliards.
34:37 Ça s'appelle de l'antagonisme.
34:39 Oui, et si la vérité était au milieu ?
34:42 C'est le but, c'est le sujet du compromis.
34:45 Bon, ça vous intéresse ou pas, le plafond de la dette ?
34:48 Non ?
34:50 Les Américains sont pragmatiques,
34:52 ils n'accepteront jamais d'être en défaut
34:54 au reste du monde, c'est une question de crédibilité.
34:56 Donc, je pense que le business et le réalisme,
34:58 contrairement peut-être à certains pays en Europe,
35:00 l'emporteront.
35:02 Beaucoup demandent ou appellent
35:04 la classe politique américaine
35:06 "faites sauter définitivement une bonne fois pour toutes
35:10 cette question du plafond de la dette".
35:12 Bon, ça permet de se plonger un peu dans le débat politique
35:15 des finances publiques régulièrement.
35:18 On en parle quand même de la question de la dette
35:20 et du déficit en Europe, il n'y a pas ce plafond.
35:22 Mais il y a un cadre budgétaire, il y a des contraintes,
35:25 on est en pleine discussion sur ces sujets-là, non ?
35:27 Oui, mais après, il y a une question de crédibilité.
35:29 C'est la première souche de dette mondiale,
35:31 s'ils n'honorent pas leur crème.
35:33 C'est inenvisageable par rapport au système.
35:35 Ils le savent très bien.
35:37 Même sans aller jusqu'à un événement de crédit
35:39 au sens financier du terme,
35:41 si l'administration américaine ou si le trésor américain
35:44 n'est même plus capable d'honorer
35:46 certaines de ses factures domestiques,
35:48 ce serait une tâche sur la signature américaine ?
35:50 Non, ça ils l'ont déjà fait.
35:52 S'ils ne payent pas leurs fonctionnaires,
35:54 ce n'est pas nouveau, enfin ils l'ont déjà fait.
35:56 Ce qui compte, c'est que celui qui détient la dette
35:58 soit payé.
36:00 Sinon, ça, c'est un vrai événement de crédit.
36:02 Une boîte qui honore ses créances,
36:04 mais qui ne paye pas ses fournisseurs.
36:06 On ne citera personne.
36:08 Ce qui compte, c'est que les bons holders soient honorés.
36:10 Ils savent très bien qu'ils ne peuvent pas
36:12 se permettre de ne pas le faire.
36:14 Il y a une hiérarchie dans le défaut
36:16 entre ne pas rembourser un bills monétaire
36:18 à un mois et ne pas rembourser
36:20 de la dette plus long terme.
36:22 Ce n'est pas la même histoire ?
36:24 Ou au final, pour l'image du dollar
36:26 et de la signature américaine,
36:28 ce serait le même ?
36:30 Non, dans le cas extrême,
36:32 il mettra en place des priorités.
36:34 La priorité serait de payer
36:36 la dette courte et longue
36:38 avant de payer
36:40 certains créanciers ou employés.
36:42 C'est inimaginable
36:46 qu'il ne paie pas.
36:48 C'est pour ça que le marché
36:50 ne l'imagine pas vraiment.
36:52 On suivra ça entre le 1er,
36:54 le 2, le 8 juin.
36:56 C'est dans cette zone-là que les choses
36:58 joueront ou seront peut-être résolues.
37:00 D'ici là, on va en reparler
37:02 dans un instant dans le dernier quart d'heure
37:04 de Smart Bourse qui sera notre quart d'heure
37:06 américain ce soir. Merci beaucoup à vous
37:08 trois d'avoir été les invités de Planète Marché.
37:10 Vincent Chaignot, directeur de la recherche de Generali Investments.
37:12 Au côté d'Hervé Goulettequer,
37:14 conseiller économique d'Accuracy.
37:16 Et d'Alain Dubrulle, le directeur de la gestion de Claresco.

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