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L'accès aux données sur les bénéficiaires effectifs avec Maxime de Guillenchmidt, Associé, Veil Jourde.

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Transcription
00:00On va parler de l'accès aux données sur les bénéficiaires effectifs avec mon invité
00:14Maxime Deguy-Menschmidt, associé chez Veiljourde. Maxime, bonjour !
00:19Bonjour Arnaud !
00:20L'accès aux données sur les bénéficiaires effectifs soulève de nombreuses questions
00:24juridiques, notamment au regard des droits fondamentaux. On va en parler ensemble, mais
00:29avant toute chose, qu'est-ce qu'un bénéficiaire effectif ?
00:32Un bénéficiaire effectif, c'est toujours une personne physique et c'est la personne
00:38qui détient ultimement une société. Cela veut dire que c'est la personne qui a plus
00:42de 25% du capital ou du contrôle d'une société, que ce soit directement ou par l'interposition
00:48d'autres sociétés. Mais ce qui est important à retenir, c'est que c'est toujours une
00:51personne physique.
00:52D'accord. Quelles sont les sociétés concernées par la déclaration de ces bénéficiaires
00:58effectifs ?
00:59Il y a relativement longtemps, toutes les sociétés immatriculées en France doivent
01:03déclarer qui sont leurs bénéficiaires effectifs, y compris lorsque vous avez une société française
01:08qui est détenue par une société étrangère, qui elle-même est détenue par une personne
01:12physique étrangère, la société française doit déclarer son bénéficiaire effectif
01:16qui est la personne étrangère.
01:17Alors aujourd'hui, qui a accès aux données sur les bénéficiaires effectifs ?
01:21Alors l'évolution est intéressante puisque sous l'emprise, le régime de l'ancienne
01:27directive de 2015, tout le grand public avait accès au registre des bénéficiaires effectifs.
01:33D'accord.
01:34Ça veut dire que sur Internet, il y avait le nom des propriétaires infinis des sociétés.
01:38Et puis en 2022, la Cour de justice de l'Union européenne a été saisie, pour une affaire
01:44luxembourgeoise mais qui s'applique à toute l'Europe, sur l'accès à tout le public
01:49des bénéficiaires effectifs. Et la Cour a jugé qu'il y avait une atteinte au droit
01:54à la vie privée et au droit à la protection des données personnelles et que cette atteinte
01:58n'était pas légitime parce que les objectifs poursuivis qui étaient la lutte contre certaines
02:02infractions ne nécessitaient pas que tout le monde ait accès au registre des bénéficiaires
02:08effectifs.
02:09Depuis cet arrêt de la Cour de justice, la 6e directive anti-blanchiment a été adoptée
02:15en mai 2024 et elle prévoit désormais que l'accès aux bénéficiaires effectifs est
02:21réservé aux autorités publiques, évidemment, c'est l'administration pour les enquêtes,
02:27aux établissements de crédit, c'est-à-dire les banques qui prêtent de l'argent et qui
02:31doivent savoir à qui elles prêtent de l'argent et d'où viennent les fonds, et puis aux sociétés
02:35qui exercent leur devoir de vigilance et qui doivent savoir avec qui elles contractent.
02:39Il y a une dernière catégorie qui est la catégorie qui pose a priori le plus de problèmes
02:46ou en tout cas qui fait le plus parler, ce sont les journalistes et acteurs de la société
02:49civile.
02:51Pourquoi vous estimez que cette catégorie pose problème ?
02:55Elle pose problème parce que vous n'ignorez pas qu'on a un petit flottement institutionnel
03:00en France depuis quelques mois et la directive a prévu que les acteurs de la société civile,
03:05c'est-à-dire les associations, les journalistes qui étaient engagés dans la lutte contre
03:11le terrorisme et le blanchiment pouvaient avoir accès, ce qui est légitime parce que
03:15ça permet de dénoncer des scandales.
03:18Mais comme il n'y a pas eu de transposition en droit français parce que nous n'avons
03:20pas eu de parlement de cette directive, on a simplement un communiqué du ministère
03:25des Finances de la fin du mois de juillet qui n'utilise pas cette expression d'acteurs
03:30civils ou de journalistes qui sont actifs dans la lutte contre le blanchiment et la
03:36corruption, mais elle définit une catégorie un peu plus large qui sont les acteurs engagés
03:43dans la transparence financière.
03:45Alors la transparence financière, c'est beaucoup plus large que le combat contre
03:49la corruption et le blanchiment de capitaux.
03:53La transparence financière, c'est savoir qui a quoi.
03:57Que répondez-vous justement à ceux qui veulent une plus grande transparence financière?
04:03Je réponds qu'on doit, comme dans tous les cas où il est question de droits fondamentaux,
04:09faire un contrôle de proportionnalité.
04:12Pourquoi est-ce qu'on peut porter atteinte aux données personnelles et à la vie privée
04:18en divulguant à certaines personnes la propriété de certaines sociétés?
04:22C'est pour combattre la corruption, le blanchiment de capitaux et le terrorisme.
04:29Est-ce qu'on a besoin que n'importe quelle personne ait accès aux données des
04:34bénéficiaires effectifs pour combattre cela?
04:35Non, parce que c'est la mission de l'État.
04:38Ça peut être éventuellement à l'émission des journalistes spécialisés, mais pas
04:40de n'importe qui. Aujourd'hui, avec la façon dont est rédigée l'accès aux
04:45bénéficiaires effectifs issus de ce communiqué, tout journaliste ou tout blogueur
04:50qui établit, par exemple, un classement des grandes fortunes, qui établit un
04:56mapping des sociétés et des détentions de sociétés pour des aspects concurrentiels
05:00peut accéder à ces informations.
05:02Et je pense que c'est dangereux, puisque ça n'est pas justifié par l'objectif
05:05d'intérêt général, qui est de lutter contre les infractions les plus graves.
05:08Quelle serait la bonne définition, entre guillemets, le bon cadre juridique pour les
05:13bénéficiaires effectifs?
05:14Le cadre juridique, ce serait déjà qu'il y en ait un, puisqu'aujourd'hui, on parle
05:18d'un communiqué, donc il n'y a pas de décret, il n'y a pas de loi, il n'y a pas
05:21de transposition, ça peut susciter des difficultés.
05:25Mais aujourd'hui, les registres publics ont un formulaire qui est assez large, où
05:31il suffit de présenter son activité pour avoir accès.
05:35Il faudrait que ce soit beaucoup plus restreint et qu'il y ait un vrai contrôle pour être
05:38certain que les demandes qui sont faites sur les bénéficiaires effectifs sont bien
05:42faites dans le cadre d'une enquête sur des actes soupçonnés de blanchiment de
05:47capitaux ou de financement du terrorisme.
05:50Vous avez parlé de contrôle de proportionnalité tout à l'heure, mais comment
05:53concrètement on peut concilier la transparence financière avec cette protection des
05:59droits fondamentaux que vous avez évoqués?
06:01C'est une balance et la transparence financière, il faut faire attention à
06:05transparence financière et lutte contre certains objectifs, dans le but d'objectifs
06:10d'intérêt général que peuvent être la lutte contre le terrorisme ou le blanchiment
06:14de capitaux. La transparence financière, ce n'est pas un objectif.
06:19On n'a pas besoin de savoir exactement combien gagne son voisin s'il est propriétaire
06:23de telle ou telle société.
06:24On en a besoin si on est dans une démarche de lutte contre des infractions les plus
06:30graves. Donc, il faut pouvoir faire ce contrôle et dire il est nécessaire pour la
06:34lutte contre certaines infractions les plus graves que certaines personnes y aient
06:37accès. Ça ne doit pas être remis en cause.
06:40L'État, les banques, les sociétés qui ont un devoir de vigilance, mais pas n'importe
06:45qui. Donc, on doit définir l'équilibre et quand la loi sera enfin débattue au
06:49Parlement, il faudra bien calibrer cet accès pour qu'il n'y ait pas un empiètement
06:54illégitime sur le droit à la vie privée, le droit à la protection des données
06:58personnelles.
06:58Aujourd'hui, justement, cette question n'est pas dans l'agenda des parlementaires.
07:03Vous pensez qu'ils vont s'en saisir dans les semaines à venir et qu'il y a vraiment une
07:07nécessité qu'ils s'emparent de ce sujet ?
07:09Il est indispensable qu'il y ait une nécessité parce qu'il s'en empare parce qu'à
07:14défaut de cela, il va y avoir des données qui vont être données à des journalistes
07:20alors qu'ils ne seront pas légitimes ou des blogueurs ou des personnes qui sont des
07:25associations, mais qui ne poursuivront pas un but qu'on appelle légitime et donc qui
07:30auront accès à des données. Et donc, il y aura une infraction, une infraction
07:33au droit au respect de la vie privée, une infraction à la protection des données
07:36personnelles et donc des actions en justice.
07:38Donc, s'il n'y a pas de légifération sur le sujet, il y aura des actions en justice et des
07:43juridictions qui vont sanctionner ces personnes-là.
07:46Comment vous voyez, justement, pour finir l'évolution du contentieux sur ce sujet ?
07:50Il y a une vraie possibilité de contentieux sur ce sujet ?
07:54Il y a une vraie possibilité.
07:56Il faudra probablement attendre que des informations sur les bénéficiaires effectifs
08:00soient utilisées à des fins non légitimes, par exemple des articles.
08:04Par exemple, imaginons un magazine qui établit un classement des grandes fortunes et
08:08qu'elle utilise les données qu'elle a obtenues sous prétexte de lutter contre le
08:12blanchiment de capitaux, alors qu'en fait, c'est uniquement pour faire le voici de la
08:17finance, c'est-à-dire dire qui sont les plus riches.
08:19Il est possible que certaines de ces personnes disent non, vous avez utilisé des
08:22données que vous n'aviez pas le droit d'avoir.
08:23On va suivre tout ça avec intérêt.
08:25Merci d'être venu sur notre plateau.
08:27Merci Arnaud.
08:29Merci à toutes et à tous de nous avoir suivis.
08:31Restez curieux et informés.
08:33Je vous retrouve très bientôt pour un nouveau numéro de Lex Insight sur Be
08:36Smart For Change.

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