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00:00L'invité éco, Camille Reveille.
00:04Bonsoir à toutes et à tous, quelle perspective pour le commerce international sur fond de guerre douanière ?
00:09On en parle avec vous ce soir Vincent Vicar, bonsoir.
00:12Bonsoir.
00:12Vous êtes économiste spécialiste de ces questions, adjoint au directeur du CEPI,
00:16Centre français de recherche et d'expertise en économie internationale.
00:19Vous signez, faut-il réindustrialiser la France ?
00:22Je ne sais plus, l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce,
00:25vient de revoir ses prévisions de croissance pour cette année fortement à la baisse.
00:28Concrètement, elle tape sur un recul de ces échanges mondiaux cette année,
00:32entre 0,2 et 1,5% en volume.
00:37Double question, est-ce que c'est surprenant et est-ce que c'est encore une prévision quand c'est aussi vaste ?
00:42Alors effectivement, c'est une gageure de faire des prévisions avec l'incertitude qu'on connaît en ce moment.
00:46Donald Trump qui fait des annonces de droits de douane extrêmement élevés,
00:49qui revient en arrière une semaine après.
00:52Donc voilà, faire des prévisions sur l'année, ça veut dire faire des prévisions
00:55sur ce que va faire Donald Trump sur les prochains mois.
00:58Et donc ça, personne ne le sait.
01:00Lui-même, on ne sait pas vraiment s'il le sait.
01:01Et les négociations qui sont censées se dérouler en ce moment avec l'ensemble des pays,
01:05on ne sait pas vraiment vers où elles vont et quel est l'objectif même de Donald Trump avec ces négociations.
01:11Donc c'est vraiment une gageure.
01:12Ce n'est pas une surprise que ces droits de douane entraînent une baisse du commerce international.
01:19Parce que c'est un choc important pour le commerce international.
01:22C'est le principal pays, les Etats-Unis, qui représente 13% des importations mondiales,
01:28qui met des droits de douane de 10% sur l'ensemble de ses partenaires
01:31et plus élevé sur certains produits qui sont beaucoup échangés comme l'acier, l'aluminium ou l'automobile.
01:36Et ces incertitudes, cette situation aussi évolutive soit-elle,
01:39quel impact ça va avoir pour l'Union européenne ?
01:42Pour l'Union européenne, il y a deux aspects.
01:45D'une part, c'est la fermeture du marché américain.
01:47Donc on a effectivement une baisse des droits de douane,
01:49une augmentation des droits de douane qui va entraîner une baisse des exportations vers les Etats-Unis.
01:54Et la deuxième dimension, c'est qu'avec la fermeture du marché américain pour les autres partenaires commerciaux,
01:59il va y avoir aussi une redirection du commerce.
02:01Et ça, particulièrement pour la Chine, qui va voir avec des droits de douane de plus de 100%,
02:05le marché américain se fermer pour un certain nombre de produits.
02:07Et donc il y a d'autres produits, certains produits qui vont se rediriger vers d'autres marchés.
02:12Pas seulement l'Union européenne, mais notamment l'Union européenne.
02:15Et donc, quelle va être vraiment l'augmentation ? Sur quels produits ?
02:18Et comment on va y répondre ? Ça va être une dimension importante.
02:20Et quelle doit être, selon vous, la réponse de l'Union européenne ?
02:23La réponse de l'Union européenne, elle doit être de deux ordres.
02:26D'une part, vis-à-vis des Etats-Unis, il y a une nécessité de mettre en place une réponse,
02:31une réponse proportionnée, parce qu'il y a une négociation qui doit s'engager
02:35et un rapport de force qui est engagé par l'administration Trump.
02:39La question qui peut se poser, c'est est-ce qu'on le fait sur les biens, avec des droits de douane,
02:42sur les services avec des restrictions de l'accès au marché pour les exportateurs américains de services vers l'Union européenne ?
02:50Ça, c'est une question qui doit être posée et qui doit être posée par les gouvernements et la Commission européenne.
02:54Puis vis-à-vis de la Chine, il y a une nécessité d'avoir une réponse coordonnée aussi,
02:58vis-à-vis des Etats-Unis, mais aussi sur, justement, comment on va gérer cette redirection du commerce
03:03pour ne pas entraîner une escalade et qui serait vraiment, justement, la situation la pire,
03:09avoir une escalade et un deuxième front dans un conflit commercial au niveau mondial.
03:13Et est-ce que l'Europe, les membres de l'Union européenne, n'ont pas tendance, parfois,
03:17à se faire concurrence entre eux, quitte à se mettre des bâtons dans les roues ?
03:21Alors oui, on sait qu'il y a des intérêts qui sont divergents.
03:25Il y a des intérêts qui ne sont pas les mêmes de l'Allemagne, qui est beaucoup plus ouverte au commerce,
03:29qui a des intérêts en Chine, notamment ses producteurs automobiles en Chine,
03:33qui est beaucoup plus exportateur vis-à-vis des Etats-Unis,
03:37d'autres pays comme l'Irlande ou éventuellement l'Italie, qui sont aussi plus exposés aux Etats-Unis.
03:43Mais il me semble que l'ampleur du choc qu'on a connu avec Donald Trump,
03:47voilà, il faut se souvenir, ça ne fait que trois mois qu'il est là,
03:50le nombre d'annonces qu'on a eues sur le commerce international,
03:52de restrictions, de menaces sur un certain nombre de sujets en dehors du commerce
03:56et des sujets qui touchent à la sécurité de manière beaucoup plus large que le commerce international,
04:00il me semble qu'il y a quand même une logique européenne de réponse européenne
04:03qui commence à se dessiner et qui va au-delà justement de ces dissensions
04:08avec une chance peut-être d'une véritable réponse européenne
04:13et un approfondissement du marché européen.
04:18Et voilà, une réponse européenne qui renforce l'Union européenne en tant que telle
04:21et qui ne se fait pas sur la concurrence entre Etats-membres.
04:24La question est peut-être un petit peu facile, mais concrètement, aujourd'hui,
04:28on parle de l'Amérique de Donald Trump, à quoi ça sert l'Organisation mondiale du commerce ?
04:33Est-ce qu'elle a encore du pouvoir ?
04:34Alors, l'Organisation mondiale du commerce, elle était déjà mal en point
04:37avant même l'arrivée de Donald Trump au pouvoir.
04:39Mais il me semble qu'il faut penser quand même l'après Donald Trump
04:42et il faut penser, comme je disais tout à l'heure, les Etats-Unis, c'est 13% des importations mondiales,
04:47ça veut dire qu'il reste 87% du commerce international
04:49avec des pays qui sont attachés au système multilatéral.
04:53Alors, l'OMC avait des défauts et ils étaient désappointés,
04:56notamment vis-à-vis de la Chine et des subventions chinoises.
04:58Mais il y a quand même cet attachement à un système multilatéral.
05:01Il faut rappeler que l'Union européenne, contrairement à d'autres pays,
05:04c'est un grand pays qui a les moyens aussi de répondre à Donald Trump,
05:07comme le fait la Chine aujourd'hui.
05:09L'Union européenne a aussi les moyens de répondre,
05:10peut-être pas dans les mêmes proportions,
05:12mais c'est quelque chose que ne peuvent pas faire d'autres pays.
05:15Par exemple, je ne sais pas, le Vietnam, par exemple,
05:18qui est ciblé par 46% de droits de douane initialement,
05:20qui ont été suspendus, mais qui n'a pas la même capacité,
05:23étant donné l'importance du marché américain pour ce pays,
05:26qui n'a pas la même capacité à répondre.
05:27Donc il y a peut-être une responsabilité de l'Union européenne
05:29de répondre à cette brèche ouverte par Donald Trump
05:34dans le système commercial multilatéral.
05:36La Chine change son négociateur sur le commerce international.
05:40C'est un signal particulier ?
05:42C'est peut-être le signal qu'il y a un changement,
05:45il y a une prise en compte du fait qu'on n'est plus dans la même situation
05:49qu'il y a 4 ans.
05:50Il y a 4 ans, le négociateur avait réussi à trouver un accord,
05:54ce qu'on avait appelé le phase one deal,
05:56où la Chine s'engageait à acheter des produits américains.
06:00Ce qui n'a pas été très loin et pas très respecté,
06:02mais ça avait empêché une escalade.
06:04Aujourd'hui, peut-être qu'on est dans une situation,
06:07en tout cas c'est la reconnaissance qu'on est dans une situation
06:09assez différente, avec une escalade beaucoup plus importante.
06:12Il faut rappeler qu'on est à plus de 100% de droits de douane
06:14sur les importations chinoises.
06:16Et donc, sûrement une stratégie un petit peu différente
06:18qui commence à se mettre en place
06:19pour essayer de trouver comment désescalader la situation.
06:23On en reparlait de ces prévisions de recul de l'OMC
06:26au début de cet entretien,
06:27entre moins 0,2 et moins 1,5%.
06:30C'est quoi ?
06:30C'est des chiffres qui ressemblent à ceux de la pandémie ?
06:33Alors, c'est moins important que la pandémie.
06:36C'est à peu près...
06:37L'autre épisode, c'est la crise de 2008-2009,
06:41où on avait eu aussi une baisse du commerce
06:42extrêmement importante, encore plus importante.
06:44Donc c'est un recul important.
06:46Encore une fois, on a des incertitudes énormes.
06:48Donc voilà, c'est plutôt des ordres de grandeur
06:49sur ce qui pourrait se passer.
06:51Mais il faut quand même se souvenir
06:52qu'avant l'arrivée de Donald Trump au pouvoir,
06:54les prévisions, c'était 3% de croissance
06:56du commerce international.
06:58Donc on est sur un retrait assez important.
07:00Après, elles vont être remises à jour.
07:03Voilà, c'est un exercice difficile.
07:05Il faut le faire.
07:06C'est un peu héroïque de faire cet exercice aujourd'hui
07:07pour l'ensemble de l'année.
07:09Mais voilà, c'est donner une perspective
07:11sur l'importance quand même de ce recul
07:13et cette rupture au niveau international.
07:15Merci beaucoup Vincent Vicard,
07:16économiste spécialiste, justement,
07:18des questions de commerce international,
07:20adjoint au directeur du Centre français
07:22de recherche et d'expertise en économie internationale.
07:25Vous êtes ce soir l'invité Éco de France Info.