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00:00Bonsoir à toutes et à tous. Quand on parle budget en ce moment, on parle beaucoup économie de guerre ou bien économie tout court.
00:09Bonsoir Dorothée Roset. Bonsoir.
00:11Chef économiste de la Direction Générale du Trésor, administration du ministère des Finances, votre rôle conseiller le gouvernement sur les politiques économiques.
00:19Et à l'occasion du printemps de l'économie, c'est en ce moment, vous venez de concevoir et participer à une table ronde avec cette question.
00:25Peut-on encore financer la transition écologique avec nos contraintes budgétaires ?
00:31Bon, est-ce que la réponse est oui ? J'imagine que oui, mais que ce n'est pas si simple.
00:35Exactement, oui. La réponse est que oui, on peut, il faut, mais ça demande des choix et ça demande de bien réfléchir aux instruments, aux outils.
00:45Quel financement pour le public ? Quel financement pour le privé ? Pour financer ce qui va être un mur d'investissement.
00:49Vous travaillez au Trésor, on va se parler chiffres d'abord, parce qu'il faut qu'on parle d'argent.
00:52Les enjeux de la consolidation budgétaire, ce chiffre en milliards d'euros, ce de la décarbonation aussi.
00:58Quels sont les grands équilibres qu'il faut qu'on ait en tête ? Les grandes données.
01:02Alors déjà, peut-être se dire de combien d'investissements on a besoin pour la décarbonation.
01:06A horizon 2030, on veut réduire de moitié nos émissions par rapport à 1990.
01:11Ça demande, selon nos estimations, 110 milliards d'euros d'investissement en plus dans le logement, dans les transports, dans l'industrie, dans l'énergie.
01:19Par contre, il y a des investissements qu'on pourra faire en moins.
01:21On va devoir réduire de moitié nos investissements fossiles, carbonés, par exemple, plus de voitures électriques, moins de voitures thermiques.
01:28Donc, en net, on doit chercher 63 milliards d'euros, d'après nos estimations, c'est-à-dire à peu près 2 points de PIB d'investissement en plus, public et privé.
01:35Et pour les économies budgétaires, pour réduire le déficit ? L'objectif, c'est 3% du PIB en 2029, ça approche ? Là, il faut aussi trouver de l'argent.
01:44Tout à fait. On devrait être à 5,4% cette année, pour revenir à 3% en 2029, compte tenu du fait aussi que certaines dépenses naturellement augmentent,
01:51parce que la population vieillit, etc. Ça représente environ 100 milliards d'économies à trouver d'ici 2029.
01:57Comment on fait alors ? Comment fait-on pour concilier à la fois transition écologique et réduction du déficit ?
02:04Alors, déjà, la réponse un peu naturelle, c'est que l'État, la puissance publique, les dépenses publiques vont devoir prendre une part.
02:10Mais d'abord, le seul outil à la main de l'État n'est pas seulement la dépense publique. On peut réglementer, on peut donner un prix au carbone.
02:17On doit réfléchir aux implications de ces différents instruments et à la bonne combinaison avec des implications économiques, sociales, environnementales.
02:24Et de toute façon, le secteur privé devra faire la majorité de ses investissements, comme il fait d'ailleurs la majorité des investissements dans l'économie.
02:30Et alors, comment fait-on pour l'inciter, pour l'encourager ?
02:33Alors, il y a différents outils là aussi. Parfois, on peut réglementer, à manier avec prudence parce qu'on a aussi des enjeux de simplification.
02:42Mais un exemple, c'est par exemple pour inciter les flottes automobiles professionnelles à se verdir, à aller vers l'électrique.
02:49On impose maintenant une sorte de quota qu'elles doivent respecter. Et comme elles renouvellent ces flottes assez souvent, ce n'est pas forcément une mesure trop contraignante.
02:58On peut, ce qui est l'outil préféré des économistes, donner un prix au carbone. Donc il y a un marché de quotas aussi d'émissions européens qui donne un prix au carbone.
03:09C'est l'outil le plus efficace. Par contre, ça pose des enjeux d'acceptabilité sociale.
03:13Et puis enfin, il y a tout ce qui relève de la dépense publique, la subvention, par exemple, pour décarboner certaines industries.
03:19Mais aussi des outils plus légers en termes de dépenses publiques qui peuvent aider, comme des prêts, des garanties,
03:24quand les contraintes sont plutôt des contraintes de financement que de rentabilité propre.
03:27Et comment on fait pour que personne ne soit laissé de côté ?
03:30Alors ça, c'est vraiment l'enjeu d'accompagnement. Le rôle de l'État, je dirais, dans tout ce financement de la transition écologique,
03:37ça va être de déclencher les investissements. C'est un peu ce dont je viens de parler.
03:41Ça va être d'assurer aussi ses propres investissements, rénover les bâtiments publics, développer les infrastructures bas carbone.
03:46Et puis ensuite, tout cet enjeu d'accompagnement, soit des ménages qui sont particulièrement vulnérables parce que c'est des ménages modestes,
03:52mais aussi parce qu'ils peuvent habiter en zone rurale, n'ayant pas de transport public à proximité.
03:58Donc pour eux, on ne peut pas juste réglementer en disant « vous devez changer de voiture ». Ils n'en ont pas les moyens.
04:04Donc il faut les aider. Pareil pour les entreprises. Il y a certaines industries, on ne peut pas juste leur dire « vous devez dépenser des milliards en décarbonation »,
04:11si ça veut dire qu'ils vont tellement perdre en compétitivité qu'en fait, l'industrie ne va pas survivre.
04:15Donc il faut regarder quelles sont ces poches de vulnérabilité. Et là, oui, il y a aussi un rôle d'accompagnement qui se fait forcément par la dépense publique.
04:21Et pourtant, on se dit tout ça, Dorothée Rouset, mais dans le dernier budget, le budget 2025, il y a des coups de rabot sur certaines enveloppes,
04:27par exemple pour le bonus écologique, à l'achat d'une voiture, d'autres coups de rabot sur MaPrimeRénov', est-ce que c'est compatible avec tout ce qu'on se dit ?
04:36Oui, alors il faut voir déjà dans ce budget, ce qu'on fait à chaque exercice budgétaire, ce qu'on appelle le budget vert, c'est-à-dire on regarde dans les dépenses
04:42ce qui est favorable à l'environnement, ce qui est aussi des dépenses brunes. On devrait maintenir le niveau de dépenses vertes à environ 40 milliards d'euros.
04:49C'était 34 en 2023, donc on est toujours bien sur une hausse. Ensuite, une des réponses aussi à l'équation dont on se parle depuis tout à l'heure, c'est de chercher
04:57l'efficacité de chaque euro public. Donc quand il y a des dispositifs qui n'atteignent pas complètement leur objectif, ou dans le cas de MaPrimeRénov',
05:03en fait, l'enveloppe de l'année dernière n'a pas été consommée parce que la demande n'était pas là. Quand on subventionne aussi des choses qui n'ont pas les bénéfices
05:10écologiques attendus, on a aussi le droit de réduire certains dispositifs pour pouvoir en accroître d'autres et donc rendre l'ensemble plus efficace en termes
05:18d'empreintes environnementales et en termes aussi économiques et sociaux.
05:21On peut se dire qu'il y a quelque chose aussi qui ne va pas faciliter la tâche pour résoudre cette équation, c'est qu'avec l'avancée de la décarbonation,
05:29d'aller vers l'objectif de la sobriété carbone, les finances publiques vont perdre des recettes.
05:33Tout à fait. Et en soi, en quelque sorte, c'est une bonne chose parce que tout ce qui est fiscalité écologique, donc fiscalité sur les émissions, sur le carbone,
05:44c'est une fiscalité dont on veut qu'elle s'éteigne puisque leur but, c'est de décourager la consommation.
05:48Là, ce qui va se passer, c'est que si on atteint notre trajectoire de décarbonation, ça passe en particulier par un virage plus important vers le véhicule électrique.
05:58Or, le carburant fossile est très taxé. L'électricité par unité d'énergie est moins taxée.
06:03Donc ça veut dire au total une perte de recettes publiques qu'on chiffre à environ 10 milliards d'euros à horizon 2030, 30 milliards d'euros à horizon 2050,
06:09en considérant qu'en 2050, il n'y a plus de véhicules thermiques, donc il n'y a plus de carburants à taxer.
06:13On s'est donné beaucoup de chiffres, je vais vous en demander un dernier sur la petite minute qui nous reste. Quel serait le coût de l'inaction ?
06:18Le coût de l'inaction, ce qu'il faut retenir, c'est que c'est beaucoup plus que le coût de l'action.
06:22Là aussi, on a regardé plutôt en termes de coûts économiques, c'est-à-dire que le coût de la transition pour la croissance, il existe.
06:31On le chiffre entre 0,5 et 1 point de PIB en 2030, mais il reste modéré et transitoire.
06:37Une fois qu'on a décarboné, on n'a pas de raison d'avoir moins de croissance.
06:40Le coût de l'inaction, pour le monde, alors ce n'est pas nous qui l'avons fait, mais le réseau de banques centrales qui s'intéressent à la question,
06:46le chiffre a 15 points de PIB en 2050. Donc si on ne fait rien, un réchauffement de 3 degrés, ça coûte 15 points de PIB à l'économie mondiale.
06:53C'est beaucoup, beaucoup plus que le prix des efforts.
06:54Sachant qu'un point de produit intérieur brut, c'est à peu près 30 milliards d'euros.
06:58C'est à peu près, c'est ça.
07:01Le coût de l'inaction, 15 points de PIB.
07:04Merci beaucoup Dorothée Rouzadechev, économiste de la Direction Générale du Trésor Administration du Ministère des Finances.
07:11Vous étiez notre invitée éco pour se poser cette question.
07:13Comment concilier sobriété carbone et sobriété budgétaire ?
07:16Merci d'avoir été avec nous.
07:17Merci.