L'épargne des Français bat des records, Philippe Crevel, le directeur du Cercle de l'Épargne est l'invité éco de franceinfo, mercredi 31 janvier.
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00:00 L'invité éco, Camille Crevel.
00:03 Bonsoir à tous, nous parlons livret A, livret d'épargne populaire, livret de développement
00:07 durable et solidaire.
00:08 Avec notre invité, nous parlons épargne ce soir.
00:11 Bonsoir Philippe Crevel.
00:12 Bonsoir.
00:13 Vous êtes économiste, directeur du Cercle de l'épargne.
00:16 On a, nous dit l'INSEE ce matin, une inflation à 3,1% sur un an.
00:21 En janvier, elle ralentit nettement.
00:23 Quel impact ça peut avoir sur le comportement des Français en matière d'épargne ?
00:27 Alors logiquement, si tout se passe bien, quand l'inflation recule, les Français vont
00:32 avoir plus confiance dans l'avenir, vont reprendre le chemin de la consommation parce
00:37 qu'il faut se dire que ces derniers mois, ces dernières années, les Français se sont
00:43 restreints en consommation pour justement épargner davantage.
00:46 Donc nous pouvions espérer le chemin inverse, l'inflation baisse et un peu plus de consommation
00:52 et ce sera bon pour notre croissance qui a été faible au dernier trimestre 2023, zéro.
00:57 Donc on peut espérer évidemment un peu mieux dans les prochains mois.
01:00 Mais quels comportements ont les Français globalement ? Est-ce qu'on a quand même
01:03 une tendance à être fourmis, même quand l'inflation recule ?
01:05 Les Français sont des fourmis.
01:07 Avec les Allemands, au sein de l'Europe, la France arrive en deuxième position.
01:12 Le taux d'épargne des ménages en 2023 tourne autour de 17-18% du revenu des ménages.
01:19 Ça veut dire que près d'un cinquième de ce que nous recevons en revenu est mis de
01:23 côté.
01:24 C'est une moyenne.
01:25 Évidemment, les Français modestes n'ont pas les moyens d'épargner.
01:28 Mais si je prends l'ensemble de la population, nous sommes à près d'un cinquième.
01:32 Et comment on explique ces comportements-là spécifiquement ? Alors pas typiquement français
01:35 du coup, mais comment on explique les racines de ce comportement de fourmis de prudence ?
01:40 Il y a des traditions, il y a de l'histoire.
01:43 Et les Français, historiquement, sont des épargnants comme les Allemands.
01:46 À la différence des Américains qui consomment quoi qu'il arrive.
01:49 Nous épargnons par précaution essentiellement, par peur de l'avenir.
01:54 Et depuis la crise sanitaire, les Français mettent beaucoup d'argent de côté dans
01:59 cette fameuse cagnotte.
02:00 Ça a été la cagnotte Covid et puis après on va dire que ça a été la cagnotte inflation.
02:04 Quand on a peur dans l'avenir, quand on pense qu'on ne pourra pas faire face à
02:08 ces dépenses, on met de l'argent de côté.
02:10 Et puis évidemment, il y a d'autres raisons pour lesquelles on met de l'argent de côté.
02:13 La préparation de la retraite.
02:15 72% des Français, selon une étude IFOP, craignent pour leur pouvoir d'achat à la
02:21 retraite.
02:22 Qu'est-ce qu'ils font ?
02:23 Ils mettent de l'argent de côté pour leur future retraite en se disant que ça permettra
02:26 d'améliorer les pensions qu'on imagine un petit peu en baisse dans les prochaines
02:30 années du fait des réformes.
02:31 Qu'on soit, qu'on ait une idée claire des chiffres, les Français ont placé des
02:35 montants records, je crois, sur le livret A, le livret d'épargne populaire, le livret
02:39 de développement durable et solidaire en 2023.
02:43 Y compris au mois de décembre d'ailleurs.
02:44 Pourtant, mois traditionnellement propices à la consommation.
02:47 On a atteint quel niveau d'épargne ?
02:49 Pour les livrets réglementés, livret A, livret de développement durable et solidaire,
02:55 livret d'épargne populaire, c'est vrai qu'en 2023, ça a été des niveaux records.
03:00 Plus de 28 milliards d'euros sur le livret A.
03:04 Ça n'avait jamais été enregistré sur le livret A.
03:07 C'est un record absolu.
03:08 Le livret d'épargne populaire, plus de 20 milliards d'euros.
03:11 C'est lié à plusieurs facteurs.
03:13 Il y a son taux de rendement pour le LEP, pour le livret d'épargne populaire.
03:16 Un taux de rendement de 6% en 2023 qui baisse au 1er février à 5%.
03:21 Mais c'est un rendement élevé.
03:23 Puis d'autre part, il y a eu le relèvement du plafond.
03:25 Avant, le plafond du livret d'épargne populaire, c'était 7700 euros.
03:29 Et maintenant, c'est 10 000 euros.
03:31 Donc ça a influencé les Français.
03:33 Pour le livret A, le rendement était plus faible, 3%.
03:36 C'était en dessous de l'inflation.
03:37 L'inflation en 2023, ça a été 4,9%.
03:41 Et pourtant, les Français ont mis de l'argent dessus.
03:43 Parce qu'ils ont regardé ce qu'il y avait sur le marché, sur la place.
03:46 Et le livret A était compétitif.
03:48 Et ils avaient raison, il valait mieux mettre de l'argent sur le livret A
03:51 que de le laisser dormir sur leur compte courant.
03:52 Parce que là, il perdait évidemment 4,9%.
03:55 Justement, vous avez un peu abordé ce qui se passe à partir de demain.
03:57 Ou qui ne change pas d'ailleurs, Philippe Crevel.
03:59 Puisque le taux du livret A va rester à 3%.
04:02 Avec un gel prévu jusqu'en 2025.
04:04 Le taux du livret d'épargne populaire, lui, passe de 6 à 5%.
04:08 Quel regard vous portez sur ces décisions ?
04:10 Alors, évidemment qu'une baisse d'un taux de rendement,
04:14 ce n'est jamais une bonne nouvelle.
04:15 Parce que l'épargne est moins bien rémunérée.
04:16 Après, c'est la conséquence pour le livret d'épargne populaire
04:19 de la diminution de l'inflation.
04:20 Parce qu'en fait, le taux du LEP est fonction de l'inflation.
04:25 Et donc, il prend en compte cette bonne nouvelle quand même
04:27 pour l'ensemble des ménages, qui est que la hausse des prix décélère dans le pays.
04:31 Pour le livret A, c'est une décision qui avait été prise l'année dernière
04:34 par Bruno Le Maire en disant "je gèle le livret A".
04:37 Dans un premier temps, vous êtes perdant parce que l'inflation est supérieure.
04:40 Et c'est vrai qu'en 2023, c'était 4,9%.
04:44 Et donc, le livret A, c'était 3%.
04:47 Mais ça va s'améliorer.
04:48 Ça a mis un peu plus de temps que prévu, c'est vrai.
04:50 Mais en 2024, logiquement, l'inflation va passer en dessous des 3%.
04:55 Et donc, il y aura un rendement réel positif avec le livret A.
04:59 Ça veut dire qu'on va gagner par rapport à l'inflation de l'argent avec son livret A.
05:04 Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle.
05:05 Il faut espérer que ça se passe ainsi.
05:07 Il y a un raisonnement qu'on entend souvent,
05:09 qui est que l'épargne peut peser sur la consommation.
05:11 Mais vous, vous dites "attention, n'opposons pas épargne et consommation".
05:15 Il faut éviter, oui, cette opposition un peu stérile.
05:19 Évidemment que l'épargne, c'est une renonciation à la consommation.
05:23 Que la consommation, c'est un moteur important de la croissance.
05:26 Mais pour qu'il y ait de la croissance, il faut aussi qu'il y ait de l'investissement.
05:30 Investissement de la part des entreprises,
05:32 investissement des administrations publiques en matière d'infrastructures
05:36 pour construire des centrales électriques, pour construire des écoles.
05:40 Et derrière cela, c'est quoi ? C'est de l'épargne.
05:43 Parce que l'épargne permet de financer les investissements,
05:47 que ce soit sous forme de fonds propres pour les entreprises,
05:51 que ce soit sous forme d'obligations pour les entreprises et pour l'État.
05:55 Et donc, c'est très important qu'il y ait de l'épargne en France.
05:58 Et d'ailleurs, pourquoi nous sommes bien notés par les agences ?
06:01 C'est parce qu'il y a beaucoup d'épargne dans notre pays.
06:03 Donc le livret A restera toujours un livret refuge pour les Français.
06:07 Le livret A reste une valeur refuge pour les Français.
06:09 Ça permet de financer le logement social.
06:11 Ça, c'est intéressant. On manque énormément de logements.
06:13 Il faut construire en France.
06:15 Et donc, on a besoin en particulier d'un livret A fort
06:18 pour construire des logements pour tous les Français.
06:20 Merci beaucoup, Philippe Crevel.
06:22 Vous êtes économiste, directeur du Cercle de l'épargne
06:24 et vous êtes l'invité éco de France Info.