Éric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, est l'invité éco de franceinfo, mercredi 3 avril 2024.
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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous et bonsoir à vous Éric Lombard.
00:08 Bonsoir Isabelle Raymond.
00:09 Vous êtes le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, bras financier de l'État, actionnaire majoritaire de plusieurs très grosses entreprises
00:17 comme La Poste, La Compagnie des Alpes ou encore Transdev. Vous êtes aussi récemment venu au secours d'Orpea et puis vous gérez aussi en partie l'épargne des Français, le Livre-EA.
00:29 Et le Livre-EA est le Livret de développement durable. L'encours de ces deux livrets a atteint un niveau record au dernier pointage en février pour atteindre 571,5 milliards d'euros.
00:39 Le Premier ministre Gabriel Attal envisage, dit-il, de taxer la rente afin d'augmenter les recettes de l'État.
00:46 Il a précisé tout à l'heure à l'Assemblée qu'il ne toucherait pas aux fruits de l'épargne des Français. Est-ce que c'était important de rassurer les Français ?
00:55 Oui, c'est important de rassurer les Français sur le fait que leur épargne, le Livre-EA, le Livret de développement durable, le Livret d'épargne populaire,
01:01 que nous gérons pour une partie importante, une autre partie est gérée par les banques, est une épargne qui est garantie, qui est sûre et qui est défiscalisée.
01:09 Et pour les Françaises et les Français, c'est un élément important.
01:12 L'épargne des Français, aujourd'hui, finance essentiellement le logement social. Or, il est question de la flécher autrement.
01:18 Peut-on réellement se permettre, Éric Lombard, de dépenser l'argent autrement alors que l'on connaît une crise du logement sans précédent ?
01:24 Alors, je veux rappeler que notre priorité absolue, c'est le financement du logement social.
01:29 Nous avons 180 milliards d'euros qui est dédié au logement social.
01:33 Ce sera toujours notre première priorité et nous avons de la marge.
01:37 L'année dernière, nous avons fait plus de 16 milliards de nouveaux prêts, mais l'épargne nouvelle qui est arrivée sur nos livres, c'est 40 milliards d'euros.
01:45 Donc, nous pouvons à la fois financer le logement social, le logement intermédiaire, qui est une nouvelle priorité,
01:52 et puis d'autres développements en matière d'infrastructures, en matière de souveraineté,
01:56 parce que la souveraineté économique est un des axes de la Caisse des dépôts.
02:00 Sauf que vous avez vu la crise du logement et vous avez dû faire des rachats de logements neufs.
02:05 Oui, alors ces rachats que notre filiale CDC Habitat a opérés, ça n'est pas fait avec l'épargne du Livret A,
02:12 c'est fait avec les fonds propres de la Caisse des dépôts. Donc, ça, ça n'impacte pas l'épargne du Livret A.
02:16 En revanche, au Congrès HLM, on a ouvert de nouvelles enveloppes, 8 milliards pour le logement social,
02:21 5 milliards pour le logement intermédiaire. Donc, ça restera notre première priorité.
02:25 Ça reste la priorité.
02:26 Et on fera ça, quoi qu'il arrive.
02:28 Alors, qu'est-ce que doit financer, au-delà du logement social, l'épargne des Français, et notamment le Livret A ?
02:35 J'ai vu qu'il fallait que ça serve l'intérêt général, c'est la priorité.
02:39 Alors, tout l'argent de l'épargne des Français est engagé pour soutenir l'économie.
02:43 Nous gérons 400 milliards de cette épargne.
02:48 Il y en a 200 milliards qui financent le logement social et les collectivités locales.
02:52 Donc, nous avons de la place pour financer, par exemple, le renouveau énergétique, les énergies renouvelables, le nucléaire peut-être.
03:00 Alors, le nucléaire peut-être, effectivement.
03:03 J'ai vu que cet argent de la Caisse des dépôts, il pouvait financer les nouveaux réacteurs.
03:08 Ça va quand même coûter plus de 50 milliards d'euros.
03:10 Oui, c'est-à-dire que si on en finance une partie seulement, c'est une somme qui va être modeste par rapport à ce que nous engageons chaque année pour le logement social.
03:19 Donc, on peut non seulement faire cela, le nouveau nucléaire français, mais financer, par exemple, les réseaux d'eau,
03:24 parce que tout ce qui est eau, ça va être essentiel demain.
03:28 Les réseaux de distribution d'électricité, les réseaux d'énergie renouvelable, les éoliennes, les panneaux solaires devront être raccordés aux réseaux.
03:35 Tout ça, c'est des investissements massifs.
03:37 On considère que le financement de la transition écologique, ça va être 300 milliards d'euros dans les cinq années qui viennent.
03:43 Et la Caisse des dépôts, le groupe de la Caisse des dépôts pourra en financer environ un tiers de l'ordre de 100 milliards d'euros.
03:48 Et donc, va financer en partie les six nouveaux EPR.
03:51 Et ça n'est pas encore décidé. Les discussions ont commencé avec l'État, avec EDF.
03:57 Mais effectivement, il me semble que pour l'épargne des Français, c'est utile, parce qu'on ne pourra pas faire la transition énergétique sans le nucléaire.
04:03 On a besoin du renouvelable et du nucléaire. Sinon, ça ne passe pas.
04:07 Même si on est beaucoup plus sobre, il faudra aussi diminuer notre consommation d'énergie.
04:11 Et pour EDF, qui va être l'emprunteur, c'est une ressource qui est stable grâce à l'abondance de l'épargne des Français.
04:17 Et qui va le décider et à quelle échéance, Eric Lombard ?
04:19 C'est une décision qui va être entre EDF, l'État et la Caisse des dépôts.
04:24 Et ça va se faire dans les mois qui viennent.
04:27 Et pour l'économie, les autres fléchages de l'épargne des Français, est-ce qu'il y a l'industrie de la défense ?
04:33 Est-ce que souhaite le Sénat de son côté ? Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, plaide plutôt pour un produit d'épargne européen.
04:39 Quelle est votre position à vous, Eric Lombard ?
04:41 Aujourd'hui, l'épargne des Français est centrée vers le logement social et les infrastructures.
04:47 En revanche, la Caisse des dépôts, c'est un groupe qui est très vaste.
04:50 Il y a la Caisse des dépôts proprement dite, en dehors des fonds d'épargne.
04:53 Il y a BPI France, dont nous sommes co-actionnaires avec l'État.
04:56 Tout ce qui est industrie de la défense, le chef de file, la tête de pont, c'est BPI France.
05:01 Donc, ce n'est pas vous ?
05:03 Je suis président de BPI France.
05:06 Mais aussi à travers de la Caisse des dépôts.
05:09 La Caisse des dépôts, elle-même, est actionnaire de beaucoup d'entreprises, y compris d'entreprises de défense.
05:14 Et ça, c'est les fonds propres de la Caisse des dépôts qui vont être engagés pour financer les entreprises françaises en capital.
05:22 Parce que nous avons besoin de mettre plus de capital et en prêts.
05:25 Donc ça, c'est prévu ? Vous allez mettre plus de capital dans l'industrie de la défense ?
05:29 On le fait déjà. Nous avons 40 milliards d'euros engagés en tant qu'actionnaires des industries de défense,
05:35 en tant que financeurs des exportations, et ça, c'est BPI France qui s'en occupe.
05:39 Et il faut faire plus. Parce qu'on voit bien qu'avec la guerre en Ukraine, notamment, la défense, c'est un enjeu de souveraineté.
05:47 Et il faut considérer que la défense est un enjeu également d'environnement et de société.
05:54 Et nous allons faire plus. Parce qu'on voit bien que le ministre Sébastien Lecornu a fait appel à une mobilisation.
06:01 Parce qu'on ne fabrique pas assez d'armement pour venir en soutien des Ukrainiens, de l'armée ukrainienne,
06:07 même si nous ne sommes pas nous-mêmes belligérants.
06:09 Et pour ça, il faudra mettre plus de capital et plus de financement pour ce qu'on appelle la base industrielle et technologique de défense.
06:15 Mais qu'en est-il de l'épargne des Français ?
06:17 Eh bien, l'épargne des Français, il y a un débat au Parlement pour savoir si la partie de cette épargne
06:22 qui reste dans le bilan des banques peut être affectée à la défense.
06:25 Ce débat n'est pas clos. Il se tient au Parlement, mais il ne concerne pas directement la Caisse des dépôts.
06:30 Merci beaucoup Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts.
06:33 Invité, Éco de France Info ce soir.