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Eric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts, invité du 8h30 franceinfo.

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00:00 - Bonjour Eric Lombard. - Bonjour.
00:02 - Vous êtes à la tête de la Caisse des dépôts. On ne connaît pas forcément cette institution, pourtant c'est le bras financier de l'État.
00:07 C'est vous par exemple qui gérez une bonne partie de l'épargne des Français, toute celle qui est déposée sur le Livret A.
00:12 Vous êtes aussi le premier financeur du logement social en France.
00:15 Vous êtes également actionnaire minoritaire ou majoritaire de plusieurs grandes entreprises,
00:19 La Poste, RTE ou encore le groupe privé d'Epad hors PA que vous venez de sauver de la faillite.
00:24 On va parler de tout cela. Mais d'abord un mot sur la situation économique actuelle en France.
00:29 L'inflation alimentaire a pris le relais de l'inflation énergétique.
00:32 La situation va durer au moins jusqu'à la fin de l'été, a dit avant-hier Emmanuel Macron.
00:37 Est-ce que vous faites les mêmes prévisions que lui ?
00:39 - D'abord si on parle d'économie, il faut dire que la situation économique est très forte.
00:42 L'économie française résiste vraiment bien à la période.
00:45 Et effectivement la difficulté qu'on a c'est l'inflation.
00:48 Parce que du côté du chômage, le chômage reste très bas.
00:51 Et l'inflation effectivement continue à rester à un niveau assez inquiétant.
00:55 Et c'est pour ça d'ailleurs que le gouverneur de la Banque de France dit qu'il va maintenir une politique de taux élevés.
00:59 Et ça va probablement durer encore quelques mois.
01:02 Probablement jusqu'au début de l'année prochaine ou plus tôt.
01:05 - On va essayer de ne pas se noyer sous les chiffres avec vous ce matin.
01:08 Je voudrais simplement vous en donner quelques-uns.
01:09 En 30 ans, la France est passée du 11ème rang mondial en termes de richesse par habitant au 24ème rang mondial aujourd'hui.
01:17 Comment vous l'expliquez ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
01:19 - Oui c'est préoccupant.
01:20 Eh bien depuis 20 ans, le pays s'est désindustrialisé.
01:24 Et nos investissements dans l'économie ont baissé.
01:27 Et donc il est très important, et c'est ce qui est fait depuis plusieurs années, qu'on fasse revenir l'industriel dans notre pays.
01:32 Et qu'on augmente les investissements.
01:35 Et puis on a aussi une question de quantité de travail.
01:38 Sans faire le lien avec les débats du moment.
01:41 - Je pense que tout le monde le fait quand on dit ça.
01:42 - Le fait que le chômage baisse est un élément très important.
01:45 Le fait que le taux d'emploi des seniors augmente est aussi un élément très important.
01:49 Parce que plus les seniors travaillent, plus c'est efficace pour l'économie.
01:53 Et puis effectivement, la durée de travail va être prolongée.
01:56 Ce qui aura un impact économique favorable.
01:58 - Reste qu'il y a un sentiment d'appauvrissement chez les français aujourd'hui.
02:01 Est-ce que c'est une réalité ?
02:03 - Alors non.
02:04 Parce que ce qui s'est passé l'année dernière, malgré l'inflation, c'est que les entreprises ont augmenté les salaires.
02:09 Et donc l'année dernière, il y a eu une légère augmentation du pouvoir d'achat.
02:13 - Pas suffisamment, l'augmentation des salaires disent beaucoup.
02:16 Pas suffisamment par rapport à l'inflation notamment.
02:18 - C'est vrai, suffisamment puisque le pouvoir d'achat a augmenté.
02:21 Mais c'est vrai qu'en période d'inflation, comme on dit, les salaires courent après les prix.
02:25 Et on aura le même sujet cette année.
02:27 Il va être difficile de distribuer du pouvoir d'achat alors que les prix augmentent rapidement.
02:31 Mais les entreprises ont des marges de manœuvre pour pouvoir en tout cas protéger les salariés de l'inflation dans la plupart des cas.
02:37 Nous c'est soit qu'on appelle à la Caisse des dépôts.
02:39 Et puis c'est vrai qu'il sera important dans les années qui viennent de distribuer plus de pouvoir d'achat.
02:43 On y reviendra peut-être.
02:44 Mais la transformation écologique impose de distribuer du pouvoir d'achat aux Françaises et aux Français.
02:48 - Ce qui inquiète aussi certains aujourd'hui en France, c'est la dette.
02:51 Puisque la remontée en flèche des taux d'intérêt fait que cette dette nous coûte de plus en plus cher.
02:56 Est-ce que la France est la Grèce d'hier ?
02:59 - Alors, pas encore.
03:00 - Pas encore ?
03:01 - Pas encore parce qu'on est un pays riche et on est un pays où l'impôt rentre bien.
03:05 C'est une tradition française depuis très longtemps.
03:07 En revanche, il y a une préoccupation que je partage.
03:10 Nous sommes à 3 000 milliards de dettes et le taux d'endettement dépasse largement les 100% de la richesse nationale, les 100% du PIB.
03:18 Et donc, il est nécessaire aujourd'hui d'être plus rigoureux dans la dépense publique pour que les déficits baissent
03:24 et qu'on cesse dans un premier temps d'augmenter la dette et que dans un second temps, on la réduise par rapport à la richesse nationale.
03:30 - Être plus rigoureux, ça veut dire passer par l'austérité ?
03:33 Quand on voit que l'objectif du gouvernement, c'est de passer sous la barre des 3% en 2027,
03:39 ça passera forcément par de l'austérité ?
03:41 - Je ne pense pas qu'on puisse parler d'austérité quand la dépense publique représente 56% de la richesse nationale,
03:46 quand il y a des redistributions massives.
03:49 Par exemple, sans les redistributions, le taux de pauvreté en France serait de 40%.
03:54 Il est de 14%, ce qui d'ailleurs est encore trop élevé.
03:57 Et dans un pays où, heureusement d'ailleurs, beaucoup de services publics sont accessibles gratuitement.
04:02 - Vous dites qu'il va falloir se serrer la ceinture, donc les dépenses vont diminuer ?
04:06 - Oui, enfin, les dépenses vont diminuer en relatif, mais on est à près de 5% de déficit annuel.
04:13 Revenir à 3% de déficit, ce n'est pas l'austérité, c'est la bonne gestion.
04:17 - Mais c'est un gros effort à faire.
04:19 - Et c'est un gros effort à faire, d'autant que notre pays a l'habitude depuis très nombreuses années
04:23 de dépenser plus qu'il ne reçoit sous forme d'impôts et de recettes diverses.
04:28 - Éric Lambart, 55 millions de Français détiennent un livret A.
04:31 Au premier trimestre, il s'est même étoffé de quasiment 25 milliards d'euros.
04:35 C'est un niveau inédit depuis 2009.
04:38 Est-ce que c'est vraiment bon signe que les Français épargnent à ce point
04:41 ou est-ce que ça veut dire qu'ils sont inquiets pour les mois et pour les années qui viennent ?
04:45 - En réalité, le taux d'épargne est assez stable.
04:47 Il est historiquement de 15%, en ce moment de 16%, donc il est assez stable.
04:51 Ce qui explique la croissance du livret A, c'est beaucoup de transferts.
04:55 Comme les taux sont devenus positifs, et ça c'est un élément vraiment historique,
05:00 l'État emprunte aujourd'hui à 3%.
05:03 Les Français qui ont de l'argent sur leur compte en banque ou même parfois sur leur assurance vie
05:07 regardent et se disent "moi, le livret A qui est garanti, qui n'est pas imposable,
05:12 3% c'est une bonne affaire et donc ils transfèrent beaucoup de fonds,
05:16 d'autres dépôts vers le livret A et cet argent nous l'investissons.
05:21 Donc c'est un investissement utile pour les Français.
05:23 - Et on va en parler parce qu'il va notamment dans le logement social,
05:25 sans vouloir provoquer un clash entre ces deux vénérables institutions
05:28 que sont la Banque de France d'un côté et la Caisse des dépôts que vous dirigez de l'autre
05:31 puisque c'est la Banque de France qui fixe le taux de rémunération du livret A.
05:34 3% quand l'inflation est à 6, est-ce que c'est assez ?
05:37 - Alors d'abord, on se parle. Le gouverneur propose au ministre de fixer un taux,
05:43 c'est le ministre qui décide du taux et on donne notre avis.
05:46 - Votre avis aujourd'hui c'est quoi ? On augmente ou pas ?
05:48 - Eh bien pour les personnes les plus modestes, il y a l'ivraie d'épargne populaire qui rapporte 6,1%.
05:53 Donc pour les gens les plus modestes, leur épargne est couverte dans l'inflation.
05:56 Après c'est important de garder une hiérarchie dans les taux d'épargne
05:59 et donc il y a l'assurance vie, il y a le livret A.
06:02 Ce que nous pensons, c'est que l'inflation est transitoire, d'ailleurs le président de la République l'a dit.
06:06 Donc c'est pas la peine de faire du yo-yo avec le taux du livret A
06:10 et moi je souhaite que ce taux de 3% reste installé quelques temps
06:14 mais probablement quand l'inflation va décroître, ce taux va baisser, mais ça sera pas pour tout de suite.
06:19 - Les banques elles, elles ne veulent pas d'augmentation du taux du livret A
06:24 car ça leur coûte plus cher pour rémunérer les clients.
06:27 Donc les 3%, on doit les garder au moins combien de temps selon vous ?
06:31 - Alors le prochain rendez-vous c'est au mois d'août où le gouverneur donnera un avis, le ministre décidera.
06:36 Dès lors que ce taux, ça sert de base au coût du financement du logement social,
06:41 il y a 170 milliards d'euros empruntés par le logement social,
06:44 moi je forme le vœu que ce taux reste stable dans la durée.

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