Le gouvernement a présenté mercredi 27 septembre son projet de loi de finances pour 2024. François Ecalle, ancien magistrat de la Cour des comptes était l'invité éco de franceinfo pour analyser le futur budget de la France.
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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:03 Bonsoir à toutes et à tous. Le gouvernement a présenté son budget pour l'an prochain.
00:09 Un budget 2024 qui devait être celui du désendettement vert.
00:13 Mais l'actualité l'a rattrapé. Et l'actualité c'est cette inflation qui persiste.
00:18 Bonjour François Eccard, spécialiste des finances publiques, fondateur du site internet Fipeco.
00:24 L'inflation, je le disais, a obligé le gouvernement à revoir ses plans initiaux.
00:29 Il y aura finalement une indemnité carburant travailleurs pour répondre à la hausse des prix du carburant,
00:34 une indexation sur l'inflation des prestations sociales, des pensions de retraite,
00:38 du barème de l'impôt sur le revenu pour un coût total de 25 milliards d'euros.
00:42 C'est énorme. Toutes ces dépenses sont-elles nécessaires selon vous ?
00:47 Elles sont largement inévitables. L'indexation des pensions sur l'inflation, elle est dans la loi.
00:56 Le Parlement aurait pu voter une sous-indexation, ce qu'il a déjà fait dans le passé.
01:02 Mais il faudrait pour ça changer la loi. Et dans le contexte politique actuel,
01:07 j'imagine mal le Parlement voter ce genre de mesures.
01:10 Donc voilà, il y a des dépenses inévitables.
01:13 Elles sont inévitables, le contexte social, le contexte de hausse des prix qui se maintient.
01:19 Et même, je dirais, les prévisions de dépense du gouvernement pour 2024,
01:27 elles paraissent relativement modérées. En euro, ça augmente beaucoup,
01:32 mais ça augmente de 3% en euro pour l'ensemble des administrations publiques,
01:35 Etats, collectivités locales, sécurité sociale.
01:37 Mais si on tient compte de l'inflation et du fait que, par exemple,
01:40 les retraites devraient être valorisées de 5% au 1er janvier prochain,
01:44 3%, ce n'est pas beaucoup.
01:46 Alors en fait, si le gouvernement dit seulement 3%, c'est parce qu'il compte
01:52 sur la réduction, voire la suppression des boucliers tarifaires, électricité, gaz.
01:59 Alors même s'il vient de rajouter récemment une indemnité inflation
02:04 pour tenir compte de la hausse des prix du carburant,
02:06 mais elle ne va pas coûter très cher.
02:08 - De 400 millions d'euros qui ne sont pas provisionnés pour l'instant.
02:11 - Ils ne sont vraiment pas provisionnés.
02:12 Ils ne sont pas promis 400 millions je dirais sur un déficit de 260 milliards.
02:16 - Donc vous diriez que ces dépenses sont nécessaires et finalement elles sont assez raisonnables.
02:21 Tant pis pour l'austérité, tant pis pour le retour à des finances publiques.
02:25 - Elles sont assez raisonnables, mais quand même,
02:28 si on tient compte justement de ces mesures exceptionnelles
02:31 qui vont disparaître progressivement et qui fait que finalement
02:34 la hausse des dépenses est relativement raisonnable,
02:36 - Et notamment la fin du bouclier tarifaire sur l'électricité.
02:39 - Voilà, on voit que le reste des dépenses, je dirais les dépenses normales,
02:42 elles augmentent quand même beaucoup en 2024.
02:45 Donc non, là il n'y a pas vraiment de modération des dépenses.
02:50 On a une hausse des dépenses en euros constants pour l'ensemble des administrations publiques
02:55 qui est de l'ordre de 2% et 2% c'est plus que la croissance de l'activité économique
03:00 puisque même la prévision du gouvernement c'est 1,4.
03:03 Donc on est au-delà.
03:05 - Mais vous dites quand même, vous François Eccal, spécialiste des finances publiques,
03:09 que le gouvernement a raison de faire ses dépenses.
03:11 Et vous disiez qu'il y avait des dépenses supplémentaires.
03:13 Il y en a notamment sur la défense, il y en a également sur l'éducation nationale
03:17 qui est aujourd'hui le premier poste de dépense de l'État.
03:19 - Alors je dis, il a raison, je dis, je pense qu'il ne peut pas faire autrement politiquement.
03:23 Parce que typiquement sur les retraites, il ne trouvera jamais de majorité
03:28 pour faire ce qui avait déjà été fait en 2018-2019, une désindexation des retraites.
03:34 Maintenant économiquement, la réforme des retraites qui a eu lieu, etc.
03:38 elle touche uniquement les futurs retraités qui vont devoir partir en retraite.
03:42 Elle ne touche pas du tout les retraités actuels.
03:44 Nous sommes dans une situation en France qui est inédite au niveau européen
03:48 dans laquelle le niveau de vie des retraités est supérieur à celui du reste de la population.
03:52 Donc un effort sur les retraités, pour moi, ça ne serait pas absurde.
03:56 - Alors ce n'est pas d'actualité, il y a quand même dans ce budget un tournant environnemental.
04:00 30 milliards alloués aux dépenses vertes, 7 milliards de plus que l'an dernier.
04:04 Est-ce que vous diriez que c'est historique ?
04:06 - Alors le gouvernement annonce en effet 7 milliards de plus de dépenses en faveur de l'environnement.
04:12 - Il y a la prime Rénov' notamment.
04:14 - Voilà, il y a des tas de choses, je n'ai pas encore très bien compris où elles allaient exactement.
04:19 - Alors il y a la prime Rénov', 1,6 milliard.
04:22 - Il faut quand même que je regarde d'un peu plus près les documents budgétaires, mais donc tact.
04:26 - Donc voilà, 7 milliards de plus. Et puis il annonce aussi la réduction de niches fiscales brunes.
04:32 En pratique, ça veut dire une réduction des exonérations ou taux réduits sur le diesel,
04:37 dont bénéficient les agriculteurs et les travaux publics.
04:40 - C'est historique également, ça fait 3 ans que le gouvernement voulait le faire.
04:43 - C'est historique, voilà, parce que tous les gouvernements se sont cassés les dents sur ce dossier.
04:47 Parce qu'à chaque fois qu'ils parlaient de ça, ils voyaient des manifestations dans la rue.
04:51 Donc le gouvernement va réussir à le faire.
04:53 Et on va gagner beaucoup sur le plan budgétaire. Parce que d'abord ça va être très étalé dans le temps,
04:57 quasiment je crois jusqu'à 2030. Et ensuite on va compenser, notamment pour les agriculteurs,
05:01 on a dit qu'on compenserait intégralement par des aides.
05:04 Donc on va pas y gagner beaucoup d'un point de vue budgétaire, mais en revanche d'un point de vue environnemental, c'est bien.
05:08 Tout ça va dans le bon sens. Peut-être certains trouveront que c'est pas assez,
05:12 mais on va dans la bonne direction sur le plan environnemental.
05:15 - Alors du coup, une fois qu'on a dit tout ça, est-ce que vous diriez que ces prévisions,
05:20 elles sont crédibles et que finalement c'est un budget plutôt honnête que nous présente le gouvernement aujourd'hui ?
05:26 Il veut ramener la dette à 109% de la richesse nationale.
05:31 - A l'horizon de 2027. Dans l'immédiat en 2024, elle va pas beaucoup bouger en pourcentage du PIB.
05:37 Mais l'idée du gouvernement, c'est de réduire progressivement le déficit jusqu'à en dessous de 3% du PIB.
05:43 - Est-ce qu'il peut le faire ? Ce sera ma dernière question.
05:45 - Ces prévisions reposent d'abord sur des hypothèses de croissance que la plupart des économistes considèrent comme relativement optimistes.
05:52 Le gouvernement vous répondra que l'année dernière, ces prévisions de croissance pour 2023,
05:56 personne n'y croyait et finalement on va y arriver. Mais bon, on pense quand même que c'est relativement optimiste.
06:01 Et puis ensuite, ça repose sur des économies, au-delà de la suppression des boucliers, etc.
06:09 On devrait y arriver, mais des économies allant bien au-delà de la suppression des boucliers, sur des dépenses plus structurelles, plus permanentes.
06:17 Et là, pour le moment, on ne voit pas grand-chose. Le gouvernement a annoncé une revue des dépenses.
06:21 Mais le résultat, déjà pour le budget 2024, on a du mal à y trouver. Au-delà de quelques centaines de millions, il n'y a pas grand-chose.
06:28 - Et donc vous trouvez également que c'est un objet des prévisions de croissance un petit peu optimiste.
06:33 Merci beaucoup François Eccat, ancien magistrat de la Cour des comptes, créateur du site internet Fipeco.
06:39 de France Info ce soir.