Devoir de vigilance : "Les sanctions financières pourront aller jusqu'à 5% du chiffre d'affaires", l'avocat Pierrick Le Goff explique la future directive européenne

  • l’année dernière
Pierrick Le Goff, avocat associé au Cabinet De Gaulle Fleurance & Associés est l'invité éco de franceinfo, jeudi, pour détailler cette réglementation.

Category

🗞
News
Transcript
00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous.
00:06 Jusqu'à quel point les entreprises sont-elles responsables de leurs sous-traitants, de leurs activités et de celles de leurs filiales ?
00:13 Que risque-t-elle en cas de non-respect de normes sociales, environnementales ?
00:17 Bonsoir Pierrick Le Goff.
00:18 Bonsoir.
00:19 Vous êtes avocat associé au sein du cabinet de Gaulle-Florence qui publie un observatoire sur le droit de vigilance avec l'école de commerce HEC.
00:27 Le droit de vigilance, c'est de dont il s'agit ? Il est inscrit dans la loi depuis 2017.
00:33 Rappelez-nous tout simplement en quelques mots de quoi on parle précisément.
00:37 Alors en fait on parle d'une loi qui impose aux multinationales françaises des obligations de prévention.
00:43 Prévention des risques d'atteinte à l'environnement, prévention des risques de violation des droits humains
00:49 et puis prévention des risques d'atteinte à la sécurité des personnes.
00:54 Est-ce que vous pouvez nous donner quelques exemples ?
00:56 Alors par exemple ça veut dire que dans votre chaîne de sous-traitants et notamment les sous-traitants avec lesquels vous avez des relations commerciales établies,
01:05 il s'agit de s'assurer que ces sous-traitants ne vont pas faire travailler des personnes dans des bâtiments insalubres qui pourraient être à risque de s'effondrer.
01:15 Puisque la loi elle a été adoptée dans le sillage du drame du Rana Plaza au Bangladesh dans lequel un millier de personnes étaient mortes.
01:22 Et en effet le drame du Rana Plaza c'est un immeuble qui s'est effondré avec des victimes.
01:27 Et comment ça se traduit concrètement devant les tribunaux ?
01:31 Alors devant les tribunaux ce sont des actions qui soit sont des mises en demeure de l'entreprise,
01:37 donc peut-être un warning d'agir sur son plan de vigilance.
01:42 Et puis dans les cas où les ONG, puisque ce sont surtout des ONG qui attaquent les multinationales,
01:47 ne sont pas satisfaites des efforts de rectification demandés, ça bascule dans une assignation pure et dure en justice.
01:54 Alors on le voit cette loi elle existe depuis 2017.
01:57 Aujourd'hui est-ce qu'on a de plus en plus d'actions en justice ou est-ce que au contraire ça a tendance à s'amoindrir ?
02:03 Alors initialement nous étions sur une phase croissante des actions,
02:07 c'est-à-dire que de plus en plus d'entreprises se faisaient attaquer sur les fondements de cette loi.
02:13 Donc pour des raisons d'utilisation de plastique, de financement d'énergie fossile, de déforestation notamment ?
02:20 Voilà, alors c'est vrai que les fondements principaux qui ont été avancés c'était soit les atteintes à l'environnement,
02:26 soit les atteintes aux droits humains.
02:30 Donc on est sur ces composantes.
02:32 Avec quels résultats, Pierrick Le Goff ?
02:34 Alors les activités de contentieux ont été en phase croissante,
02:40 cela étant l'année 2023 est une année forte en termes d'enseignement
02:45 puisqu'on constate que sur les décisions qui sont tombées cette année,
02:49 elles ont toutes été des décisions de rejet des actions des ONG.
02:54 Et en parallèle on constate que sur les nouvelles affaires,
02:58 on est sur une baisse forte des nouvelles demandes.
03:02 A peu près trois affaires cette année qui ont été recensées
03:06 par rapport à des montants d'affaires beaucoup plus importants les années passées.
03:10 Avec des banques notamment qui ont été poursuivies.
03:13 Ce qu'on voit c'est qu'effectivement il y a de moins en moins d'actions,
03:16 trois seulement cette année, vous le notez dans l'observatoire.
03:19 Finalement si ça n'aboutit jamais, on peut comprendre que les associations aient tendance à se décourager.
03:24 C'est logique.
03:25 Oui c'est vrai que les rejets successifs n'encouragent pas nécessairement de nouvelles actions,
03:30 en tout cas n'encouragent pas de nouvelles actions sur la base du devoir de vigilance.
03:34 Maintenant il peut y avoir d'autres explications,
03:37 puisque la directive communautaire sur le devoir de vigilance est en phase d'approche.
03:42 Donc ça peut être aussi une position attentiste des ONG,
03:46 en attendant de voir le nouveau cadre qui va s'installer au niveau communautaire.
03:50 Puisqu'il y a donc une directive européenne qui va entrer en vigueur l'année prochaine,
03:55 et donc la portée de cette loi va être beaucoup plus grande.
03:58 Ce ne sera plus seulement en France mais dans toute l'Europe.
04:01 Oui, c'est-à-dire que l'objectif principal de l'action communautaire c'est l'harmonisation,
04:06 puisque les Allemands ont adopté leur propre loi,
04:09 il y a des lois en Scandinavie qui ont été adoptées,
04:11 donc on est sur des différentiels nationaux.
04:14 Et c'est vrai que la directive va être beaucoup plus contraignante sur les entreprises,
04:19 avec des seuils beaucoup plus bas d'application, et puis surtout des sanctions financières.
04:25 C'était ma prochaine question, c'était qu'est-ce qu'elle risque aujourd'hui,
04:27 qu'est-ce qu'elles vont risquer demain dans le cadre de la mise en oeuvre de cette réglementation européenne ?
04:32 En cas de non-respect, évidemment.
04:34 En effet, les sanctions financières actuellement prévues pourront aller jusqu'à 5% du chiffre d'affaires des entreprises concernées,
04:40 donc on est sur des sanctions assez importantes.
04:43 Et puis, une grande différence avec la loi française, c'est que la directive prévoit la mise en place d'autorités de contrôle,
04:49 d'instances de contrôle des entreprises, qui n'existent pas actuellement,
04:53 et que finalement les autorités de contrôle actuelles, ce sont les ONG qui surveillent les entreprises et qui lancent des actions.
04:59 Donc ce que vous voulez dire, Pierrick Le Goff, c'est que demain, les sanctions, elles peuvent être financières,
05:04 et elles peuvent être réelles s'il y a cette autorité de contrôle qui travaille effectivement.
05:08 Voilà, et il y aura toujours évidemment l'aspect responsabilité civile en cas d'atteinte, en cas de dommage.
05:15 - Et est-ce que vous pensez que ça obligera les entreprises à être plus vertueuses, plus respectueuses des normes environnementales et sociales qu'elles affichent sur le papier ?
05:25 - Je pense qu'on va être sur la phase qu'on peut appeler une phase d'amélioration continue de ces sujets,
05:31 de leur prise en compte par les entreprises, et puis surtout le fait d'harmoniser au niveau européen,
05:37 je pense que ça permettra que tout le monde soit à la même enseigne et à la même échelle en termes de déploiement des mesures de prévention.
05:45 - Tout le monde au niveau européen, l'Europe pionnière en la matière, est-ce que c'est une bonne chose ou est-ce qu'il y a un risque également que les entreprises aillent ailleurs ?
05:53 - Alors je pense que le risque... - Que les investisseurs soient plus réticents ?
05:56 - Oui, je pense que le risque de délocalisation n'est pas nécessairement très sérieux,
06:00 il a déjà été évoqué à l'époque de la loi du devoir de vigilant, je ne pense pas qu'on ait vu une hémorragie des entreprises à l'étranger.
06:06 Ensuite, si on veut voir un risque, c'est peut-être le risque de la lourdeur des procédures,
06:11 puisqu'il faut des ressources financières et humaines pour mettre en place ces obligations.
06:16 Ensuite, si on raisonne de manière plus positive, je pense que ça permettra aux entreprises européennes de faire de l'anse dans leurs activités,
06:25 c'est-à-dire d'être vraiment perçues comme des entreprises vertes, permettant certainement d'attirer plus de capitaux vers les entreprises européennes.
06:33 - On l'espère en tout cas, merci beaucoup Pierrick Le Goff, avocat associé au sein du cabinet de Gaulle-Florence, invité Echo de France Info ce soir.
06:40 - Merci.

Recommandée