"A partir de 55 ans, il y a vraiment un changement de regard des employeurs" : Gilles Gateau, directeur général de l'APEC

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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:05 Bonsoir à toutes et à tous. La mesure phare de la réforme des retraites au coeur aussi de la contestation, c'est évidemment le report de l'âge légal de 62 à 64 ans.
00:15 Une mesure qui pose la question du travail des seniors. Pour en parler ce soir dans l'invité éco, je reçois Gilles Gâteau. Bonsoir.
00:22 Bonsoir.
00:23 Vous êtes le directeur général de l'APEC, l'Association pour l'emploi des cadres. En reculant l'âge légal de 62 à 64 ans, le gouvernement veut augmenter le taux d'emploi des seniors qui est particulièrement bas en France, en comparaison de nos voisins européens. Est-ce que c'est une mesure efficace selon vous ?
00:39 Alors, ça on le verra. Ce qui est vrai, c'est que ce taux d'emploi des seniors, c'est en fait ça la variable essentielle, j'allais dire, plus que la question de l'âge légal. Parce que si évidemment les dernières années de la vie professionnelle se passent dans le chômage, on voit bien que reporter l'âge du départ à la retraite ne règle pas forcément les sujets.
01:06 La particularité française, c'est ce taux effectivement qui est faible, notamment après 60 ans.
01:14 35% pour les plus de 60 ans.
01:16 Voilà, et c'est intéressant parce que quand on regarde la situation des cadres, celle qui nous intéresse à l'APEC, on voit des gens qui souvent ont fait des études supérieures par définition, donc qui sont entrés dans la vie active après les études plutôt vers 21, 22, 23 ans.
01:35 Vous rajoutez 43 années de cotisation, vous voyez que vous êtes déjà assez souvent au-delà de l'âge légal de 62 ans qui existe aujourd'hui. Et de fait, plus de la moitié des cadres partent effectivement après l'âge légal pour avoir leurs 43 années de cotisation.
01:54 Et pourtant, même s'ils partent souvent pour un grand nombre d'entre eux après 64 ans, les dernières années de la vie professionnelle et de la carrière sont souvent difficiles quand parfois on s'est retrouvé sur le marché, si je puis dire, à la suite d'un événement.
02:12 Il y a eu un changement dans le management, une entreprise qui ferme, un projet professionnel qu'on a envie de faire évoluer, on ne se sent pas bien là où on est, un burn-out.
02:22 Il y a plein de situations qui peuvent amener à devoir changer après 50, 55 ans ou à l'approche de la soixantaine. Et là, on découvre à quel point c'est dur de revenir et c'est dur de revenir dans le CDI.
02:35 Donc cette situation, c'est le sujet numéro un vu de notre fenêtre à PEC.
02:41 Et il y a une dizaine de jours, l'Unedic, l'association paritaire qui gère le régime d'assurance chômage, a publié une étude sur les effets de la précédente grande réforme des retraites, celle de 2010, qui a fait passer l'âge légal de 60 à 62 ans.
02:54 Dans la foulée de cette réforme, en deux ans, le nombre de demandeurs d'emploi de plus de 60 ans a augmenté de 100 000 personnes. Est-ce qu'il ne risque pas de se passer la même chose cette fois-ci, Gilles Gâteau ?
03:05 Ce qu'il faut, si cette réforme est votée, pour que les choses ne se renouvellent pas, c'est qu'il y ait un vrai changement dans les entreprises, dans le regard qui est porté sur les seniors, qu'ils soient déjà dans l'entreprise, en emploi, pour maintenir leur employabilité, les maintenir en poste jusqu'au moment où ils devront travailler compte tenu de l'âge légal de départ.
03:31 Mais le risque est donc réel. Quand on augmente le taux d'emploi des seniors, on augmente aussi le nombre de seniors qui sont en recherche d'emploi.
03:38 Si en même temps, rien ne change sur ce qui se passe dans l'entreprise et dans la façon de revenir dans l'entreprise quand on en est sorti, pour les cas de seniors, et là je ne parle pas des 62 à 64 ans, je parle de situations qui se produisent dès 55 ans, parfois même plus jeunes.
03:58 On est senior à partir de 55 ans.
04:00 Il n'y a pas de définition générale, parfois ça peut être plus tôt, mais en tout cas à partir de 55 ans, nous c'est ce qu'on observe à la PEC. Il y a vraiment un changement de regard des employeurs.
04:13 Et donc, ce n'est pas le sujet de ce qui se passe seulement entre 62 et 64, ça commence bien plus tôt et ça renvoie à des représentations qui sont vraiment dominantes dans beaucoup d'entreprises.
04:27 Je parle bien là des cadres, c'est-à-dire des personnes qui ne sont pas dans une situation d'usure professionnelle au sens de l'usure physique qu'on peut ressentir dans un métier pénible.
04:36 On voit très bien qu'on n'est pas tous égaux devant la retraite, c'est d'ailleurs un des sujets qui est en débat avec cette réforme, que pour certains, en situation d'usure professionnelle, c'est plus difficile de rester longtemps.
04:50 Ce n'est pas le cas des cadres qui sont souvent à 60 ans et au-delà, tout à fait en forme, tout à fait prêts à continuer à travailler et qui malgré tout sont relégués d'une certaine façon parce que revenir, encore une fois, dans un CDI, les recruteurs souvent écartent leur profil.
05:08 Et c'est ce regard qui doit changer.
05:10 Le CDI senior a été avancé par les sénateurs LR, vous avez suivi les débats comme moi au Sénat ce week-end.
05:16 Pour les plus de 60 ans, exonération de cotisations famille, est-ce que c'est une bonne idée selon vous ?
05:21 Ça mettrait la branche famille dans le rouge selon les mots prononcés par Gabriel Attal.
05:26 Alors les partenaires sociaux qui forment la gouvernance de la paix, organisations professionnelles et organisations syndicales ont des points de vue différents sur ce sujet.
05:35 Le patronat est pour, la plupart des syndicats sont contre.
05:38 Je regardais bien de prendre une position en tant qu'APEC là-dessus, c'est vraiment aux partenaires sociaux de se positionner.
05:44 Après, ce que j'observe, c'est qu'aujourd'hui dans le retour vers le CDI qui est très difficile, il a déjà existé dans le passé des formules de contrat avec des aides, il y avait des CDD senior qui étaient aidés.
05:59 Bon voilà, ça n'a pas complètement changé la donne.
06:04 Ça n'a pas changé la donne ?
06:06 En tout cas, dans ce qui a déjà été essayé, je ne fais pas un pronostic sur ce que pourrait être ce contrat, je n'en sais rien.
06:15 On verra bien déjà s'il est voté.
06:18 Mais ce que je veux dire par là, c'est que les critères fondamentaux qui fondent le choix d'un recruteur ne sont pas extrêmement rationnels quand il s'agit d'écarter un candidat senior.
06:35 Souvent, ils sont basés sur des représentations. Il va coûter plus cher.
06:39 C'est une réalité que souvent en fin de carrière, on a connu des salaires plus importants, donc on a des attentes plus importantes.
06:46 L'index senior non plus, c'est pas...
06:48 La réalité de ce qu'on observe nous, c'est que beaucoup de cadres seniors pour retrouver du travail sont prêts à faire un certain nombre de changements par rapport à ce qu'était leur précédent poste, sur le niveau de responsabilité, y compris le salaire.
07:04 Donc cet élément peut peut-être se pondérer.
07:07 Donc si les éléments ne se sont pas sur des éléments rationnels, qu'on ne recrute pas un senior, le CDI senior a des effets limités.
07:14 L'index senior aussi, ce sera ma dernière question ?
07:17 L'index senior, il aura sans doute la vertu de mettre le débat dans l'entreprise, de qu'est-ce qu'on fait pour garantir jusqu'au moment de la retraite la place des seniors dans l'entreprise,
07:28 et pour faire une place dans les besoins de compétences qui sont nombreux aujourd'hui.
07:33 C'est ça tout le paradoxe.
07:34 Les entreprises ont de la difficulté à recruter, et si je parle toujours des cadres, il y a 100 000 cadres de 55 ans et plus aujourd'hui inscrits à Pôle emploi.
07:42 Ce sont des gens expérimentés, qualifiés, qui pour la très grande majorité d'entre eux, n'inspirent qu'à une chose, c'est retravailler.
07:49 Donc il faut changer ça.
07:51 Merci beaucoup Gilles Gâteau, directeur général de l'APEC, l'association pour l'emploi des seniors invités.
07:56 Écho de France Info ce soir.
07:58 [Musique]

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