"Veut-on supprimer les boulangers ? Veut-on se priver de charcutiers en France ?", questionne Joël Fourny, président de la Chambre des métiers et des artisans

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00:00 Bonsoir à tous, ce soir dans l'Invité Éco, je reçois le Président de la
00:04 Chambre des métiers et des artisans de France, Joël Fourni, bonsoir.
00:08 Cette rentrée pour vous rime avec baisse du financement public de
00:12 l'apprentissage, -5% de ces financements dès le mois de septembre.
00:17 Cette baisse elle avait déjà été annoncée, reportée une première fois, ce n'est
00:21 donc pas une surprise, vous l'aviez anticipé.
00:23 Ce n'est pas une surprise mais c'est une forte inquiétude par rapport à cette
00:26 nouvelle baisse qui a été annoncée, c'est même une alerte rouge.
00:30 Parce qu'en fait c'est la deuxième mais pas simplement parce que c'est 5% de
00:34 manière globale, mais la répercussion des 540 millions d'euros d'économie qui
00:39 a été tracée par le gouvernement impacte 100% de nos formations.
00:43 100% de nos formations, ça veut dire que nous avons 57 diplômes
00:48 formants qui sont impactés, donc ça veut dire qu'ils vont être en déficit.
00:52 Donc demain nous avons 55% de nos effectifs, de nos apprentis qui vont être
00:57 directement touchés. - Puisqu'on le sait, les artisans recrutent des apprentis en permanence.
01:02 - Voilà, les artisans ont besoin de main d'oeuvre. C'est un non-sens, c'est une incompréhension totale.
01:06 Je suis stupéfait de voir qu'on puisse remettre en cause le financement à ce
01:11 niveau-là parce qu'évidemment nous ne pourrons plus former 77% des
01:16 boulangers comme on les forme aujourd'hui, 88% des charcutiers-traiteurs.
01:20 Alors si nous on les forme pas, si le réseau des chambres de métier ne forme
01:23 pas ces jeunes pour l'avenir et le besoin des entreprises artisanales, qui
01:27 va les former ? Veut-on supprimer les boulangers ? Veut-on se priver de
01:32 charcutiers en France ? C'est un vrai sujet.
01:35 - Alors vous allez un petit peu vite en besogne, vous l'avez dit, c'est 500 millions
01:38 d'économies pour France, compétences par an, avec un déficit pour cet organisme
01:44 qui avoisine les 10 milliards d'euros, avec l'État qui injecte de l'argent en
01:49 permanence, on sait bien que ça ne peut pas continuer comme ça. - Mais nous ne sommes pas dans un
01:53 principe de dire qu'il n'y a pas des économies à faire, mais il faut-il encore
01:57 regarder les règles. Nous souhaitons remettre à plat, autour d'une table,
02:01 qu'on rediscute les modes opératoires et qu'on regarde l'apprentissage dans
02:07 le secteur de l'artisanat, c'est pas la même chose que l'apprentissage dans le
02:10 secteur notamment sur les formations plus importantes et notamment sur les
02:16 formations supérieures. On n'a pas les mêmes coûts de fonctionnement, on ne
02:20 forme pas 300 personnes sur un plateau technique. - Ça veut dire que l'apprentissage,
02:24 les financements publics de l'apprentissage, ils devraient être
02:27 réservés selon vous, exclusivement aux artisans ? - Non, pas simplement par rapport à
02:32 l'artisanat, mais en fonction de la spécificité artisanale où on forme sur
02:36 des plateaux techniques des jeunes, par des sections de 15 jeunes et on ne peut
02:42 pas aller au-delà parce qu'évidemment sinon on ne forme pas avec une formation
02:45 de qualité. Du coup, il faut faire en sorte de prendre en compte toutes ces
02:50 prérogatives et permettre de donner les moyens nécessaires à l'équilibre
02:55 financier du fonctionnement d'une formation. - Donc qui doit payer ? Ce sont
02:59 les employeurs du coup ? - D'ailleurs c'est un prélèvement sur les
03:02 employeurs. Les employeurs participent au financement de la formation et donc il
03:06 faut regarder au cas par cas quels sont les modes opératoires qui permettent de
03:10 pouvoir déterminer le coût réel, le coût nécessaire pour permettre
03:13 l'équilibre financier. Nous ne sommes pas là pour nous gaver, nous ne sommes pas là
03:18 pour profiter du système, nous sommes là dans l'intérêt et moi je vais vous
03:23 dire très sincèrement, la structure, je ne suis pas en train de défendre la
03:26 structure, je suis en train de défendre l'enjeu sur le fait de s'engager sur
03:31 l'apprentissage pour le secteur artisanal et permettre de trouver, je
03:37 dirais, les capacités à former des jeunes pour les nouvelles compétences et les
03:40 nouveaux besoins des entreprises artisanales. Si on remet en cause tout ce
03:44 système, c'est mettre un coup de frein sur le développement de l'artisanat.
03:48 - Et en attendant, le mois de septembre c'est demain, comment cette
03:52 baisse de financement public va se traduire par moins de formation ?
03:55 - Alors c'est une éventualité, c'est-à-dire qu'à un moment donné on va se
03:59 poser la question en termes de fonctionnement, est-ce qu'on doit
04:02 toujours signer des contrats d'apprentissage ? - En même temps, est-ce qu'il
04:05 faut former des apprentis sur des métiers qui aujourd'hui ne recrutent pas ?
04:09 - Mais si, les métiers, mais vous avez 80% de nos jeunes qui trouvent un emploi dans
04:12 les six mois qui suivent l'obtention de leur diplôme, c'est pas un problème, je
04:16 dirais, d'employabilité des jeunes. Et comment on a pu voir exploser, je dirais,
04:21 la capacité pour notre secteur de pouvoir permettre à des jeunes d'avoir
04:25 cette possibilité de rentrer dans la vie professionnelle, secteur artisanal ?
04:29 - Et donc, en attendant, vous demandez une concertation et qu'il n'y ait pas ces
04:33 baisses de financement de 5% ? - On demande une concertation, on demande de revoir les
04:37 modes de calcul pour permettre que tout le monde s'y retrouve et qu'on puisse
04:42 trouver des solutions pour ne pas être dans l'orgie par rapport au financement
04:46 de la formation professionnelle par alternance, mais que ce soit quelque
04:50 chose qui soit régulé et qui soit juste, mais permettant aussi des équilibres pour
04:55 le bon fonctionnement des établissements. - Alors l'actualité également de cette
04:59 rentrée, c'est l'inflation qui s'installe. Vous l'avez vu, les derniers
05:02 chiffres de l'inflation sont tombés ce matin, encore quasiment 5% au mois d'août
05:07 sur un an. Est-ce que cela signifie que les artisans que vous représentez vont
05:11 accorder des hausses de salaire à leurs employés ? - Alors l'inflation, vous savez,
05:16 on a fait une enquête pour un peu regarder comment la situation était
05:21 perçue par nos artisans très directement. Et l'inflation, ils la sentent. Ils la
05:25 sentent eux-mêmes déjà au sein de leur entreprise. - Ils la subissent. - Ils la subissent. Et 63%
05:30 d'entre eux sont quand même particulièrement inquiets, même si nous
05:33 avons quand même 57% des entreprises artisanales qui restent confiants, qui
05:37 restent déterminées sur le fait qu'ils peuvent continuer à fonctionner, j'irais
05:41 correctement. - Donc vous êtes en train de me dire que les coûts de production augmentent également pour les artisans ?
05:45 - Non mais en tout cas, je pense que les artisans, quand ils ont des marges de manœuvre, ils le font et
05:50 ils ont déjà revalorisé un certain nombre de salaires. Le pouvoir d'achat est
05:53 difficile, les prix sont en augmentation, mais c'est pareil. Je pense que le secteur
05:58 artisanal est modéré quant à l'augmentation des prix sur les produits
06:02 parce qu'évidemment, si vous voulez continuer à avoir des clients et des
06:05 commandes qui puissent répondre à vos besoins, il faut aussi être relativement
06:10 modéré. Donc ça veut dire que c'est une maîtrise au jour le jour en fonction des
06:15 coûts supplémentaires, coûts sur la matière première, le coût de l'énergie...
06:19 - Sauf que les matières premières, le coût a commencé à baisser, vous l'avez vu. Est-ce que vous l'avez répercuté ?
06:23 - Mais les artisans les répercutent. A chaque fois, l'artisan est un gestionnaire avant tout et il est
06:29 capable d'apprécier les choses. En tout cas, il ne profitera pas du système
06:33 parce que ce n'est pas dans son intérêt. - Donc la baguette de pain ne va pas augmenter ?
06:37 - La baguette de pain n'est pas dans une phase d'augmentation.
06:42 On demande simplement à ce que le boulanger soit capable de vivre de son
06:47 activité et soit capable d'avoir une bonne rentabilité de son entreprise,
06:51 qu'il ne tombe pas dans une difficulté réelle. Donc ça veut dire qu'il y a eu
06:55 des petites augmentations liées forcément à une adaptation en fonction des coûts
07:00 supplémentaires, matières premières et énergie. Mais chaque artisan apprécie au
07:04 jour le jour et c'est ce qui est important parce qu'évidemment en termes
07:08 d'entreprise sur la proximité et en fonction du consommateur, il faut
07:13 savoir être raisonnable et je pense que l'artisanat est raisonnable.
07:17 - Donc modération dans la hausse des prix et modération salariale également.
07:21 Merci beaucoup Joël Fourni, président de la Chambre des métiers et de l'artisanat.
07:25 Invité Echo de France Info ce soir.

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