"On a beaucoup de désistements psychologiques" : Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers

  • l’année dernière

Category

🗞
News
Transcript
00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Quand le logement va, tout va, dit l'adage.
00:07 En ce moment, ça ne va pas très fort.
00:09 Preuve, ces chiffres publiés aujourd'hui par la Fédération des promoteurs immobiliers,
00:13 dont je reçois ce soir le président Pascal Boulanger.
00:16 Les chiffres pour le premier trimestre sont assez inquiétants.
00:19 Moins 30% pour les permis de construire accordés par rapport au premier trimestre 2022.
00:24 Les mises en chantier reculent de 12%.
00:27 Parmi ces deux chiffres, lequel vous inquiète le plus et pour quelle raison ?
00:31 Ils sont tous inquiétants.
00:33 Vous n'avez pas dit aussi le nombre de réservations.
00:35 Nos réservations ont baissé de 34,3%.
00:37 Par rapport à 2022, ce qui est inquiétant, c'est que 2022 était déjà l'année la pire qu'on ait connue depuis la guerre du Golfe.
00:44 Donc on est 95, 91 et on avait des mauvais chiffres de 91, 92, 13, 14, 15 à peu près.
00:51 Donc nous il faut qu'on remonte à cette période-là, environ 30 ans, pour arriver à de tels chiffres.
00:58 Alors comment est-ce qu'on en est arrivé là ? Quel est en gros le cœur du problème aujourd'hui ?
01:01 Alors le cœur du problème, il existe depuis 3 ans.
01:04 Depuis la crise du Covid ?
01:06 Non, depuis les élections municipales. Le Covid, nous, n'a pas eu vraiment d'influence.
01:09 Les élections municipales de 2020 ont mis des maires en fonction, qui ont fait la plupart de leur programme sur "avêtement on arrêtera de construire".
01:18 Du logement neuf, puisque c'est ça le mot qui est important.
01:20 "On arrêtera de construire", dont du logement neuf.
01:22 Et donc si vous voulez, depuis 3 ans, on vit sur une crise de l'offre.
01:25 On a environ, si vous venez de donner les chiffres, -30%.
01:28 Donc vous avez des maires qui sont frileux, qui accordent de moins, de gain de construire ?
01:33 Les maires qui sont frileux, parce que la population n'en veut pas.
01:35 Donc les maires nous disent "mais attendez, nous on a été élus sur un programme de ralentissement de la construction, on respecte le mandat et donc on ne construit pas".
01:41 Et il s'est fait une espèce de coulée d'encre chez les autres maires en France, dans toutes les villes de France à peu près,
01:46 et quelles que soient la tendance politique, parce que souvent on me dit "ce sont les écologistes",
01:49 non, quelles que soient la tendance politique, les maires re-signent, assignent des permis de construire, parce que la population n'en veut pas.
01:56 Donc on a eu une chute de l'offre, on a eu ensuite une chute de la possibilité de réaliser une opération de façon économique,
02:03 à cause de la guerre en Ukraine et la hausse des matériaux.
02:06 Donc ça, ça fait augmenter vos coûts ?
02:08 Ça fait augmenter nos coûts, et puis il y a des opérations qui ne sont pas sorties, à peu près 20% des opérations sont restées dans les tiroirs.
02:14 C'est un peu trop cher.
02:15 Parce qu'il n'y a pas de rentabilité économique. Donc le promoteur dit "je ne vais pas faire une opération à perte".
02:18 Et en parallèle, vous avez donc une crise de la demande désormais.
02:22 Alors c'est tout nouveau, il y a une vraie demande qui est là, il y a un besoin réel très fort, on estime à 450 000 le besoin de logement par an,
02:30 et malgré ça, il y a une crise de la demande qui vient d'arriver dernièrement, parce que la hausse des taux d'intérêt, parce que le taux d'usure.
02:37 Alors justement, j'allais vous demander, à votre avis, pourquoi est-ce que ces demandes sont en baisse, -34% du nombre de réservations que vous avez dit ?
02:47 Est-ce que c'est parce que les gens n'obtiennent pas leurs prêts ? Est-ce que c'est parce que les taux augmentent et qu'ils espèrent qu'ils vont baisser ?
02:52 Comment est-ce que vous l'analysez ? C'est pas si simple à analyser.
02:54 Non, c'est pas si simple. On a une chute des acquéreurs.
02:58 Ils attendent que les taux baissent ?
03:01 Il y a moins de gens qui viennent. Mais attendez, dans les gens qui viennent, il y a déjà à peu près 35% de gens qui viennent,
03:06 dans les gens qui viennent, donc -35%, on a un taux de désistement qui était usuel chez nous de 13%, qui vient de passer au-dessus de 50%.
03:14 Donc on a moins de clients intéressés, et dans les clients intéressés, un désistement fort, puisqu'on est passé de 13% à 50%.
03:22 Vous allez me poser sûrement la question, c'est quoi ces désistements ?
03:25 Il y a deux types de désistements.
03:27 Donc des désistements, ça veut dire, j'achète un logement sur plan, et puis finalement...
03:31 Ils sont réservés, ils ont signé ce qu'on appelle un contrat préliminaire, un contrat de réservation, et ils ne vont pas au bout, ils ne vont pas à l'acte notarier.
03:37 Alors, ils, donc ce ne sont pas des projets immobiliers qui ne se font pas, ce sont des acheteurs, des individuels qui finalement se rétractent sur l'achat d'un appartement, d'une maison ?
03:46 Ils se rétractent pour deux raisons. On a beaucoup de désistements, que j'appelle moi, psychologiques.
03:51 Quelqu'un réserve, et dans les 48 heures ou les 72 heures, il nous envoie une lettre recommandée, en disant "je me désiste", ils ont le droit dans les 10 jours.
03:59 On n'a pas eu le temps, en 72 heures ou en 48 heures, d'avoir un vrai refus de prêt.
04:03 Donc là, c'est vraiment des gens qui sont rentrés chez eux, qui ont parlé en famille avec leurs amis, et ils se sont dit "ben c'est peut-être pas le moment".
04:09 - Et ça, c'est tout nouveau pour vous ? - Ah c'est tout nouveau !
04:11 Ça date de décembre-janvier. C'est très très récent, on n'était pas habitués à ça, on avait 13% de désistements, maintenant c'est 50%.
04:18 Et la deuxième cause de ces désistements, ce sont aussi, puisque les conditions d'accès au crédit pour protéger les acquéreurs ont été fortement réglementées,
04:29 et bien on arrive à ce principe de précaution ayant été trop appliqué, ça ne rentre plus dans les cases.
04:34 - Et donc des taux de refus qui augmentent. - Et des taux de refus qui n'ont jamais été aussi fort.
04:37 - Ce qu'il faut aussi préciser, Pascal Boulanger, c'est que la demande MES, mais pas les prix, ils ont grimpé de quasiment 6%.
04:44 - Oui. - En même temps.
04:46 - Oui, c'est là toute l'ambiguïté. - Alors qu'on voit que dans l'ancien, ça stagne.
04:50 - Oui, c'est là toute l'ambiguïté de notre métier. Vous parlez du marché de l'ancien, le marché de l'ancien, c'est un marché d'offres et de demandes.
04:57 Je te vends à ce prix-là si tu acceptes de m'acheter à ce prix-là. Nous, nous avons une problématique de prix de revient.
05:02 Et donc ça fait très longtemps que j'insiste, la fédération dit "attention, nous ne pouvons pas baisser nos prix, nos marges sont, j'ai pas peur de le dire, environ de 5% sur une opération en moyenne".
05:12 Donc notre marge de manœuvre est là, et encore les banques qui nous donnent nos garanties financières ne veulent pas qu'on baisse nos marges, sinon il y a trop de risques pour elles. Je ne rentre pas trop dans le détail.
05:20 - Mais c'est pour nous expliquer, pour expliquer aux auditeurs que vous ne pouvez pas baisser les prix.
05:24 - On ne peut pas baisser nos prix. Alors ce qui a un peu pollué le débat, si vous me permettez, c'est cette inflation normative qu'il y a eu, qui est peut-être nécessaire,
05:32 mais à chaque fois, comme les taux d'intérêt étaient bas, tout le monde en a profité pour dire "ben allez, on peut mettre une norme de plus, et une norme pour ceci, une norme pour cela".
05:40 Et tout ça a contribué. En plus, rareté des autorisations, donc on se bat un peu plus sur les terrains.
05:48 - Alors oui, justement, on sait qu'il y a des annonces qui sont prévues concernant le logement. Le Conseil National de la Refondation, CNR, consacré au logement, a été reporté deux fois.
05:58 Il aura finalement lieu le 5 juin prochain, avec des annonces sur le logement à la clé. Qu'est-ce que vous attendez concrètement, comme annonce, Pascal Boulanger ?
06:07 - Ecoutez, pour être très clair avec vous, j'avais le ministre quelques heures avant les annonces... - Le ministre du logement. - Le ministre du logement, bien sûr, Olivier Klein.
06:13 Et nous lui avons fait comprendre à plusieurs fédérations que nous nous attendions mieux que ce qui devait être annoncé initialement, si j'ai bonne mémoire, le 9 mai.
06:21 - Et donc, c'est-à-dire, vous savez, ce qui devait être annoncé le 9 mai ? - Il nous l'a un petit peu annoncé quelques jours avant, quand même, pour avoir la réaction des fédérations.
06:27 - Et ça vous convient pas ? Qu'est-ce que c'est ? - C'était creux, franchement. - Il n'y avait pas grand-chose ? - Non.
06:32 Ils n'ont pas pris, à ce moment-là... Je pense que l'État n'avait pas pris la conscience, n'avait pas pris la mesure, plus exactement, de ce qui se passe chez nous.
06:40 Donc on a demandé auprès d'Olivier Klein de dire que ces mesures étaient totalement insuffisantes. Donc il a retravaillé la copie avec ses équipes.
06:48 Et j'espère, le 5 juin, comme vous l'avez dit, avoir des mesures quand même... - Alors, une seule mesure concrète que vous pouvez espérer, rapidement ?
06:57 - Alors, il y en a une qui était formidable, c'était sous M. Balladur, en 93. - Non, mais une que vous attendez, là, pour le 5 juin ?
07:03 - C'est celle-là. Il y avait une mesure très simple, en 93, qui a bien marché. On avait exonéré de droits de succession ou de droits de donation les achats immobiliers, neuf,
07:17 pour les résidences principales de l'occupant, c'est-à-dire soit l'investisseur qui louait un locataire en résidence principale ou soit un propriétaire occupant.
07:24 Et ça avait relancé une dynamique. C'est une mesure qui coûte rien, puisque ça rend tout de suite 20% de TVA et les droits de succession, c'est normalement beaucoup plus tard.
07:34 - Merci beaucoup, Pascal Boulanger, qui attend donc des annonces le 5 juin, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers, invité Echo de France Info ce soir.

Recommandée