Pascal Boulanger, président de la Fédération française des Promoteurs immobiliers, répond aux questions de Lionel Gougelot. Ensemble, ils reviennent sur les difficultés du secteur de la construction. Certains promoteurs jettent l'éponge et des milliers d'emplois sont en jeu.
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00:00 - Tension secteur en grand danger, jamais le marché du logement neuf n'avait connu un tel recul.
00:03 Chantier annulé, vente en chute libre, entreprise au bord du gouffre,
00:08 c'est un véritable SOS que lancent aujourd'hui les professionnels du logement neuf.
00:11 - Et pour en parler, votre invité Lionel Gougelot, c'est Pascal Boulanger,
00:15 président de la Fédération des promoteurs immobiliers.
00:17 - Bonjour Pascal Boulanger. - Bonjour Lionel.
00:19 - Merci d'être en direct dans le studio d'Europe 1 ce matin.
00:22 La Fédération des promoteurs immobiliers va donc se présenter ce matin à 9h, c'est ça ?
00:25 - Oui. - Les chiffres du premier trimestre 2004,
00:28 on peut dire que c'est une catastrophe, ils ne sont pas bons à ce point-là ?
00:32 - Je ne sais pas ce qu'il y a au-dessus de catastrophe comme mot,
00:35 puisque j'emploie ce mot déjà depuis un an.
00:38 L'année dernière, je croyais qu'on avait touché le fond,
00:40 et là on a des chiffres qui sont encore bien bien plus mauvais
00:43 que ce que je présentais l'année dernière à la même époque.
00:44 - C'est-à-dire ? - C'est-à-dire qu'on est à moins de la moitié du l'année normale,
00:48 aussi bien sur les mises en vente,
00:50 aussi bien sur les autorisations de construire que sur les réservations.
00:54 L'année normale, nous sommes heureux, nous à la FPI,
00:56 Fédération des Promoteurs Immobiliers, quand nous réalisons 160 000 logements,
01:00 c'est une vitesse de croisière classique.
01:02 L'année dernière, on est tombé à 90 000,
01:04 et cette année, rien que sur le premier trimestre, on est à 19 000,
01:08 donc ça fait 19 000 x 4, on sera en dessous de 80 000,
01:12 et surtout le vrai problème, c'est que nous faisons beaucoup de ventes en bloc,
01:16 c'est-à-dire des ventes aux bailleurs sociaux,
01:18 et nous réalisons des marges nulles voire négatives sur ces ventes-là,
01:22 on déstocke en fait aux bailleurs sociaux.
01:24 Donc on est passé de 25 % de ventes aux bailleurs sociaux à 40 %,
01:28 donc on fait deux fois moins de réservations en général,
01:32 et deux fois plus à perte.
01:33 - Qu'est-ce qui explique cette conjoncture, Pascal Boulanger ?
01:36 - Écoutez, elle est multifactorielle.
01:38 Au départ, depuis les dernières élections municipales,
01:40 nous manquons totalement d'offres.
01:42 Les maires étaient très réticents à signer les permis de construire
01:44 depuis ces dernières élections,
01:46 sous le vieil adage "maire bâtisseur, mère battue".
01:48 Et donc moi, ça fait très longtemps que je dis "attention, nous n'aurons plus d'offres".
01:52 Aujourd'hui, nous n'avons plus d'offres.
01:54 J'ai presque envie de vous dire,
01:55 pour être un peu cynique, c'est une bonne nouvelle,
01:58 puisqu'on n'a plus de demande du tout.
01:59 En ayant une offre qui a été divisée par plus de deux,
02:04 nous sommes passés de 11 mois d'un délai moyen d'écoulement
02:08 à 22 mois.
02:09 C'est-à-dire qu'en ayant deux fois moins d'offres,
02:12 nous mettons deux fois plus de temps à vendre.
02:14 Donc tout est divisé par deux, par trois, enfin...
02:17 Des chiffres catastrophiques.
02:19 Ça a démarré, donc je vous le disais, avec une crise de l'offre.
02:22 Aujourd'hui, on est dans une crise totale de la demande
02:24 depuis la montée des taux d'intérêt.
02:25 Après, on a une crise des matières premières.
02:27 Et donc, rien ne va, pour être très clair avec vous.
02:30 On attend vraiment une réaction rapide,
02:33 "as soon as possible", comme on dit du gouvernement,
02:36 et on ne répond rien.
02:38 - Alors qu'est-ce que vous attendez, concrètement,
02:40 pour que l'on construise à nouveau, Pascal Boulanger,
02:43 des logements neufs en France ?
02:44 Qu'est-ce qui pourrait être le déclic ?
02:47 - Alors aujourd'hui, le gouvernement parle de choc de l'offre.
02:50 Il fait une petite erreur.
02:51 Aujourd'hui, on a besoin d'un choc de la demande.
02:54 - C'est quoi le choc de la demande ?
02:56 - Il nous faut absolument qu'on retravaille
02:59 les modes de financement, les prêts,
03:00 les prêts aux acquéreurs.
03:01 Nous, on propose un prêt, ce qu'on appelle un prêt hybride.
03:04 C'est-à-dire qu'on rembourserait 80% en amortissement
03:07 et 20% qui correspond à peu près à la valeur du foncier,
03:10 à la valeur du terrain, en prêts in fine.
03:12 Ça resolvabilise beaucoup la clientèle.
03:15 On propose aussi un prêt portable.
03:17 C'est-à-dire que le prêt, si vous le traitez aujourd'hui,
03:18 a un taux d'intérêt relativement intéressant.
03:21 Si vous changez de logement dans 10 ou 15 ans,
03:23 vous pouvez garder votre taux d'intérêt.
03:24 Et je propose des mesures fiscales qui rapportent à l'État
03:28 et qui ne coûtent pas,
03:29 notamment des exonérations de droits de succession.
03:32 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand vous achetez un logement neuf,
03:34 ça rentrerait tout de suite 20% de TVA.
03:38 Et l'exonération de droits de succession, c'est dans 20 ou 30 ans,
03:40 parce que les gens qui font ça ont 55-60 ans.
03:42 Et souvent, entre temps, d'ailleurs, ils ont changé d'avis,
03:44 ils ne bénéficient pas du dispositif parce qu'ils ont dû revendre.
03:47 Voilà, on attend un choc de la demande.
03:49 Si ce choc de la demande a lieu, on aura un problème juste derrière.
03:52 - De fourniture ? - Non, pas d'offre.
03:53 - De logement ? - Non, pas d'offre.
03:55 Donc il faut aussi aider les maires bâtisseurs.
03:57 Je ne sais pas si vous le savez Lionel,
03:59 mais aujourd'hui les PLU, les plans locaux d'Urbanil, sont restrictifs.
04:03 Et surtout, ils ne sont utilisés dans la vraie vie
04:06 qu'à 65% de leur capacité.
04:08 Et donc, il faut trouver une motivation,
04:11 une subvention, une indemnité
04:12 pour les maires qui construisent plus que d'habitude.
04:15 Et nous, ce qu'on a proposé, c'est que...
04:17 Je vois ça avec les services de Bercy qui sont un peu réticents.
04:20 Pourquoi pas, au-dessus de ce qu'une ville fait d'habitude en nombre de logements,
04:23 il y aurait un partage de la TVA.
04:25 Bercy est gagnant puisqu'on va chercher sur l'unité marginale,
04:28 sur ce qui se fait en plus.
04:29 Et la ville aurait un argument pour pouvoir dire
04:32 à ses contribuables, à ses concitoyens,
04:34 "Regardez ce qui se passe."
04:35 - Donc les mesures très techniques et fiscales, elles existent.
04:38 Vous attendez que le gouvernement réagisse.
04:40 Mais pour revenir sur le bilan,
04:42 le constat que vous faites pour la profession,
04:44 des entreprises en difficulté,
04:46 ce sont aussi des emplois qui sont menacés, Pascal Boulanger ?
04:48 - C'est très clair.
04:49 Nous, nous ne sommes pas des grands employeurs
04:52 puisque le secteur de la promotion immobilière,
04:54 c'est environ 35 000 salariés.
04:56 Et on sait qu'on va en perdre une petite moitié,
04:59 un gros tiers, une petite moitié à peu près.
05:00 - Ce qui n'est pas rien quand même.
05:01 - Ce qui n'est pas rien.
05:02 Mais au total, quand on prend toute l'activité,
05:04 quand on prend le bâtiment,
05:05 quand on prend tous ceux qui travaillent
05:07 dans l'acte de construire,
05:07 les notaires, les géomètres, les bureaux d'études,
05:09 les bureaux de contrôle, les architectes,
05:11 les déménageurs, les cuisinistes, etc.
05:13 Le calcul est clair.
05:15 On sera sur 300 000 pertes d'emplois.
05:16 Tout le monde est d'accord sur ce chiffre.
05:18 On a créé l'Alliance, une dizaine de fédérations,
05:20 avec la fédération du bâtiment, l'USH, etc.
05:22 Et on est tous d'accord sur à peu près 300 000 emplois de perdus.
05:25 - Donc il est temps que le gouvernement
05:27 prenne ce dossier en main,
05:28 sinon c'est une catastrophe sociale à laquelle on va assister.
05:31 - D'abord, il faut bien penser à tout ça.
05:32 On est là aussi pour loger les Français.
05:34 Le premier sujet, c'est comment allons-nous loger les Français ?
05:37 Le deuxième sujet, c'est effectivement
05:39 catastrophe sociale, catastrophe d'emploi.
05:42 Comme par hasard, Bruno Le Maire dit
05:44 qu'il ne manque que quelques milliards.
05:45 C'est exactement ce qu'ils n'ont pas rentré en TVA
05:47 sur la TVA de vente immobilière.
05:49 20% quand vous achetez un logement neuf.
05:51 Les droits d'enregistrement dans l'ancien
05:53 n'existent pas, ce qu'on appelle les DMTO,
05:55 les droits de mutation intitulés onéreux.
05:57 Donc tout ça, pourquoi ? Je ne sais pas.
05:59 Nous, ce qu'on nous dit, c'est qu'ils veulent faire baisser le prix du logement.
06:02 C'est peut-être possible dans l'ancien,
06:04 puisque c'est un prix de marché.
06:05 Nous, c'est un prix technique.
06:06 Et j'annonce tout à l'heure, dans quelques heures,
06:09 que le logement neuf a encore augmenté, malgré la crise,
06:13 légèrement augmenté, c'est 1,9% sur l'année.
06:17 Donc les logements neufs qui sont malgré tout construits,
06:19 ils vont coûter plus cher ?
06:20 Il n'y a pas de doute.
06:21 Ils ont mis des normes, la complexité des normes,
06:23 la complexité du système de la construction en France
06:27 fait que oui, ça ne baissera pas.
06:29 Merci Pascal Boulanger.
06:30 Merci d'avoir été en direct ce matin dans les studios d'Europe 1,
06:33 président de la Fédération des promoteurs immobiliers.
06:37 Merci et bon courage quand même pour l'ensemble de la profession.