Pascal Boulanger, président de la Fédération Française des Promoteurs immobiliers, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéresse aux difficultés que rencontre le secteur de la Construction immobilière.
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00:00 - Europe 1, il est 6h42. - Ils viennent de vivre une année catastrophique.
00:05 Les promoteurs immobiliers le disent, ils ne vendent quasiment plus rien.
00:10 Leur activité s'est littéralement effondrée.
00:12 - Et votre invité pour en parler ce matin sur Europe 1, Alexandre Lemer, c'est Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers.
00:19 - Bonjour Pascal Boulanger. - Bonjour.
00:22 - Vous le dites, chiffre à l'appui, votre niveau d'activité, il a plongé de quasiment 50% l'année dernière.
00:29 Ça veut dire la moitié de votre travail qui disparaît.
00:31 Vous avez déjà connu ça ? C'est une catastrophe pour votre profession.
00:35 - Alors oui, bien sûr, on peut parler de catastrophe, on peut parler de cataclysme, de tous les mots que vous pouvez imaginer.
00:41 Non, on n'avait jamais connu ça aussi longtemps et surtout sans réaction.
00:45 Parce que des crises, on en a connues, mais on avait une volonté gouvernementale de nous aider ou de trouver des solutions.
00:53 Tandis que là, moi, j'alerte depuis maintenant un peu plus d'un an, un an et demi, de leur dire qu'on va droit dans le mur.
00:58 Là, on est dans le mur et je ne vois pas beaucoup de réaction.
01:01 Donc c'est ça qui nous inquiète, c'est le manque de réaction.
01:04 Habituellement, que ce soit d'ailleurs la gauche comme la droite, c'est pas un problème politique, ça réagissait.
01:12 - Le manque de réaction, c'est une chose, en effet, Pascal Boulanger, mais comment vous l'expliquez ?
01:17 Le fait que vous alliez dans le mur, est-ce que c'est l'effondrement des programmes neufs d'abord, du nombre de mises en chantier ?
01:23 - Alors, moi, depuis quelques années, depuis les dernières élections municipales, 2020, ça fait maintenant peut-être 4 ans,
01:29 nous crions parce que nous n'avons plus d'offres.
01:31 Les maires bâtisseurs ont été des maires battus et l'ensemble des maires était très réticent à nous signer les permis de construire.
01:38 Preuve en est que les PLU, les plans locaux d'urbanisme, n'étaient utilisés, ne sont toujours utilisés qu'à 65% de leur capacité.
01:46 - Donc c'est le foncier disponible qui coince, déjà ?
01:48 - Non, non, le foncier disponible, on l'a. C'est les autorisations de construire.
01:51 - Les autorisations.
01:52 - C'est pas tout à fait la même chose.
01:54 Et là, ça, c'était le problème, j'ai envie de dire, le problème chronique que nous connaissons depuis toujours.
02:00 Cependant, depuis maintenant novembre 2022, donc depuis une quinzaine de mois,
02:04 avec la montée brutale des taux d'intérêt, avec l'arrêt du PINEL pour la fin de cette année 2024,
02:12 qui est toujours en activité, mais qui a eu un effet psychologique, et on a presque plus d'offres,
02:17 j'ai envie de dire de façon un peu cynique, ça tombe presque bien, on n'a plus du tout de demande.
02:21 C'est un métier à l'arrêt.
02:23 - On va parler de dispositif PINEL, effectivement, Pascal Boulanger,
02:26 mais sur les taux d'intérêt, d'abord, il y a quand même un effet de ciseau,
02:30 c'est-à-dire que les taux d'intérêt augmentent, le prix de l'emprunt, le coût de l'emprunt augmentent pour les ménages,
02:35 mais il y a aussi, de l'autre côté, la hausse des prix du neuf.
02:37 Je regarde l'évolution des prix dans l'immobilier neuf, c'est quand même +26% depuis 2015.
02:43 - Oui, et alors, votre chiffre est bon, mais nous nous insurgeons contre ça.
02:49 On nous a imposé sans arrêt des normes de réglementation énergétique,
02:53 des normes de réglementation thermique, des normes dans tous les sens,
02:56 et à chaque fois, ce n'est pas grand-chose, mais c'est 2-3% d'augmentation,
03:00 multipliées par des dizaines de normes, à la fin, vous arrivez à des chiffres de 25% d'augmentation.
03:06 Donc oui, on est à la croisée des chemins, c'est-à-dire que les logements que nous faisons sont de très grande qualité,
03:12 sont tout à fait résilients, on est des bons élèves de la planification écologique,
03:17 donc tout ça a un coût, bah oui... - Mais du coup, ils sont trop chers, ils deviennent inaccessibles, en fait, c'est ça.
03:22 - Oui, d'autant plus qu'il y a une montée des taux d'intérêt, donc on est à la croisée des chemins, on vient de le dire,
03:28 et donc de ce fait-là, c'est pour ça que nous nous appelons au gouvernement à soit revoir les normes un peu à la baisse,
03:34 parce que nous sommes les meilleurs élèves d'Europe sur toutes les normes environnementales, énergétiques, etc.,
03:41 ou soit de nous aider par des dispositifs fiscaux qui ont toujours, toujours existé,
03:46 et là on nous répond "non", on a même lu que nous étions des drogués à la fiscalité...
03:52 - Ah on vous a dit ça ! Bon, alors les aides de gouvernement, vous en avez déjà bénéficié de certaines,
03:57 ce qui est quand même assez rare pour être souligné, et vous le dites, vous-même, Pascal Boulanger,
04:01 c'est ce qui vous a sauvé de la noyade, en réalité, ces aides gouvernementales.
04:04 - Oui, mais là il n'y en a plus, enfin ça s'arrête fin 2024, on est déjà dans une pandémie complète depuis un an et demi, deux ans,
04:11 et il n'y aura plus rien quasiment à partir du 1er janvier 2025, ce qui veut dire que là, c'est même plus un mur,
04:18 c'est vraiment une muraille devant nous.
04:21 - On sent votre désarroi ce matin sur Europe 1, Pascal Boulanger,
04:25 et vous évoquiez la loi Pinel qui va effectivement s'arrêter d'ici à 2025,
04:29 ça c'est évidemment également un mauvais coup pour votre activité,
04:32 c'est la première fois depuis 40 ans, je crois, qu'il n'y aura plus d'aide du tout pour les dispositifs d'incitation aux investisseurs particuliers,
04:40 là vous perdez toute une clientèle d'investisseurs clairement avec l'arrêt du dispositif Pinel.
04:45 - Ecoutez, c'est très clair, les investisseurs c'est bon an, mal an, à peu près 50% de nos ventes, plutôt 45 ces dernières années,
04:52 et 82% des personnes qui font un investissement locatif viennent, le fait déclencheur c'est cet avantage fiscal.
05:00 Donc si on perd 82% de nos 50% dans un marché où on est déjà à -50, ils vous laissent faire des calculs, il n'y a plus rien, il n'y aura plus rien.
05:08 - Comment vous faites pour garder la tête au-dessus de l'eau ? Vous licenciez ? Ce sont des plans sociaux maintenant que vous en arrivez là ?
05:13 - Alors bien sûr qu'il y a des promoteurs qui ont commencé à licencier, mais bien sûr qu'il y a des plans sociaux,
05:18 bien sûr qu'il n'y a plus un promoteur qui recrute, ce sont vraiment rares exceptions,
05:21 mais je vais vous répondre plus clairement, ce n'est pas fondamentalement le vrai problème chez nous,
05:26 puisque l'ensemble de la gestion d'une opération, l'ensemble des salariés, ça nous coûte à peu près 5% du prix de revient de l'opération.
05:35 Les gros montants sont bien évidemment les coûts de construction, ce sont vraiment les fonciers, les honoraires divers, etc.
05:41 Donc si vous voulez, aujourd'hui on ne lance plus rien, donc il n'y a pas beaucoup de promoteurs qui déposent des permis de construire,
05:47 on n'achète plus de fonciers et on attend, voilà, on est là.
05:51 Le grand combat que j'ai avec le gouvernement, c'est que le gouvernement dit "il faut passer par là pour baisser les prix".
05:56 Et comme nous c'est un prix technique, on n'arrive pas à baisser nos prix, donc on attend, on ne lance rien.
06:00 Vous attendez, puisse votre appel être entendu ? Ce matin sur Europe 1, vous l'avez lancé Pascal Boulanger,
06:06 et en tout cas ce que vous nous dites, c'est que les prix du neuf vont rester durablement élevés,
06:10 hausse du coût des matières premières, prix du crédit et puis le coût des normes, du respect des normes de construction.
06:17 Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers, merci à vous.