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  • il y a 6 jours
40 % des dirigeants à impact déclarent ne pas être en bonne santé mentale, contre 24 % pour les dirigeants traditionnels. C’est l’un des principaux résultats d’une étude de l’association Ticket For Change, publiée en mars 2025. Ce travail a été mené en collaboration avec Aurélien Baillon, professeur à l’EM Lyon Business School et codirecteur de la Chaire de recherche Malakoff Humanis.

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Transcription
00:00Générique
00:00Le débat de ce Smart Impact, on parle de la santé mentale des dirigeants et dirigeantes d'entreprises à impact avec Juliette François, bonjour.
00:14Bonjour.
00:14Bienvenue, vous êtes directrice des programmes de Ticket for Change et puis on est en duplex avec Aurélien Bayon, bonjour.
00:20Vous êtes chercheur à l'école M Lyon Business School, chair de recherche Malakoff Humanis sur la santé mentale des dirigeants.
00:29On va démarrer, avant de parler de cette étude, par une question de présentation. Ticket for Change, c'est une association, c'est ça ?
00:35Oui, exactement. Ticket for Change, c'est une association qui a été créée en 2014. Ticket for Change, c'est l'école des pionniers d'un monde plus juste et plus durable.
00:46Ces pionniers, ce sont des jeunes en pleine orientation professionnelle, ce sont des salariés, des dirigeants qui ont l'envie d'agir et de transformer leur entreprise de l'intérieur
00:55où ce sont notre cible historique, des entrepreneurs qui portent un projet à impact pour inventer des solutions, pour dessiner ce monde plus juste, plus durable.
01:04Nous, notre métier chez Ticket for Change, c'est de les outiller, d'accompagner ces pionniers-là pour justement dessiner ce monde plus juste, plus durable
01:12et de les mettre en lumière pour initier un changement à plus grande échelle. Donc on utilise l'innovation, l'entrepreneuriat pour dessiner, imaginer ce monde.
01:21On en reçoit pas mal et souvent ici dans cette émission de ces pionnières et de ces pionniers. Et vous avez donc lancé cette étude sur la santé mentale de ces dirigeants et dirigeantes à impact.
01:32Pourquoi ? Il y a eu des remontées de terrain en fait ? Exactement. C'est exactement ça, des remontées de terrain. On est Ticket for Change, on accompagne ces pionniers-pionnières depuis plus de 10 ans.
01:42On a accompagné plus de 800 entrepreneurs à impact notamment. On a créé du lien avec eux, on discute avec eux des années et des années durant, après leur lancement de projet.
01:51Et on a remarqué année après année qu'à chaque fois qu'on demande des nouvelles, alors il y a des super nouvelles et des super réussites, mais souvent aussi des enjeux qui sont partagés,
02:02des enjeux humains, des enjeux RH, des enjeux économiques, des enjeux d'alignement. Bref, voilà, c'est souvent un quotidien qui est difficile.
02:09Et au fur et à mesure des années, on s'est rendu compte que c'était pas un sujet individuel et ponctuel, c'était plutôt un sujet structurel et récurrent chez nos alumnis entrepreneurs.
02:19Et on a eu besoin de le chiffrer, en fait, cet enjeu-là, pour montrer. On était convaincus que c'était un enjeu avec une ampleur énorme.
02:30On a trouvé peu d'études, peu de chiffres sur le sujet. Et donc on s'est dit qu'il fallait poser des chiffres avant de s'attaquer à ce sujet-là,
02:38trouver, poser des chiffres. Et donc on a contacté la chaire de l'EM Lyon.
02:42Et donc on arrive à ces résultats. Je vais donner le principal sur la santé mentale des dirigeants à impact.
02:4740%, 40% des dirigeants et dirigeantes interrogées déclarent ne pas être en bonne santé mentale.
02:54C'est 24% si on va chercher d'autres études sur des dirigeants, on va dire, d'entreprises traditionnelles qui répondent à une question similaire.
03:03Aurélien Bayon, qu'est-ce que vous vous retenez au-delà de ces chiffres ? L'histoire peut-être d'un tabou à lever ?
03:09Comment vous avez réagi face à cette étude ?
03:13Alors, ce qui nous a permis de collaborer avec Ticket for Change, c'est qu'en parallèle, nous avons aussi étudié les dirigeants plus classiques.
03:21Et on a pu ainsi un peu comparer ce qui se passait chez les dirigeants à impact avec ce qui se passe dans la population en général
03:28et dans les dirigeants plus traditionnels, on va dire. Et donc là, quand on voit ce chiffre de 40%, on le voit, il est beaucoup plus élevé.
03:36Et ça va dans le sens qu'en partie, ça vient du fait que c'est un peu moins un tabou pour des gens qui sont déjà dans l'économie à impact.
03:44En général, c'est des personnes qui vont être déjà peut-être plus prêtes à révéler leur santé mentale.
03:52Donc, il y a une partie de la différence que l'on voit entre 24 et 40%, ça vient du fait que ce soit légèrement moins un tabou pour cette population-là.
03:58Ils osent le dire ou elles osent le dire. Effectivement.
04:01Et après, si on essaye d'analyser les explications, il y a quoi ?
04:08Il y a une notion de surengagement, de se sentir investi d'une mission qui va au-delà de la mission entrepreneuriale ?
04:17Oui, c'est fortement le cas. Un des facteurs, par exemple, que l'on voit, qu'on a vu dans l'étude, c'est ce qu'on appelle le workaholisme, c'est-à-dire cette tendance à ne pas pouvoir déconnecter.
04:26Et ça, bon, tous les entrepreneurs ont un peu cette tendance. Ça, il faut être bien clair. Mais peut-être que la mission, justement, vient renforcer cette tendance-là.
04:35C'est-à-dire qu'on ne fait ça pas simplement pour soi. En général, c'est un engagement qui va un peu au-delà.
04:40Et ça peut juste renforcer, d'un côté, avoir l'impression d'avoir une mission plus forte et de l'autre côté, s'ajouter des contraintes.
04:48Parce qu'être entrepreneur à impact, dans les faits, c'est s'ajouter des contraintes par rapport à d'autres.
04:53Effectivement, Juliette François, il y a ces contraintes. Il y a peut-être aussi le fait d'être, alors ce n'est pas vrai de tous les entrepreneurs à impact,
05:00mais au contact de populations un peu plus fragiles. Ça existe aussi, ça, dans les raisons, dans les explications ?
05:07Exactement. Je rejoins Aurélien. Le monde de l'entrepreneuriat, être entrepreneur et dirigeant, déjà de base, c'est complexe, c'est compliqué.
05:12Oui, il y a un côté chiva, de toute façon.
05:15Et on s'ajoute des contraintes et des spécificités dans l'économie à impact, notamment exactement ça, être au quotidien,
05:23en tout cas agir au quotidien pour un public plus vulnérable que soi.
05:26C'est difficile d'écouter ses propres vulnérabilités quand il n'y a plus vulnérable en face.
05:31Je ne vais pas commencer à pleurer sur mon sort et je ne vais pas me plaindre.
05:35Donc c'est difficile ça. Il y a l'urgence, on parle d'urgence écologique et sociale en permanence partout.
05:40Donc c'est difficile de se dire, je prends le temps de prendre de la hauteur, de reprendre mon souffle face à une urgence d'enjeu qui ne fait que grandir.
05:48Le mot urgence, il empêche de s'arrêter.
05:51Il y a aussi parfois du découragement quand on a l'impression que notre impact, nos actions,
05:56elles ont parfois un effet qui est moins à la hauteur des ambitions qu'on imaginait pour notre projet.
06:01Et en même temps, c'est normal vu les enjeux auxquels on s'attaque.
06:04Parfois un peu de découragement qui sont ajoutés à tout le cadre de l'écosystème à impact.
06:09Inventer des nouveaux modèles économiques, les recherches de financement qui sont quand même un peu plus difficiles.
06:15Donc tout ça, c'est des enjeux existentiels et émotionnels qui viennent s'ajouter à la complexité de l'entreprenariat.
06:21Est-ce qu'il y a l'entreprenariat féminin à impact encore plus ?
06:26Je ne sais pas si vous êtes rentrée dans le détail des genres,
06:30mais est-ce que les femmes sont encore plus touchées par cette faiblesse ou fragilité
06:35ou le fait de déclarer se sentir en fragilité mentale ?
06:41Alors les femmes, c'est un vaste sujet dans l'économie à impact notamment.
06:44Il y a un chiffre dans l'étude qui dit que les femmes sont plus atteintes sur le sujet d'une mauvaise santé mentale.
06:55Il y a une étude qui a été faite par une association qui s'appelle Wila,
07:00pareil sur la santé mentale des femmes en général.
07:03Donc c'est un public qu'on va adresser.
07:08Et je ne crois pas que ce soit forcément plus difficile vu les enjeux que je viens de présenter.
07:15En fait, l'urgence écologique et sociale, les nouveaux modèles économiques,
07:19cette économie à impact a inventé.
07:22On va peut-être rajouter de la charge mentale qui est déjà parfois plus forte pour les femmes en général.
07:26Il y a un truc historique sur le soin en général dans la société
07:29qui est quelque chose qu'on n'apprend pas à l'école.
07:31Prendre soin des autres, prendre soin de soi, c'est vital comme respirer.
07:35Pour autant, on ne l'apprend pas à l'école.
07:36Et il y a beaucoup d'études et de médias qui disent que justement,
07:42ce soin-là, il est donné aux femmes de manière de base.
07:48C'est aux femmes de prendre soin.
07:50Aurélien Bayon, si on commence, il nous reste cinq minutes,
07:54à essayer de positiver, à aller vers des solutions.
07:58Quelles solutions vous préconisez ou vous proposez
08:02quand vous êtes en contact avec des dirigeants, dirigeantes d'entreprises ?
08:06Alors, les choses toutes bêtes, qu'on connaît tous, c'est tout simplement être capable de déconnecter.
08:13Ça, c'est quelque chose de prévoir du temps pour soi.
08:17C'est vraiment le genre de choses toutes bêtes.
08:21Et qui, au bout d'un moment, on oublie.
08:24C'est-à-dire que parfois, il faut être capable de mettre dans son agenda temps pour moi.
08:28Ça, c'est quelque chose...
08:30Et on en entend partout, je n'ai rien inventé, mais peu de gens le font.
08:35Donc ça, ça peut être vraiment quelque chose de tout simple.
08:37Après, dans le cadre de l'entreprise, il y a parfois l'oubli de célébrer.
08:43Alors ça, c'est...
08:44Donc pour l'étude, j'ai travaillé aussi avec l'Observatoire à Maroc, qui est à Montpellier.
08:47C'est un observatoire qui étudie depuis une bonne dizaine d'années les dirigeants, en général.
08:53Et eux, enfin, dans leurs recommandations, c'est vraiment aussi de dire...
08:57Ce n'est pas simplement ce qu'on appelle les facteurs pathogènes, de regarder ce qui est négatif.
09:01Mais donc Olivier Torres, qui est le directeur de l'Observatoire à Maroc, va nous dire souvent...
09:05Il faut penser à ce qui est salutogène, c'est-à-dire qu'est-ce qui peut amener des choses positives.
09:09Par exemple, célébrer les succès.
09:11Souvent, on va dire, on a un succès, mais on passe à la suite sans prendre le temps de faire une pause.
09:16Et c'est ces choses-là qui peuvent aussi aider.
09:19C'est-à-dire qu'on n'est pas simplement à limiter le négatif, mais parfois, il y a à faire des choses positives à soi aussi.
09:24Est-ce qu'on peut aussi, Juliette-François, changer la vision du stress, en fait ?
09:29Parce que c'est vrai qu'on le reçoit négativement.
09:33Est-ce qu'on peut avoir une vision positive du stress ?
09:35Je ne dis pas que c'est facile et que c'est toujours possible.
09:38Oui, ça s'apprend dans l'étude.
09:39C'est un des facteurs clés qui pourraient réduire une mauvaise santé mentale.
09:42Moi, je trouve qu'il faut faire surtout attention à ne pas dire que la seule réponse, c'est l'entrepreneur lui-même.
09:50Pas culpabiliser l'entrepreneur en lui disant « prends soin de toi, prends du temps, arrête de stresser ».
09:55C'est rajouter une injonction et donc ça fait plutôt partie du problème que de la solution.
10:00Moi, je dirais que c'est plutôt une solution collective qu'il faut trouver.
10:03Aux structures d'accompagnement comme nous, de créer des parcours.
10:06On crée le parcours Oasis justement pour apprendre aux entrepreneurs dirigeants d'impact, les accompagner dans le soin de soi et de leurs équipes.
10:14Aux structures financeurs d'ajouter ces indicateurs clés à un suivi de projet, que ce soit aussi important qu'une rentabilité économique et que des objectifs d'impact.
10:23Et aux systèmes culturels, aux médias, aux systèmes éducatifs de véhiculer des nouveaux modèles de réussite,
10:28d'arrêter de mettre la performance chiffrée, le résultat, le savoir-faire en avant et les histoires un peu héroïques d'entrepreneurs super héros.
10:37Plutôt pour nous, parler de santé mentale, ce n'est pas un signe de faiblesse mais une composante essentielle de leadership.
10:44Et donc c'est ça qu'il faut changer un peu dans les schémas mentaux d'aujourd'hui.
10:47Aujourd'hui, ces soutiens, ils n'existent pas vraiment ?
10:51Ils existent peu.
10:53Ils sont embryonnaires ?
10:54Ils sont embryonnaires. On commence à en parler vachement. La santé mentale a été nommée grande cause nationale 2025.
11:00Donc forcément, là, on commence à se rendre compte de l'ampleur de l'enjeu, je crois, et donc à créer un peu des solutions.
11:05C'est important que ça devienne une responsabilité collective.
11:08Donc nous, on lance avec Ticket for Change notre programme Oasis en juillet.
11:11C'est quoi ?
11:11C'est un programme de six mois pour permettre aux dirigeants, dirigeantes à impact de retrouver du souffle, du sens, de la clarté,
11:19de s'outiller pour apprendre à prendre soin de soi et prendre soin de ses équipes et de retrouver la flamme, l'alignement dans leur projet.
11:26Et aussi, c'est un groupe de soutien. On sent qu'il y a un besoin.
11:30La solitude de l'entrepreneur, elle est forte, et notamment sur ces sujets-là, vu que c'est perçu comme un aveu de faiblesse,
11:35de dire qu'on a des enjeux ou qu'on est un peu fatigué,
11:38et que c'est difficile de le dire à ses équipes ou ses financeurs pour ne pas, eux, leur mettre une charge, décaler la charge,
11:46créer un groupe de soutien de paire pour pouvoir en parler et résoudre ses problèmes.
11:51Donc ça, c'est le programme Oasis, mais je pense qu'il y a besoin que ça devienne quelque chose de plus grand
11:55et qu'on initie des actions dans l'économie à impact avec les autres acteurs de l'économie à impact
12:04pour faire un sujet plus collectif et qu'on informe, on sensibilise,
12:09que voilà, on soit capable de parler de santé mentale et de vulnérabilité.
12:13Merci beaucoup à tous les deux. Merci Juliette, François et Aurélien.
12:18Bayon, on passe tout de suite à notre rubrique Start-up et innovation.
12:21Merci.
12:22Merci.
12:23Merci.

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