• il y a 7 mois
Langue de bois et politiquement correct, c’est fini ? Didier Pitelet, président de La Maison Hénoch Consulting, prône l’authenticité comme seule voie possible pour les dirigeants d’aujourd’hui. L’expert en leadership et culture d’entreprise est l’invité du Grand Entretien de SMART JOB.

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Transcription
00:00 Générique
00:02 ...
00:12 -Le Cercle RH est un grand entretien aujourd'hui
00:15 pour peut-être se poser un peu,
00:17 pour sortir des sujets RH
00:18 et pour s'intéresser à un mot dont vous avez probablement entendu parler,
00:23 le leadership spirituel.
00:24 C'est le titre d'un livre écrit par Didier Pitelet.
00:27 Bonjour, Didier. -Bonjour.
00:29 -Je suis invité car j'ai beaucoup parlé de ce livre,
00:32 dont j'ai assumé le plaisir de l'avoir lu,
00:34 et j'ai envie de dire dévoré, car vous traitez
00:37 plein de sujets fondamentaux.
00:39 Édition Erol, vous n'oubliez jamais l'éditeur.
00:42 Vous êtes le président de la maison Enoch Consulting.
00:45 D'abord, un petit mot avant le livre,
00:48 car un livre a toujours une histoire.
00:50 Il naît dans la tête, dans sa vie, puis il devient un livre.
00:53 Quand vous étiez avant de devenir un homme qui fait des conférences,
00:57 vous avez entendu plusieurs fois,
00:59 vous dites vraiment les choses, quand vous faites des conférences.
01:03 Vous avez été, vous aussi, aux manettes.
01:06 Vous avez été manager, comme on dit.
01:08 Vous étiez à l'époque déjà un leader spirituel
01:11 où, objectivement, il y a quelque chose
01:13 qui s'est transformé en vous et vous avez pris conscience
01:16 qu'il fallait se transformer.
01:18 Vous l'avez toujours été. -Je crois,
01:20 et avec beaucoup d'humilité, que je l'ai toujours été,
01:24 de surcroît, en ayant vécu,
01:26 dans ma vie et dans ma chaire,
01:28 des moments très forts,
01:29 puisque j'ai eu la chance d'avoir été déclaré mort
01:32 à l'âge de 23 ans suite à un très grave accident,
01:35 qui, évidemment, vous fait prendre beaucoup de recul sur la vie.
01:40 Lorsque j'ai créé et déposé...
01:42 Le début du chemin, c'est lorsque j'ai créé et déposé
01:45 le concept de marque employeur.
01:47 C'est en 98, où j'animais déjà des tables rondes
01:50 avec beaucoup de jeunes et une avec des publics,
01:53 pourtant censés être l'élite,
01:55 qui étaient désespérés, car les entreprises ne les recrutaient pas.
01:59 Et là, j'ai pris une vraie claque,
02:01 parce que je me disais que c'était incroyable.
02:03 On ne peut pas prendre les gens pour des imbéciles.
02:06 On ne peut pas leur faire croire qu'ils sont importants.
02:10 On ne peut pas leur dire "je t'aime"
02:12 le lendemain, "tu vaux rien pour moi".
02:14 C'était un vrai déclencheur
02:16 qui fait que j'ai transformé mon métier
02:18 un peu comme du militantisme, mais je l'assume.
02:21 -C'est un livre très militant, "Boussole".
02:24 -Oui. -C'est un livre militant.
02:26 Entrons dans le livre.
02:27 Vous ne traitez pas que de l'entreprise.
02:30 Vous adressez aussi le sujet autour de la politique,
02:33 avec un grand P, même un petit P.
02:35 Puis vous parlez aussi de l'éducation,
02:37 de la manière dont on accompagne nos jeunes
02:40 ou qu'on les accompagne mal.
02:42 Il y a quand même, au-delà de la notion
02:44 de leadership spirituel, dans ce livre,
02:46 l'idée que le pays est en train de se casser la gueule.
02:49 -En tous les cas, on vit une crise morale inédite
02:53 qu'on veut cacher, qu'on masque, avec des belles formules,
02:56 je pourrais revenir dessus, les fameux éléments de langage,
03:00 mais ce qui est certain, c'est qu'on vit une crise morale inédite
03:04 dont l'entreprise va être une victime collatérale, à terme.
03:07 C'est évident, puisque tout ce qui se passe
03:10 dans la société civile, c'est pour ça que j'ai voulu faire
03:13 le parallèle, est en train d'entrer massivement.
03:16 Le fait qu'on ne croit plus en grand-chose
03:18 dans la société civile, le fait que nous ayons des politiques,
03:22 que ce soit les bords politiques, qui sont là pour "vendre"
03:25 leur soupe, avec leurs éléments de langage
03:28 auxquels plus personne ne croit, à un moment donné,
03:31 ça forme des citoyens qui ne se raccrochent plus
03:34 à des mythes républicains, dont la fameuse laïcité,
03:37 et à côté de ça, l'entreprise, elle est laissée
03:40 de rester dans une sorte de mode de fonctionnement
03:43 comme on a connu depuis toujours, mais le problème,
03:46 c'est que ça n'imprime plus chez les jeunes.
03:49 -Vous dites ça, parce qu'ils ne sont pas dupes,
03:52 ce qu'on leur vend aujourd'hui, la manière dont on communique,
03:55 le salarié le voit. Il y a un concept
03:57 que je trouve intéressant, c'est cette notion
04:00 d'utilisation du mot "spirituel", c'est-à-dire "leadership",
04:04 un mot très utilisé dans les écoles de commerce.
04:07 Mais "leadership spirituel", en préparant l'émission,
04:10 j'ai vu que c'était un concept anglo-saxon,
04:12 que les chercheuses avaient travaillé sur le sujet,
04:15 que ça avait été théorisé. Pourquoi c'est toujours
04:19 la France qui n'est pas capable de porter ce concept ?
04:21 -Alors, très clairement, moi, quand j'ai commencé à plancher
04:25 sur ce... Parce qu'un livre, c'était votre introduction,
04:28 moi, je mets à peu près 2-3 ans avant de la coucher,
04:32 je tourne autour de l'idée, et ça va piquer un seul coup.
04:35 Et quand j'ai mis en exergue une notion
04:37 de "leadership spirituel", j'ignorais tout
04:40 des travaux anglo-saxons.
04:41 Ce qui avait précédé ma pensée, c'était le besoin
04:44 de l'incarnation. -Exactement.
04:46 -Le gros problème, en France, mais pas qu'à France,
04:49 dans beaucoup de pays occidentaux, on a un problème d'incarnation.
04:53 Ca s'explique par plein de choses, les formations,
04:56 par l'ego. A un moment donné, on croit que quand on devient
04:59 dirigeant, on est là pour dominer. Non, on est là
05:02 pour se mettre au service d'eux. Et ça, c'est le point,
05:05 je crois, criant, que soit en politique comme dans le monde
05:09 de l'entreprise, qui n'imprime plus, encore une fois,
05:12 chez les gens. -Votre préface,
05:14 c'est Jean-Dominique Sénard, le président
05:16 du conseil d'administration du groupe Renault.
05:19 Il a été devant tous les partenaires sociaux,
05:21 et il a poussé un coup de gueule devant tous les partenaires sociaux,
05:25 en disant que l'entreprise est trop verticale,
05:28 qu'il n'y a pas assez d'horizontalité,
05:30 qu'on ne met pas assez l'humain au coeur des réflexions stratégiques.
05:34 C'est tout l'esprit du leadership spirituel.
05:37 -Bien évidemment. Pour moi, il ne pouvait y avoir
05:40 que Jean-Dominique Sénard pour faire la préface de ce livre.
05:43 -Ce qui est très important pour cet homme,
05:46 qui est une personnalité rare, c'est qu'il a été l'un
05:49 des premiers à comprendre que l'entreprise a un rôle social,
05:52 sociétal, politique, et profondément humain.
05:55 -La raison d'être dont il est le créateur.
05:57 -Bien évidemment. Le problème, c'est que beaucoup d'entreprises
06:01 ont transformé cette notion de raison d'être
06:04 en slogan publicitaire. Or, c'est pas parce que t'as
06:07 des formules que tu parles au coeur des gens.
06:09 -Il y a une phrase dans le livre, "On finit par ressembler
06:13 "à une tarte." -J'aime beaucoup cette phrase.
06:15 C'est exactement ça. Un mot sur cette dichotomie.
06:18 On a tous envie d'avoir un leader spirituel.
06:20 On a tous envie d'avoir quelqu'un au-dessus de nous.
06:23 Un autre sujet qui est posé, c'est qu'on peut être très aligné
06:27 avec soi-même, mais totalement désaligné
06:29 avec l'entreprise dans laquelle on travaille.
06:32 C'est d'une violence terrible. -C'est ce qui nourrit
06:36 les burn-out, les moments de stress,
06:39 de détresse, parce qu'on rêve tous du monde idéal
06:43 où tout le monde est heureux.
06:45 La réalité, c'est qu'on n'a jamais autant parlé
06:48 de qualité de vie au travail, de RSE,
06:50 des notions auxquelles on ne peut qu'adhérer,
06:53 ou de bienveillance.
06:54 Mais dans la vraie vie, il n'y a jamais eu autant de détresse,
06:58 de burn-out, de stress.
07:00 Une majorité de salariés veulent quitter leur job.
07:03 Il faut chercher l'erreur.
07:05 On prend des mots pour des idées.
07:07 Quand on prend des mots pour des idées,
07:09 la tartufferie est en marche.
07:11 Aujourd'hui, sous l'impulsion des jeunes générations,
07:14 ça ne marchera pas de moins en moins.
07:16 C'est un vrai appel à la remise en question
07:19 non seulement du leadership, mais aussi des politiques RH
07:22 qui sont un peu trop à la remorque, entre guillemets,
07:25 du financier. On clame de beaux concepts,
07:28 mais on a peu de moyens pour agir.
07:30 -Vous le dites clairement, en parlant des RH
07:33 avec beaucoup de bienveillance, ils ont des pouvoirs limités,
07:36 ils sont tenus par des budgets, par les financiers.
07:39 -C'est sûrement l'une des fonctions les plus importantes
07:42 pour relever les défis de ces 15 prochaines années.
07:46 Les défis des prochaines années, ça va pas être l'IA,
07:49 tout le monde parle de ça.
07:50 Mais les défis les plus importants vont être des défis humains,
07:54 des défis de génération, de sens, de projection.
07:57 Et ça, les DRH ont normalement une carte à jouer.
08:00 -J'ai pas été assez précis dans ma question,
08:03 mais vous parlez très longuement
08:05 dans le début de votre livre du niveau éducatif
08:08 de notre jeunesse, de ceux qui sont en formation
08:10 ou ceux qui entrent en entreprise.
08:13 C'est vrai que le constat que vous en faites,
08:15 qui correspond aux études PISA,
08:17 qui correspond à ce qu'on lit,
08:19 est pas très reluisant.
08:21 Ca veut dire quand même que ces jeunes mal formés
08:24 ou d'une manière un peu imparfaite
08:26 arrivent en entreprise.
08:28 C'est l'entreprise qui doit former,
08:30 ça pose un énorme problème, ça aussi.
08:32 -Majeur. Vous savez,
08:34 dès le moment où on a décrété 80 % d'une tranche d'âge
08:37 de devoir avoir le bac... -J'espère vous rappeler.
08:40 -Exactement. On ouvrait, effectivement,
08:42 la porte à la dégradation du niveau scolaire.
08:45 Aujourd'hui, vous savez, les jeunes de 15 ans
08:48 maîtrisent 40 % de mots en moins
08:51 que les jeunes de 15 ans en 1987.
08:53 Donc, aujourd'hui, on a un vrai problème éducatif
08:56 de culture générale, alors que, dans le creux de leurs mains
09:00 avec leur iPhone, ils ont toute la culture du monde.
09:03 Mais le problème... -Ils n'ont plus TikTok.
09:06 -Voilà. Ca va être une bombe à retardement
09:08 pour l'entreprise, mais il y a plein de bombes
09:11 qui vont exposer. Il y a l'éducation,
09:13 la culture générale, où les entreprises vont devoir rééduquer,
09:17 former, même des bacs +5.
09:19 Quand vous voyez des bacs +5 qui ont une culture générale
09:22 extrêmement pauvre, c'est une catastrophe.
09:25 La violence. Le corollaire de l'ignorance,
09:28 c'est la violence. Cette violence-là,
09:30 elle va s'apporter. On voit, ça fait pas beaucoup
09:33 dans les médias, mais ça commence à se développer.
09:36 Dans les 10 ans à venir, ça va être un problème majeur.
09:39 La cohabitation via la fragmentation sociale
09:41 que nous vivons avec le communautarisme,
09:44 qui est un vrai sujet pour les entreprises.
09:46 -Je connais votre réponse, mais la façon dont vous avez écrit
09:50 ce livre, qui est un livre boussole,
09:52 non pas un livre programmatique, mais qui donne des éléments
09:56 de réflexion, qu'est-ce qu'on fait ?
09:58 Vous nous apportez des diagnostics,
10:00 vous dites qu'il faut impérativement
10:02 que les leaders deviennent spirituels,
10:05 soient incarnés, et de la vertu et des valeurs.
10:07 Comment on fait quand notre entreprise est dirigée
10:10 par un fonds, quand l'actionnaire principal est chinois ?
10:13 Comment on fait ? -Dans le livre,
10:15 évidemment, je mets en place différents chantiers
10:18 à mettre à ouvrir.
10:21 Moi, je crois que le monde financier,
10:24 comme il s'est approprié, d'ailleurs,
10:26 la RSE, la raison d'être, etc. -On l'appelle ESG, d'ailleurs.
10:30 -On va se réapproprier ces notions humaines fondamentales.
10:33 C'est le 1er point. 2e point,
10:35 je pense qu'une nouvelle génération qui...
10:38 Je suis recruté, on me promet des choses,
10:40 2 mois plus tard, je me rends compte que c'est faux,
10:43 à un moment donné, elle s'en va. -C'est ce qui se passe.
10:46 -C'est ce qui se passe partout. Ca va pénaliser le business.
10:49 Il va y avoir des clignotants rouges qui vont se mettre en action.
10:53 Ca va automatiquement changer. Il faudra arrêter
10:56 avec tous les anglicismes à la mode,
10:58 où on ne parle que de "onboarding", etc.
11:00 -Off-boarding. -Voilà.
11:02 Reprenons des fondamentaux.
11:04 On intègre, on initie.
11:06 On évalue, on encourage.
11:08 Donc, il faut...
11:10 C'est là où la fonction RH est fondamentale,
11:12 car c'est elle qui va aider les directions,
11:15 les actionnaires à bouger. -Avant de nous quitter,
11:18 car il y a un enjeu des investisseurs,
11:20 des fonds qui vont avoir un rôle essentiel,
11:22 il y a quelque chose dont on parle peu,
11:24 mais vous l'avez évoqué, c'est le numérique.
11:27 Tout transformer, nos modes de vie,
11:29 notre façon de travailler,
11:31 on le revoit, on repense notre rapport au numérique.
11:34 On nous donne des outils numériques
11:36 censés régler nos vies,
11:37 et souvent, ça ralentit le rythme.
11:40 -La 1re caractéristique du leader spirituel,
11:43 c'est le don de soi, associé à l'humilité,
11:46 associé à l'écoute.
11:47 C'est clair que si on n'a pas des modèles de management
11:51 fondés sur l'humain comme étant le coeur,
11:54 enfin, l'axe central de la relation,
11:57 ça ne marchera pas.
11:58 Donc, il faut du numérique, c'est clair.
12:00 On ne va pas aller contre l'intelligence artificielle,
12:04 mais si c'est au détriment de la relation avec un grand R,
12:07 ça ne marchera pas.
12:08 -On les forme comment, ces managers,
12:11 au leadership spirituel ?
12:12 On commence par quoi ?
12:13 Le programme de formation
12:15 pour ouvrir la porte au leadership spirituel ?
12:17 -Alors, déjà, se poser la question
12:20 de leur propre sens.
12:21 Ce qui m'impressionne, c'est de rencontrer
12:24 des gens qui ne se sont jamais posé des questions sur eux-mêmes.
12:27 Or, il y a un travail introspectif
12:30 pour apprendre déjà à se connaître
12:32 avant d'imaginer driver autrui.
12:34 Donc, déjà, le sens sur soi,
12:36 l'ambition humaine qu'on a envie d'incarner,
12:39 parce que l'ambition des chiffres, c'est facile,
12:42 c'est de la compta, je force le trait,
12:44 mais l'ambition humaine, être reconnu
12:46 pour sa valeur ajoutée humaine, c'est un R.O.I.
12:48 -Donc, c'est un travail sur soi-même
12:50 et qui, ensuite, normalement, doit se redéployer,
12:53 en tout cas, doit irradier l'entreprise.
12:56 Aujourd'hui, avant de nous quitter,
12:58 on a fait cette émission il y a quelques semaines
13:00 sur Smart Job. On n'a jamais autant parlé
13:03 de bienveillance et de qualité de vie au travail
13:05 et on n'a jamais eu autant de chiffres alarmants
13:08 sur les souffrances. -Il y en a marre
13:10 de parler de bienveillance quand il y a autant de détresse.
13:13 Il faut être aligné sur cette réalité,
13:15 regarder le miroir en face. Ca me semble essentiel.
13:18 -Merci, Didier Pithelet. -Merci à vous.
13:21 -Lisez ce livre.
13:22 On va découvrir et revoir la couverture de ce livre,
13:25 "Édition et rôle, le leadership spirituel",
13:28 pour un leadership spirituel assumé,
13:30 c'est-à-dire que le leader assume et porte ce mot.
13:33 Il n'a pas peur de l'utiliser. C'est important.
13:35 C'est un mot caché en entreprise spirituelle.
13:38 Ca fait presque peur, le mot "spirituel".
13:40 Merci de nous avoir rendu visite.
13:42 Je suis à la tête de la Maison Enoch Consulting
13:45 avec cette jolie collection de photographies.
13:48 -Gueule de l'emploi. -C'est une initiative
13:50 absolument incroyable, qui valorise
13:52 l'identité, l'image, la confiance. -On est dans l'authenticité.
13:56 -C'est magnifique. Ce sont de belles photos.
13:58 -Merci pour votre soutien. -A très bientôt.
14:01 On tourne une page. On ne va pas être dépaysé.
14:03 On s'intéresse à la méthode Will, à travers un livre
14:06 et une méthodologie qui fait écho au sujet
14:09 qu'on vient de traiter avec Didier Pithelet.

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