Trop vertical, trop jupitérien, trop rigide… Le modèle de l’entreprise en France doit-il être reformaté pour pouvoir affronter un monde en pleine mutation ? C’est l’avis d’Olivier Bas, ancien vice-président d’Havas Paris et auteur d’un livre qui prône une entreprise élastique dans son fonctionnement, démocratique dans sa gouvernance, et progressiste dans son management.
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00:00Générique
00:12Inventons une entreprise en phase avec notre époque.
00:15C'est le cri du coeur d'Olivier Bas, enseignant à la Sorbonne Nouvelles, dans son dernier livre, la Hasbeen Compagnie, aux éditions Juno.
00:21Alors que beaucoup expliquent aujourd'hui l'absentéisme, les démissions et le désengagement par une crise du travail,
00:26lui voit surtout une fracture entre les aspirations sociétales et les entreprises.
00:31Bonjour Olivier Bas.
00:32Bonjour.
00:33Merci beaucoup de nous accompagner aujourd'hui.
00:35Merci de m'accueillir.
00:36Bon, ma première question, juste comme ça, on va commencer comme ça.
00:38Pourquoi vous la trouvez Hasbeen, l'entreprise d'aujourd'hui ? Est-ce que vous n'êtes pas un peu dur ?
00:42Alors oui, je suis dur. C'est un peu du marketing.
00:45C'est pour attirer le chaland, comme on dit.
00:47Mais par certains côtés, vraiment, elle est un peu Hasbeen.
00:50Je vais prendre deux ou trois exemples.
00:52On est quand même dans des organisations qui sont très contrôlantes dans un monde qui est pris de liberté.
00:57On est sur des gouvernances qui sont parfois jupitériennes, vous voyez, dans un monde qui est pris de démocratie participative.
01:03On est sur des logiques de commandement dans des sociétés qui sont dirigées par l'influence.
01:09Voilà, donc on voit bien qu'il y a une forme d'anachronisme entre la manière dont les entreprises sont organisées, dont elles fonctionnent, et puis les aspirations sociétales.
01:17C'est en ça qu'elles sont un peu Hasbeen.
01:19Vous constatez quand même des efforts de la part des entreprises aujourd'hui pour se transformer.
01:22Énormément.
01:23Mais ce n'est pas suffisant.
01:24Ce n'est pas que ce n'est pas suffisant, c'est que c'est un long chemin.
01:28Oui, beaucoup d'efforts. Dans mon livre, j'interview pas moins de huit dirigeants ou DRH sur différents sujets.
01:39Il y a des sujets qui sont plus compliqués que d'autres.
01:41Je vais en prendre un ou deux à titre d'exemple.
01:44Dans mon bouquin, il y a un chapitre qui s'appelle l'entreprise élastique.
01:48Et l'entreprise élastique, c'est une entreprise qui est centrée sur le salarié libéré, qui n'a rien à voir avec l'entreprise libérée, le salarié libéré.
01:58En fait, pendant très longtemps, dans le monde du travail, il y avait un équilibre entre liberté et sécurité.
02:04C'est-à-dire qu'on acceptait de perdre de la liberté en contrepartie de sécurité.
02:08Sécurité de l'emploi, sécurité du travail, etc.
02:11Aujourd'hui, aucune sécurité n'est garantie.
02:13Donc on se dit, mais pourquoi abandonner mes libertés au nom d'une sécurité qui n'est plus garantie ?
02:17Donc les entreprises doivent redonner de la liberté.
02:20Le télétravail a permis, je trouve, de réouvrir un champ de liberté.
02:24Le lieu où l'on bosse, qui n'est plus toujours l'entreprise, et l'organisation de son temps de travail.
02:29Parce que quand je passe deux jours chez moi, j'organise mon temps comme je veux.
02:32Mais il y a un troisième sujet en termes de liberté qui aujourd'hui n'est pas traité dans les entreprises, qui est la liberté d'action et de relation.
02:37Je ne sais pas si vous savez, mais quand on interroge les jeunes par rapport à la relation au travail et à l'entreprise, ils parlent de ce qu'ils appellent l'altérité subie.
02:44C'est quoi l'altérité subie ?
02:46Mais moi, il y a des gens, je n'ai pas envie de bosser avec eux.
02:48Je n'irai pas boire une bière avec eux, pourquoi je vais être obligé de me l'étaper pendant une journée entière ?
02:53Et donc ce mouvement qui consiste à dire, je veux pouvoir en partie choisir mes collègues de travail.
02:59Et c'est possible.
03:01Donc c'est ça une entreprise élastique ?
03:03C'est ça, c'est une entreprise qui va permettre, avec ce que j'appelle le travail en open source.
03:08Quelques boîtes le font.
03:09C'est un truc très simple, le travail en open source.
03:11Je prends 10 ou 15% d'un salarié, je lui dis ces 10 ou 15%, tu les consacres à des sujets qui t'intéressent.
03:19Je te propose une liste de sujets.
03:21L'expérience client, l'innovation des produits, la RSE, c'est quoi là-dedans qui t'intéresse ?
03:27Et tu choisis.
03:28Tu choisis et tu vas travailler en mode communauté projet avec d'autres salariés dans l'entreprise qui sont un peu partout.
03:34Aujourd'hui, les plateformes numériques le permettent.
03:37Et tu vas travailler sur des sujets qui t'intéressent avec des gens qui partagent les mêmes centres d'intérêt que toi.
03:43Et ça, on retrouve là une liberté d'action, une liberté de relation dans le travail qui est assez intéressante.
03:48Vous parliez tout à l'heure d'entreprise jupitérienne.
03:51Qu'est-ce que vous proposez dans votre livre sur cette question de la hiérarchie, du management, de la manière de discuter avec des collaborateurs en dessous de nous ?
04:01On pourrait faire une émission de trois heures sur le sujet.
04:03Mais on n'a que deux minutes.
04:05Moi, je pense qu'il faut rénover l'autorité.
04:07Quand je dis ça, on dit « mon Dieu, l'autorité, quel vilain mot ! ».
04:09Juste se rappeler ce que c'est que l'autorité.
04:11L'autorité, ça vient du latin « augeo », c'est élever.
04:14L'autorité, c'est la capacité que j'ai en tant que manager à faire grandir mes collaborateurs.
04:18Première chose.
04:19Deuxième chose, l'autorité, ce n'est pas celle qu'on a.
04:22Ce n'est pas celle que l'entreprise nous donne.
04:24C'est celle que le collaborateur nous reconnaît.
04:26Si je te reconnais de l'autorité, tu as de l'autorité.
04:28Si je ne te reconnais pas, tu n'en as pas.
04:30Le sujet aujourd'hui, c'est comment on crée les conditions pour que les salariés,
04:34notamment les jeunes, reconnaissent l'autorité du manager.
04:38Mais ça, comment on fait ?
04:39Trois conditions.
04:40Très simple.
04:41C'est les trois axes.
04:43Un, il faut donner du pouvoir d'expertise au manager.
04:45Il faut aller contre cette idée répandue qui consiste à dire
04:48« le manager ne doit pas être un expert ».
04:50Si, le manager doit être un expert de son métier.
04:52Pourquoi ?
04:53Parce qu'en faisant ça, il est capable de transférer son savoir-faire,
04:56de faire en sorte que les jeunes qui bossent avec lui
04:59apprennent des choses et ont le sentiment de progresser.
05:01Première condition de l'autorité.
05:03Deuxième condition, c'est le pouvoir d'expérimentation.
05:06Il faut laisser de la marge de manœuvre au manager.
05:08Il faut qu'à un moment donné, au niveau de l'équipe,
05:10on ait le pouvoir de régler les problèmes et les irritants du quotidien
05:14parce qu'on a délégué au manager ce pouvoir-là.
05:17Et là, je me dis qu'il a de l'autorité que je reconnais
05:20parce que grâce à lui, il nous enlève tous les cailloux des chaussures
05:23qui nous empêchent de marcher droit.
05:24Et le troisième sujet, c'est l'exploitation, le pouvoir d'exploitation.
05:28C'est-à-dire qu'il a un pouvoir de décision au niveau de son unité
05:33et il a même le pouvoir de déléguer à ses collaborateurs un pouvoir de décision.
05:37Donc j'ai un manager avec lequel j'apprends,
05:40j'ai un manager qui me permet d'avoir de la marge de manœuvre
05:43et j'ai un manager qui me donne du pouvoir de décision.
05:46Alors cette autorité-là, je la reconnais
05:48au-delà du nombre de barrettes qu'il a sur les épaules.
05:50Ce sera ma dernière question.
05:51Olivier Bas, cette entreprise-là que vous décrivez,
05:54qui serait donc plus moderne en tout cas,
05:57c'est quoi l'objectif in fine ?
05:59L'objectif de cette entreprise, c'est quoi ?
06:02C'est qu'elle engage plus les collaborateurs ?
06:04Vous l'avez pensé pour quoi, pour qui ?
06:06C'est liberté, humanité et responsabilité.
06:14C'est-à-dire que moi je pense que l'entreprise est un acteur social et politique
06:19et que donc si on ne modernise pas l'entreprise,
06:23alors on ne modernise pas la société.
06:26Et donc je pense que ça aide les entreprises
06:29à la fois à être plus performantes, parce que c'est des acteurs économiques,
06:32mais à être aussi plus progressistes
06:34d'un point de vue social, sociétal et environnemental.
06:38Et on en a besoin dans ce contexte.
06:40Merci beaucoup Olivier Bas d'être venu nous voir.
06:42C'est moi, c'est moi.
06:43Je rappelle votre ouvrage, la Hasbeen, compagnie aux éditions Duneau.
06:46Merci beaucoup d'être passé nous voir aujourd'hui dans Smart Job.
06:50Merci à vous de nous avoir suivis.
06:52On se retrouve bien sûr très très vite sur Bsmart pour un nouveau numéro de Smart Job.
06:56A très vite, salut !