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Du 24 au 28 mars, ce sera la 9e édition de la semaine de l’économie sociale et solidaire à l’école. L’occasion d’engager les jeunes générations dans ce secteur. Benoît Hamon, président de l’ESS France et ancien ministre de l’ESS, rappelle l’importance de ces entreprises qui s’engagent pour faire face aux enjeux environnementaux. Dans ce grand entretien, il évoque également le rôle qu’elles jouent pour garantir nos démocraties, et revient sur son engagement pour l’inclusion de la diversité dans notre économie.

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00:00Prêt pour l'impact, une personnalité qui compte dans l'économie française. 26 minutes d'entretien avec Benoît Hamon aujourd'hui. Bonjour.
00:11Bonjour. Bienvenue. Vous êtes le directeur général de Singa Global et le président de SS France, la chambre française de l'économie sociale et solidaire,
00:18qui représente, on ne le sait pas forcément, ces 2,7 millions d'emplois. C'est 13,7 % du total des emplois privés en France. Et puis, c'est des millions
00:27de bénévoles, 20 millions de bénévoles. Est-ce que c'est un modèle qui gagne du terrain ou qui est plutôt en stagnation ? Qu'est-ce qu'on peut en dire de ce modèle ?
00:35Il gagne du terrain. Il gagne dans la dernière mesure du 1er semestre 2024 en création d'emplois, l'économie sociale et solidaire, surperformée dans l'emploi privé.
00:46Comment je dis « surperformée » ? C'est que quand on regardait la moyenne de création d'emplois privés, il y en avait davantage dans l'économie sociale
00:52et solidaire que dans l'économie conventionnelle. Alors, l'ESS, c'est quoi, quand même, pour le redire ? Ce sont toutes les entreprises qui sont non lucratives
01:01ou à lucrativité limitée. Ça ne veut pas dire qu'elles ne gagnent pas d'argent. Elles réalisent des excédents, des bénéfices. Mais ça veut dire qu'elles n'assurent pas de rendement
01:09au capital investi. Il n'y a pas de rémunération en dividendes d'actionnaires. Ils posent évidemment une question sur comment attire-t-on des investisseurs dès lors
01:18qu'ils n'assurent pas de rendement fort à ces investissements. Et la conséquence de cela, le fait que nous soyons dans un principe selon lequel les parts que l'on peut avoir
01:30dans une entreprise ne permettront pas de faire la bascule, un immense bénéfice au moment où on les revendra, c'est qu'il y a un principe qui est « une personne égale une voix ».
01:40Si nous sommes partenaires dans une même coopérative ou entreprise de l'ESS, si vous avez 10 parts et je n'en ai qu'une, vous aurez une voix et j'en aurai une.
01:50Et ça change la donne profondément.
01:52En fait, ce qui peut heurter dans l'appréciation qu'on peut avoir du fonctionnement de l'économie, ça veut donc dire que le montant de l'argent que vous mettez sur la table
02:03ne donne pas plus de pouvoir. L'exact inverse de ce qui se passe aujourd'hui aux Etats-Unis, d'ailleurs, où il y a une forme d'hubris, de démesure du capitalisme américain
02:11qui prétend le contraire, qui prétend d'ailleurs que l'argent que j'ai dans l'économie doit me donner aussi le pouvoir dans la politique.
02:19Elon Musk et quelques-uns de ses compères étant le symbole de ça.
02:24L'ESS, c'est le contraire de cela. Et c'est effectivement 2,7 millions d'emplois en France.
02:31Et je vais vous donner une comparaison que j'ai découverte il y a peu de temps et qui est pour moi assez parlante.
02:38Quand on fait le chiffre d'affaires cumulé en 2023, je crois, qui a été réalisé par la Banque de France, des startups françaises, des principales startups françaises,
02:47c'est 25 milliards d'euros. Chiffre d'affaires cumulé. Les startups qui ont leur salon, leur ministre. J'ai rien contre.
02:57Le gouvernement de la République en parle régulièrement et sont le moteur d'une certaine économie.
03:03Économie avec des entreprises, d'ailleurs, qui peuvent changer de pavillon, devenir un jour américaine, alors qu'elles ont été françaises au début, singapouriennes, que sais-je encore.
03:10Mais bon, c'est un modèle économique. Il a sa logique et beaucoup, beaucoup de lumière dessus.
03:1625 milliards d'euros. Je veux juste prendre les coopératives. Chiffre d'affaires cumulé des coopératives françaises, c'était 380 milliards d'euros.
03:29Donc est-ce que vous avez l'impression que les coopératives françaises ont 10 fois plus d'attention ?
03:34Je vous vois venir sur les pouvoirs publics parce que vous avez été ministre de l'économie sociale et solidaire il y a une douzaine d'années.
03:41Je ne demande pas qu'il y ait un ministre des coopératives, mais c'est simplement pour dire que cette économie-là, elle a l'immense force d'être très territorialisée, avec des emplois non délocalisables.
03:55Elle est un élément de la souveraineté économique de la nation.
03:58Donc ça devrait être un enjeu de politique publique majeure.
04:02Et c'est pour ça que s'ouvrent des discussions sur la stratégie nationale de développement de l'ESS.
04:07La bonne nouvelle, c'est que la précédente Commission européenne avait reconnu l'économie sociale comme un des 14 écosystèmes industriels européens,
04:14et a demandé que chaque pays se donne une stratégie nationale de développement.
04:18On démarre ce travail-là avec le gouvernement.
04:20Mais jusqu'ici, l'État, depuis 10 ans, alors moi j'avais fait la loi il y a 10 ans, a eu une volonté ou intermittente ou désordonnée.
04:28Par exemple, je vais prendre un exemple, il n'y a pas d'alignement des doctrines entre BPI France, la Caisse des dépôts, l'État.
04:35Et il nous manque, en gros, un partenaire.
04:39Et pour pouvoir avoir une stratégie, dans quel secteur insiste-t-on ?
04:44Quelles filières industrielles, dans le domaine du recyclage, des énergies renouvelables, structure-t-on davantage ?
04:50Bon, voilà.
04:51J'ai vu que depuis le mois de janvier, il y a un amendement qui a été porté par une sénatrice socialiste,
04:58la sénatrice de l'Influence, Blatrice Contat, qui a été votée au Sénat, qui n'a pas encore passé à voter à l'Assemblée.
05:05Alors, c'était quoi l'idée ? Les moyens budgétaires alloués à l'ESS, présentés chaque année dans le cadre du vote du budget de l'État ?
05:11Ça peut sembler technique, mais est-ce que c'est une avancée ? Pourquoi c'est potentiellement important ?
05:16Oui, c'est important dans le sens où il faut qu'on arrive à objectiver ce que sont la réalité des concours publics à l'économie sociale et solidaire.
05:24Parce que le flou... Nous, on préfère qu'on se mette d'accord sur un chiffre, sur des montants, que sur...
05:31« Ouh là là, vous êtes très aidés, il faut rajouter ceci, cela, cela. »
05:34Et pour l'instant, comme c'est pas centralisé, on sait pas exactement où va l'argent public, quoi.
05:38Et nous, on voudrait rappeler que, par exemple, quand on aide le secteur de l'insertion par l'activité économique...
05:42J'enlève le mot « aide ».
05:44Quand l'État finance le secteur de l'insertion par l'activité économique, c'est pourquoi ?
05:48Parce que ce secteur, les entreprises d'insertion, les chantiers d'insertion, va prendre des personnes très éloignées de l'emploi,
05:54et à travers une activité, qui est une activité marchande, la mine d'arrangement de paysages, d'espace vert, de la production, de la petite industrie,
06:03va vendre ses services, mais en faisant travailler des gens qu'il faut remettre en situation de pouvoir se former, acquérir des qualifications, des compétences.
06:14Donc, il rend un service à la société, c'est pour cela qu'il est financé.
06:17En réalité, quand on nous dit « telle entreprise reçoit des subventions, elle est plus aidée que les entreprises conventionnelles »,
06:25oui, mais parce que nous sommes délégataires d'une mission d'intérêt général.
06:28C'est-à-dire que nous endossons, nous, des missions que les autres entreprises n'endossent pas.
06:33Et qu'il me soit permis de dire, et c'est là où je voudrais tirer un peu la sonnette d'alarme sur un point,
06:39dans le projet de budget qui avait été proposé par M. Barnier et qui n'a guère été modifié concernant l'économie sociale et solidaire
06:46par le gouvernement Beyrou, l'Union des employeurs de l'ESS, qui est l'UDES, qui est le principal syndicat employeur de l'ESS,
06:53donc des chefs d'entreprise, estimait que les suppressions d'emplois dans l'ESS en application de ce budget seraient de l'ordre de 186 000.
07:02C'est considérable. C'est un plan social diffus sur l'ensemble du territoire qui va amener une petite ressourcerie à se débarrasser de salariés,
07:10un établissement culturel à se débarrasser d'un ou deux salariés, un club de sport à se débarrasser, etc.
07:16Et là où je voudrais alerter, c'est que nous sommes dans un moment où, à juste titre, le président de la République a pris la parole
07:23et devant les menaces, la guerre commerciale avec les Etats-Unis, les renversements d'alliances et la trahison des Etats-Unis,
07:29et d'ailleurs leur relais en France, le groupe Bolloré qui aujourd'hui se fait l'écho des positions russes,
07:35et clairement dans ces stratégies-là, les menaces militaires qui existent vont appeler à ce qu'à la fois les budgets militaires en Europe se renforcent,
07:44et donc il va bien falloir prendre l'argent quelque part, vont appeler à ce qu'on se dote d'une Europe de la défense, et moi j'approuve ces choix-là.
07:52– Vous dites attention, ou on va chercher l'argent.
07:55– Alors non, j'espère que ce ne sera pas sur les budgets sociaux,
07:58mais ce que je veux dire c'est que le président de la République a dit que nous rentrons dans une période d'efforts,
08:03je veux lui dire que pour que la nation s'unisse, il ne faut pas remettre en cause ces mille et un liens sociaux sur les territoires
08:13qui sont assurés par des entreprises de l'ESS qui sont coproductrices de l'intérêt général.
08:18Vous prenez des territoires en milieu rural, vous prenez des territoires urbains un peu isolés, enclavés, que sont certaines cités,
08:26et vous observez qu'il n'y a plus beaucoup de services publics, qu'il y a très peu d'économies conventionnelles,
08:30et ce qui demeure solide au poste, c'est une maison de retraite non lucrative, une crèche non lucrative,
08:37une ressourcerie, une recyclerie, une épicerie solidaire, un établissement culturel,
08:41et l'économie sociale et solidaire qui assure à la fois l'activité économique, mais aussi l'intérêt général.
08:48Et ces mille et un liens sociaux derrière chaque emploi de l'ESS, s'ils sont remis en cause par des mauvais budgets,
08:55c'est aussi notre capacité à nous lier entre nous, à faire société, et donc à faire nation,
09:00qui sera remise en cause dans une période d'efforts et d'épreuves.
09:03C'est pour ça que ces choix-là ont des impacts qui vont bien au-delà de la santé d'une seule entreprise.
09:09— Ça rejoint cette interview que vous avez donnée au journal Libération l'été dernier.
09:13On était dans cette période où, d'attente, il n'y avait pas encore de nouveau Premier ministre, un gouvernement qui expédiait les affaires courantes.
09:20Vous disiez aujourd'hui « C'est moins le casting gouvernemental qui importe, même s'il est important, que d'apporter une nouvelle méthode de gouvernement ».
09:26Je vois pas comment un gouvernement dans un tel contexte politique peut trouver l'assentiment des Français
09:30sans travailler avec la société civile – il faut faire un pas de côté – et innover.
09:34Ce travail avec la société civile, vous l'avez vu à l'œuvre, pas beaucoup, que ce soit avec Michel Barnier,
09:42qui n'a pas eu beaucoup de temps, ou avec François Bayrou, depuis qu'il est là ?
09:46— En fait, ce que j'aimerais dire, c'est que quand on réfléchit à démocratiser la France, quand on analyse que nos institutions fonctionnent mal,
09:56le réflexe que l'on a, parce qu'on est nourri au biberon de la Ve République, c'est-à-dire qu'il faut changer les institutions.
10:04Ce débat-là est un débat intéressant. Je ne le néglige ni ne le méprise.
10:09Mais j'ai envie de dire que réfléchissons à la manière dont on peut aussi démocratiser l'économie,
10:16la manière dont on peut mieux associer à la fois les partenaires sociaux mais aussi la société civile aux décisions qui concernent les Français,
10:23parce qu'en réalité, on garde beaucoup de verticalité et on donne une forme de... Il y a une sacralisation du politique en France,
10:31que je connais bien d'ailleurs, qui amène à considérer que le politique est omniscient et omnipotent.
10:38C'est fini, cela. Et il ne faut pas qu'on...
10:41Oui, en même temps, un mauvais budget, vous nous le dites, ça peut provoquer la suppression de 150 000 ou 160 000 emplois.
10:47Absolument, mais il y a des responsabilités qui sont grandes, d'où l'importance de construire des décisions politiques avec les principaux concernés,
10:54c'est-à-dire celles et ceux qui vont devoir, derrière, mettre en œuvre des stratégies économiques, mettre en œuvre des créations d'emplois ou pas,
11:02des services d'intérêt général ou pas, etc.
11:04Et ce que je crois, c'est qu'il faut davantage démocratiser l'économie.
11:07Et ma conviction profonde, c'est qu'à un moment ou de l'autre, outre-Atlantique, mais ici aussi,
11:15certains vous disent, celui qui possède la richesse et la technologie doit pouvoir dire où doit aller le monde,
11:23considérant d'ailleurs, ce qui est intéressant, ce que font les Américains, c'est intéressant à observer.
11:29Et Elon Musk, par exemple, quand il supprime 60 milliards de dollars annuels de US aid, il dit quoi ?
11:35Pourquoi continuer à aider des populations improductives, là où cet argent serait plus utile à alimenter la création, les innovations et la richesse
11:45de ceux qui sont plus intelligents, de ceux qui sont en haut de l'échelle sociale, en haut de l'intelligence humaine ?
11:51Eh bien, on a ce modèle-là qui existe aujourd'hui, où ces entreprises prennent le pouvoir politique.
11:57Eh bien, moi, ce que je pense, c'est qu'il faut, plutôt que laisser ces entreprises remettre en cause les principes démocratiques des sociétés,
12:03il faut démocratiser l'économie. C'est ça que nous défendons, nous, dans l'ESS.
12:07Le principe de la démocratisation de l'économie, qui a été démarré à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle,
12:13on est largement resté au milieu du guet, puisque, on va dire, depuis cette époque-là, il n'y a pas eu de véritable initiative
12:19pour tenter de mieux partager la décision dans les entreprises.
12:23Toutes les entreprises ne seront pas dans l'ESS, toutes ne seront pas non lucratives, mais il faut avoir un objectif,
12:28au regard de la résilience de ce modèle et de son importance dans les épreuves à venir, pour la nation et pour l'Europe,
12:35il faut avoir un objectif d'augmentation de la part de l'ESS dans le PIB.
12:39Aujourd'hui, c'est 10% du PIB, 2,7 millions d'emplois. Nous devons avoir un objectif qu'il y ait davantage d'entreprises de l'ESS,
12:47coopératives, fondations, mutuelles, entreprises associatives, sociétés commerciales de l'ESS,
12:51beaucoup plus de transformation d'entreprises conventionnelles en entreprises de l'ESS.
12:55Parce que ce sont des entreprises plus démocratiques que les autres, par leur fonctionnement, et qui rendent un service à la société.
13:02Absolument. En étant plus démocratiques, elles fabriquent aussi un travailleur, citoyen, plus doué pour le dialogue,
13:08plus doué pour le compromis, plus doué pour la responsabilité, et avec des opinions moins polarisées.
13:13Et je pense que ces services-là sont des services absolument précieux, et on a là, et je voudrais vous en convaincre,
13:21je crois que d'ailleurs le patronat français commence à avoir ces choses-là, et c'est intéressant, c'est un atout incroyable pour la France,
13:28d'avoir une ESS aussi forte. On est parmi les seuls dans le monde à avoir tous les modèles d'entreprise de l'ESS.
13:35Ailleurs, vous trouverez principalement des coopératives ou principalement des associations. En France, on a à peu près toute la palette.
13:41La loi que j'avais fait voter entre 2012 et 2014 a servi de modèle à plusieurs pays. On est considéré comme un des pays qui est parmi les plus innovants
13:52sur les questions sociales. L'innovation sociale est dans le cœur de nos modèles. C'est un atout considérable.
13:57Est-ce que c'est aussi un moyen de garder ce modèle social, qui est aussi spécifiquement français, mais qui coûte cher ?
14:05C'est-à-dire qu'on est à 3 300 milliards de dettes. Est-ce que le fait de promouvoir l'économie sociale et solidaire, qui joue, vous nous le dites,
14:14qui remplit des missions de services publics, c'est un moyen de faire perdurer, de sauvegarder ce modèle social, d'après vous ?
14:21Oui, mais alors après, il faut faire attention. On nous dit oui, l'ESS est intéressant, etc. C'est surtout pour l'instant, moi, ce que j'observe,
14:29l'État décide d'une taxe sur les mutuels d'un milliard d'euros per aide. Alors là, pour le coup, ce n'est pas une taxe temporaire.
14:36Un milliard d'euros pour réduire les déficits. Donc là, c'est un prélèvement sur ce que vous, moi, comme assurés sociaux, avec mon complémentaire santé,
14:47on a cotisé. Et cet argent-là, une taxe est mise en place. Donc ça fragilise ces modèles-là. J'en profite pour le dire.
14:55Mais ce que je crois, c'est qu'il faut surtout qu'on se convainque collectivement qu'on a là un véritable atout et qui...
15:06Vous parlez des missions d'intérêt général. Mais aujourd'hui, ces services qui sont rendus, les Français ne pourraient pas s'en passer.
15:17Et la question est de savoir, d'ailleurs... J'ouvre le débat, si vous le souhaitez. Est-ce que, par exemple, dans le domaine du grantage ou de la prise en charge des personnes vulnérables,
15:29après le scandale hors PA, après le scandale dans certaines crèches lucratives, les uns et les autres, indépendamment de nos opinions partisanes de droite ou de gauche,
15:38on ne peut pas se mettre d'accord dans un nouveau compromis social pour dire que les établissements qui prennent en charge ces personnes-là doivent être ou publics ou non lucratifs.
15:49C'est-à-dire qu'on ne peut pas jouer au dé la dignité des personnes âgées, dépendantes, qui peuvent être demain nos parents, qui seront nous-mêmes,
15:59sur un tapis où, un jour, un conseil d'administration décidera qu'il faut remonter des dividendes et que si il faut les remonter et que ça se fait au détriment de la santé et de la dignité des personnes,
16:11c'est pas grave. C'est ce qui s'est passé, là. C'est ce qui s'est passé. Et mettre à l'abri des personnes vulnérables, tout petits ou âgés, ça me semble être une certaine idée,
16:21puisqu'on parle beaucoup d'identité nationale, de civilisation, une certaine idée qu'on pourrait partager de la fin de vie ou du début de la vie.
16:29Et voilà, peut-être un champ dans lequel on attend que les politiques s'expriment, qu'ils agissent, enfin, et qu'ils aident l'ESS, qui a des compétences, de l'expertise, à proposer des solutions.
16:44Est-ce que c'est possible ? Dans les Landes, le département des Landes, il n'y a pas un EHPAD lucratif. Voilà. Ils l'ont voulu. C'est public ou non lucratif.
16:51– D'accord. Le modèle de l'ESS appliqué pour les plus âgés et pour les plus petits. Il nous reste une dizaine de minutes. On va parler de Singa Global.
16:58Vous êtes le directeur général de cette ONG internationale qui œuvre pour l'intégration, l'inclusion de personnes réfugiées ou nouveaux arrivants.
17:06C'est quoi, avec vos mots à vous, la mission de Singa ? Et puis, pourquoi vous y êtes allé ? Je vous ai déjà reçu ici, je vous ai déjà posé la question, mais ça m'intéresse de vous entendre.
17:13– C'est vent de face, en ce moment. Nous, nous sommes une ONG, une association internationale, puisque nous sommes présents dans ce pays.
17:22Nous travaillons principalement avec des grands financeurs privés. Certains, aujourd'hui, se retirent de leurs engagements en raison de ce qui se passe outre-Atlantique
17:34ou parce qu'ils sont présents sur les marchés américains ou parce qu'ils s'autocensurent ou parce que leurs engagements étaient répondus à des modes, j'imagine.
17:42C'était la mode de faire de l'inclusion. Maintenant, comme ça ne l'est plus, on arrête. Je le dis parce que c'est aussi ça qu'on observe.
17:49Et donc, ça, ça existe. Et donc, c'est plus dur pour nous. Nous, on est engagés dans l'inclusion des personnes réfugiées à travers l'entrepreneuriat.
17:55Donc, chaque année, en sortie de nos incubateurs et accélérateurs, il y a des centaines d'entreprises créées par des personnes réfugiées ou nouvelles arrivantes
18:03qui créent de l'emploi, qui créent de la richesse. Bon, ça, c'est ce qu'on fait.
18:07— Et ça, ce discours-là, on l'entend très peu. Nous, on essaie de le porter de temps en temps ici. Mais c'est plutôt le discours inverse, effectivement, sur l'immigration.
18:14— Oui, c'est plutôt positif. C'est que toute chose crée son contraire. Les vilains sont très vilains aujourd'hui. Et moi, ils me font pas peur.
18:22En plus, je trouve que... Je veux dire, entendre Musk et Trump, c'est une insulte à l'intelligence tous les jours.
18:27Ce que j'aimerais, c'est que... J'en profite pour le dire. C'est que ça n'a rien à voir... Je profite parce que j'y pense là.
18:32C'est que quand on dit... Quand on voit ces investissements dans l'intelligence artificielle, formidables, et que l'Europe le fasse aussi.
18:39Mais moi, je pense que là où on met 1 € dans l'intelligence artificielle, il faut en mettre 2 sur l'intelligence humaine, l'éducation et la formation.
18:44Parce qu'on voit bien que l'intelligence artificielle, entre les mains de gens qui n'ont aucun scrupule et de quelques crétins à côté, ça peut être extrêmement dangereux.
18:53Je reviens, fin de la parenthèse, sur les euros investis. Mais là où c'est vent de face, et là où c'est positif, c'est que ce qui se passe aux Etats-Unis et dans une grande partie du monde occidental crée son contraire.
19:06Chez nous. Il y a des entreprises qui renforcent leurs engagements. Moi, je vais donner des noms maintenant.
19:12Je vais pas faire du name and shame, je vais faire du name and glorify.
19:16Le Crédit Mutuel, à travers sa fondation, a un engagement sur les questions d'inclusion qui est remarquable.
19:23Continuent dans le temps, ils agissent, et ils agissent en faveur de l'économie sociale et solidaire.
19:27Le groupe L'Oréal, avec lequel nous travaillons, fait sur ces questions de diversité et d'inclusion, nous, nous l'observons chez eux, comme dans leur partenariat, une action remarquable.
19:38Pourquoi ? Parce qu'ils savent que celles et ceux à qui, d'ailleurs, ils vendent leurs produits, ont toutes les couleurs, toutes les textures de cheveux, toutes les cultures, et qu'il est absurde de décréter qu'une partie de l'humanité doit dominer toutes les autres.
19:54C'est ce que font aujourd'hui les Américains, les Russes, d'ailleurs, et quelques autres.
20:00Le groupe Generali d'assurance, aujourd'hui engagé aux côtés de Synga, maintient son engagement à travers sa fondation de Human Safety Net.
20:07Il y a des gens qui ne marchent pas dans ce discours selon lequel, parce que Trump gronde, il faut rentrer la tête dans les épaules.
20:16Le repli sur soi.
20:17Oui, et qui préfèrent... Bon, alors, conservons notre business et taisons-nous sur le reste.
20:23Et qui ne sont pas en train de brandir ces entreprises un pavillon en disant qu'on est contre l'administration américaine, mais qui maintiennent un engagement en faveur de l'inclusion.
20:32Et il me plaît de souligner l'engagement renouvelé de ces groupes, qui sont ou de l'ESS ou pas.
20:42Parce que je préfère retenir ces éléments positifs dans des périodes où ça tourbillonne et où on a vent de face que vous faire la litanie des mauvaises nouvelles qu'on a, par ailleurs.
20:57Oui, mais on a bien compris que le vent était de face. Chaque semaine, on demande à notre invitée, et vous le ferez pour Caroline Neyron, la présidente du mouvement Impact France,
21:06qui sera à votre place la semaine prochaine, de poser une question au grand entretien, à celui qui pratique le grand entretien.
21:13C'était Mercelle Esserra, la présidente de l'agence BETC, la semaine dernière. Voici sa question.
21:18— Bonjour, Benoît. Alors je connais très bien votre travail actuel, votre travail sur Singa, mais votre travail sur toute la réflexion sur le sociétal, l'impact.
21:29Mais il y a une chose qui m'intéresse beaucoup, c'est de savoir comment est-ce que votre travail a plus d'impact.
21:35Comment on fait pour que la France, pour que la politique française soit davantage concernée par ces questions, en particulier cette question de la diversité ?
21:45Il me semble qu'on a du boulot. Comment est-ce qu'on peut faire pour qu'on ait un rôle plus important, peut-être un rôle politique, pour demain ?
21:54— Il y a toujours la question de « Est-ce que Benoît Hamon va refaire de la politique ? ». Mais ça, c'est pas pour moi la plus importante.
22:00C'est sur l'efficacité. Et voilà. Où est-ce que vous, vous avez le sentiment d'avoir le plus d'impact ? Aujourd'hui, dans ce que vous faites, il y a 12 ans que vous étiez ministre...
22:10— C'est moi qui pose la question, parce que sur ces questions... — Elle est particulièrement engagée, oui.
22:14— Et donc voilà. C'est pas du fake, quoi. Donc merci à elle. Moi, je vais être très concret. Moi, je pense que tout ce que je viens de vous dire a très peu d'impact,
22:28au sens où dès qu'on parle d'immigration, en fait, on renforce les polarisations. Ceux qui sont contre sont encore plus contre, même quand on leur met des preuves sur la table.
22:37Ceux qui sont pour sont encore plus au milieu, mon doute. Donc je pense que ce que je peux vous dire, ça fait partie du plaidoyer. C'est utile. Mais ce qui a de l'impact, c'est la personne,
22:48en tout cas pour Singa, qui va créer son entreprise... — C'est l'efficacité de l'incubateur, quoi.
22:54— ...rendre des services. Souvent, les sujets sur lesquels les entreprises sont créées partent de l'observation par ces entrepreneurs de défaillance dans nos sociétés,
23:04notamment sur les questions d'inclusion. Et ils réparent des problèmes qu'ils ont observés dans leur inclusion difficile. Et en clair, une famille kurde qui reprend une boulangerie
23:17au cœur de la Creuse aura beaucoup plus d'impact que je n'en ai. Pourquoi ? Parce qu'elle transforme le regard qu'on a sur la migration. En fait...
23:27Et c'est là où souvent, dans les discussions qu'on a avec nos financeurs, ils nous disent « Bon, alors sur les données d'impact, combien avez-vous créé d'entreprises ? ».
23:35Et on leur dit « Mais ça, c'est pas l'impact. C'est le résultat de notre programme ». Mais nous, voilà, on sait vous dire en sortie d'accélération quels sont nos chiffres.
23:43L'impact, c'est autre chose. C'est cette activité-là... — Qu'est-ce qu'elle a changé ?
23:49la perception qu'on a des migrations, là où elles sont vécues comme négatives et menaçantes, voit-on les opportunités, le potentiel, les solutions qu'il y a derrière ces migrations
24:00aux problèmes qui sont les nôtres ? — Oui. Et alors il y a quand même... Le plaidoyer, il est important avec ce chiffre qui est toujours frappant. Je vais le redonner.
24:07C'est un classement des fortunes chez Forbes. Parmi les 500 premières entreprises américaines, 43% ont été fondées ou cofondées par des immigrés de première ou de deuxième génération.
24:18C'est un peu la même chose en France ou en Europe, d'une façon moins marquée ?
24:23— Alors sur la tech, il y a énormément de personnes nouvelles arrivantes, migrantes, d'étrangers aussi, puisqu'il y a une différence entre immigrés et étrangers,
24:31puisque les immigrés comptent les personnes naturalisées. Par exemple, la première nationalité le sait-on des immigrants en France, c'est française,
24:39puisqu'il y a 2,5 millions de personnes qui ont été naturalisées. Et elles sont toujours comptabilisées dans ces 10,7% de migrants en France.
24:48C'est le terme utilisé par l'INSEE, par les Nations unies. Bon, je ferme la parenthèse. Mais donc il y a dans la tech une surreprésentation. C'est vrai dans toute l'Europe.
24:57Et en France, on avait, nous, une statistique sur laquelle on aimerait bien travailler. — Oui. Il reste une minute pour conclure avec ça.
25:02— Alors 15% des créateurs d'entreprises en France sont des étrangers. Donc il y a une surreprésentation des étrangers dans la création d'entreprises.
25:09Pourquoi ? Parce qu'ils connaissent le déclassement professionnel. Il faut en moyenne en France – sachez-le – 10 ans à une personne immigrée pour retrouver son statut social d'origine.
25:18J'étais architecte, prof ou infirmier avant que je retrouve un statut comparable. Il me faut 10 ans. Donc c'est loin d'être l'eldorado contre...
25:27Les gens viendraient pour les aides sociales, tout ça, blablabla. C'est pas vrai. C'est pas l'eldorado qu'on raconte. Et puis bon, sachons-le.
25:36Moi, sur ces sujets, on aura l'occasion d'en reparler. Il y a de moins en moins d'actifs pour cotiser de plus en plus d'inactifs sans l'immigration.
25:43Ce sera la retraite à 68 ans et la baisse des pensions des retraités à l'horizon de 2030. Donc tout dirigeant qui vous dit qu'il faut baisser les migrations,
25:49il faut lui dire qu'il s'engage sur la retraite à 68 ans et la baisse des pensions des retraités. Quand les gens sauront ça, peut-être qu'ils réfléchiront différemment aussi à la question des migrations.
25:57– Merci beaucoup Benoît Hamon et à bientôt sur BeSmart for Change. On passe à notre rubrique Start-up tout de suite.

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