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16 % des enfants placés à l’Aide Sociale à l’Enfance sont déscolarisés avant 16 ans, contre 4 % sur l’ensemble de la population. Soutenir ces jeunes dans leur scolarité, leur donner davantage de stabilité, leur redonner confiance dans leur travail… C’est le rôle dévolu à des organismes comme France Stratégie ou la Fondation Action Enfance.

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00:00Générique
00:06La scolarisation des enfants placés, voilà le thème de notre débat avec Corine Guida, bonjour.
00:11Bienvenue, vous êtes directrice de l'innovation, de l'appui et de la qualité à la Fondation Action Enfance et Bénédicte Galtier, bonjour.
00:17Bienvenue à vous aussi, vous êtes adjointe au directeur du département Société et Politique Sociale chez France Stratégie.
00:24Il y a, Corine Guida, 380 000 enfants qui sont suivis par l'ASE, l'aide sociale à l'enfance.
00:30Peut-être qu'il faut rappeler d'où ils viennent, quoi. Que leur est-il arrivé, en général, avant de se retrouver dans une structure d'accueil ?
00:38Tout à fait. Tous ces enfants ont été confiés à l'aide sociale à l'enfance pour des faits de maltraitance ou de carences éducatives importantes.
00:46Le juge des enfants a décidé de les séparer de leur environnement familial pour leur permettre de retrouver des conditions d'éducation et d'épanouissement plus satisfaisants.
00:58On en a une grosse moitié qui sont confiées en établissements, foyers, maisons d'enfants ou villages d'enfants et d'adolescents.
01:08Et l'autre moitié sont suivis à domicile par des travailleurs sociaux.
01:12Avec une scolarité qui est, Bénédicte Galtier, plus difficile, en quoi elle est différente de la scolarité des autres enfants ?
01:21Je crois que la principale conclusion à retenir est que les jeunes placés à l'aide sociale à l'enfance ont des difficultés scolaires importantes et précoces qui se voient de plusieurs manières.
01:31La première, c'est qu'ils ont très souvent redoublé. Je vous donne juste deux chiffres.
01:36Des jeunes placés à l'aide sociale à l'enfance ont été interrogés en 2014. Et parmi eux, 40% avaient redoublé dès l'école primaire.
01:44Si maintenant on les compare à l'ensemble des jeunes qui ont été interrogés la même année, seuls 16% avaient redoublé à l'école primaire.
01:51Ce qui veut donc dire que les jeunes placés à l'aide sociale à l'enfance sont 2,5 fois plus nombreux à avoir redoublé à l'école primaire que les autres jeunes.
02:00On voit aussi qu'ils sont souvent déscolarisés avant 16 ans. 16% des enfants placés à l'ASE déscolarisés avant 16 ans, c'est 4% en population générale.
02:08C'est un autre symptôme de cette différence dont on parle ?
02:12Absolument. Dans l'enquête dont je parlais, un quart des jeunes ont été déscolarisés au moins une fois pendant au moins deux mois.
02:19A cela s'ajoute aussi le fait que les jeunes placés à l'aide sociale à l'enfance sont beaucoup plus souvent que les autres jeunes scolarisés dans l'enseignement spécialisé,
02:28qui scolarisent des élèves en grande difficulté scolaire ou en situation de handicap.
02:32Est-ce qu'il y a des domaines dans lesquels ils sont plus en retard que d'autres ?
02:35Les études qualitatives montrent qu'effectivement, ils ont des difficultés en lecture, en écriture, en compréhension, en imagination aussi, et des difficultés d'attention.
02:45Vous menez des actions, notamment à la Fondation Action Enfance, pour les accompagner. Qu'est-ce que vous proposez ?
02:53On propose déjà un accompagnement quotidien réalisé par les éducateurs qui suivent la scolarité telle qu'on la suivrait à la maison,
03:00de l'accompagnement des enfants à l'école jusqu'au suivi des devoirs en fin de journée.
03:05Mais également, on essaye de renforcer par du soutien scolaire avec des partenaires extérieurs qui individualisent beaucoup plus le suivi scolaire auprès des enfants,
03:15apprendre ses leçons, parfois apprendre à travailler, apprendre à s'organiser.
03:20Ça prend différents chemins, mais on essaye d'individualiser au plus cet accompagnement-là.
03:26Et de peut-être insuffler l'idée que l'échec n'est pas écrit ?
03:32Tout à fait. On a aussi de belles réussites. En effet, on voit que le parcours de placement est compliqué et crée beaucoup de ruptures.
03:41Donc on essaye de redonner de la stabilité, de recréer des liens dans l'environnement proche également, et de permettre aux enfants de réaliser parfois leurs rêves.
03:53En protection de l'enfance, la fin est un peu prématurée. Les jeunes quittent parfois les établissements à 18 ou 21 ans, quand dans une famille, on est plutôt autour de 25-26 ans.
04:05Donc on voit que c'est beaucoup plus compliqué. Et parfois, les jeunes vont privilégier des études courtes.
04:12Pour gagner leur vie le plus tôt possible ?
04:14C'est ça. Beaucoup ont un CAP. 30% des enfants accueillis chez nous ont un CAP, alors que dans la population générale, ça s'inverse. Il n'y en aurait que 8.
04:23Donc on essaye de permettre des études longues et de financer ces études après même l'accompagnement par l'aide sociale à l'enfance.
04:33L'idée, c'est même de définir un projet qui soit à la fois scolaire et professionnel ? C'est-à-dire l'idée de se projeter assez loin, c'est ça ?
04:42Assez loin. Dans nos établissements, on appelle ça le projet personnalisé. C'est un outil, mais c'est ce qui permet vraiment, avec l'enfant, de voir ce qui lui plaît,
04:50ce qu'il a envie de faire, ce qu'il est capable de faire et d'adapter nos moyens en fonction de ce projet-là.
04:56Est-ce qu'il faut lutter, Bénic Galtier, aussi contre une forme d'autocensure ? C'est-à-dire que je suis placé à l'aseux, j'ai ce parcours familial chaotique,
05:04j'ai vécu ce que j'ai vécu, donc de toute façon, les études, c'est pas pour moi et la réussite, c'est pas pour moi.
05:10Il n'y a pas que de l'autocensure. Quand on a interrogé les jeunes, à 17 ans, parmi ceux qui étaient encore scolarisés, 77% souhaitaient poursuivre leurs études.
05:21Or, vous l'avez dit très justement, les jeunes placés à l'aide sociale à l'enfant se sont souvent titulaires d'un CAP et d'un BEP,
05:28aussi parce que la logique institutionnelle fait qu'à partir de 18 ans ou 21 ans plus tard, ils ne seront plus pris en charge par l'aide sociale à l'enfant.
05:36Oui, c'est-à-dire que l'aseux, ça s'arrête brutalement et donc là, il y a un principe de réalité, il faut que je gagne ma vie.
05:43Et dans ce contexte, les professionnels de l'aide sociale à l'enfance encouragent les jeunes placés à suivre des études courtes professionnalisantes
05:51qui vont leur donner rapidement un diplôme et qui sont censés leur permettre d'avoir un emploi, et ils les découragent de suivre des études longues.
06:00Est-ce qu'il y a, on parlait de déscolarisation tout à l'heure, est-ce que, peut-être vous poserez la question à toutes les deux,
06:06mais est-ce que c'est possible d'anticiper le moment où la déscolarisation peut intervenir ? Vous voyez ce que je veux dire ?
06:13Alors, on sait que les périodes de déscolarisation sont fréquentes l'année du placement, parce que les placements engendrent souvent des changements d'établissement
06:22et des retards dans les inscriptions scolaires sont fréquents pour des questions de suivi de dossier.
06:29Donc, pour éviter les périodes de déscolarisation, on pourrait essayer de limiter au maximum les retards administratifs dans les suivis de dossier lors de changements d'établissement.
06:40Comment, Corinne Guida, vous anticipez éventuellement chez Fondation Action Enfance ces périodes, ce risque de déscolarisation ?
06:47On essaye déjà, quand c'est possible, d'accueillir les enfants à la rentrée ou à la fin d'un cycle scolaire.
06:54Déjà, pour ne pas casser l'année scolaire, parce qu'après, c'est très compliqué de les rescolariser.
07:00Après, on mène beaucoup de partenariats avec l'Education nationale, on travaille beaucoup avec les enseignants,
07:06on essaye de les rencontrer fréquemment, de les inviter en début d'année scolaire pour se présenter,
07:12et essayer d'avoir un dialogue maximum pour repérer tous ces risques de déscolarisation.
07:19Après, tout à l'heure, vous parliez de fin de parcours, et nous, on essaye vraiment de porter le projet des enfants et des jeunes au maximum
07:29et d'encourager le rêve et des études qui ne seraient pas réalisables dans un parcours de protection de l'enfance
07:37par un dispositif Action Plus qui accompagne les jeunes, après le placement, et on a de bons résultats par ce biais-là.
07:45– Sur les rôles modèles, on emploie souvent ce terme-là, c'est-à-dire que, c'est vrai qu'il y a plein de façons de voir,
07:53il y a les statistiques, il y a ce que disent les chiffres, et ils ne sont pas très rassurants, mais il y a aussi des histoires.
07:59Par exemple, je le disais, l'interview d'un chef d'entreprise qui s'appelle Jonathan Engelhoff,
08:04qui a été un enfant placé, qui aujourd'hui est à la tête d'un empire immobilier à Paris,
08:07cofondateur d'une entreprise Ercole qui a été valorisée à un milliard d'euros.
08:12Bon, ils prouvent que c'est possible.
08:13Est-ce qu'il y a quelques rôles modèles, comme ça, Bénite Galtier, que vous pouvez mettre en avant ?
08:18Et est-ce que ça marche, forcément ?
08:20– Alors, ces rôles modèles, on ne peut pas les voir dans les statistiques.
08:24Par contre, on a interviewé quelques jeunes qui avaient été placés,
08:29et il y a une jeune fille qui a réussi à faire des études supérieures.
08:33Elle s'est beaucoup battue avec un parcours du combattant.
08:37Donc, oui, ça existe, il y a de belles réussites,
08:40mais quand on regarde globalement les statistiques, ce sont plutôt les difficultés solaires.
08:46– Bien sûr, bien sûr, je ne minimise pas les statistiques,
08:50mais si on essaye d'inverser la spirale négative, voyez ce que je veux dire, Corine Guida.
08:57Peut-être que d'ailleurs, il y a des anciens enfants placés qui s'en sont sortis,
09:03qui ont fait des études supérieures, qui ont réussi à créer une entreprise,
09:06et qui ne veulent plus trop en parler, je ne sais pas si ça existe aussi.
09:10– Oui, ça c'est très personnel, mais c'est vrai qu'on a de belles histoires,
09:14de belles aventures à raconter, des enfants qui deviennent avocats,
09:19on a eu un enfant dont je me souviens qu'il souhaitait vraiment
09:23intégrer une école de mousse à Brest, nous étions en Seine-et-Marne, très compliqué,
09:29et pourtant on l'a accompagné à trouver un hébergement, une alternance,
09:33à revenir au village d'enfants et à suivre sa formation,
09:36et pour moi c'est une belle réussite puisqu'on est allé dans le sens de ce que souhaitait cet enfant
09:42et qui a trouvé sa place, qui a une fierté à réaliser ce métier, à être sur son bateau.
09:48– Est-ce que, Bénédicte Galtier, les difficultés scolaires ou la déscolarisation
09:52sont moins fréquentes quand l'enfant est placé dans une famille d'accueil
09:57plutôt que dans une structure ?
09:59– Alors, ce que l'on observe c'est que la scolarité tend effectivement
10:04à être reléguée au second plan dans les établissements,
10:07alors que certaines familles d'accueil s'impliquent au quotidien
10:10dans le suivi scolaire et dans l'accompagnement aux devoirs,
10:13et certaines mettent en place une organisation de vie autour de la scolarité,
10:17que ce soit pour les horaires de coucher, un temps dédié au travail scolaire.
10:22Certaines familles d'accueil prodiguent également des encouragements
10:25aux jeunes dont elles ont la charge et elles nourrissent des attentes élevées
10:30et tout ça crée un cadre qui est favorable à la réussite scolaire,
10:34alors que les jeunes en établissement vivent dans un environnement
10:39qui est peu propice au travail scolaire.
10:42– L'aide sociale à l'enfance, Corinne Guida, l'ASE, c'est un service public sous-doté ?
10:48– En tout cas, sur l'accompagnement scolaire, c'est vrai que nous,
10:50on utilise beaucoup l'appel aux dons pour financer tout ce soutien scolaire,
10:54il est assez peu pris en charge par l'aide sociale à l'enfance aujourd'hui,
10:58donc il faut trouver d'autres alternatives, on peut développer aussi le mentorat
11:03pour les jeunes et les accompagner dans leur scolarité, dans la recherche de stage,
11:07qui est plus compliqué aussi pour un enfant placé qui a moins de réseau autour de lui,
11:11toutes ces actions favorisent, vraiment portent l'ambition scolaire,
11:17je crois que quand on parlait famille d'accueil, établissement,
11:20il est nécessaire qu'on porte tous cette ambition pour les enfants.
11:24– Il y a beaucoup de chefs d'entreprise ou de cadres de dirigeants d'entreprise
11:27qui nous regardent, ils peuvent vous aider ?
11:29– Tout à fait, ils peuvent travailler avec nous sur le mentorat, sur le partenariat,
11:34on développe complètement ces actions-là qui sont importantes pour les enfants accueillis.
11:39– Merci beaucoup à toutes les deux et à bientôt sur Be Smart For Change,
11:43on passe tout de suite à notre rubrique Startup.

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