Les Vraies Voix avec : Olivier Piton, avocat à Paris et Washington, ancien député suppléant des français d’Amérique du nord, auteur de nombreux livres sur la politique américaine.
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##LE_COUP_DE_PROJECTEUR_DES_VRAIES_VOIX-2025-03-20##
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00:00Il fait bouger les lignes selon la formule consacrée, mais deux mois après son arrivée à la maison blanche, Donald Trump est loin d'avoir mis fin à la guerre en Ukraine en 24h comme il l'avait promis durant sa campagne.
00:10Alors parlons vrai, est-ce que deux mois après l'arrivée de Trump à la maison blanche, les Américains sont encore des alliés fiables pour les Européens ?
00:17Et à cette question, deux mois après son arrivée à la maison blanche, Trump a-t-il vraiment bouleversé la géopolitique mondiale ?
00:23Vous dites oui à 89%, vous voulez réagir ? Le 0826 300 300.
00:28Avec notre invité Olivier Pliton qui est avec nous, avocat à Paris et à Washington, ancien député suppléant des Français d'Amérique du Nord et auteur de livres sur la politique américaine.
00:38Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:41On peut tout dire de Donald Trump, mais tous ceux qui étaient nombreux, qui allaient penser qu'il allait faire bouger les lignes, avaient totalement raison.
00:52Qu'on constère que Trump soit le meilleur ou le pire, ou parfois alternativement le meilleur ou le pire, avait raison.
01:02Je mets modestement dans cette catégorie. Ce que je n'imaginais pas tout de même, c'est sur d'autres plans, le caractère totalement erratique de sa présidence.
01:13Mais pour l'Ukraine, on est obligé de considérer qu'il a fait bouger les lignes. Certes, il ne l'a pas fait en 24 heures, mais le monde dans ce secteur précis est un tout petit peu moins menaçant qu'il l'était avant qu'il arriva.
01:31Deuxième élément, heureusement que l'Europe s'en est mêlée. Sinon, on avait une paix très rapide, exclusivement aux conditions russes.
01:43Écoutez, pour une fois, je ne vais pas être d'accord avec Philippe Bilger parce qu'il a fait bouger la situation en Ukraine. Je veux bien la situation avance, mais c'était facile à partir du moment où il a tout cédé à Vladimir Poutine.
01:54Ce n'est pas compliqué de faire avancer les choses quand on concède tout à l'envahisseur.
01:59En effet, on marche vers une paix, mais tout le questionnement qui se mène en Europe et en France, c'est de savoir à quel prix on est en train de réaliser cette paix.
02:07Est-ce que c'est un prix qui est trop important et qui fait peser un risque sur la géopolitique mondiale à moyen terme, parce qu'on remet même en cause les principes de souveraineté territoriale et d'intégrité des frontières ?
02:16Ou est-ce que c'est une paix qui est négociée de manière pragmatique et efficace ?
02:19Je ne suis pas encore tout à fait décidé, mais je trouve que Trump a lâché l'Ukraine en race campagne et qu'il met le pied sur la joue d'un pays qui est déjà en grande difficulté.
02:31Surtout quand je le vois dire qu'il a envie de s'approprier les ressources énergétiques de l'Ukraine, je trouve ça vraiment scandaleux.
02:37Et pourtant, je ne suis vraiment pas un anti-Trump primaire.
02:40Sur les autres dossiers, on pourra en parler plus tard, mais sur la question israélienne, ça n'a pas non plus été très tonitruant.
02:48A titre personnel, je vais essayer d'avoir les propos les plus mesurés possibles, et j'avoue que j'ai du mal.
02:54On va vous faire une camomille.
02:56Oui, je pense. Mais il va peut-être même falloir me les mettre en perfusion.
02:59Les sachez avec.
03:01Trump dépasse à mon sens non seulement l'entendement, mais les pires scénarios imaginables.
03:08Autant la première présidence de Trump, je n'étais pas un fan non plus sur un certain nombre de sujets,
03:13mais je trouvais qu'il y avait un traitement médiatique qui ne lui était pas toujours juste.
03:17C'est-à-dire que certaines des mesures pouvaient être défendues, d'accord, pas d'accord, peu importe.
03:21Mais il y avait une forme de cohérence. On ramène l'industrie aux Etats-Unis, on essaie de faire un bras de fer avec les pays qui bénéficient des délocalisations.
03:27Je peux entendre. On peut ne pas être d'accord, mais on peut entendre.
03:30Là, non seulement c'est erratique, mais par-delà l'erratique, il y a quelque chose de très gênant.
03:34Parce que suivant l'actualité, pour avoir vécu moi aussi aux Etats-Unis, je regarde un peu de presse qui s'y passe.
03:38Et je suis très inquiet parce qu'en réalité, il y a une ligne droite.
03:41Il y a une ligne qui godit de temps en temps sur le plan international.
03:45Mais il y a une ligne qui est une technique finalement de voyou.
03:49C'est si je peux tordre le bras pour prendre le portefeuille, je tords le bras.
03:52Si je suis plus fort, je tordrai les deux bras. Si je ne le suis pas, je m'allie avec.
03:56Et ce qu'il est en train de faire ressemble à s'y méprendre, à la version américaine et avec beaucoup de bémols à rajouter évidemment,
04:01mais à ce que Poutine fait.
04:03Il pille un pays qui est en état de demande et de défense.
04:06Il lui met une pression pour abandonner Kourtsk pour être plus facilement malléable le jour où on devra signer des accords.
04:12Il impose ou il envisage d'imposer, parce que les fuites le disent quand même,
04:16des abandons territoriaux qui ne sont pas acceptables.
04:18Il oublie les crimes de guerre.
04:20Il a retiré les Américains du comité ou de la commission qui enquête sur les crimes de guerre de Boucha et les autres villes.
04:25Il a retiré les équipes.
04:27En quoi est-ce utile si ce n'est à les tendre la main à Poutine pour lui dire ne vous inquiétez pas,
04:31sans les Américains, ils auront plus de mal à démontrer les crimes de guerre qui pourtant ont déjà été matériellement démontrés.
04:37Ces actions-là, plus toutes les autres en interne où on fait taire la presse,
04:41où on poursuit des gens, on a quand même un scientifique français refoulé.
04:45Vous savez ça. Il y a 48 heures ou 72 heures, pour avoir eu le malheur d'avoir dans son portable qu'on lui a fouillé à la frontière,
04:52des échanges privés entre différentes personnes, dont lui, critiquant Trump.
04:58Et on lui a interdit l'accès aux Etats-Unis, on l'a gardé sous le coup de 24 heures, renvoyé en France,
05:03conservé son portable, conservé son ordinateur.
05:06Ce sont des méthodes de voyous, ce sont des méthodes, pardon du nom, mais il n'y a pas d'autres qualifications,
05:10fascisantes, qui sont en train de se mettre en place.
05:13Olivier Piton, vous êtes avocat en France et aux Etats-Unis, vous avez entendu les revues.
05:18On ne peut pas dire qu'elles soient des grandes fans de Trump. Est-ce qu'on a le même ressenti Outre-Atlantique ?
05:24Alors c'est beaucoup plus compliqué Outre-Atlantique, en tout cas je rejoins pas mal de choses qui ont été dites.
05:30Il faut bien comprendre qu'effectivement il y a une ligne, mais c'est une vieille ligne.
05:35Et c'est ça en fait le paradoxe, c'est que là encore, comme c'était le cas durant le premier mandat de Donald Trump,
05:40l'Amérique retourne dans son lit.
05:42C'est quoi l'obsession américaine ? Ce n'est absolument pas l'Ukraine.
05:45En fait, l'Ukraine est un sujet totalement secondaire, pour ne pas dire plus aux Etats-Unis.
05:49En revanche, l'obsession première, c'est la Chine.
05:52Et on sent bien qu'aussi bien sur la recherche des métaux rares,
05:55ce que les Chinois ont commencé à faire depuis de nombreuses années,
05:58que sur cette volonté de trouver un moyen de séparer cet accord, cette alliance,
06:04qui ne dit pas son nom, mais qui est en train de se mettre en place entre la Russie et la Chine,
06:08est la véritable obsession de l'administration américaine,
06:11et je dirais même de l'administration américaine, au-delà de Donald Trump.
06:15C'est-à-dire que Joe Biden, depuis la prise, l'annexion de la Crimée par la Russie,
06:21les Américains sont complètement coincés dans cette logique qui leur échappe,
06:29où en fait les Russes et les Chinois se rapprochent de plus en plus.
06:32Et finalement, Donald Trump a tranché dans le vide en disant de manière extrêmement brutale,
06:38on va lâcher l'Ukraine parce que l'essentiel, ça reste la Chine,
06:41et pour contrer la Chine, il va falloir qu'à un moment ou un autre,
06:44les Chinois et les Russes, on arrive à les séparer.
06:46Et quand on a cette grille de lecture,
06:48on comprend malheureusement un petit peu mieux pourquoi les Européens se sont mis de côté,
06:52pourquoi est-ce que finalement on a les yeux doux pour Vladimir Poutine,
06:56et pourquoi est-ce qu'au bout du compte,
06:58on est prêt déjà à céder un certain nombre de points
07:02avant même que la négociation ait vraiment eu lieu,
07:04puisqu'en fait elle n'a pas véritablement débuté,
07:06tout simplement parce que pour les Américains,
07:08l'enjeu n'est pas l'Ukraine,
07:10l'enjeu malheureusement n'est pas là,
07:12et on pourrait en parler très longtemps de cette espèce d'abandon.
07:15Il est d'abord dans l'obsession de la Chine
07:18et d'essayer au maximum d'éviter que Russes et Chinois ne forment une grande alliance.
07:23Et quand on a cette grille de lecture,
07:25on comprend un peu mieux la position des Américains,
07:27au-delà même de Donald Trump.
07:28Olivier Piton, sur la stratégie de Trump depuis deux mois,
07:32cette démultiplication d'annonces,
07:35on n'a même plus le temps ni de s'indigner, ni de commenter,
07:38tellement il y a une déferlante d'annonces.
07:41Est-ce que c'est aussi une stratégie ?
07:42En bon français, du carpet bombing d'annonces.
07:45C'est une révolution à laquelle on assiste aux Etats-Unis.
07:48C'est rare quand même que la droite de l'échiquier soit révolutionnaire.
07:55Depuis de très nombreuses décennies, ça n'était pas arrivé.
07:59On a affaire à une véritable révolution.
08:01C'est une révolution à totalitaire ou à étatique,
08:05puisqu'en fait elle est libertarienne.
08:07C'est-à-dire que ce à quoi on est en train d'assister
08:09est un bouleversement total et une ovation totale
08:13de tout ce que l'on a pu connaître dans le passé.
08:16Donc effectivement, on a affaire à un véritable rouleau compresseur.
08:19Et je rejoins complètement l'idée du carpet bombing,
08:22c'est-à-dire tous les jours, même deux fois par jour,
08:25on a une nouvelle annonce.
08:26Parce que l'idée, effectivement,
08:27c'est d'abord de transformer de manière révolutionnaire
08:30la société américaine.
08:31Est-ce qu'il y arrivera ? Est-ce qu'il n'y arrivera pas ?
08:33Il y a une digue qui tient.
08:34C'est la digue des juges qui, pour l'instant, ne cède pas,
08:37y compris la Cour suprême, d'ailleurs.
08:39On l'a vu il y a trois jours.
08:40Mais en tout état de cause, on n'est pas dans un régime normal.
08:44On est dans une véritable révolution.
08:46Et là encore, l'idée est effectivement d'être extraordinairement radicale.
08:50Et le trio, c'est-à-dire Trump, Musk, Pence,
08:54est complètement dans cette radicalité.