• il y a 11 heures
Avec le Général Michel Yakovelff, Ancien vice-chef d'État-major du Shape, le commandement suprême interallié pour les opérations de l’Otan

On décrypte le monde, tous les samedi matin à 8h16.

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##ON_DECRYPTE_LE_MONDE-2025-02-22##

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Transcription
00:00Et on décrypte les nouvelles relations entre l'Europe et les Etats-Unis au sein de l'OTAN.
00:09Notamment, vous l'avez entendu, les Européens ont perdu leur boussole.
00:12C'est ce que disait une représentante du parti républicain américain en France il y a quelques instants sur Sud Radio.
00:18Est-ce que la situation qu'on vit est inédite ?
00:21Est-ce que les Américains sont vraiment en train de se rapprocher de la Russie de Vladimir Poutine ?
00:24Sont-ils en train de le faire sur le dos des Européens ou à minima des Ukrainiens ?
00:28Et surtout, est-ce que la France et l'Angleterre sont capables de combler un vide sécuritaire, au moins en Ukraine ?
00:33On en parle avec notre invité, le général Iakov Leff. Bonjour.
00:36Bonjour.
00:37Soyez le bienvenu sur Sud Radio.
00:39Ancien vice-chef d'état-major du SHAPE, c'est le commandement suprême interallié des opérations de l'OTAN, notamment en Europe.
00:46Concrètement, vous avez toujours été aux premières loges des relations entre l'Europe d'une part et les Etats-Unis d'autre part.
00:53Avant de parler de défense, j'aimerais qu'on parle quand même de ces relations concrètement.
00:58Est-ce que vous avez déjà vu un tel éloignement ?
01:02Non. C'est, je pense, une première dans l'histoire, ce que Trump est en train de faire.
01:07Alors Trump, il veut être un personnage historique.
01:11Là, en l'occurrence, c'est bon, c'est fait.
01:14Il est en train de détricoter plus d'un siècle d'investissement américain.
01:21La situation actuelle, avant Trump, de la relation euro-atlantique, c'est le résultat de deux guerres mondiales, excusez du peu,
01:32la participation de l'Amérique à deux guerres mondiales.
01:34Vous vous souvenez, Pershing, Lafayette, nous voilà en 1917,
01:38et puis la Deuxième Guerre mondiale, Overlord, Normandie,
01:42et après ça, 75 ans de construction de l'OTAN.
01:47C'est quand même un très gros investissement.
01:49L'Europe occidentale, elle est pro-américaine, elle ne parle pas allemand, ou russe d'ailleurs, grâce aux Américains.
01:57Et elle est fondamentalement amicale vis-à-vis de l'Amérique.
02:01Jusqu'à il y a quelques années, nous étions la seule zone géographique du monde
02:05avec laquelle l'Amérique avait des relations économiques équilibrées, au sens commercial du terme.
02:10Et ça s'est dégradé en notre faveur à cause du déficit américain,
02:15parce qu'ils dépensent beaucoup plus qu'ils ne produisent.
02:17Ce n'est pas de notre faute s'il y a un déficit.
02:19Et Trump est en train de jeter tout ça aux orties.
02:24Donc effectivement, c'est un moment historique, oui.
02:27C'est vraiment un moment historique, et à durée.
02:33Est-ce que nous sommes en train, Michel Yacovlève, d'assister au début de la fin de l'OTAN,
02:38l'organisation du traité de l'Atlantique Nord ?
02:41Déjà, l'OTAN est fondamentalement basée sur la confiance.
02:46Aujourd'hui, je suis poli en disant que Trump n'inspire aucune confiance.
02:53À personne.
02:55Ensuite, il n'y a aucun calcul stratégique dans ce qu'il fait.
03:00Je veux dire par là que je pourrais comprendre que Trump brade l'Ukraine
03:06pour prix de son rapprochement avec la Russie.
03:09Ça peut se comprendre.
03:11C'est dégueulasse, c'est déshonorant.
03:13De mon point de vue, ce n'est pas le bon calcul.
03:16Ça, c'est votre point de vue d'Européen de l'Ouest, après tout.
03:18Et pourquoi pas, ça pourrait être le nôtre.
03:20Mais effectivement, ça pourrait être logique d'imaginer que si pour les États-Unis,
03:23quand on regarde une carte de très loin, Michel Yacovlève,
03:26si pour les États-Unis, la menace numéro une désormais,
03:28ce n'est plus la Russie mais la Chine,
03:30dans ce cas-là, elle a tout intérêt à se rapprocher de la Russie,
03:32quitte à le faire sur notre dos ?
03:34Elle n'a pas intérêt à renforcer la Russie, qui est un vassal de la Chine,
03:37et qui renforcera la Chine dans son calcul de la faiblesse consubstantielle de l'Amérique.
03:42Donc, admettons que le brader l'Ukraine,
03:45parce que ce n'est pas une négociation, c'est une braderie à l'heure actuelle,
03:48admettons que la braderie de l'Ukraine soit un calcul,
03:52que jeter Zelensky au passage, ça soit un petit plaisir personnel pour Trump.
03:57On en est là, c'est aussi bas que ça.
04:00En revanche, considérer que brader l'Europe,
04:03dire à Poutine ouvertement que dans un monde réparti entre trois zones d'influence,
04:09l'Europe sera dans la zone russe,
04:12c'est incroyable, parce qu'à l'heure actuelle,
04:15l'Europe est fermement dans le camp américain,
04:17et veut le rester, et est la première puissance économique du monde.
04:21Donc je ne vois pas comment Trump va expliquer à ses propres électeurs
04:24que ce qui était fermement dans son camp,
04:28le serait désormais dans l'autre camp.
04:32C'est fou ça.
04:34Il veut avoir le Groenland et il va perdre le Danemark par exemple.
04:37On est dans le degré zéro du calcul.
04:41En tout cas, c'est la manière dont vous le voyez.
04:43Michel Yakovlev, j'aimerais revenir aussi sur les questions militaires.
04:46La France et le Royaume-Uni notamment,
04:49dont le Président et le Premier ministre sont attendus aux Etats-Unis
04:52pour rencontrer Donald Trump dans quelques jours,
04:54veulent manifestement déployer une force militaire en Ukraine.
05:00Est-ce que la France et le Royaume-Uni ont les moyens de déployer des forces ?
05:03Si oui, quelles forces et à quoi serviraient-elles ?
05:07Alors d'abord, je suis moins affirmatif que vous sur le fait qu'ils vont le faire, etc.
05:12Qu'ils y pensent, c'est normal.
05:14Qu'ils en parlent, moi j'aurais gardé ça pour moi dans l'état actuel des choses,
05:17mais on n'en est pas encore là.
05:20Ceci dit, il y a une certaine logique.
05:22Le jour où il y aurait un accord de cesser le feu,
05:25pas tant que les hostilités sont en cours,
05:28je fais la différence entre cesser le feu et traité de paix.
05:31Tout le monde dit qu'il y aura un traité de paix, il y aura la paix.
05:33Non, il n'y aura pas la paix.
05:34Ça prend des mois et des années en général.
05:36C'est surtout qu'il y a un accord politique.
05:38Fondamentalement, on finit par se mettre d'accord.
05:40Là, il n'y aura pas d'accord politique.
05:42Imaginons un cessez-le-feu dans les mois qui viennent.
05:44Imaginons un cessez-le-feu.
05:45On pourrait concevoir une force en Ukraine.
05:48J'entends très souvent dans les médias une force d'interposition.
05:51Ça, c'est une erreur fondamentale.
05:53Ce n'est pas une force d'interposition comme l'ONU au Liban, la fidule.
05:57Et chenillé avec des postes de contrôle tous les kilomètres,
06:00le long de 1000 kilomètres de ligne.
06:02Non, ça serait une force de contre-attaque.
06:04De contre-attaque en arrière du front, à la poignée des ventailles,
06:09comme on dit, entre sud, centre et nord.
06:13Capable de contre-attaquer une force russe,
06:16si d'aventure la Russie réouvrait les hostilités.
06:21Relancer la guerre.
06:23Et bien entendu, si on a une force terrestre,
06:26ça veut dire que nous maîtrisons le ciel au-dessus de nous.
06:29Et c'est surtout pour ça que Poutine n'en veut pas.
06:32C'est le fait qu'on lui ferme l'espace aérien.
06:35Concrètement, est-ce que cette hypothèse est crédible ?
06:37Parce que quand je vous écoute,
06:39ce serait mettre une force de contre-attaque,
06:41donc de dissuasion sur le sol ukrainien,
06:43en cas de nouvelle attaque russe.
06:45On serait quand même au bord de la guerre
06:47entre la France et les Royaumes-Unis,
06:49deux puissances nucléaires et la Russie, une troisième.
06:51On ne serait pas au bord de la guerre,
06:53pas plus que l'Amérique n'est au bord de la guerre
06:55avec la Corée du Nord,
06:57avec ses 25 000 hommes stationnés en Corée du Sud.
06:59C'est ce qu'on appelle une force de garantie.
07:01On n'est pas au bord de la guerre.
07:03En plus de ça, on n'est pas au bord de la guerre directe
07:06des États contre la Russie,
07:08puisque ce serait une guerre circonscrite à l'Ukraine.
07:10Donc il ne s'agit pas de contre-attaquer jusqu'à Moscou.
07:13Il s'agit de casser la figure aux Russes qui sortent du bois,
07:16dans l'hypothèse où ils relancent une guerre.
07:20En tout cas, c'est l'hypothèse qu'on pourrait formuler.
07:23J'ai une dernière question pour vous.
07:25Quels sont les moyens dont la France dispose, Michel Yacovlev ?
07:28La France, en se mettant à poil, pourrait mettre en place...
07:34C'est dit de manière fleurie, mais au moins on aura compris le message.
07:37Oui, on peut le faire.
07:39S'il faut vraiment s'arracher, on peut le faire.
07:41Jusqu'à une division, en gros 15 000 hommes.
07:46Il y aura des compléments où on ferait appel à des amis.
07:49Les Anglais, à peu près pareil. Ils en ont moins que nous, en fait.
07:53Donc là, une force crédible, dissuasive, au sens local,
08:00face à une reprise des hostilités.
08:02Où il n'y aurait pas que les Français et les Anglais.
08:05Parce que là, on raisonne sur la puissance d'entraînement.
08:07Et après, il y en a plusieurs qui viendraient avec nous.
08:10Et surtout, les forces aériennes qui vont avec.
08:13Oui, on est capable de le faire.
08:15C'est la limite haute de ce qu'on est capable de faire.
08:19On va être obligé de vendre un rein pour y arriver, si vous voulez.
08:22Mais c'est possible. Si on veut, on peut.
08:25Et c'est un risque, en tout cas, énorme, y compris sur un plan militaire.
08:29Et donc, c'est pour ça aussi que vous n'auriez pas hébrité une telle hypothèse.
08:33Si je comprends bien, pour le mot de la fin, Michel Yekovlev.
08:36Oui, j'en aurais.
08:38Le principe de la négociation, c'est que c'est secret.
08:40Alors bon, quand on ne fait pas une négociation,
08:42on met une braderie à la trappe.
08:44Je veux bien qu'on fasse de la pub pour faire venir le chaland.
08:47Un dernier point, le fait que l'Amérique ne soit pas joueur,
08:51ça nous pose un vrai problème,
08:53parce que l'Amérique a des moyens que nous n'avons pas,
08:55et la garantie politique.
08:57Mais en réalité, la mesure de ce que nous devons faire,
09:00ce n'est pas l'Amérique, c'est la Russie.
09:03C'est face à qui aurait lieu une opération, n'importe laquelle.
09:07Et là, face aux Russes, dans l'état actuel des choses, ça va.
09:12Ils sont à notre mesure.
09:14Michel Yekovlev, merci à vous.
09:16Je rappelle que vous êtes général, ancien vice-chef d'état-major du SHAPE,
09:20le commandement suprémalier des opérations de l'OTAN.
09:22Ce n'est pas tous les jours qu'un ancien membre ou placé de l'OTAN
09:25vous explique que l'OTAN est en train de vivre
09:27ces derniers mois ou ces dernières années.
09:29On y reviendra évidemment, avec vous, pourquoi pas.
09:31Merci beaucoup, Michel Yekovlev.

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