La France a vécu une séquence politique estivale extrêmement mouvementée et dont l'issue demeure incertaine et préoccupante. Qu'on en juge : après des élections européennes gagnées par le Rassemblement national, le coup de tonnerre d'une dissolution aussi inattendue que non préparée, des élections législatives ne désignant aucun vainqueur sinon trois blocs de forces à peu près équivalente, la démission d'un gouvernement qui demeure en place deux mois durant et pour suivre un nouveau gouvernement autour de Michel Barnier. Face à cette tragédie politique, comme aurait dit le philosophe allemand Friedrich Nietzsche, la classe politique, chauffée par les extrêmes, s'est mise à chercher des boucs émissaires : le président de la République rendu responsable de ce fiasco est voué aux gémonies par LFI, qui proposa en vain de le destituer - alors que cette demande incongrue ne saurait aboutir ; les deux partis situés aux extrémités de l'arc républicain : LFI et ses partenaires socialiste et écologique et le RN clamant qu'on leur a « volé » la victoire, l'un pour ne pas accéder au gouvernement, bien que le groupe NFP soit arrivé en tête aux législatives, et l'autre parce qu'un barrage républicain l'aura privé d'un score législatif présumé majoritaire ; de tout l'échiquier politique s'élèvent des voix pour réclamer qui la proportionnelle intégrale, qui des référendums sur l'immigration et la sécurité et en toile de fond de ces revendications une critique récurrente que le Conseil Constitutionnel est politisé, inadapté à une situation inédite, incapable de trancher entre un parlementarisme raisonné et une hyperprésidentialisation. Bref, comme vient de le déclarer Laurent Fabius, actuel président du Conseil Constitutionnel, nos concitoyens ressentent un « malaise démocratique ». Avec ses invités Emile Malet va chercher à savoir où se situe ce malaise, que peut la Constitution pour encadrer et dire sereinement le droit et la loi quand la politique bat la chamade ?
Émile Malet reçoit :
- Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, maitresse de conférence en droit public des Universités,
- Olivier Passelecq, constitutionnaliste, professeur de droit public à l'IPAG de l'Université Panthéon-Assas,
- Frédéric Salat-Baroux, avocat, ancien Secrétaire général à la Présidence de la République,
- Jean-Christophe Cambadélis, ancien député, ancien Premier secrétaire du parti socialiste.
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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Présenté par Emile MALET
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NewsTranscription
00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde.
00:27Le malaise démocratique et constitutionnel.
00:31La France a vécu une séquence politique estivale
00:34extrêmement mouvementée et dont l'issue demeure
00:38aussi incertaine que préoccupante, qu'on en juge,
00:42après des élections européennes gagnées pour partie
00:45par le Rassemblement national.
00:47Le coup de tonnerre d'une dissolution
00:49aussi inattendue que mal préparée,
00:52des élections législatives ne désignant aucun vainqueur,
00:56sinon trois blocs de force à peu près équivalentes.
00:59La démission d'un gouvernement qui demeure en place
01:03deux mois durant,
01:05et poursuivre un nouveau gouvernement
01:07autour de Michel Barnier,
01:09le négociateur avisé pour l'Union européenne du Brexit.
01:14Face à cette tragédie politique,
01:17comme aurait dit le philosophe allemand Friedrich Nietzsche,
01:21la classe politique, chauffée à blanc par les extrêmes,
01:25s'est mise à chercher des boucs émissaires.
01:28Qui, le président de la République,
01:31rendu responsable de ce fiasco
01:33et voué aux gémonies par la France insoumise,
01:37qui proposa en vain de le destituer ?
01:41Les deux partis situés aux extrémités
01:44de l'arc républicain,
01:46à la fois le parti insoumis
01:49et ses partenaires socialistes et écologiques,
01:52et le Rassemblement national,
01:54clament tous les deux qu'on leur a volé la victoire.
01:58L'un, pour ne pas accéder au gouvernement,
02:01bien que le groupe du nouveau franc populaire
02:04soit arrivé en tête aux législatives,
02:06et l'autre, parce qu'un barrage républicain
02:09l'aura privé d'un score législatif
02:12présumé majoritaire.
02:15Par ailleurs, de tous les chiquiers politiques,
02:17s'élèvent des voix pour réclamer
02:20qui la proportionnelle intégrale,
02:22qui, des référendums sur l'immigration et la sécurité,
02:25est en toile de fond de ces revendications,
02:29une critique récurrente
02:31visant le Conseil constitutionnel,
02:34certains considérant qu'il est politisé,
02:36inadapté à une situation inédite,
02:39incapable de trancher
02:41entre un parlementarisme dit raisonné
02:44et une hyperprésidentialisation.
02:48Bref, nos concitoyens
02:51ressentent un malaise démocratique.
02:54Nous allons chercher à comprendre, avec mes invités,
02:57où se situe ce malaise
02:59et que peut la Constitution
03:02pour encadrer et dire sereinement le droit
03:06quand la politique bat la chamade.
03:09Je vous présente mes invités, Anne-Charlene Bézina.
03:12Vous êtes constitutionnaliste,
03:14maîtresse de conférences en droit public des universités,
03:18notamment à l'université de Rouen.
03:22Olivier Paslec, vous êtes constitutionnaliste,
03:24professeur de droit public à l'IPAC
03:27de l'université Panthéon-Assens.
03:30Frédéric Salabarou, vous êtes avocat
03:33et ancien secrétaire général
03:35à la présidence de la République.
03:37Jean-Christophe Cambadélis,
03:39vous êtes ancien député,
03:41ancien premier secrétaire du Parti socialiste.
03:44Nous allons écouter un extrait de débat
03:47à l'Assemblée nationale
03:48avec le député communiste André Chassaigne.
03:51Rappel le règlement au titre de l'article 47 et 48-9.
03:56Je m'exprimerai avec beaucoup de solennité
04:00et de tristesse.
04:03Le choix que vous avez fait, madame la présidente,
04:06de recourir à l'article 40
04:08porte un coût terrible à notre démocratie parlementaire.
04:14Certes...
04:16Certes...
04:17Vous appuyez...
04:20Vous appuyez sur un article de la Constitution
04:22comme cette majorité, semaine après semaine,
04:25mois après mois,
04:26s'appuie sur les articles les plus régressifs,
04:29les plus régressifs qu'ils cumulent de cette Constitution
04:33pour empêcher le débat parlementaire.
04:34Vous avez résisté au début, madame la présidente,
04:37mais vous avez cédé.
04:40Ce qu'il faut bien comprendre,
04:43madame la présidente,
04:45c'est que le seul espace démocratique
04:47que cette Constitution laisse aux groupes d'opposition,
04:50ce sont les niches parlementaires.
04:52Et que dans ces niches parlementaires,
04:54jamais, jamais,
04:56l'article 40 a été actionné
04:59dans la mesure qu'un député
05:03présente une proposition de loi,
05:05madame la présidente.
05:06Sa proposition de loi, elle est gagée en termes de recettes.
05:09C'était admis.
05:10Or, désormais, il n'y aura plus de possibilité
05:14pour les groupes d'opposition de porter dans cet hémicycle
05:17des propositions de loi.
05:18Et je ne prendrai qu'un exemple.
05:20Ce sont les deux lois dont j'ai été à l'initiative
05:24concernant les retraites agricoles.
05:25Avec ce que vous mettez en route aujourd'hui,
05:28le débat n'aurait pas lieu.
05:30Les retraites agricoles n'auraient pas été augmentées.
05:34C'est dire à quel point, aujourd'hui,
05:36vous abimez, vous écrabouillez
05:39la démocratie parlementaire.
05:40Et surtout, il y a une chose que vous oubliez,
05:42c'est la séparation des pouvoirs.
05:44Applaudissements
05:45Je vous remercie, monsieur le président.
05:48Alors, pour nos téléspectateurs, Olivier Paslec,
05:51qu'est-ce que c'est que l'article 40 ?
05:53L'article 40 vise l'irrecevabilité financière.
05:57C'est-à-dire qu'effectivement,
05:59il est possible d'écarter une proposition de loi
06:03ou un amendement qui créerait une dépense supplémentaire
06:07sans la gager sur une recette ou qui diminuerait une recette
06:10sans la gager sur une dépense inférieure.
06:13Donc, effectivement, c'est un article de la Constitution.
06:15Je ne vois pas en quoi on peut attaquer la Constitution.
06:19Il faut l'appliquer, la Constitution.
06:21Et c'est tout le problème.
06:22Moi, je considère que ce ne sont pas les institutions
06:25qui sont en cause, mais ceux qui s'en servent
06:28et qui s'en servent parfois mal, parfois bien, parfois mal.
06:31Alors, écoutez, on va en parler.
06:33Nous vivons donc une crise politique de grande ampleur,
06:37amortie par une Constitution aussi robuste que souple
06:41pour s'adapter à tous les accidents politiques.
06:45Est-ce que vous diriez que c'est la conséquence
06:48d'un épuisement des grandes forces politiques
06:51de droite comme de gauche,
06:52voire d'un essoufflement de l'exécutif...
06:57qui a envie de se lancer là-dessus ?
06:59Allez, Anne-Charlène Bézina.
07:02Je rejoins, en tout cas, ce qui a été dit sur les institutions.
07:06Il y a parfois cette tentation très française
07:09de considérer qu'à la moindre crise politique que vous évoquiez,
07:13les institutions doivent elles-mêmes être modifiées.
07:16C'est une mauvaise habitude française
07:18de considérer qu'on doit changer de règle du jeu
07:21quand il y a un problème avec les joueurs.
07:23Néanmoins, est-ce que c'est un essoufflement de l'exécutif
07:26ou un essoufflement tout court ?
07:28On se rend compte ici que les forces partisanes
07:31représentent de moins en moins le peuple
07:33qui parfois se sent un peu dépossédé de ces institutions.
07:36Les institutions elles-mêmes fonctionnent
07:39bien.
07:40Il y a des discours très hostiles au parlementarisme lui-même
07:43par certains bords de l'Assemblée.
07:45On a des pratiques dites du bruit et de la fureur
07:48qui font beaucoup de mal...
07:49J'ose pas utiliser cette chose-là,
07:51mais quand le chat n'est pas là, les souris dansent.
07:54Est-ce que vous n'avez pas l'impression
07:56que ça s'agite parce que le pouvoir politique
07:59est devenu impopulaire ?
08:01Frédéric Salabat.
08:02Je crois qu'on va parler
08:04des problématiques françaises et constitutionnelles,
08:07mais d'abord, la crise démocratique,
08:09elle est partout dans le monde occidental.
08:11La montée du populisme,
08:13le fait d'avoir ce sentiment de ne pas être représenté,
08:16c'est aux Etats-Unis, c'est partout en Europe,
08:20c'est au Royaume-Uni.
08:22Qu'il se soit passé aux Etats-Unis,
08:25ce qui s'est passé au moment où Trump a laissé ses partisans,
08:29envoyé ses partisans monter au Capitole,
08:31est inimaginable d'un point de vue démocratique.
08:34Donc la crise, elle est globale.
08:36Elle a probablement ses fondements
08:38dans des problèmes majeurs économiques et sociaux,
08:42la désindustrialisation, l'effondrement des classes moyennes.
08:45Donc ça, c'est le substrat.
08:47On ne peut pas faire abstraction de ça
08:49pour penser ensuite la crise politique et institutionnelle.
08:52Elle n'est pas seulement française,
08:54elle est dans le monde occidental,
08:56et tant qu'on n'aura pas attaqué
08:59et apporté un début de réponse à ces questions,
09:02la crise s'approfondira,
09:04et on le voit dans tous les pays.
09:06Des modèles démocratiques comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni
09:09sont en crise majeure aussi.
09:11La Constitution, c'est ce qui a été dit par M. le professeur,
09:15c'est une infrastructure.
09:17Elle ne peut pas, à elle seule, tout faire et tout empêcher.
09:21Jean-Christophe Corbadelis ?
09:23Oui, il y a une situation globale, internationale.
09:27Il y a les aspects français de cette situation.
09:29C'est bien ça, oui.
09:31Je pense que nous vivons une véritable crise politique,
09:36crise de l'adhésion démocratique,
09:39crise de la capacité de faire pour les formations politiques.
09:44Elle vient de très loin,
09:46mais elle s'est précipitée parce que l'arrivée d'Emmanuel Macron,
09:50vous l'avez cité, aux responsabilités
09:54a été concomitante avec la fin du bipartisme,
09:58qui était une des données de la Ve République.
10:01Et rien n'est venu se substituer à ce nouveau déséquilibre.
10:07Il y avait le président de la République,
10:09mais pas un parti capable d'organiser la vie politique
10:12en son sein ou en dehors.
10:14Ca a libéré les populismes,
10:16phénomène qui se développe dans l'ensemble du monde,
10:19mais qui a son aspect particulier en France.
10:22C'est que, d'un seul coup,
10:25cette Ve République qui avait été fondée
10:28pour régler ce problème,
10:31se trouve submergée par un populisme d'extrême-droite
10:35et un populisme d'extrême-gauche, car on ne peut rien faire
10:39sans être allié implicitement ou explicitement
10:44avec l'un des deux, on le voit aujourd'hui,
10:46le nouveau Front populaire avec El-Effi
10:49ou le gouvernement Barnet,
10:51avec le soutien, évidemment, de l'extrême-droite.
10:56Alors, Olivier Paslec, rentrons dans le vif du débat.
11:01On évoque aujourd'hui, et c'est le cas,
11:04la constitution de ce qu'on a appelé
11:06une majorité négative à l'Assemblée nationale,
11:10c'est-à-dire des extrêmes
11:12pouvant être les arbitres du fonctionnement
11:16des institutions et même du fonctionnement du gouvernement.
11:20Est-ce que c'est une situation inédite
11:23sous la Ve République
11:26et dans quel cas
11:27cette crise politique débouchera sur une crise de régime ?
11:31Evidemment, nous nous trouvons dans une situation
11:34que la Ve République n'a jamais connue,
11:37parce que, comme vous venez de le rappeler,
11:39elle a été fondée, cette Ve République,
11:41sur ce qu'on appelle le fait majoritaire,
11:44avec une alternance, effectivement, entre deux grandes forces,
11:47la force gaulliste, disons-le,
11:49avec un allié centriste ou sans allié centriste,
11:53et puis la gauche, notamment le Parti socialiste.
11:56Quand Emmanuel Macron...
11:57Je vais faire un tout petit reproche
12:00à Jean-Christophe Cambadélis,
12:01parce que vous avez, comme il l'est à mon sens,
12:04de faire des primaires, que ce soit le PS ou le LR,
12:07et que le problème de ces primaires,
12:09j'ai eu l'occasion de l'écrire et de publier dans plusieurs revues,
12:14c'est que le résultat, c'est que Macron s'est engouffré
12:17dans ce boulevard qui a été ouvert,
12:19et donc, il en a profité,
12:22et c'est vrai, le grand reproche que je vais lui faire,
12:25c'est qu'effectivement, il a remplacé cette bipolarisation
12:29entre deux partis de gouvernement
12:31par une espèce d'éclatement avec deux extrêmes
12:34que vous avez très bien qualifiés de populistes,
12:37voire même plus.
12:38Alors maintenant, qu'est-ce qui peut se passer ?
12:41Eh bien, moi, je pense que, justement,
12:43si on n'applique pas la Constitution,
12:45rien que la Constitution, toute la Constitution,
12:48comme l'avait dit François Mitterrand,
12:50on ne s'en sortira absolument pas.
12:52Et si Emmanuel Macron ne veut pas comprendre
12:55qu'il n'a perdu, si je dirais, la main,
12:59et qu'il ne laisse pas, finalement, le régime aller vers ce que,
13:02moi, je trouve, d'ailleurs, tout à fait positif,
13:06c'est-à-dire vers un vrai parlementarisme,
13:08bien que c'est un parlementarisme sans majorité.
13:11Alors là, le problème, il est là.
13:13Je voulais juste ajouter un petit mot,
13:16il faudrait qu'on parle du scrutin.
13:18Tout le problème, c'est le mode de scrutin.
13:21Moi, j'ai beaucoup publié sur le mode de scrutin.
13:24Sur le mode de scrutin qui, effectivement,
13:26pour l'instant, fait que le PS aura beaucoup de mal
13:29à se détacher de LFI,
13:31parce que s'il y a une élection législative,
13:33il y en aura forcément une, je termine,
13:36eh bien, absolument, effectivement, là, il ne pourra pas.
13:39Avec une proportionnelle, en revanche,
13:41il pourrait changer la donne.
13:43Anne-Charlene Bézina, là-dessus, crise politique,
13:46crise de régime, à quel moment est-ce qu'un parlementarisme
13:49raisonné résoudra la question ?
13:51Tout va dépendre, encore une fois,
13:53de la manière dont les acteurs vont éprouver
13:56cette résilience de la Ve République.
13:58C'est-à-dire qu'elle offre la possibilité
14:01d'avoir un régime proprement parlementaire
14:03avec des équilibres, certes instables,
14:05mais des équilibres qui sont ceux d'un parlement,
14:08dans son texte et dans sa pratique.
14:10Qu'aujourd'hui, on puisse basculer vers une crise de régime,
14:14c'est vrai qu'on est plus au bord de ce précipice
14:16que l'on l'a été pendant très longtemps,
14:19on l'a dit, il ne faut pas assimiler crise politique
14:22avec crise de régime, c'est la répétition
14:24qui entraînera une crise de régime,
14:26comme on l'a vu avec la fin de la IVe République.
14:29L'idée, ici, ça va être de se rendre compte,
14:31vous avez parlé des majorités négatives,
14:34mais je ne suis pas forcément favorable
14:36à ce terme de parlement sans majorité.
14:38On nous parle beaucoup de la majorité introuvable,
14:41ce terme que la presse relaie,
14:43or, en réalité, même sous la IIIe et la IVe République,
14:46on avait les majorités glissantes,
14:48c'est-à-dire cette idée de pouvoir aller chercher
14:51sur certains bords, etc.
14:52Sauf que c'est une culture.
14:54On dit beaucoup de choses
14:55de la culture constitutionnelle et parlementaire,
14:58mais je crois qu'elle se forge au pied du mur.
15:01Peut-être qu'on pourra sauver notre régime,
15:03peut-être qu'on pourra basculer vers ce régime parlementaire
15:07si les parties, les groupes politiques
15:09actuellement représentés acceptent cette nouvelle donne,
15:12cette nouvelle manière de faire la loi,
15:14dont Michel Barnier a parlé lors de son discours de politique,
15:18peut-être moins de lois, plus de consensus.
15:20Il y a des pistes au sein même de notre régime.
15:23Tout va reposer, en réalité,
15:26sur cette capacité à trouver de la stabilité
15:29dans l'instabilité.
15:30Vous y croyez, Frédéric Salabaron ?
15:32Ce que montrent les événements,
15:34c'est d'abord la très grande plasticité et efficacité
15:37de la Constitution de la Ve République.
15:39Elle a réussi à absorber la cohabitation,
15:41qui était quand même extrêmement compliquée
15:44dans son principe et sa mise en oeuvre,
15:46dans la crise qui a été décrite.
15:48On a quand même un Parlement qui est en charge,
15:52un Premier ministre qui est en place,
15:54qui prend la question budgétaire,
15:57qui est une question majeure,
15:59dans des conditions qui vont peut-être permettre
16:01de passer cette étape qui est considérable.
16:05Donc, il y a une forte plasticité de la Ve République.
16:08De là à considérer
16:12que ça suffit pour passer cette période de crise
16:15ou qu'il faut en changer,
16:17c'est une question fondamentale.
16:19En revanche, là encore, c'est le thème de l'émission,
16:22il y a le problème constitutionnel
16:25et le problème démocratique.
16:26Même si les résultats des élections
16:30ont été très disparates, avec plusieurs blocs...
16:33Les problèmes sont liés. Laurent Fabius,
16:36président du Conseil constitutionnel,
16:38vient de déclarer que nous sommes dans une crise démocratique.
16:42Oui, mais la crise démocratique,
16:44elle relève aussi du fait
16:45que les Français ont exprimé certaines choses.
16:48Ils ont exprimé des choses sur un besoin de pouvoir d'achat,
16:51en matière d'interrogation sur la réforme des retraites,
16:54en matière de sécurité et d'immigration.
16:58Quelle est aujourd'hui la priorité gouvernementale ?
17:02Elle est effectivement sur le budget,
17:04sur les questions de sécurité et d'immigration.
17:07En revanche, plus de questions sur les retraites,
17:09qu'on soit pour ou contre.
17:11Je suis pour la réforme des retraites.
17:13Il y a eu quelque chose d'exprimé clairement par les Français
17:16et sur le pouvoir d'achat.
17:18Qu'est-ce qui se passe ? Décalage de quelques semaines
17:20de la revalorisation légale et réglementaire du SMIC.
17:23Donc c'est aussi ça qui crée la crise
17:27et les problématiques démocratiques.
17:30Et ça, c'est pas nouveau.
17:31Le moment décisif, c'est le référendum
17:34sur la Constitution européenne.
17:36Les Français s'expriment clairement.
17:38Qu'est-ce qui se passe ? Juste derrière,
17:41c'est le traité de Lisbonne.
17:42Vous avez pu vouloir dire ce que vous voulez,
17:45on fait pareil. Et ça, c'est une vraie question.
17:47C'est-à-dire, par-delà la plasticité
17:49des institutions et leur efficacité,
17:52comment se traduit, dans des actes et dans des politiques,
17:56l'expression démocratique des Français ?
17:58Comment vous voyez la suite, Jean-Christophe,
18:01qu'on va déliser ? Est-ce que cette crise politique
18:04peut déboucher sur une crise de régime ?
18:06Eh ben...
18:08Moi, je crois qu'on y a déjà entré.
18:11On y est entré avec les dernières élections présidentielles,
18:14qui n'ont pas été un débat,
18:16qui ont conduit à la réélection du président de la République
18:20dans un rejet de Marine Le Pen.
18:23Et depuis, il y a une majorité relative,
18:26puis plus de majorité du tout.
18:28Et je pense que ça s'accélère.
18:31D'abord, une formation politique,
18:33et la France insoumise veut destituer
18:35le président de la République.
18:37Ca n'a pas marché.
18:38Bien sûr, mais...
18:40On voit bien qu'il y a quelques années,
18:43quand je siégeais sur ces bancs,
18:45on n'aurait jamais posé le problème
18:48de la destitution du président de la République.
18:50Et là, il y a quelques jours,
18:53nous voulons d'obtenir quelque chose d'extraordinaire
18:56sur la Ve République,
18:58c'est-à-dire une commission d'enquête parlementaire,
19:01la commission des finances se transformant
19:03en commission d'enquête parlementaire,
19:05qui va juger Emmanuel Macron.
19:07De fait, ce qui n'a pas été obtenu
19:10par le débat parlementaire
19:14sur le président de la République,
19:16nous sommes rentrés, vous verrez,
19:17vous ferez peut-être des émissions dessus,
19:20des gens qui vont expliquer
19:22pourquoi le Bercy s'est trompé,
19:24d'autres qui diront qu'on leur avait donné des consignes,
19:27et ainsi de suite.
19:28Ce déballage-là est une remise en cause
19:30de la clé de voûte de nos institutions,
19:33c'est-à-dire la question du président de la République.
19:36Et donc, il y a concomitance
19:39entre une crise budgétaire,
19:41qui s'appuie sur une crise économique,
19:44une crise sociale, il faut être aveugle pour ne pas la voir,
19:47qui s'exprime sur la question des retraites,
19:50mais sur celle du pouvoir d'achat,
19:52une crise nationale, avec la demande d'identité
19:54de Françaises, de la République, etc.
19:57Une crise vis-à-vis de l'immigration,
20:00qui est insupportable pour une partie de la population,
20:03qui se combine avec un émiettement politique,
20:0611 groupes parlementaires à l'Assemblée nationale,
20:09on est passé du bipartisme au multipartisme,
20:12et une mise en cause frontale par le Parlement,
20:15unanime, unanime, du président de la République.
20:19Olivier Paslec, est-ce que vous pouvez dire très précisément
20:23si, sur la question du budget,
20:27du déficit, de la dette, etc.,
20:30on est allé jusqu'à parler de budget caché ?
20:33On vient de dire que la commission des finances
20:36s'érige en commission de jugement.
20:39Est-ce qu'il y a quelque chose de pénal à ce niveau ?
20:43Puisque... Est-ce que vous iriez jusqu'à là ?
20:47Je ne vais pas me prononcer sur ce sujet-là, certainement pas.
20:51Juste un petit mot.
20:54François Hollande avait fait aussi l'objet
20:56d'une tentative de destitution.
20:59Mais c'est vrai, ça ne remet pas en cause tout ce que vous avez dit.
21:03Non, moi, je pense que, effectivement,
21:05la crise de régime est tout à plus que possible.
21:09Pourquoi ? Parce que, pour l'instant,
21:12il est vrai que Michel Barnier ne peut être renversé
21:16que par une censure, donc il faut qu'il y ait
21:19289 députés qui votent la censure.
21:21S'il n'a pas cette majorité contre lui,
21:25cette majorité négative, il pourra rester en place, certes.
21:29Mais ensuite, il y a la loi de finances.
21:31Très bien.
21:33D'ailleurs, on peut envisager même
21:35que l'article 46, je crois, sur la loi de finances,
21:40permet, s'il n'est pas voté en temps,
21:42c'est-à-dire dans les 70 jours,
21:44il peut être mis en vigueur par ordonnance,
21:47et on peut même aller jusqu'au 12e provisoire,
21:50comme on a connu.
21:51Mais à partir de là, il est certain
21:54qu'il y a aussi autre chose.
21:58On voit bien que cette majorité n'est pas très homogène,
22:01c'est le moins qu'on puisse dire, voire même le gouvernement.
22:05J'envisage aussi, comme ça s'est passé
22:07sous la Troisième ou la Quatrième République,
22:10une implosion de la majorité, voire même du gouvernement,
22:13qui conduise Michel Barnier à dire
22:15que dans ces conditions, il ne peut pas aller plus loin.
22:18Après, si vous me permettez, je vous dirai pourquoi,
22:21là, Emmanuel Macron se trouvera
22:23dans une situation très difficile.
22:26Oui, alors, Adjarlène Bézina,
22:28parmi les nombreux débats
22:31qui ont émaillé la classe politique,
22:34vous avez dit que le tumulte politique
22:38n'entrave pas le fonctionnement de la Constitution.
22:42Mais est-ce que, quand la politique est tumultueuse,
22:46on peut quand même dire sereinement le droit ?
22:50Et à ce sujet, qu'est-ce que vous avez pensé
22:53de la polémique autour de l'Etat de droit ?
22:57Polémique, pour certains, c'est un concept immuable,
23:02pour d'autres, on doit l'adapter
23:06aux évolutions socio-culturelles.
23:08Alors, je crois que ce principe même
23:13qu'on ait touché à l'Etat de droit,
23:15qu'on ait eu un Premier ministre,
23:16le premier de toute la Ve République,
23:19qui a eu, lors de sa déclaration de politique générale,
23:21un appâchement, je le cite, aux valeurs de l'Etat de droit,
23:25et quelque chose qui prouve la logique
23:27dans laquelle on est rentrés,
23:29et que je poursuivrai par l'analyse qui a été la vôtre,
23:32qui est celle de la défiance et de la déconstruction.
23:35C'est-à-dire qu'aujourd'hui, l'opposition politique
23:38ne demande plus de résultats, mais demande des comptes.
23:42Et cette culture-là, on l'a vu,
23:43le groupe FI avait demandé une commission d'enquête
23:46pour les JO, une commission d'enquête
23:48à propos de la tenue de la dissolution.
23:50On a le sentiment que tout relève de l'enquête,
23:53de la pénalisation, de la criminalisation de notre droit.
23:57Alors que, précisément,
23:58et je rejoins ce qui a été dit tout à l'heure,
24:00la réponse est politique.
24:02Aujourd'hui, quand on nous parle de l'Etat de droit,
24:04ça signifie qu'on a opposé le droit à la politique,
24:09et qu'on considère, en tout cas qu'on peut opposer,
24:12l'idée que le droit empêche à la politique de se développer.
24:15Quand on regarde sur le phénomène de l'immigration,
24:18les deux décisions du Conseil constitutionnel,
24:20qui, en réalité, encadrent le phénomène migratoire
24:23et les droits fondamentaux, qui sont ceux de la Constitution,
24:26eh bien, il y a toute une politique qui peut être articulée.
24:30Donc, je crois qu'en réalité, on essaye d'agiter, en quelque sorte,
24:34par une chasse aux sorcières autour des arrêts
24:37de la Cour européenne des droits de l'homme,
24:39des éléments qui vont empêcher cette instrumentisation du droit.
24:43On confond les limites et les empêchements.
24:46Le droit est une limite, évidemment,
24:48parce que la volonté politique ne peut pas tout,
24:50mais cet Etat de droit est fragilisé par l'idée qu'on est à le défendre.
24:54Frédéric Salabarou, vous écoutez une constitutionnaliste
24:58et mérite comme Anne-Charlène Bézina,
25:01qui dit qu'il y a des empiétements
25:03constants entre la politique, d'un côté,
25:07le droit, de l'autre.
25:09Est-ce que, dans ce contexte-là,
25:12mettons-nous à la place du citoyen lambda,
25:15il peut se dire, mais alors,
25:17qu'est-ce qui est de l'ordre du droit,
25:19de la politique ?
25:21Vous, qui avez été aux commandes,
25:23puisque vous avez été secrétaire général de l'Elysée,
25:26est-ce que vous ne pensez pas qu'on est là devant un brouillard
25:30et que, pour le citoyen, il n'y comprend rien ?
25:35Les empiétements sont là.
25:37D'abord, ce qui a été dit par Jean-Christophe Cambadélis
25:40est majeur. La constitution de la Ve République,
25:43c'est un régime démocratique classique,
25:45et puis, c'est l'élection d'un monarque,
25:49et là, la désacralisation,
25:50qui est engagée depuis longtemps du président de la République,
25:54risque de trouver un moment
25:57qui est une bombe à retardement
25:59avec cette commission parlementaire,
26:01puisque c'est la première fois qu'on rentrerait
26:04dans quelque chose qui est une forme de procès parlementaire
26:07du président de la République.
26:09Là, il y a quelque chose...
26:10Autant je suis convaincu de la force de la Ve République,
26:13mais il y a quelque chose qui est en train de démarrer
26:16et qui peut conduire à une crise de régime.
26:19Sur le rapport droit-politique,
26:22c'est pas deux sillons séparés, bien sûr,
26:26tout ça interagit,
26:27mais la problématique sur l'état de droit
26:30renvoie à une question fondamentale,
26:33la nature du régime.
26:34L'état de droit, c'est la chose la plus simple qui soit.
26:37Il y a une hiérarchie des normes.
26:39Les décrets doivent respecter les lois,
26:41respecter la Constitution,
26:43et le droit européen est placé au-dessus.
26:45C'est simplement ça, l'état de droit.
26:47Donc, l'idée qu'on puisse remettre en cause l'état de droit,
26:51c'est une question qui renvoie
26:54à l'architecture républicaine et démocratique du régime.
26:58Et si ça a provoqué une telle réaction,
27:02c'est qu'actuellement et globalement,
27:05il y a une interrogation par rapport à la force
27:08et à l'effectivité du régime républicain et démocratique,
27:12qui est par ailleurs attaquée dans le monde.
27:14Aujourd'hui, c'est un grand débat aux Etats-Unis,
27:17ils régressent. Je ne suis pas sûr, d'ailleurs,
27:19que celui qui a tenu les propos sur l'état de droit
27:22ne voulait pas dire, plus simplement et de manière plus républicaine,
27:26si l'état du droit n'est pas satisfaisant,
27:29on le change.
27:30Or, les professeurs et les constitutionnalistes le savent,
27:34c'est d'ailleurs souvent des sujets d'examen très clairs,
27:37l'état de droit, c'est pas l'état du droit.
27:40L'état du droit, c'est quelles sont les lois qu'on peut changer,
27:43les décrets qu'on peut changer. L'état de droit,
27:46c'est le pilier de la démocratie et de la République.
27:49Qu'en pensez-vous, Jean-Christophe Komadélis ?
27:52D'ailleurs, à votre époque, vous vous souvenez,
27:55quand le pouvoir était socialiste,
27:58André Léniel avait politisé la loi et le droit, déjà.
28:04En 81, il estimait qu'ils étaient minoritaires,
28:07donc il les aiderait tort, il s'agissait de la droite.
28:10Mais je crois que cette question va perdurer.
28:15Je ne sais pas comment se termine le moment
28:19ou la séquence que nous sommes en train de vivre,
28:22mais nous avons tous compris que la suite est dans les mains
28:26de l'extrême droite et de Marine Le Pen.
28:28Mais nous voyons bien qu'il y a une force politique
28:32qui est en marche pour s'imposer au pouvoir.
28:36C'est l'extrême droite,
28:38parce que personne n'a gagné les élections législatives
28:42ou européennes, mais ils étaient quand même en tête,
28:45et très largement.
28:46S'il n'y avait pas eu ce miracle du Front républicain,
28:49il y avait 290 à 300 députés.
28:52Et cette question sera posée,
28:55parce qu'elle n'est pas posée en soi, la question de l'état de droit.
28:59Elle est posée à partir d'une seule question,
29:01parce que le Conseil constitutionnel
29:04s'est élevé contre des mesures qui étaient...
29:09Il y avait des mesures qui pouvaient être acceptées
29:12et qui étaient mal présentées,
29:14mais s'est élevé contre des mesures remettant en cause
29:17l'égalité constitutionnelle.
29:19Il faudra modifier la Constitution si nous voulons pouvoir le faire.
29:22Ce qui a déjà été fait.
29:24Et donc, ça deviendra,
29:26si l'extrême droite arrive aux responsabilités,
29:29mais même si une droite plus dure, on va dire, y arrive,
29:32cette question sera une question fondamentale
29:35de la crise du régime, par ailleurs.
29:38C'est-à-dire qu'on voudra modifier la Constitution
29:41pour permettre d'être plus répressif
29:44sur les questions de l'immigration.
29:46C'est inscrit dans le moment politique
29:49qui est en train de se construire.
29:51Vous parlez de l'extrême droite.
29:53On peut également parler de l'extrême gauche
29:57avec LFI.
29:59Est-ce qu'ils ne sont pas également
30:02sur un même matelage, j'allais dire, insurrectionnel ?
30:06C'est pas tout à fait la même chose
30:10parce que c'est pas le même objet.
30:12D'un côté, vous avez une question identitaire,
30:14la question de l'immigration,
30:16vous avez les trois I,
30:18insécurité, immigration, identité,
30:20qui sont le coeur même de la problématique
30:22de l'extrême droite.
30:24De l'autre côté, c'est le populisme de gauche,
30:26c'est-à-dire l'illégitimité
30:29des représentations politiques aujourd'hui,
30:31Parti socialiste compris,
30:33je dis ça à mes camarades,
30:34mais pour permettre au peuple de s'exprimer
30:37dans une constituante
30:39qui modifierait complètement notre hiérarchie des normes
30:44et permettrait d'avoir des élus,
30:46élus et révocables à chaque instant.
30:48Vous parlez, on vous écoute,
30:50souffrez de l'écouter lorsqu'il parle.
30:52C'est la première règle de la démocratie,
30:55c'est la première règle de la démocratie.
30:57Eh oui, on s'écoute.
30:59La seule...
31:00Eh oui !
31:02La seule transgression...
31:03Alors, M. le caisseur, allez-y.
31:05Alors...
31:06Mais je l'ai déjà dit trois fois,
31:08si vous écoutiez, vous entendriez l'article,
31:11et je ne vais pas vous le répéter.
31:13La seule transgression, c'est celle de mon successeur,
31:16Éric Coquerel, pour lequel j'ai beaucoup de respect,
31:19mais qui transgresse la Constitution.
31:22Il aurait dû déclarer ce texte,
31:24il aurait dû déclarer ce texte inconstitutionnel,
31:27parce que c'est objectivement,
31:29manifestement, clairement, une charge.
31:33Alors, on peut être contre l'article 40,
31:36mais c'est un autre sujet.
31:37L'article 40, aujourd'hui, il existe et donc il s'impose.
31:41Tous les amendements de rétablissement,
31:44tous les amendements de rétablissement,
31:46et la présidente a eu bien raison,
31:48sont des amendements qui sont créateurs de charges.
31:51Qui sont dits des amendements d'objectifs ou objectifs.
31:55M. le président de la Commission des finances,
31:57ils sont rédigés de manière si précise
32:00qu'en réalité, ce sont des charges sous-jacentes.
32:04C'est un détournement, c'est un détournement,
32:07c'est un détournement de la procédure constitutionnelle.
32:11Et d'ailleurs, vous avez, d'ailleurs, pour la plupart,
32:14vous avez gagé ces amendements, vous les avez gagés.
32:18Donc on voit très bien que la situation telle qu'elle est
32:21a été parfaitement prise en compte
32:23par la présidence de l'Assemblée nationale.
32:26On ne peut pas se moquer de l'Assemblée nationale
32:28comme vous le faites.
32:31C'est une question de dignité de nos débats.
32:34Comment peut-on laisser l'Assemblée nationale
32:37bafouer la Constitution ?
32:39Et je voudrais vous dire que le chahut constitutionnel,
32:43le chahut, vous êtes des grands professionnels du chahut,
32:46le chahut constitutionnel voulu par Lyott,
32:50mais qui dit rien, et par El-Effi,
32:52c'est ça, la véritable atteinte à la démocratie.
32:56Vous venez d'écouter Eric Wörth,
32:59député Renaissance,
33:01ancien caisseur de l'Assemblée nationale.
33:06Il parle, vous avez vu dans quels termes,
33:08il parle de ce chahut constitutionnel.
33:13Vous avez l'impression
33:15qu'on fait beaucoup de chahut constitutionnel aujourd'hui
33:19et que c'est du bluff médiatico-politique,
33:22Anne-Charlène Bézina.
33:24Oui, clairement.
33:25Je crois qu'on utilise la Constitution
33:28pour ses mots-clés.
33:29Destitution, dans l'article 68,
33:31irrecevabilité, qui va ainsi instrumentaliser
33:34l'idée qu'on dépossède l'Assemblée nationale de son pouvoir.
33:38Oui, la Constitution est aujourd'hui instrumentalisée.
33:41Ce texte-là, par une crispation des égaux des différents partis,
33:46va être utilisé pour maximiser leur pouvoir.
33:49C'est vrai que ce n'est pas ça, le jeu de la démocratie.
33:52Au sein de l'Assemblée nationale, on s'écoute,
33:54et surtout, il y a encore ce mythe
33:56qui fait partie de nos démocraties représentatives
33:59et qui est peut-être le plus affaibli.
34:02Il consiste à dire que la vérité
34:04naît de la confrontation de,
34:05si on additionne tous nos parlementaires,
34:08près de 925 vues sur un texte.
34:10C'est de cette volonté générale que va émaner le résultat.
34:13Mais aujourd'hui, quand on voit à quel point l'agitation...
34:17C'est une culture, de la part, notamment, de l'extrême droite...
34:20C'est un jeu, à votre avis ?
34:22C'est une manière d'être entendue.
34:24C'est une manière de faire entrer les révoltes de la rue
34:27dans le Sénacle parlementaire,
34:29et peut-être que le Sénacle parlementaire
34:31nourrit ces révoltes.
34:33Les deux extrêmes communiquent ainsi,
34:35puisque, en créant une espèce d'atmosphère de chaos parlementaire,
34:39on a le sentiment que la révolte sociale
34:41peut devenir la seule solution,
34:43et c'est ce qui peut nourrir le rappel à l'ordre,
34:46qui est, finalement, le terreau de développement
34:48des idées de l'extrême droite.
34:50Ces extrémismes se nourrissent par ce sentiment de désordre,
34:53et la Constitution est là pour arbitrer la règle du jeu,
34:56mais quand on l'instrumentalise, elle est impuissante.
34:59Vous êtes d'accord sur cette instrumentalisation ?
35:02Je peux dire un mot
35:04du chahut constitutionnel,
35:06le plus grand chahut constitutionnel qu'on ait eu,
35:09c'était pendant la réforme des retraites,
35:11où on a vu des foules descendre dans la rue
35:13contre l'article 49-3.
35:15Est-ce que l'ancien secrétaire général de l'Elysée
35:18pouvait imaginer un jour que la foule allait descendre
35:21contre l'article 49-3 ?
35:23Donc, effectivement, il y a un mélange.
35:25Je vais appeler ça, moi, le dérèglement démocratique.
35:28Il y a un dérèglement climatique
35:30et un dérèglement démocratique, comme vous l'avez dit.
35:33Les Français considèrent qu'ils ne sont pas écoutés,
35:36qu'ils ne sont pas pris en compte,
35:38et alors, là, à mon avis,
35:40effectivement, ça revient à la source même,
35:42je vais très vite,
35:44à la source même de la Vème République,
35:46dont on oublie, article 3,
35:48que la souveraineté nationale appartient au peuple,
35:51qu'il exerce par ses représentants et par le référendum.
35:54Pas de référendum depuis 2005.
35:56Les Français ont l'impression qu'on ne les consulte pas.
36:00D'où les gilets jaunes et leur histoire
36:02de référendum d'inégalité citoyenne.
36:04Alors, justement, sur ce sujet-là,
36:07vous venez de parler, Olivier Paslec,
36:09vous dites qu'il y a une crise de confiance
36:12entre les politiques qui nous gouvernent,
36:14non seulement les représentants des oppositions,
36:17mais la méfiance des citoyens.
36:19Alors, posons la question,
36:22si on va vers ce parlementarisme raisonné
36:26et, disons, si le parlementarisme prend le pouvoir,
36:30aujourd'hui, au détriment de l'exécutif,
36:34à votre avis, qu'est-ce qu'il faut faire ?
36:36Un recours à la proportionnelle intégrale,
36:40des référendums sur les questions de société
36:44qui intéressent les Français,
36:46notamment l'immigration, la sécurité,
36:51une présidentialisation du régime
36:54pour accentuer ce parlementarisme ?
36:58Quelles sont vos propositions ?
37:00Jean-Christophe Cambadélis.
37:01Il faut que les partis politiques se remettent en cause,
37:05parce que vous pouvez avoir les meilleures formes
37:08constitutionnelles au monde
37:10s'ils ne sont pas soutenus
37:14par des discours politiques
37:16et par une orientation
37:19qui permettent de surmonter cette crise du résultat.
37:22Ce que voient les Français, c'est qu'il n'y a pas de résultat.
37:26Sinon, Pôle Ouest ou l'échahue,
37:28franchement, ce n'est pas ce qui les choque.
37:30Ca peut nous choquer, nous.
37:32Quand vous parlez de pas de résultat,
37:34vous voulez dire...
37:35Sur le plan économique, social, quotidien,
37:38dans tous les domaines.
37:39Il y a une dichotomie entre ce que l'on crie
37:42et ce que l'on fait.
37:43Donc, les Français ont parfaitement vu cela.
37:46Et deuxièmement, je crois que la Ve République,
37:50avec le scrutin uninominal à deux tours,
37:54avait introduit de la stabilité
37:58dans une situation
37:59où la IVe République était instable.
38:02Aujourd'hui, ce système
38:05est submergé par les populistes
38:08et a conduit à un émiettement politique.
38:13Eh bien, il faut un nouveau mode de scrutin,
38:16qui n'est pas définitif,
38:18dont je connais parfaitement les travers, etc.,
38:21qui permettent de redonner de la stabilité politique,
38:25aujourd'hui, et c'est la proportionnelle.
38:28Avec la proportionnelle...
38:29-"Proportionnelle intégrale"...
38:31-"L'autre", c'est autre chose.
38:34On verra. L'essentiel, c'est la proportionnelle.
38:37Parce que là, oui,
38:39pour moi, l'élément politique essentiel,
38:42c'est que ça libère les partis de gouvernement
38:45de la pression des populistes
38:47et de la nécessité d'être en connivence
38:50ou en alliance avec eux.
38:52On voit très bien la dérive de la droite
38:54vers l'extrême droite
38:56et la dérive du Parti socialiste vers l'extrême gauche.
39:00Et deuxièmement, cela oblige
39:02à une question essentielle pour affronter
39:05les problèmes auxquels les Français sont confrontés,
39:08à des coalitions.
39:10A partir de là, vous avez une majorité au Parlement
39:13et vous pouvez agir.
39:15Vous êtes favorable à ça, Olivier Passelet ?
39:17Oui, je dois dire que je suis tout à fait d'accord
39:20avec cette analyse,
39:21parce que, bon, moi, je suis membre du Parti radical.
39:26Je suis d'ailleurs le seul élu radical de Paris aujourd'hui.
39:30Donc, moi, je pense qu'effectivement,
39:32en 1986, François Mitterrand,
39:34dans une intention plutôt malveillante,
39:37avait voulu essayer de passer à la proportionnelle
39:40pour empêcher le RPR et l'UDF d'avoir la majorité,
39:42mais malgré ça, avec cette proportionnelle départementale,
39:46il y avait eu une majorité et la première cohabitation.
39:49Moi, je pense qu'à partir du moment où, moi, je vous ai dit,
39:52c'est un avis personnel,
39:54je suis pour un régime parlementaire plus affirmé,
39:57parce que je crois que vous l'avez dit,
39:59à la base, la Vème République, la Constitution de 58,
40:02met en place un régime parlementaire,
40:04parlementaire, avec ses trois éléments clés,
40:07et l'article 20, c'est le gouvernement
40:09qui détermine et conduit la politique de la nation,
40:12pas le président de la République.
40:14Je suis pour une reparlementarisation.
40:16Est-ce qu'on pourra y arriver avec la crise
40:18qu'on traverse actuellement ? J'en doute beaucoup,
40:21parce que je n'ai pas, en réalité,
40:23une très grande confiance dans la possibilité
40:27d'Emmanuel Macron de maîtriser tout cela,
40:30car je pense que, pour lui, c'est plutôt le début de la fin.
40:33Ce qu'on ne veut pas voir, c'est qu'aussi, là encore,
40:36mais ça, c'est encore une disposition constitutionnelle
40:39qui a toutes ses conséquences politiques.
40:42Il ne peut pas se représenter.
40:44Alors, comme l'avait très bien dit Bayrou en 2022,
40:48effectivement, tous les macronistes sont orphelins.
40:51On a déjà M. Philippe qui s'est déclaré.
40:54Regardez M. Attal.
40:55Donc, je pense qu'il va avoir beaucoup de problèmes.
40:59Beaucoup de problèmes.
41:00Oui, alors, Frédéric Salabarou,
41:02référendum proportionnel,
41:05qu'est-ce que vous voyez comme remède cosmétique ?
41:09Il ne faut pas de remède cosmétique.
41:11D'abord, oui, il faut agir,
41:15parce que, si on fait un peu d'histoire,
41:17mais c'est toujours utile,
41:19la Révolution française, elle part d'un problème budgétaire majeur,
41:23je crois que le premier budget de la France doit être daté de 1787,
41:26et puis de la convocation des Etats généraux.
41:29Aujourd'hui, la convocation des Etats généraux,
41:31la dissolution y ressemble.
41:33Il y a quelque chose qui est de même nature,
41:35on pense, en utilisant un instrument institutionnel,
41:38qu'on va apporter des réponses.
41:40Qu'est-ce qui se passe ensuite ? Les choses échappent.
41:43On s'interroge souvent sur la Révolution française,
41:46personne ne la définit,
41:47parce que c'est une réaction en chaîne.
41:50Les choses peuvent échapper.
41:51Est-ce que, quand on dit...
41:53Elles ont commencé à échapper,
41:55monsieur Cambadélis, et je pense que c'est juste.
41:58La deuxième chose, il faut agir sur la Constitution
42:02ou sur le mode de scrutin.
42:03J'entends très bien ce que vous dites
42:05en termes de rééquilibrage politique.
42:08Je ne suis pas favorable à la proportionnelle
42:11ni à ce qu'on bouge sur la Ve République.
42:13Il y a une crise, il faut essayer de la maîtriser
42:16et puis passer ce moment,
42:18parce que, derrière, la Constitution de la Ve République
42:22offre des avantages qui sont très importants.
42:25Si on a un président ou une présidente bien élue,
42:28on lui donnera une majorité
42:30et ça permet d'agir de manière beaucoup plus efficace.
42:34Or, c'est ce que j'essayais de dire au début,
42:36le vrai problème,
42:39il n'est pas sur les institutions,
42:41il est sur le fait que l'économie européenne
42:43et l'économie française s'effondrent.
42:46Il suffit de lire le rapport Draghi pour s'en rendre compte
42:49et que ça conduit à une crise sociale qui est majeure.
42:53Le pilier de la démocratie, aujourd'hui,
42:55c'est la classe moyenne,
42:57et la classe moyenne est rentrée en martyr,
42:59c'est ce que vous disiez, sur les questions de vie quotidienne,
43:02et pas seulement les taux de chômage.
43:05Quand on regarde ce qui se passe sur les prix de l'alimentaire,
43:0849 % des familles...
43:10Le logement, le logement.
43:1249 % des familles en France
43:15ont réduit les portions qu'elles mettaient,
43:17qu'elles utilisaient ou qu'elles mettaient pour leurs enfants
43:21dans les repas.
43:22C'est des questions sous-jacentes.
43:24Tant qu'on n'aura pas les moyens de traiter ces sujets,
43:27la crise va se renforcer.
43:28Je ne crois pas qu'un parlementarisme le permette.
43:31Frédéric Salabarou...
43:33Mais le débat est justement posé par...
43:35Recourir à la proportionnelle ou à des référendums,
43:38c'est pas toucher à la Constitution.
43:40Ca, c'est des...
43:42On peut...
43:43On peut le faire aujourd'hui, ou alors...
43:46Mais la Constitution,
43:47c'est pas seulement le texte de la Constitution.
43:50La Constitution de la Ve République,
43:52elle est aussi fondée sur le fait
43:54que le mode de scrutin permet au président de la République
43:57et à son gouvernement,
43:59même s'il y a la lettre de la Constitution
44:01avec l'article 20,
44:02de pouvoir agir fortement
44:04dans un pays qui est un pays gaulois,
44:07qui a tendance à se diviser les uns contre les autres
44:10et même à l'intérieur de soi-même,
44:12et dans des moments, on en a besoin.
44:14Donc, le mode de scrutin, c'est une loi simple, c'est clair.
44:18Donc, on n'a pas besoin de toucher à la Constitution.
44:21Parce que le mode de scrutin, à mon sens,
44:23est politiquement une des composantes
44:25de la Constitution de la Ve République.
44:28Mais ça, c'est un débat...
44:29Disons du régime.
44:30Du régime.
44:32Parce que le mode de scrutin dépend d'une loi.
44:35Vous avez raison, comme toujours, monsieur le professeur,
44:38du régime.
44:39Anne-Jarlène Bézina voulait intervenir.
44:41Oui, parce que je crois très juste
44:43cette vision du général de Gaulle,
44:45qui consistait à dire que la vie politique et constitutionnelle
44:49se construit en pages.
44:50Et il avait un Premier ministre par page,
44:53il avait cette idée-là.
44:55Je crois qu'on a un premier temps qui va être budgétaire.
44:58Et ce temps-là, étant court,
45:00il va être sûrement plus long
45:01que l'adoption d'un budget traditionnel
45:04à la fin du mois de décembre,
45:05un automne budgétaire facile à ficeler.
45:07Cette question soutend la question économique,
45:10la question sociale du pouvoir d'achat.
45:12On va se préoccuper longuement de cette question budgétaire.
45:16J'espère au fond des choses.
45:17Il y aura forcément une deuxième page.
45:19Pour moi, la crise remonte bien avant cette dissolution.
45:23On l'a datée de 2005.
45:24On a parlé des Gilets jaunes.
45:26Il y a une crise de l'écoute,
45:27et on l'a dit, de la représentativité
45:30des représentants.
45:31Il faut revenir à la source, en quelque sorte,
45:33et écouter le peuple.
45:34Le référendum peut être l'outil,
45:36peut-être même une réforme de la Constitution
45:39qui donne ce référendum pétitionnaire
45:41qui avait été ambitionné par les Gilets jaunes,
45:44ne serait-ce que pour que la Constitution
45:46vive à nouveau comme étant l'instrument
45:48de protection du peuple.
45:50C'est ce champ lexical qu'on a complètement perdu.
45:52Mais je terminerai par là.
45:54Je crois avant tout que la réponse est politique.
45:57Je vais dire quelque chose de très impopulaire dans la période,
46:00et je l'assume.
46:01Je crois qu'on doit avoir en tête
46:03que le mode de scrutin ne sera pas la solution
46:06à tous les maux de la crise institutionnelle
46:08que nous vivons.
46:10Parce que ce mode de scrutin,
46:11je ne suis pas certaine qu'il crée
46:13ces alliances très naturelles en a posteriori
46:17et pas uniquement en a priori.
46:19En réalité, il faut arriver à se mettre d'accord.
46:21Parfois, sous la IIIe et la IVe République,
46:24on a vu des coalitions se faire avant.
46:26Il faut trouver une culture,
46:27il faut réhabiliter les partis avant d'arriver
46:30à mettre une proportionnelle.
46:31C'est la cerise sur un gâteau
46:33qui doit se constituer au sein de la société.
46:36Elle n'est pas prête.
46:37Je ne dirai pas qu'il y a des dissensions entre vous,
46:40mais il y a plus que des...
46:41Il y a plus que des nuances.
46:45Alors, concernant la Constitution,
46:48c'est vrai qu'une Constitution,
46:51sa viabilité, elle est constatée par sa durée.
46:55La Constitution de la Ve est là depuis trois quarts de siècle.
46:59Bon.
47:00Est-ce que vous êtes d'accord
47:03avec cette appréciation d'un politologue
47:06qui connaît bien ces questions, Jean-Éric Schottel,
47:09qui dit que si on touche encore à la Constitution,
47:15ce sera la dernière pelletée de terre
47:18sur le cercueil de la Ve République ?
47:20C'est un peu l'avis, d'ailleurs, de Frédéric Salabarou,
47:24qui dit qu'il ne faut pas trop toucher
47:26et revenir plutôt à quelque chose de majoritaire.
47:28Jean-Éric Schottel est un juriste,
47:31ce n'est pas un politologue, c'est un grand juriste,
47:34ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.
47:37Ce que je voudrais dire,
47:38pour rebondir, ce mot est très mauvais,
47:42pour enchaîner sur ce qu'a dit Frédéric Salabarou,
47:44c'est que, certes, évidemment, c'était la grande vertu
47:48de la Ve République, ce fait majoritaire.
47:50Le seul problème, et je reviens toujours à mon obsession,
47:54c'est qu'il faut savoir utiliser les institutions
47:58de façon, je dirais, pertinente.
48:00Or, le fait d'élire un président
48:03et, dans la foulée, de lui donner une majorité
48:06a conduit à une sorte d'hyperprésidentialisme
48:09qui ne me convient pas.
48:11Quand Sarkozy disait que le Premier ministre
48:13était son collaborateur, ce n'est pas la lettre
48:16ni l'esprit de la Ve République.
48:18Là, tout naît en un mot.
48:20Au moins, Jacques Chirac avait une conception
48:22qui me plaît beaucoup, car il était très parlementaire
48:25et, jusqu'au bout de deux ans, il a donné le pouvoir à la gauche
48:29pendant cinq ans. C'est magnifique.
48:31Même après, pendant son quinquennat,
48:33il laissait une latitude, je pense, vous n'avez pas me contredire,
48:36il n'a jamais dit, Raffarin est mon collaborateur, etc.
48:40C'était le cas aussi du général de Gaulle.
48:43C'était le cas du général de Gaulle.
48:45L'exercice de la Ve République...
48:47Le problème, il est là qu'on respecte les institutions,
48:50qu'on applique la Constitution.
48:52Un dernier mot, revenons à ce qui a déclenché
48:55la crise actuelle, c'est cette dissolution.
48:59C'est un acte de démence constitutionnelle,
49:02injustifié et injustifiable,
49:05conforme ni à la lettre ni à l'esprit.
49:08Et la lettre, juste un mot sur la lettre,
49:10vous savez bien que Gabriel Attal a appris
49:12qu'il y avait une dissolution.
49:14En fait, il n'a pas été consulté.
49:17Il a été, alors que l'article 12 lui impose une consultation.
49:22Donc, il a dit, il a été mis devant le fait accompli.
49:25Alors, laissons un peu l'actualité immédiate
49:29pour une prospective.
49:30Est-ce que...
49:32Dans le préambule de la Constitution,
49:35il est question de veiller aux services publics.
49:38Bon.
49:39Et ces services publics sont en mauvais état.
49:42Par ailleurs, dans certaines constitutions,
49:45on établit, j'allais dire, des digues
49:49pour éviter l'état de faillite financier d'un pays.
49:54Est-ce que vous êtes favorable
49:56à ce qu'il en soit de même en France,
49:59de telle manière à ce qu'une majorité politique
50:03ne puisse pas faire ce qu'elle veut,
50:06entraver complètement, si je puis dire,
50:10le fonctionnement tranquille
50:14et au profit des citoyens ?
50:17Frédéric Salabat.
50:19Je pense que c'est toujours la même question.
50:21Vous l'avez dit, madame, la question,
50:24c'est pas les textes, c'est pas les lois,
50:26c'est le sous-jacent politique avec la question essentielle,
50:30est-ce qu'on écoute ou pas les gens ?
50:32Les règles financières existent dans les traités européens.
50:36Aujourd'hui, il n'y a pas plus...
50:38Mais ça ne concerne pas le budget de la France.
50:403 % de déficit.
50:41Bien sûr.
50:433 % de déficit.
50:44La fameuse règle d'or.
50:45Oui, mais c'est pas respecté, vous le savez bien.
50:48C'est une règle européenne.
50:50Je crois que ce que montre la vie politique...
50:52Et la dette, c'est la politique ?
50:54C'est les agences de notation.
50:56Ces traités, ce sont des obligations impératives.
51:01Après, la vie politique et les rapports entre Etats
51:05fait que, même hors des crises,
51:07ils peuvent ne pas être respectés.
51:10C'est toujours la même chose.
51:12On peut mettre ce qu'on veut dans la Constitution,
51:15notamment des règles avec des plafonds
51:17et pas juste le décalque, d'une autre manière,
51:19des traités européens.
51:21Ca suffira pas, parce que les institutions,
51:25elles peuvent pas régler par elles-mêmes
51:27toutes les questions qui sont dans le domaine de la vie
51:30et la vie politique.
51:32C'est la vie encore plus intense.
51:34Et donc, tout sera une question d'exercice.
51:37On peut vouloir encadrer un peu plus
51:41les problématiques budgétaires, de dette,
51:43et après tout, pourquoi pas, ça sera salutaire.
51:46Mais à l'arrivée, c'est la conscience politique,
51:50l'exercice politique qui déterminera les choses.
51:54Et quelque part, heureusement,
51:56parce que sinon, en fait, on serait plus
51:58dans une démocratie constitutionnelle,
52:01mais dans une prison constitutionnelle.
52:03Hanne-Charlène Bézina, là-dessus ?
52:06Je rejoins assez largement.
52:07On retombe sur notre problématique de l'Etat de droit.
52:10C'est ça, l'Etat de droit,
52:12c'est l'acceptation par l'Etat de limites du droit.
52:15Mais précisément, c'est aussi l'acceptation
52:18d'un champ qui n'est pas celui du droit.
52:20Et inscrire des garde-fous dans la Constitution,
52:23on pourrait tout à fait, à nouveau, ajouter,
52:25on pourrait considérer que certains services publics essentiels
52:28doivent avoir notamment du financement.
52:30Mais ces éléments-là, ils sont déjà présents dans les textes.
52:33Ils sont déjà présents dans les textes organiques,
52:35constitutionnels, pour les finances et pour les services publics.
52:37Donc, les juges pourraient tout à fait s'en saisir.
52:39Mais encore une fois, leur fera-t-on suffisamment de confiance
52:42lorsque leurs décisions arriveront
52:43pour que cela ne soulève pas, à nouveau, une forme d'illégitimité ?
52:47Donc, je crois qu'en fait, on navigue très bien
52:49lorsque le droit laisse aussi le champ aux majorités
52:52de faire et de défaire.
52:55Je crois qu'il ne faut pas qu'il y ait de tabou sur l'idée
52:57qu'une majorité peut déconstruire
52:59ce que la majorité, avant elle, avait fait.
53:02C'est la logique de la démocratie délibérative et parlementaire
53:05à laquelle, finalement, la Ve République tient.
53:08Il y a des piliers, il y a des limites,
53:10mais le pouvoir politique est roi dans les limites du droit.
53:14Oui, Olivier Paslec, pour vous aussi,
53:16il n'y a pas nécessité de rajouter des gardes-fous constitutionnels
53:21pour éviter un état de faillite financier ?
53:24Frédéric Salabarou a tout dit sur ce sujet.
53:28Si vous me permettez, je voudrais juste rajouter un petit mot
53:31pour dire que, de façon très paradoxale,
53:33en réalité, je reviens, moi, toujours à la Constitution.
53:35La Constitution de 1958 a été faite par le général de Gaulle,
53:39par Michel Lebré, par un groupe de conseillers d'Etat,
53:42mais jamais ils n'ont eu l'idée
53:44qu'il y aurait une majorité absolue, en fait.
53:47En réalité, tout ce parlementarisme rationalisé
53:49qu'on a mis en place, que vous avez pratiqué comme député,
53:52était fait justement pour ça,
53:55permettre au gouvernement de ne pas tomber tous les jours,
53:58comme Robert Schuman,
54:00investi un soir et renversé le lendemain,
54:02donc qui lui permettait de pouvoir appliquer son programme
54:06et exercer sa politique.
54:08Et donc, le 49-3 et tout ce qu'on appelle ces procédures.
54:11Donc ça, je pense qu'effectivement, il faut les utiliser,
54:15on l'a déjà évoqué, à propos de la loi de finances.
54:17Jean-Christophe Gambadélis,
54:19est-ce que vous, vous êtes favorable
54:21à ce qu'il y ait des garde-fous
54:25pour éviter une situation économique et financière désastreuse ?
54:29La situation économique et financière est désastreuse.
54:333 000 milliards de dettes, c'est pas rien.
54:36Bon.
54:38Nous sommes hors les clous
54:40des décisions européennes.
54:46Et je pense que notre débat démontre
54:49l'espèce de thrombose dans la vie à l'onnaie.
54:52C'est-à-dire que toute proposition
54:56visant à surmonter la situation telle que nous la connaissons,
55:00qui est une situation de crise,
55:02conduit à d'autres, à des contre-propositions,
55:05qui viennent annuler la première.
55:07C'est-à-dire qu'on a l'impression
55:09qu'il y a globalement une impuissance politique
55:12à régler le problème, et qu'on s'en remet
55:15au fait que les événements vont, par eux-mêmes,
55:19surmonter les difficultés.
55:21Or, aujourd'hui, les acteurs
55:26ne sont même pas conscients de ce qui s'impose à eux.
55:29C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on peut mettre en cause,
55:32dans une commission d'enquête,
55:34le président de la République et sa politique.
55:39On peut décider qu'il y aura un débat budgétaire,
55:44mais on sait que ce débat budgétaire débouchera sur un 49-3.
55:47Et comment voulez-vous que les parlementaires,
55:50qui ont en tête qu'il y a une dissolution possible,
55:54prennent des mesures
55:55qui soient contradictoires avec leur base électorale ?
55:58Vous n'aurez pas de majorité.
56:00Merci. Si vous voulez bien, on est obligés d'interrompre,
56:03bien que la conversation soit extrêmement intéressante,
56:07mais, vous savez, on refera d'autres émissions sur le sujet.
56:11Je vais vous présenter une brève bibliographie.
56:14Alors, concernant notre sujet d'aujourd'hui,
56:17Anne-Charlene Bézina,
56:19vous venez de publier
56:21cette constitution qui nous protège sur XO.
56:25En gros, c'est un abécédaire
56:27pour que chacun sache ce qu'il y a dans la constitution, c'est ça ?
56:32Alors, exactement. L'idée, c'est de reprendre
56:35le texte de la constitution, les 108 articles,
56:38et de les commenter un à un pour donner au peuple
56:41l'envie de relire son texte, de l'éclairer un petit peu
56:45et surtout de raviver cette logique de la protection.
56:48Si vous voulez connaître la constitution,
56:50consultez certains de ses articles quand il y a du débat.
56:53Voilà, écoutez, on le conseille comme livre de chevet.
56:57Frédéric Salabarou, vous avez publié un très beau livre
57:00qui s'appelait Bloom, le magnifique.
57:02Jean-Christophe Cambadélis, vous avez publié plusieurs ouvrages,
57:06hier, aujourd'hui et demain,
57:08mais est-ce que vous préparez quelque chose de très politique,
57:11en deux mots, parce qu'on a très peu de temps ?
57:14Pour l'instant, non.
57:15Je m'occupe un peu de ce qui se passe dans le PS.
57:18Je suis toujours membre du Conseil national du PS.
57:21Et la grande tâche de l'heure,
57:23c'est de remettre en place une formation politique
57:27de centre-gauche, social-démocrate, pour moi,
57:30qui, Léon Bloom,
57:31qui soit en capacité de répondre aux problèmes des Français.
57:36Merci. Alors, Olivier Paslec,
57:38je rappelle que vous avez publié, avec André Roux,
57:42des mélanges en l'honneur de Didier Moss,
57:45qui est un grand constitutionnaliste.
57:47Merci, madame, merci, messieurs,
57:51d'avoir participé à cette conversation brillante.
57:54J'espère qu'elle aura apporté un éclairage
57:57pour nos téléspectateurs.
57:58Merci à l'équipe de LCP
58:01pour avoir permis la réalisation de cette émission.
58:05Merci.
58:06Merci.