• il y a 8 heures
Cette semaine, les invités de Claire Chazal dans « Au bonheur des livres » se connaissent et leurs livres se ressemblent : Guillaume Durand et François Armanet sont en effet deux journalistes et écrivains de la même génération, qui publient chacun un livre passionnant d’entretiens et de souvenirs.Le premier livre dans « Bande à part » (Ed. Plon) une sorte de chronique un peu désabusée de son temps, à travers ses rencontres avec de nombreuses personnalités du monde politique et du spectacle : de David Bowie à Marine Le Pen, de Nicolas Sarkozy à Julien Clerc, les anecdotes sont nombreuses dans cette galerie de portraits en clair-obscur, et sans doute Guillaume Durand en livrera-t-il quelques-unes sur le plateau…Le second donne dans « Vous savez quoi ? Le roman d’un journaliste » (Ed. La Table ronde) un tableau de ses admirations, où la musique et le cinéma ont une part importante puisqu’on y retrouve des entretiens souvent étonnants, réalisés à des époques diverses, avec Lou Reed, Jean-Luc Godard, John Le Carré, Joan Baez, etc. L’ensemble s’apparente alors à une sorte de journal polyphonique et littéraire, qui traverse d’un pas leste et souvent plein d’humour plusieurs dizaines d’années de création.Ce sont en tout cas deux personnalités fortes, éloquentes et chic qui se trouvent réunies sur Public Sénat autour de Claire Chazal : après avoir été des intervieweurs de premier ordre, ils méritaient bien d’être interviewés à leur tour ! Année de Production :

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Transcription
00:00Retrouvez « Au bonheur des livres » avec le Centre National du Livre.
00:25Bienvenue dans l'émission littéraire de Public Sénat.
00:27Je suis ravie de vous retrouver pour un nouveau numéro « Au bonheur des livres ».
00:31Vous le savez, nous essayons de donner envie à nos téléspectateurs de lire des livres,
00:34tout simplement, mais aussi de découvrir ou de mieux connaître leurs auteurs.
00:38Alors, avec nous, deux personnalités singulières, libres, originales,
00:43amoureuses l'un et l'autre de leur métier de journaliste.
00:46Je crois que je peux dire que moi aussi je suis amoureuse de ce métier que je partage.
00:50C'est Guillaume Durand qui parle de culture sur Radio Classique
00:53et François Armanet qui, lui aussi, aime passionnément les artistes
00:55et il en parle dans le nouvel oeuvre.
00:57Alors, tous deux consacrent à leur rencontre,
00:59et au fond, c'est ce qui nous a passionnés dans ce métier merveilleux de journaliste,
01:03à leur rencontre avec des personnalités françaises et étrangères,
01:07politiques et culturelles, et ils nous en offrent des portraits savoureux.
01:13François Armanet, vous publiez, vous savez quoi ?
01:15Le roman d'un journaliste dans lequel on croise
01:17John Bez, Jacques Dutronc, François Zardy,
01:19mais aussi Carson Maculhorst, Salman Rushdie et l'immense Patty Smith,
01:24je dis ça parce qu'elles m'intéressent énormément.
01:27Et puis vous, Guillaume Durand, bien sûr, vous...
01:30D'abord, merci, bien sûr, bonjour à tous les deux et merci.
01:33Et je précise que d'ailleurs, vous pouvez bien sûr intervenir l'un et l'autre sur le livre de l'autre.
01:37Guillaume Durand, bien sûr, vous connaissez bien cette émission
01:39parce que vous l'avez animée l'an dernier.
01:41Vous êtes évidemment journaliste homme de culture,
01:44passionné d'art contemporain, d'art tout court d'ailleurs,
01:47homme de télévision, de radio, vous avez écrit plusieurs livres,
01:51et notamment, et c'est vrai que je le rappelle,
01:53« Mon nom sur l'herbe », qui était un merveilleux livre
01:56qui vous a valu le prix Renaudot, non seulement sur Manet,
01:59mais pas seulement sur tout ce qui est votre compagnonnage
02:02avec l'art contemporain, l'art moderne et l'art tout court.
02:05Voici « Bande à part », ça c'est le titre de votre nouveau livre.
02:09Alors c'est un livre de souvenirs, aussi comme François Armanet,
02:11un livre de portrait, très drôle souvent, touchant,
02:14de ces nombreux personnages que vous avez croisés.
02:18Le livre a pour titre « Bande à part », Guillaume.
02:20Je rappelle que c'est le titre d'un film de Godard,
02:23dont François parle.
02:25C'est le titre de votre émission sur Radio Classique.
02:28Mais qu'est-ce que ça veut dire aussi ?
02:30Ça veut dire que vous, vous êtes toujours considéré
02:32un peu comme en dehors des sentiers battus, différent.
02:37Alors ça, ce serait une énorme prétention.
02:40Je vais vous dire, pas du tout.
02:42Le problème, c'est que depuis dix ans, j'enchaîne,
02:46on va être franc, maladie sur maladie.
02:49Et donc, des anodines et des très graves.
02:53Et donc, forcément, ça vous met à côté des autres.
02:58Différemment.
03:00C'est à cette occasion, justement, que j'ai ressorti
03:03des choses que j'avais bien enfouies
03:05concernant François Mitterrand et Jacques Chirac.
03:07C'est l'un des derniers dîners ou déjeuners,
03:10peu avant qu'ils ne disparaissent.
03:12Et qu'il y en ait aussi face à la maladie.
03:14Voilà, dans des états épouvantables,
03:17que j'ai considéré comme très émouvant.
03:20Avec François Mitterrand à l'âge et avec Jacques Chirac
03:22dans un restaurant chinois à Paris.
03:24Chirac était complètement en dehors de lui-même.
03:26Et François Mitterrand était au bout de lui-même.
03:28Et ça m'a profondément touché.
03:30Je n'aurais jamais écrit sur le moment,
03:32parce que j'aurais trouvé ça totalement impudique.
03:35Mais après, je me suis demandé, au fond,
03:39c'est un peu le sens du livre, et pour faire court,
03:43si cette partition shakespearienne
03:45qu'est la Vème République,
03:47voulue par le général de Gaulle,
03:49avait encore des gens à la hauteur,
03:51en tout cas de l'effort qu'il faut faire
03:53et du sacrifice qu'il faut faire pour diriger notre pays.
03:56Et le sacrifice, il est quand même, en général,
03:58pas très loin de la mort.
04:00C'est vrai, et on a...
04:02C'est un peu tragique pour commencer,
04:04mais je vous dis la vérité.
04:06C'est un point commun que vous avez avec François Armanet,
04:08qui, je dois dire, dans ses portraits aussi,
04:10parle de la mort,
04:12d'artistes qui vont mourir
04:14et que vous rencontrez avant,
04:16ou en tout cas, il y a quelque chose de cet ordre-là,
04:18si je peux me permettre.
04:20D'abord, malheureusement,
04:22quand on a une carrière de journaliste derrière soi,
04:24c'est-à-dire 40, 45 ans de journalisme,
04:26c'est notre point commun avec Guillaume,
04:28même si c'est mon cadet,
04:30à trop peu de choses près,
04:32il y en a un certain nombre
04:34qui, aujourd'hui, sont morts.
04:36Des gens qu'on a rencontrés...
04:38Et qui sont un peu hantés aussi dans leur oeuvre,
04:40et qui sont entrés, alors que ce soit...
04:42Leonard Cohen, bien sûr.
04:44Du côté du livre de Guillaume,
04:46il y a beaucoup d'hommes politiques,
04:48et des artistes,
04:50et des écrivains.
04:52De mon côté,
04:54c'est uniquement des artistes et des écrivains.
04:56Les hommes politiques que j'ai pu rencontrer dans ma carrière,
04:58ils ne sont pas du tout dans ce livre.
05:00Mais effectivement, la mort,
05:02c'était le cas avec François Zardy, par exemple.
05:04Bien sûr, parce que vous dîtes
05:06que vous lui parliez pas très longtemps avant
05:08sa disparition.
05:10Je la connaissais, en tout cas, un peu,
05:12suffisamment pour parler.
05:14Elle parlait très, très, franchement,
05:16très crûment, très nettement,
05:18avec une élégance absolument imparable.
05:20Mais je l'ai rencontrée à divers moments,
05:22et elle était malade
05:24depuis 10, 12 ans avant sa mort.
05:26Et elle souffrait.
05:28Donc, elle a eu le temps d'en parler.
05:30Est-ce que, Guillaume Durand,
05:32le fait que vous évoquiez ces épreuves,
05:34et vous en parliez,
05:36au fond,
05:38on fait que ces portraits
05:40que vous nous présentez sont, j'allais dire,
05:42éloignés du ressentiment.
05:44Il y a quelque chose de plus intense.
05:46Moi, ça sert à rien, aujourd'hui.
05:48C'est une philosophie que, peut-être, aujourd'hui,
05:50vous avez adoptée.
05:52Je ne suis pas bouddhiste comme Léonard Cohen,
05:54mais finalement, même des gens
05:56avec qui j'ai des relations houleuses,
05:58je parle avec eux très tranquillement
06:00parce que ça sert strictement à rien.
06:02Parce qu'au fond, le grand principe
06:04du goût des autres,
06:06ce n'est pas tellement son attitude,
06:08mais c'est ce qu'il vous raconte,
06:10ce qui vous touche.
06:12Prenons Hardy, dans le livre de François.
06:14Elle dit, à un moment,
06:16revoir les lilas au printemps,
06:18c'est quelque chose de fondamental,
06:20après je ne sais pas combien de séances de thérapie,
06:22à l'idée évoquant
06:24les 15 jours où Hendrix
06:26reste chez lui à Paris,
06:28il ne sait pas très bien ce qu'il fabrique.
06:30Il va chez lui, on l'accueille,
06:32il ne sait pas bien ce qu'il va faire.
06:34– Par exemple, c'est la petite différence,
06:36François a toujours travaillé dans des endroits extrêmement chics,
06:38Libération et Nouvelle-Âge, pas moins.
06:40– Soi-disant.
06:42– Oui, mais c'est beaucoup plus chaotique
06:44au regard du bon goût,
06:46parce qu'il y a une chose que Godard
06:48dit dans son livre qui est très importante,
06:50il dit, mon petit Jean-Luc,
06:52il va falloir que tu suives toujours le convoi
06:54parce qu'autrement tu ne seras jamais monsieur Godard.
06:56Il avait compris qu'il fallait
06:58être en gros politiquement correct,
07:00même si lui, il était totalement incorrect
07:02du début jusqu'à la fin de sa vie,
07:04voire même très compliqué.
07:06Il en a vécu une expérience
07:08dans une interview où Godard n'est jamais venu.
07:10Donc c'est quelque chose
07:12de très important,
07:14de consacrer à l'autre
07:16une sorte d'absence de soi.
07:18– Oui, de regard bienveillant.
07:20– On l'écrit après, quelque chose, qu'on est là.
07:22Mais sur le moment, on n'est pas là
07:24pour faire son numéro.
07:26– Ce qui caractérise vos deux livres d'ailleurs,
07:28surtout chez Guillaume Durand,
07:30parce qu'encore une fois, on passe de la politique
07:32à la culture, ou en tout cas
07:34à la musique, à la littérature.
07:38D'abord, il a fallu faire des choix,
07:40j'imagine, pour l'un et l'autre,
07:42que vous choisissiez les portraits.
07:44Mais est-ce qu'on peut dire que vous êtes attiré
07:46par des monstres, entre guillemets,
07:48par des gens qui nous dominent,
07:50qui ont dominé la scène mondiale,
07:52la politique, par leur personnalité ?
07:54– Par exemple, sur Internet actuellement
07:56il n'y a plus une chose que j'ai faite
07:58avec Trump dans les années 80,
08:00en disant qu'il allait avoir un grand avenir.
08:02Parce que c'est un phénomène,
08:04comme vous l'avez dit, on est journaliste.
08:06En fait, il y a deux choses.
08:08Je pense que François, dans son livre,
08:10a fait quelque chose de très touchant
08:12autour des gens qu'il aime, au fond.
08:14Et moi, j'ai essayé de faire quelque chose
08:16de très touchant avec des gens que j'aime
08:18et des gens que je n'aime pas.
08:20Pour des raisons qui sont,
08:22qui sont absolument inexplicables,
08:24et qui sont liées au fait que je pense
08:26que la politique est nécessaire à une société,
08:28que la dissolution de la politique classique
08:30par un certain nombre de gens aujourd'hui
08:32est une tragédie que les gens ne voient pas,
08:34mais qu'ils vont voir arriver très très vite
08:36si on continue.
08:38– On la sent déjà, on est déjà évidemment inquiets.
08:40– C'est-à-dire le rôle du journaliste
08:42qui fait venir par exemple Sandrine Rousseau
08:44pour lui faire dire une horreur
08:46qu'elle va forcément dire pour faire parler d'elle
08:48alors qu'elle est candidate à la direction d'un parti
08:50qui se caractérise par des débats
08:52clé absolue à toutes les élections.
08:54Je ne comprends pas pourquoi
08:56une telle visibilité
08:58avec une si faible importance.
09:00Bon, moi je préfère
09:02aller du côté des gens
09:04qui laisseront une trace.
09:06– Qui laisseront une trace, voilà.
09:08– Et quelquefois des gens qui ont disparu.
09:10Parce que la 5e République, c'est justement ça,
09:12sa caractéristique, c'est que je crois
09:14qu'elle intègre les artistes.
09:16Romain Garry, par exemple,
09:18était compagnon du général de Gaulle.
09:20François Mitterrand, vous le savez,
09:22moins ceux qui ont…
09:24– Beaucoup d'auteurs, oui, il allait les voir chez eux.
09:26– Voilà, qui ont suivi.
09:28Mais elle a aussi
09:30tout d'un coup fait exploser
09:32les gens qui avaient énormément de talent.
09:34Valls, Barouin…
09:36Donc il y a cette violence que j'exprimais au début
09:38entre François Mitterrand et Jacques Chirac
09:40qui ont réussi à tenir
09:42le plus longtemps possible
09:44à la tête d'un État qui est un État turbulent
09:46avec des gens qui sont à la fois
09:48monarchistes et régicides.
09:50Donc c'est très bizarre.
09:52Et au milieu de ça,
09:54je partage totalement le sentiment de François,
09:56c'est-à-dire qu'il y a du côté de l'art
09:58quelque chose qui est beaucoup plus important,
10:00c'est pour ça que je donnais la place à Lévi-Strauss,
10:02qui est beaucoup plus important
10:04et qui surtout nous éclaire.
10:06Et après, je vous donnerai un seul exemple
10:08concernant justement
10:10Claude Lévi-Strauss,
10:12Écopolis, parce que je commence avec l'un
10:14et je termine avec l'autre.
10:16L'Occident aujourd'hui,
10:18avec tout ce qui se passe au Proche-Orient
10:20et ce qui s'est passé au temps,
10:22est coincé entre deux logiques,
10:24c'est-à-dire celle qu'on a inventée
10:26qui est celle de la main tendue à l'autre monde.
10:28On n'est pas simplement des Occidentaux.
10:30C'est donc la grande leçon de Lévi-Strauss,
10:32le grand intellectuel français.
10:34Et de l'autre côté,
10:36vous avez l'Apocalypse Now,
10:38vous avez le capitaine Willard qui remonte le fleuve
10:40parce qu'il faut aller shooter le salopard
10:42qui est Brando, le colonel Kurtz
10:44et aujourd'hui,
10:46si vous voulez, les Américains ont été
10:48largement autant choqués
10:50par le 11 septembre que par Pearl Harbor
10:52et donc il n'y aura pas de pitié
10:54pour ceux qui veulent les détruire
10:56même s'ils ne sont pas d'accord
10:58avec la méthode, d'où le soutien
11:00parfois largement excessif
11:02à Israël, mais
11:04même la diplomatie française,
11:06quand Nasrallah disparaît,
11:08personne ne pleure. Après, il y a un grand problème
11:10qui est soulevé par Lévi-Strauss.
11:12Oui, mais alors Gaza ? Oui, mais alors les Palestiniens ?
11:14Mais alors ceux qui sont là,
11:16pour employer un terme,
11:18on aime bien le film noir tous les deux,
11:20ceux qui ont pour vocation de nous buter,
11:22et d'ailleurs François Hollande l'a fait,
11:24il le dit dans le livre,
11:26il a donné des missions d'exécution,
11:28ceux qui ont pour mission
11:30ou vocation de nous buter,
11:32je parle comme civilisation,
11:34il est hors de question de leur laisser
11:36le temps de la réflexion
11:38même si on a pris du temps, par exemple,
11:40on a cité Hollande,
11:42on a cité Apocalypse Now, on pourrait citer
11:44Obama dans son QG,
11:46avec tout le monde, quand ils vont
11:48chercher Ben Laden,
11:50et que ça donne ce film extraordinaire,
11:52Zero Dark Sortie, donc Catherine Bigelow.
11:54Donc la culture est là pour encadrer
11:56justement la politique. Pour l'éclairer
11:58parfois. Et pour l'éclairer.
12:00Alors, on a bien compris Guillaume, évidemment,
12:02et c'est normal, et on le comprend, et on partage
12:04cette passion pour la politique qu'on a observée
12:06depuis tant d'années, alors vous,
12:08il y a bien sûr énormément de portraits d'artistes,
12:10on l'a dit aussi, notamment pour moi, je suis très touchée
12:12un portrait de Philippe Tesson, magnifique,
12:14qui m'a fait rire et aussi pleurer,
12:16un très joli portrait de Johnny,
12:18on va y revenir.
12:20Vous, François Armanet, le livre s'appelle
12:22Vous savez quoi ?
12:24Alors je précise que vous êtes
12:26l'un des figures de l'Obs,
12:28c'est notamment pour ses pages culture,
12:30et là aussi on va découvrir,
12:32vous souvenir,
12:34donc je le disais, plutôt Dutronc, Hardy et Johnny,
12:3650 rencontres,
12:38et vous dites à un moment, peut-être,
12:40avec un point d'interrogation, un monde qui disparaît.
12:42Vous avez ce sentiment-là ?
12:44C'est un monde disparu, même.
12:46Tout bonnement.
12:48Parce que quand on démarre,
12:50Guillaume, comme moi...
12:52Qui aurait pu avoir le même sentiment, Guillaume.
12:54Oui, en tout cas au début
12:56des années 80,
12:58on peut interviewer trois fois Mick Jagger
13:00longuement.
13:02Aujourd'hui, si les Rolling Stones sortent
13:04d'un album, ils font une conférence de presse
13:06unique à Londres, dans le monde,
13:08avec Jimmy Fallon,
13:10tout est réglé, les questions,
13:12les réponses,
13:14il n'y a la place à aucun imprévu.
13:16C'est peut-être pas uniquement dans les pratiques...
13:18Et c'est les réseaux sociaux.
13:20C'est aussi, peut-être, ça tient à ce que vous dites, à cet ancien monde,
13:22à la personnalité, à ces phares
13:24de la pensée, de la pop mythique...
13:26Oui, pas seulement ça, il n'y avait pas de réseaux sociaux,
13:28c'est-à-dire que la presse avait,
13:30et la presse écrite,
13:32avait un poids incommensurable
13:34par rapport à aujourd'hui,
13:36et les artistes, les écrivains,
13:38quand ils avaient envie de se confronter,
13:40ou de
13:42s'interroger eux-mêmes,
13:44ou de faire participer à ce qu'ils publiaient,
13:46ils avaient besoin
13:48de la presse. Aujourd'hui, c'est plus le cas.
13:50Aujourd'hui, c'est absolument plus le cas,
13:52puisqu'ils la maîtrisent, ils donnent sur les réseaux
13:54exactement ce qu'ils ont envie de donner
13:56au moment T,
13:58ils donnent ça, etc.
14:00Vous, vous avez pu faire des rencontres
14:02au fond plus originales, plus particulières,
14:04à Patti Smith, qui est à la gare du Nord,
14:06elle va, évidemment, acheter la maison
14:08de Pablo...
14:10Oui, où on pouvait être embedded, comme on dit,
14:12c'est-à-dire passer trois jours seuls avec Johnny aux Etats-Unis.
14:14Alors, Guillaume,
14:16il y a pas mal de choses qu'on a partagées.
14:18C'est un monde largement en voie de disparition.
14:20Et est-ce que vous diriez l'un et l'autre,
14:22et François d'abord,
14:24que ces choix que vous faites et que vous nous présentez,
14:26c'est au fond, vous l'avez d'ailleurs dit,
14:28Guillaume, c'est le reflet de votre personnalité,
14:30c'est votre roman, c'est votre livre.
14:32Ce sont des autoportraits,
14:34parce qu'effectivement,
14:36c'est Valéry Larbeau qui disait ça
14:38des écrivains.
14:40Ils n'avaient pas besoin
14:42de faire l'autobiographie
14:44ou de lire une autobiographie de l'écrivain,
14:46regardez simplement les livres qu'il a lus.
14:48Je dirais que pour un journaliste
14:50ou pour les journalistes que nous sommes,
14:52regarder les rencontres que vous avez faites,
14:54c'est celles qui vous ont intéressé,
14:56celles que vous avez eu la chance de faire,
14:58et en tout cas, ça donne...
15:00Ca donne vos goûts.
15:02Ca donne vos goûts et vos goûts de la vie.
15:04Et pour faire ces rencontres,
15:06il faut, de toute façon,
15:08Guillaume, tu le disais, il faut aimer les gens.
15:10Il faut avoir cet intérêt.
15:12Il faut avoir le goût des autres.
15:14En tout cas,
15:16chercher une certaine empathie,
15:18non seulement beaucoup travailler avant
15:20pour les respecter,
15:22tout savoir,
15:24et c'est là qu'il sort des choses...
15:28C'est les moments magiques.
15:30C'est comme dans l'écriture.
15:32Tout à coup, vous avez une phrase, un mot
15:34que vous n'avez pas prévu et qui sort.
15:36C'est ça, l'écriture, qui est fabuleuse.
15:38Et pour un journaliste,
15:40de toute façon, à un moment donné,
15:42Bruce Springsteen vous parlait de sa dépression
15:4430 ans avant d'écrire un livre,
15:46et là, quand vous entendez ça,
15:48vous vous dites...
15:50Ca, c'est un moment rare.
15:52J'entends ça. Je suis témoin de ça.
15:54Et ça, c'est absolument fabuleux.
15:56C'est des moments miraculeux, Guillaume Durand.
15:58C'est vrai, c'est ce que vous dites.
16:00Miraculeux, oui.
16:02Moi, en fait,
16:06j'ai cherché un sens à tout ça
16:08pour justement se dépasser
16:10d'une certaine forme de contentement.
16:12Apollinaire parlait
16:14de la nécessité de l'exil intérieur.
16:16Je n'ai jamais pu faire ça.
16:18Apollinaire, il prend des bombes
16:20pour être très blessé.
16:22Ca n'empêche pas d'écrire les poèmes de Caligrame,
16:24parce qu'il prend des bombes,
16:26mais il faut qu'ils existent.
16:28Moi, je ne suis pas scotidéral,
16:30je ne suis pas apollinaire.
16:32Et donc, finalement,
16:34ce goût des autres, je le revendique,
16:36mais c'est une sorte d'oubli de soi,
16:38parce qu'on n'a pas le talent
16:40qui vous permet d'écrire un recueil
16:42comme Caligrame, ou d'être un beau
16:44et tout d'un coup tout balancer,
16:46ou d'être Jackson Pollock,
16:48ou d'être John Coltrane,
16:50parce que tu parles d'Arthur Bishop,
16:52ou d'être des gens qui ont dominé
16:54complètement leur époque.
16:56Ca, c'est le défaut de notre métier.
16:58Il ne faut pas simplement s'envoyer des compliments.
17:00Le défaut de notre métier,
17:02c'est qu'on est dans l'oubli permanent de nous-mêmes.
17:04Il y a plein de gens qui s'oublient
17:06et qui n'ont pas le privilège qu'on a.
17:08Mais ils nous ont élevés, ces rencontres.
17:10On admet que nous ne sommes pas des écrivains.
17:12La chance, c'est de passer.
17:14Oui, tout à fait.
17:16Ca nous a nourris.
17:18Ca nous a permis de sortir de notre condition de mortel
17:20à certains moments, parce qu'ils nous élèvent,
17:22ces artistes, ces écrivains que vous dites,
17:24ces poètes.
17:26Pour ne pas parler de moi et de François,
17:28ce que j'aime, c'est les petits mots
17:30qui tout d'un coup jaillissent.
17:32Par exemple,
17:34j'ai rempris...
17:36Je cite mon Armanet.
17:38On peut citer son Armanet avec François Zardy.
17:40La mort ne m'a jamais obsédé contrairement à l'amour.
17:42Ca, c'est ce que vous disiez tout à l'heure
17:44dans une conversation pas très longtemps avant sa mort.
17:46Evidemment, c'est déchirant.
17:48L'Amérique,
17:50c'est construit sur le racisme,
17:52la cruauté, l'égoïsme et l'ambition.
17:54C'est Belafonte qui dit ça, qui a rencontré
17:56la veille de sa mort
17:58Martin Luther King.
18:00Et puis, il y a, je ne sais pas,
18:02Jean-Louis Murat et son goût pour la gousse de vache,
18:04alors qu'en même temps, il était très élégant.
18:06Son goût pour Debussy, il explique que
18:08de toute façon, comme auteur-compositeur,
18:10il ne sera jamais qu'un éboueur
18:12parce que Debussy et Baudelaire
18:14sont passés par là.
18:16J'aime beaucoup ça parce qu'il y a
18:18une sorte d'hommage qui est rendu
18:20à quelque chose, comme vous le disiez,
18:22qui nous domine.
18:24Qui nous intéresse, qui nous passionne,
18:26mais qui n'est pas forcément...
18:28Et à la question que vous posiez tout à l'heure,
18:30est-ce que c'était mieux avant ?
18:32La réponse vient plutôt de Jagger que de nous,
18:34puisqu'il a plus d'expérience de la célébrité
18:36et de ses fameuses années 60.
18:38Les années 60 sont incontournables
18:40pour ceux qui ne les ont pas vécues intensément.
18:42Pour lui, 81 ans,
18:44il s'agit toujours sur scène aujourd'hui.
18:46Et il n'y a pas de nostalgie,
18:48même si les grands albums
18:50des Stones sont très loin derrière.
18:52Mais le mythe est là.
18:54Il n'a pas du tout l'intention
18:56de rendre les armes aujourd'hui.
18:58Et c'est un peu vrai
19:00pour certains politiques.
19:02François Hollande, il ne pense qu'à ça.
19:04Même s'il a perdu...
19:06Ceux qui ont été présidents,
19:08continuent de ne penser qu'à ça.
19:10Ce n'est pas Nicolas Sarkozy.
19:12Il a tourné la page.
19:14C'est toi qui fais ça.
19:16Mais Giscard...
19:18Ça a été très long.
19:20Est-ce qu'on peut dire...
19:22Là, on a cité Jean-Louis Murat.
19:24Grâce à vous, Guillaume,
19:26vous faites vraiment ce groupe,
19:28ces mousquetaires du rock français
19:30que vous appelez Christophe,
19:32Bachung, Manset, Murat,
19:34qui sont évidemment tous...
19:36On va ajouter Gainsbourg.
19:38Oui, mais Gainsbourg serait Richelieu.
19:40Si tu prends les autres,
19:42comme des mousquetaires,
19:44Dutronc serait Mazarin,
19:46Gainsbourg serait Richelieu,
19:48Hardy serait Milledi.
19:50Ça, c'est les sept
19:52qui me touchent
19:54ou ceux que j'ai connus
19:56plus particulièrement et intensément.
19:58C'est vrai que Christophe est Aramis,
20:00Bachung, c'est Latos de nos fins dernières,
20:02Manset, c'est Portos
20:04de la vie, malgré tout, absolument.
20:06Et Murat, c'était le d'Artagnan,
20:08c'est le cadet de Gascogne,
20:10celui qui arrive
20:12et qui est un poète absolument incroyable.
20:14Il est...
20:16Alors donc, il n'y a plus que...
20:18Il n'y a plus que deux survivants
20:20sur les sept.
20:22Est-ce qu'on peut dire
20:24que la pop anglaise ou américaine,
20:26et vous êtes ô combien l'un et l'autre connaisseur,
20:30a dominé...
20:32C'est un groupe des artistes français,
20:34bien sûr, ils sont merveilleux,
20:36il y en a tant d'autres.
20:38Mais est-ce qu'il y a une domination
20:40dans ces années que vous évoquez
20:42de l'Amérique ?
20:44Je voudrais dire une chose.
20:46Je pense que c'est une période
20:48qui a eu une caractéristique
20:50double.
20:52La première, c'est que comme nous,
20:54nous étions pas très bien comportés
20:56pendant la guerre,
20:58soit dans la neutralité,
21:00dans l'absence des résistants.
21:02On s'est évidemment rués
21:04sur ceux qui nous avaient sortis
21:06de l'Orléans, c'est-à-dire
21:08l'Amérique et l'Angleterre.
21:10Point numéro un. Point numéro deux,
21:12je parlais de Coppola, on parlait des Stones,
21:14on pourrait parler de Polanski,
21:16de plein de gens, de ces générations-là.
21:18C'est le seul moment de l'histoire,
21:20contrairement justement au XIXe siècle,
21:22on parlait de Rimbaud,
21:24où ce qu'il y avait de mieux
21:26se vendait le plus.
21:28Par exemple, Sir John Pepper,
21:30c'était à la fois un objet
21:32d'une sophistication incroyable,
21:34le mélange du rock et de Mozart
21:36avec leur arrangeur,
21:38George Martin,
21:40et en même temps,
21:4220 millions d'albums en précommande,
21:44un truc complètement dingue.
21:46Les grands films, Visconti,
21:48Fellini, etc.
21:50Or, aujourd'hui, on est retombés
21:52dans un système qui existait déjà avant,
21:54c'est-à-dire dans un système
21:56où on ne peut pas dire,
21:58en tout cas, on ne peut pas dire
22:00que ce qui domine aujourd'hui
22:02le showbiz mondial, c'est ce qu'il y a de mieux
22:04en termes de créativité.
22:06Parce qu'on est passés dans quelque chose...
22:08C'est anglo-saxon.
22:10Oui, mais c'est même pareil en France.
22:12C'est pareil en France.
22:14Donc c'était mieux hier.
22:16Si tu me permets, Guillaume...
22:18C'est une période particulière,
22:20c'est ça que je veux dire.
22:22Non, pas du tout.
22:24Je suis d'accord avec Guillaume
22:26et qui a dû avoir les premiers émois.
22:28C'est simplement une chance,
22:30les années 60, il y a des moments
22:32où il y a des choses plus fortes.
22:34C'est-à-dire, du côté de la musique,
22:36où les Beatles révolutionnent la pop culture
22:38en général,
22:40grosso modo, les Beatles, c'est 63-70.
22:42C'est-à-dire, en 8 ans,
22:44ils doivent faire tous les 6 mois un nouvel album
22:46et quand vous regardez, ne serait-ce que les pochettes
22:48de disques, vous vous rendez compte
22:50que d'une pochette à l'autre,
22:52c'est un monde différent qui surgit.
22:54Donc il y a une intensité absolument inouïe.
22:56Les Beatles, c'est 7-8 ans.
22:58Donc c'est absolument fou.
23:00Il y a des moments
23:02qui sont plus forts, c'est-à-dire que si vous avez...
23:04Alors nous, on a eu la chance, je dirais,
23:06d'avoir 13 ans avec She Loves You,
23:0815 ans avec My Generation
23:10et 18 ans avec Street Fighting Man.
23:12C'est d'être...
23:14C'est d'être là au bon moment.
23:16Tout était en France.
23:18C'est d'être là au bon moment quand il le faut.
23:20C'est une chance. Parce qu'effectivement,
23:22si le 14 juillet 1789,
23:24vous avez 18 ans et que vous habitez
23:26Faubourg-Saint-Antoine, c'est une chance.
23:28Si vous avez 18 ans
23:30et que vous êtes en 1822,
23:32vous habitez au même endroit,
23:34c'est moins intéressant.
23:36Donc il y a aussi des moments historiques
23:38auxquels on a eu la chance.
23:40Il y a des capitales, par exemple.
23:42Dans les années 70, tout se passait aux Etats-Unis
23:44avec... Justement, on s'est passé
23:46de Londres à New York.
23:48Après la guerre.
23:50Vous avez dit 1920 ou après la guerre.
23:52Là, tout se passe à Paris,
23:54puisque tous les artistes étrangers qui fuient
23:56l'Union soviétique, les Juifs,
23:58ils viennent en France.
24:00En partie.
24:02C'est un peu caricatural
24:04ce que l'on peut dire.
24:06C'est une sorte de prime phénoménale
24:08à une tornade
24:10qui est liée au lieu, qui est liée à l'époque.
24:12Et c'est vrai.
24:14C'est vrai dans l'histoire de la Renaissance.
24:16C'est temps fort
24:18et tout d'un coup, des temps plus faibles.
24:20Et surtout, ce qui m'attriste beaucoup
24:22dans le domaine de la politique,
24:24qui est un peu aussi
24:26un des sens du livre,
24:28c'est la perte totalement,
24:30à mon avis, aujourd'hui,
24:32et ce n'est pas du tout
24:34simplement un accablement de l'actuel président
24:36de la République, mais la gloire française,
24:38si vous voulez, elle est quand même...
24:40Elle est quand même de plus en plus diffuse.
24:42Et sur le plan culturel et sur le plan politique.
24:44On est à la périphérie du monde
24:46dans ce domaine-là,
24:48alors qu'on a été souvent au centre.
24:50Ou presque au centre.
24:52Là, tu parles de choses très sérieuses,
24:54mais c'est vrai que les années 60,
24:56c'est un phénomène mondial.
24:58C'est un temps fort
25:00dans le monde.
25:02Pour la France, c'est encore un temps fort.
25:04Si les Anglais et les Américains
25:06révolutionnent le rock,
25:08au sens large,
25:10la France, c'est la nouvelle vague.
25:12Française.
25:14Au cinéma, en tout cas,
25:16touche le monde entier.
25:18Et puis dans les années 60, on a encore,
25:20effectivement, tu disais Lévi-Strauss,
25:22Foucault, Deleuze,
25:24Lacan...
25:26La pensée américaine à un moment, c'est notre philosophie.
25:28Donc il y a encore une pensée française
25:30et il y a encore beaucoup de grands écrivains.
25:32C'est vrai que depuis...
25:34C'est pas une question de nostalgie,
25:36parce que tu citais Jagger,
25:38il n'en a aucune nostalgie.
25:42La nostalgie des années 60
25:44concerne ceux qui ne les ont pas vécues.
25:46C'est exactement ce qu'il dit.
25:48– On va quand même citer d'autres livres,
25:50parce que les deux vôtres sont passionnants
25:52et parce que Guillaume Durand a l'air
25:54d'être un peu sombre,
25:56avec une forme de nostalgie
25:58ou en tout cas peut-être de regret
26:00du fait que la France pallie.
26:02Je suis assez d'accord avec lui.
26:04Mais les livres sont à la fois drôles,
26:06touchants, et je le précise
26:08parce que c'est bourré d'anecdotes,
26:10d'histoires personnelles, de rencontres,
26:12de portraits, et donc évidemment
26:14ça n'a rien de triste.
26:16Je cite aussi Aventure,
26:18c'est une nouvelle excellente revue,
26:20parce qu'il faut aussi parler des revues,
26:22une revue littéraire trimestrielle.
26:24Là c'est son deuxième numéro,
26:26elle est dirigée par Yannick Henel,
26:28très bon auteur, qui est d'ailleurs
26:30sur France Culture, et qui publie
26:32en général des textes de création
26:34d'Himard. Et puis Intrépide,
26:36alors là ça peut vous intéresser,
26:38Ma vie de Pretender, de Chrissie Hynde,
26:40chanteuse,
26:42qui fut le leader de ce groupe
26:44rock de Pretenders,
26:46elle livre tout simplement ses souvenirs,
26:48c'est chez De Noël.
26:50Et puis je me permets de citer une autre journaliste,
26:52c'est Laura Delaire, qui elle parle des femmes,
26:54ça s'appelle La voix des femmes,
26:56alors elle rappelle qu'elle est féministe
26:58depuis toujours, naturellement,
27:00mais qu'en tant que vieille, blanche, hétérosexuelle,
27:02mère, grand-mère d'origine
27:04petite bourgeoise,
27:06elle va, j'allais dire,
27:08apporter ses nuances, son expérience,
27:10son sens de la complexité,
27:12et c'est évidemment très heureux,
27:14aujourd'hui,
27:16elle va enquêter auprès à la fois des françaises
27:18de tous les jours,
27:20mais aussi des grandes figures, des grandes héroïnes
27:22littéraires et historiques du féminisme.
27:24La voix des femmes, voilà, merci infiniment
27:26d'être venue nous voir,
27:28vous savez quoi, c'est le titre de votre livre, François Armanet,
27:30Le roman d'un journaliste,
27:32et vous, Guillaume Durand, c'est bande à part,
27:34et évidemment,
27:36on espère vous revoir très vite
27:38dans la littérature,
27:40et bien sûr dans votre rôle de journaliste.
27:42Merci à tous les deux d'être venus.
27:44Merci Claire.
27:46On se retrouve très vite pour un nouveau numéro de notre émission littéraire.

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