Elle est un visage familier pour des milliers de français. Tour à tour présentatrice météo, mannequin, et animatrice télé elle s'est faite surtout connaitre ses dernières années pour le combat pour la prise en charge des enfants autistes, à commencer par le sien. Des années à plaider pour le droit à la différence, l'inclusion, et la meilleure connaissance d'un handicap trop largement méconnu. Après la disparition de son fils Samy -polyhandicapé et autiste- à l'âge de 17 ans, pourquoi continue-t-elle le combat ? Comment survit-on à la disparition de son enfant¿? Et au sentiment de culpabilité que l'on éprouve ? Comment améliorer les soins pour les enfants autistes ? Cette semaine Eglantine Emeyé est l'invitée de Rebecca Fitoussi dans l'émission Un monde, un regard. Année de Production :
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TVTranscription
00:00Musique de générique
00:22Notre invitée a d'abord conquis vos cœurs à la télévision en tant qu'animatrice.
00:27Canal+, France Télé, TF1.
00:29Vous l'avez connue comme mannequin, journaliste, chroniqueuse.
00:33Et puis un jour, c'est la maman qui est apparue et le prénom de son fils qui a occupé toutes ces prises de parole médiatiques.
00:38Samy.
00:39Samy, son deuxième fils, décédé en 2023 à l'âge de 17 ans.
00:43Samy dont notre invitée a su décrire et raconter le combat contre le handicap et l'autisme sévère.
00:49Samy à qui elle a voué une immense partie de sa vie et de son énergie pour que les enfants comme lui
00:55soient mieux acceptés dans notre société, dans nos villes, dans nos écoles.
00:59Et alors qu'elle aurait pu cesser cette bataille, se reposer, sortir des enjeux liés au handicap, elle a décidé de continuer.
01:06Elle est toujours la présidente de l'association Un Pas Vers La Vie.
01:09Elle organise toujours des événements qui permettent de la financer.
01:13Elle crée toujours des écoles partout en France pour accueillir les enfants atteints de lourds handicaps.
01:18Elle est là, toujours là, moins animatrice aujourd'hui que documentariste et militante associative.
01:24Ce combat sera-t-il le sien à jamais ? Est-ce qu'elle pourrait arrêter de se battre ?
01:29Comment va-t-elle aujourd'hui ? Posons-lui toutes ces questions.
01:31Bienvenue dans Un Monde, Un Regard.
01:33Bienvenue et Glantine Emeyer, merci d'avoir accepté notre invitation.
01:35Merci de votre invitation.
01:36Ici, au Sénat, au Dôme Tournon.
01:38Je ne le fais jamais, mais je vais vous le demander.
01:40Exceptionnellement, comment allez-vous, vous, aujourd'hui ?
01:43Je ne fais jamais ça, mais là, je pense que c'est le moment.
01:46Je crois que je vais plutôt bien, avec évidemment des moments de gros coups de blouse.
01:55La perte de mon fils est encore assez récente, finalement.
01:58Donc, ça reste une blessure.
02:02Mais globalement, je m'en sors.
02:04Mieux que ce que j'aurais pu imaginer.
02:06Et j'aime toujours la vie et je ne suis pas malheureuse.
02:10Je vous pose cette question parce que,
02:12quand on a un enfant qui est atteint de lourds handicaps,
02:15l'entourage a toujours tendance à s'occuper de l'enfant
02:18et à très peu s'occuper des parents, des frères et soeurs.
02:22C'est vrai.
02:23C'est une erreur, c'est une erreur monumentale.
02:25C'est cette erreur, d'ailleurs, que vous essayez de réparer, aujourd'hui.
02:27Oui, alors, en même temps, quand on s'occupe de l'enfant handicapé,
02:29si quelqu'un s'en occupe autrement que vous,
02:31c'est bien, ça vous fait un peu de repos.
02:34Mais les parents et les frères et soeurs sont quand même de grands oubliés
02:39et il y a des dommages collatéraux au handicap.
02:42Et c'est pour ça, au départ, que j'avais créé, moi, cette association,
02:45Un Pas Vers la Vie.
02:46C'est que, d'abord, on n'avait pas de solution pour nos enfants.
02:50Et puis, je ne faisais que rencontrer, dans les hôpitaux,
02:53dans toutes les structures institutionnelles,
02:55des mamans, mais totalement vouées à leur enfant,
02:58qui n'existaient plus autrement qu'à travers cet enfant
03:01et avec un quotidien d'enfer.
03:03Et je me disais, mais ce n'est pas possible, on ne peut pas vivre comme ça.
03:06Et il fallait vraiment pouvoir les aider.
03:08Quand un enfant souffre de lourd handicap, c'est toute la famille qui est touchée.
03:11Vous rappelez souvent ce chiffre, 80 % de ces familles
03:14deviennent monoparentales.
03:16Beaucoup divorcent.
03:19Et où sont les mères qui restent le plus souvent ?
03:22Là, j'ai envie de dire 99 %.
03:25C'est très rare que les pères restent.
03:28Alors, j'ai posé la question, une fois, à différents psychologues.
03:31Et ils m'ont tous donné la même réponse.
03:34Alors, je suis dans un handicap très particulier, l'autisme.
03:37Il y a plus de garçons autistes que de filles.
03:40On ne sait pas pourquoi, mais c'est un fait.
03:42Et apparemment, pour un homme, voire son fils handicapé,
03:45c'est plus difficile à gérer, à assumer, à accepter.
03:48Et donc, il fuit.
03:50C'est la réponse qu'on m'a donnée.
03:52Ce à quoi je réponds, c'est bien beau,
03:54mais nous, les femmes, on ne peut pas fuir, on n'a pas le choix.
03:56Donc, on est là.
03:58Je pense que certaines auraient aimé aussi jouer les autruches.
04:00Alors, comment vous l'expliquez-vous ?
04:02Si on met de côté la vie des experts ?
04:04Moi, comment je l'explique ?
04:06Je pense que, de toute façon, il y a beaucoup de divorce dans les couples, en général.
04:08Que la vie d'un couple, pour qu'elle dure longtemps, c'est pas facile.
04:11Qu'un couple vit des épreuves, et que celle-là, c'est un tsunami.
04:15Elle est monumentale.
04:17Ce que j'ai fait,
04:19c'est que je me suis jetée à corps perdu dans la bataille,
04:21avec cette impression qu'il ne fallait perdre aucune seconde
04:23pour aider mon fils.
04:25Je peux comprendre que mon conjoint, lui,
04:27à l'époque, ait eu besoin d'un peu plus de temps
04:29pour démarrer, mais moi, je ne voulais pas attendre.
04:31Et ça crée un décalage.
04:33Et après,
04:35finalement, il est resté sur le bas-côté,
04:37j'avançais au quotidien, et à un moment,
04:39c'est cruel, mais
04:41vous avez une vie tellement remplie,
04:43ça ne s'arrête jamais, c'est nuit et jour,
04:45c'est beaucoup de logistique, c'est beaucoup de pression,
04:47en fait, que vous n'avez plus
04:49beaucoup de temps à accorder à l'autre.
04:51Et là, le couple, il se perd.
04:53Vous avez souvent parlé de la culpabilité
04:55que vous avez ressentie, et qu'on a voulu
04:57vous faire porter. Vous avez déclaré
04:59un jour, c'est monstrueux ce qu'on a voulu
05:01me faire porter, j'ai su très vite que Samy
05:03n'était pas comme les autres, aucun pédiatre n'a voulu
05:05me le confirmer, j'étais soi-disant
05:07une maman angoissée.
05:09Quand le diagnostic est tombé, on m'a accusée
05:11alors de mal m'en occuper.
05:13Dix ans après avoir dit tout cela,
05:15est-ce que vous pardonnez,
05:17vous comprenez, vous excusez ?
05:19Assez facilement, je crois que je ne suis pas
05:21très rancunière. Je pardonne
05:23et je comprends l'ignorance
05:25à l'époque de beaucoup
05:27de personnes auxquelles j'ai eu affaire.
05:29Je crois que la plupart des médecins n'y connaissaient
05:31absolument rien, ce qui est encore
05:33un peu le cas aujourd'hui, mais ils ont été un peu
05:35informés quand même que les mères ne sont plus responsables.
05:37Notamment grâce à vous, grâce à votre combat.
05:39Voilà, il y a beaucoup d'autres associations
05:41aussi qui se sont battues, mais
05:43j'ai tendance à penser qu'aujourd'hui
05:45on écoute un peu mieux les mamans.
05:47Ce n'est pas encore ça.
05:49Après, la culpabilité,
05:51quand on m'accusait de ne pas bien m'en occuper,
05:53je pense que
05:55ça arrive encore, malheureusement.
05:57C'est-à-dire que quand vous avez un enfant handicapé, on vous demande
05:59d'être à la fois sa mère, mais aussi
06:01son éducatrice. Et ça, je trouve
06:03ça terrible, en fait.
06:05Moi, tout ce que je voulais, c'était pouvoir donner son bain
06:07à mon fils, le faire des câlins, jouer avec lui,
06:09mais je n'avais aucune envie de passer deux heures
06:11à lui dire de regarder ma cuillère
06:13avant que je lui donne quelque chose. Il fallait que j'aie son regard
06:15une seconde. Enfin, il y a des règles très précises.
06:17C'est très dur.
06:19Et en plus, quand c'est votre propre enfant,
06:21et qu'il n'y a pas de réponse immédiate
06:23à ce que vous espérez viscéralement,
06:25vous vous effondrez
06:27et vous n'avez plus la même patience. En fait, je pense
06:29que je serais meilleure éducatrice pour un enfant handicapé
06:31qui n'est pas le mien.
06:33Les enjeux ne sont pas les mêmes. Les enjeux affectifs ne sont pas les mêmes, bien sûr.
06:35Globalement, vous dites que les médecins
06:37sont mal ou peu informés à l'autisme.
06:39Aux autismes, dites-vous d'ailleurs.
06:41Il vous a fallu aller au Canada
06:43pour apprendre à calmer les crises violentes
06:45de votre fils. Ici, il n'y avait pas
06:47un médecin qui vous disait, par exemple,
06:49que pour calmer Samy, pour l'apaiser,
06:51il fallait juste éteindre la lumière, par exemple, que tout le monde sorte de la salle.
06:53Mais même
06:55tous les spécialistes de l'autisme
06:57que je rencontre encore aujourd'hui, des gens qui vous disent
06:59« Moi, j'ai été formée,
07:01je connais, j'ai un centre
07:03spécialisé », enfin, ils n'y connaissent
07:05rien. Jusqu'à
07:07donc il y a encore deux ans, c'est moi
07:09qui ai dû apprendre à des personnes qui
07:11au quotidien s'occupaient de mon fils
07:13avec beaucoup d'amour et beaucoup d'attention.
07:15Mais c'est moi qui ai dû leur dire « Mais quand il
07:17commence une crise de nerfs, première chose,
07:19vérifiez s'il a une douleur ». Moi, je
07:21donnais d'abord un doliprane. Si au bout de 20 minutes
07:23il ne se calme pas, c'est qu'il y a autre chose
07:25et je pense que c'est sensoriel, c'est ce qu'on m'a appris
07:27au Canada. Je dis « Mais là, vous calmez tout ».
07:29Et on était avant, deux,
07:31trois à le maintenir pour qu'il évite de se faire mal.
07:33Et en fait, ça l'énervait encore plus.
07:35Donc, tout ce que je savais
07:37moi, que j'ai appris au Canada, en Hollande
07:39où je suis allée aussi, enfin... – Mais pourquoi au Canada
07:41et aux Pays-Bas, ils savent mieux ?
07:43– Alors, je n'ai jamais trouvé la
07:45réelle réponse. Je pense qu'on a pris beaucoup de retard
07:47dans l'autisme parce qu'on est un pays qui a été
07:49pétri de psychanalyse et on a
07:51d'abord pensé que c'était un problème entre la mère
07:53et l'enfant. Donc, les médecins,
07:55enfin les spécialistes,
07:57s'intéressaient au rapport entre
07:59la mère et l'enfant.
08:01Et c'est pour ça qu'on disait que c'était la mère
08:03qui était incapable, qui n'avait pas su
08:05s'occuper de son fils. Et donc,
08:07il s'abstenait, il se fermait au monde.
08:09Ça a fait un mal
08:11épouvantable à des tas de
08:13personnes autistes et à leur mère
08:15et donc à des couples, des familles. Ça a été une horreur.
08:17Mais ça fait longtemps qu'on est revenus sur cette idée.
08:19Quand je dis « longtemps », c'est une dizaine d'années.
08:21Donc, ça nous a fait prendre
08:23beaucoup de retard. Et on est
08:25comme... Je ne sais pas si les autres pays font pareil,
08:27mais il y a un truc, une façon de fonctionner
08:29que je trouve insupportable.
08:31C'est qu'avant de prendre et de s'approprier ce qui marche
08:33à l'étranger, on veut d'abord essayer, tester,
08:35chercher soi-même.
08:37Et ça fait perdre encore plus de temps.
08:39Et moi, j'ai vu l'efficacité de certaines choses qui avaient
08:41beaucoup d'années d'antériorité à l'étranger.
08:43J'ai un document à vous proposer,
08:45Eglantine Emeyer. Je vais le mettre entre vos mains et je vais le décrire
08:47pour les gens qui nous écoutent.
08:49Un document délivré par nos partenaires, les Archives nationales.
08:51Il s'agit d'un extrait du discours de Simone Veil
08:53lors du colloque « L'autisme, de la biologie
08:55à la clinique » qui s'est tenu les 7 et 8 avril
08:571995.
08:59Elle y annonçait alors un plan d'action
09:01sur cinq ans, élaboré région
09:03par région. Je la cite
09:05« Il devra prévoir la mise en œuvre
09:07d'un programme portant à la fois
09:09sur le diagnostic précoce et sur des prises
09:11en charge adaptées aux différentes classes d'âge
09:13concernées, en tenant compte du libre
09:15choix des familles. Et j'insiste sur ce
09:17point, disait-elle alors, les prises
09:19en charge auront à la fois une composante
09:21pédagogique, éducative et
09:23thérapeutique. Elle avait tout compris.
09:25On était en 1995 à ce moment-là.
09:27C'est dingue. C'est dingue.
09:29Je ne sais pas comment elle a été à ce point
09:31bien informée sur
09:33les besoins qu'on avait. Mais ce qui
09:35est fou, c'est qu'aujourd'hui
09:37encore, il y a une loi qui est passée depuis
09:39la loi du 11 février 2005
09:41qui autorise
09:43justement l'inclusion totale
09:45de ces enfants. Les adultes aussi
09:47ont droit, toutes personnes handicapées
09:49ont droit à une instruction, à l'accès
09:51au travail. En fait,
09:53c'est considéré comme un citoyen à part entière.
09:55Mais aujourd'hui encore, quand j'entends
09:57ce que vous venez de dire, que les
09:59parents aussi ont le choix de l'éducation
10:01de leurs enfants. J'ai encore eu un rendez-vous
10:03juste avant les Fêtes avec
10:05une maison départementale des personnes handicapées
10:07qui refusait
10:09à des parents leur prise en charge, la prise en charge
10:11qu'ils leur demandaient. Moi, je suis allée à un rendez-vous
10:13et j'ai dit, mais il y a la loi, vous n'avez pas le droit
10:15de leur refuser. Et leur réponse a été
10:17très bien, ils choisissent ce qu'ils veulent
10:19mais rien ne m'oblige à le leur financer.
10:21Et là, j'ai pas
10:23de réponse à ça. Je ne suis pas
10:25responsable des finances de la MDPH
10:27et je ne peux pas les obliger,
10:29effectivement, à financer
10:31la prise en charge que demandent leurs parents.
10:33L'autisme et votre
10:35fils, vous y avez consacré plusieurs oeuvres.
10:37Le documentaire Mon fils, un si long
10:39combat, qui a été un vrai film coup de poing
10:41diffusé en 2014. Il y a eu
10:43le livre Le voleur de brosses à dents,
10:45l'ouvrage Tout est mot dans ma tête,
10:47puis le documentaire Samy et les anges de Timone,
10:49film où vous rendez hommage aux soignants qui ont
10:51accompagné votre fils jusqu'au bout.
10:53Aujourd'hui, vous êtes toujours cette présidente de l'association
10:55Un pas vers la vie. Pourquoi vous le continuez,
10:57ce combat ?
10:59Je me suis posé la question très
11:01brièvement. En fait, au tout début,
11:03je me demandais si j'aurais l'énergie et le
11:05courage de voir encore
11:07d'autres enfants et leurs parents et leurs détresses
11:09qui risquaient trop de me ramener
11:11à Samy. Et puis,
11:13en fait, il y avait d'abord un vide
11:15monumental et puis j'aurais trouvé
11:17ça injuste vis-à-vis
11:19de toutes ces familles
11:21que j'ai soutenues. Il y en a beaucoup avec qui je suis
11:23en contact direct et je connais
11:25la douleur et, en fait, le besoin
11:27est tellement énorme que je me
11:29voyais pas lâcher l'affaire
11:31et abandonner tout le monde, en fait.
11:33Et peut-être aussi qu'il y a chez moi
11:35une forme de besoin, d'hyperactivité
11:37pour compenser
11:39parce que je me suis d'ailleurs
11:41jetée dans plein d'activités juste après.
11:43Mais il y a beaucoup de choses,
11:45en fait, qui justifient ça. Il y a des mamans
11:47que je connais depuis des années,
11:49le lien est très fort. Je connais leurs
11:51enfants, ils ont grandi, j'en rencontre
11:53d'autres, des tout-petits que je vois où je me dis
11:55il y a tellement de choses à faire.
11:57Voilà, vous êtes devant, confrontés,
11:59vous pouvez pas leur dire non. Et puis, grâce à votre notoriété,
12:01vous braquez les projecteurs aussi sur
12:03l'autisme et le lourd handicap
12:05et j'imagine que ces familles en ont besoin. Ces familles
12:07en ont besoin et en même temps, ce rôle-là n'est pas
12:09toujours facile parce qu'il y a aussi beaucoup de gens
12:11touchés par l'autisme qui m'ont reproché
12:13ce rôle que j'avais pris
12:15simplement
12:17parce qu'à un moment, le diagnostic
12:19de l'autisme, il est toujours très difficile à poser.
12:21Et que moi, on me disait, mais ton fils, il a bien autre chose,
12:23il est plus handicapé. Oui, mon fils était polyhandicapé
12:25mais dans polyhandicapé, il y a
12:27plusieurs handicaps et il y avait aussi l'autisme sévère.
12:29Et aujourd'hui,
12:31je me demande parfois si on ne me reproche
12:33pas de prendre la parole alors que je ne suis
12:35plus concernée à 100%. Pourquoi vous
12:37vous demandez ça ? Parce que comme on m'a accusée
12:39déjà d'avoir pris la parole parfois à Mauvais Estian,
12:41je peux
12:43me poser la question de cette légitimité-là.
12:45Après, si d'autres personnes veulent
12:47prendre ma position, je leur donne
12:49volontiers et je me mettrai en arrière
12:51et voilà, je le fais
12:53parce que c'est vrai que mon métier me donne l'opportunité
12:55de parler et qu'il est hors de question
12:57qu'on laisse dans le silence toutes ces familles.
12:59C'est une association qui est uniquement
13:01financée par des fonds privés, c'est ça ? Comment ça fonctionne ?
13:03Pas d'argent public du tout ? Non, pas d'argent public.
13:05On l'avait fait à une époque, au tout début.
13:07La première école que j'ai créée était devenue
13:09publique, mais on s'est
13:11confrontés à beaucoup, beaucoup
13:13de difficultés administratives absurdes
13:15qui faisaient que certains enfants étaient retirés
13:17de l'école qu'on avait créée au départ.
13:19C'est des choses toutes bêtes que je comprends
13:21au départ, mais quand vous avez des locaux
13:23et que vous avez une porte, il manque
13:255 cm pour faire passer des enfants handicapés
13:27suivant les règles, on vous
13:29ferme à un espace entier de 80 m2.
13:33C'est des tas de choses comme ça. Il y avait des règles,
13:35il fallait que les enfants rentrent tous exactement
13:37à la même heure. Moi, si un enfant ne supportait pas
13:39de rentrer avec les autres, je demandais à son éducatrice
13:41de l'accueillir dehors et de lui faire
13:43faire un petit tour. En fait, il faut rentrer dans
13:45les clous, il faut respecter toutes les règles
13:47et c'est vrai que je prends le parti
13:49d'assouplir beaucoup de choses
13:51pour qu'on fasse en fonction de l'enfant
13:53et de ses besoins. Avec cette association
13:55Un Pas Vers la Vie, vous créez des écoles adaptées
13:57aux enfants lourdement handicapés.
13:59Aujourd'hui, vous prenez en charge combien
14:01d'enfants ? On en a 91
14:0391 enfants qui sont
14:05pris en charge dans vos écoles. C'est quoi le modèle
14:07de l'école ?
14:09On adore, parce qu'on a fini
14:11avec les années par améliorer le système.
14:13En fait, on trouve des locaux. Là, en ce moment,
14:15la dernière école qu'on a ouverte, elle est à Saint-Maur.
14:17On a une petite maison qu'on a trouvée,
14:19donc il y a un bout de jardin, ça, c'est génial.
14:21Je recrute des éducatrices
14:23conformes, nous-mêmes. On a des
14:25psychologues, évidemment, qui vont superviser les programmes
14:27et on adapte chaque programme à chaque enfant.
14:29En fait, les enfants, ils viennent là.
14:31On appelle ça une école.
14:33C'est officieux, eux.
14:35Ça leur donne l'idée qu'ils font comme tout le monde.
14:37Ils vont à l'école. Ils sont hyper contents.
14:39Ils ont un frère ou une sœur qui part à l'école,
14:41ils vont dans leur école.
14:43Mais on leur apprend pas à lire, à écrire,
14:45pour l'essentiel. On leur donne un moyen
14:47de communication, parce que c'est ce qui crée
14:49beaucoup de crise chez un enfant autiste.
14:51On n'a que des enfants autistes assez sévères.
14:53Donc, en général, ils ne parlent pas.
14:55Ceux qui sont rejetés de partout, d'ailleurs.
14:57Donc, ils ne parlent pas, ils arrivent souvent très agités,
14:59ils ont beaucoup de troubles.
15:01On leur donne un moyen de communication,
15:03par oral, par image ou par signe.
15:05Et puis, on les fait jouer.
15:07Pour leur apprendre, à travers tous les jeux
15:09qu'ils aiment, eux, on leur apprend à répondre
15:11à une consigne, à demander, à faire confiance
15:13en l'adulte. Et puis, après, on les met...
15:15Alors, on a des personnes plus âgées, maintenant.
15:17On leur apprend à faire un peu de potager,
15:19à vendre... On vend des légumes
15:21et des fruits aux voisinages.
15:23Voilà. En fait, on s'adapte
15:25vraiment à chacun.
15:27Est-ce que vous êtes à contre-courant sur l'école inclusive, par exemple ?
15:29Il y a beaucoup de familles qui rêveraient que leur enfant,
15:31même lourdement handicapé, après tout,
15:33ait droit au même enseignement que les autres.
15:35Dans l'absolu, je suis pour à fond.
15:37Ce que je regrette, c'est qu'on soit partis sur l'idée
15:39que tous les enfants, quels qu'ils soient,
15:41devaient aller à l'école inclusive. Et du coup, qu'est-ce qui se passe ?
15:43On ne crée plus de place pour les enfants
15:45les plus sévèrement touchés.
15:47Ça veut dire que ces enfants-là, finalement,
15:49comme ils ne vont pas à l'école,
15:51parce que c'est trop difficile, et pour eux,
15:53c'est même pas utile,
15:55parce qu'un enfant autiste, il est perturbé
15:57toute la journée, agressé par le bruit,
15:59l'environnement. Vous imaginez dans une école
16:01comme ça bouge, c'est très dur pour un enfant autiste.
16:03Donc, pour les plus sévères,
16:05ça sera contre-productif.
16:07Du coup, on crée plus de place pour eux.
16:09Et ça, je pense que c'est une erreur. Moi, je suis pour l'inclusion
16:11à condition que ce soit bénéfique pour tout le monde.
16:13En revanche, je serais hyper pour
16:15qu'on ouvre aussi la cantine,
16:17la cour de récré,
16:19pour tous les autres qui ne peuvent pas y aller,
16:21mais qui, quand même bien accompagnés,
16:23pourraient être heureux
16:25de passer une demi-heure avec un enfant
16:27normal, entre guillemets.
16:29Ils pourraient échanger, ils peuvent jouer
16:31au ballon ensemble. Enfin, ce serait génial.
16:33Partager le repas ensemble.
16:35Mais une journée entière d'école, ou une demi-journée d'école...
16:37C'est intenable. Mais vous pouvez pas demander
16:39à un enfant autiste, insévèrement, d'être assis sur une table
16:41sans déranger les autres,
16:43et à écouter des maths, des Français,
16:45des choses qu'il ne va pas comprendre.
16:47Ça n'a pas de sens. Quel bilan vous faites
16:49de toutes ces années de combat ? Est-ce que vous diriez
16:51qu'il est positif, que vous avez fait avancer
16:53les choses, ou que c'est encore trop lent ?
16:55C'est trop lent, mais je trouve que c'est positif.
16:57Moi, je me souviens, au tout début,
16:59quand je sortais dehors avec mon fils, j'avais beaucoup
17:01de regards d'incompréhension,
17:03de... un peu agressif
17:05sur le mode, elle sait pas s'y prendre avec son fils,
17:07mais elle est nulle, qu'elle le fasse taire.
17:09C'était pas facile. Rentrer dans un café,
17:11parce que mon aîné avait envie de goûter,
17:13et absolument de prendre
17:15un chocolat chaud et un croissant quelque part,
17:17c'était une galère.
17:19Je trouve qu'aujourd'hui, quand on se promène
17:21avec un enfant handicapé, le regard n'est plus le même.
17:23Et même, les dernières années,
17:25avec Samy, je pouvais aller à l'aéroport avec lui,
17:27et s'il faisait tomber mon sac
17:29ou se jetait en arrière, quelqu'un arrivait tout de suite.
17:31Donc, je pense que...
17:33Je trouve que la société
17:35a quand même plus vite progressé
17:37que les institutions.
17:39Ah oui ? Oui. Je trouve que les gens
17:41aujourd'hui, dans la rue, vous leur demandez
17:43« Avez-vous entendu parler de handicap ? Avez-vous entendu
17:45parler d'autisme ? » Je crois qu'aujourd'hui,
17:47globalement, ils en ont une idée, plus ou moins vague,
17:49mais ils savent. Il y a 15 ans, personne ne savait.
17:51Les personnes handicapées, on ne les voyait pas.
17:53C'était quelque chose
17:55qui n'arrivait qu'aux autres.
17:57Dans cette émission, Eglantine Emeyer, on aime bien s'intéresser
17:59au parcours et aux origines de notre invité.
18:01Je vais le faire aussi avec vous.
18:03Vous êtes née à Toulouse, mais vous avez beaucoup
18:05bougé avec votre famille, au gré des affectations
18:07de votre père, au fonctionnaire,
18:09par ailleurs écrivain, comme votre mère, journaliste
18:11et écrivaine. Alors, le raccourci
18:13est peut-être un peu rapide,
18:15mais ce besoin d'écrire, d'exprimer,
18:17de faire des documentaires,
18:19d'écrire des livres, est-ce que ça vous vient aussi de là,
18:21de vos parents ? Sûrement,
18:23parce que ma mère a toujours eu besoin
18:25d'écrire. Et même
18:27en famille, quand il y a un conflit ou quoi que ce soit,
18:29elle règle ça par écrit.
18:31Elle va vous envoyer une longue lettre, où elle s'épanche
18:33et tout ça. Alors peut-être qu'il y a de ça, oui.
18:35Mes parents nous ont toujours plongés dans les livres,
18:37ont toujours beaucoup parlé livres.
18:39Je les ai toujours vus écrire,
18:41même au milieu de la nuit, mon père écrivait
18:43dans sa salle de bain, sur une chaise longue, pour réveiller personne.
18:45Il y a effectivement
18:47un usage du mot
18:49assez familial. Donc je pense que
18:51oui, sans doute... Vous avez eu ce besoin-là,
18:53vous ? J'ai eu ce besoin, avec beaucoup
18:55de gêne, d'ailleurs. J'avais peur que mes
18:57parents estiment le résultat pas à la hauteur.
18:59Et alors ?
19:01Écoutez, ils m'ont fait que des compliments,
19:03mais après, je suis leur fille, est-ce qu'ils ont envie de dire la vérité ?
19:05Je ne sais pas. Est-ce que
19:07vous avez grandi aussi en Nouvelle-Calédonie jusqu'à vos
19:09six ans, et vous aviez deux nounous, moi
19:11j'ai découvert, Alice et Meillet,
19:13et que votre nom d'artiste,
19:15vient de là, votre nom d'origine,
19:17c'est pas du tout Meillet ? Pas du tout.
19:19Incroyable. Non, en fait, je m'étais dit,
19:21j'avais encore, j'ai commencé Miss Météo, faut le savoir quand même,
19:23donc c'est pas facile,
19:25et j'avais des frères et sœurs qui étaient encore au lycée,
19:27et je me suis dit, là, les pauvres, si
19:29on leur parle de leur sœur qui a fait une bourde
19:31à la météo et qui est juste Miss Météo
19:33toute la journée, ils vont prendre cher. Donc je voulais un pseudo.
19:35Et je m'étais dit, tiens, je vais me faire appeler
19:37Alice et Meillet, comme ça le sauront toutes les deux
19:39qu'elles sont là. Mais j'avais du mal à répondre à un autre prénom que moi.
19:41Donc j'ai dit, Alice, je garde le
19:43« et » devant, et je fais « et Meillet » comme ça tu sauras
19:45qu'elle est toujours là. À l'allure de
19:47celle que vous êtes aujourd'hui, quel conseil donneriez-vous
19:49à la petite fille que vous étiez ? Qu'est-ce que vous lui
19:51diriez avant qu'elle ne se lance dans la vie ?
19:53Je lui dirais,
19:55ne prends pas
19:57trop de décisions fermes, la vie est pleine
19:59de surprises, ça sera pas
20:01toujours facile, mais
20:03tiens le coup,
20:05parce que ça en vaut la peine.
20:07Comment le mannequinat
20:09arrive dans votre vie ?
20:11Par hasard. Par hasard,
20:13ma sœur à 16 ans, je pense,
20:15avait répondu à une annonce d'un journal,
20:17elle avait envoyé sa photo,
20:19elle avait répondu,
20:21il y avait une sorte de petit concours,
20:23et on habitait en province, c'était à Paris,
20:25elle ne voulait pas y aller toute seule, donc elle m'a demandé de l'accompagner.
20:27C'est vous qui avez gagné ?
20:29C'est moi qui ai gagné.
20:31J'étais dans le coin
20:33en train de réviser une leçon d'histoire géo,
20:35et on est venu me chercher, et voilà.
20:37Est-ce que ce monde du mannequinat,
20:39de la télévision,
20:41ce monde du showbiz vous a paru
20:43superficiel quand est née
20:45Samy, et que vous avez été confrontée
20:47tout d'un coup à quelque chose de beaucoup plus...
20:49Pas du tout, en fait.
20:51Non, c'est pas la première fois qu'on me pose la question.
20:53Il y a un côté superficiel
20:55dans ce qu'on fait, mais les gens
20:57avec qui on le fait ne le sont jamais,
20:59finalement, et puis
21:01on peut animer des émissions
21:03de divertissement, tout ce que vous voulez.
21:05Oui, il y a beaucoup de parts de superficialité, mais je pense que tout le monde
21:07joue à un jeu. Mais moi, je n'ai eu
21:09à faire... Au début, j'avais beaucoup de pudeur,
21:11et puis petit à petit, les gens avec qui je travaillais,
21:13je me livrais. Parfois aussi, je n'avais pas le choix.
21:15J'étais en train de tourner une émission, et puis on m'appelait,
21:17Samy était en train de faire n'importe quoi,
21:19il fallait que je cours à la maison. Il m'est arrivé de demander
21:21en plein tournage, excusez-moi, il faut que je fasse
21:23un saut à la maison et je reviens.
21:25Je n'avais que des regards
21:27compatissants, gentils, aidants.
21:29Je n'ai jamais eu l'impression
21:31d'avoir affaire à un monde, à ce moment-là,
21:33superficiel. Au contraire, je n'ai eu que des regards
21:35encourageants et aidants.
21:37Et ça n'a pas freiné votre carrière ?
21:39Si, inévitablement.
21:41Inévitablement, parce qu'il y a eu de longues années
21:43pendant lesquelles, honnêtement, j'ai jamais dormi plus de trois heures
21:45d'affilée, donc je pense que je n'étais pas
21:47très brillante intellectuellement,
21:49et qu'en conférence de rédaction, peut-être que je ne disais pas grand-chose.
21:53Et puis, c'est un métier où il faut quand même
21:55être assidue aussi auprès des décideurs.
21:57J'avais vraiment autre chose à faire.
21:59J'ai des photos à vous proposer,
22:01Glantine Emeyer. Ça fait partie des rituels de cette émission.
22:07La première photo que
22:09je voudrais vous montrer est celle-ci.
22:11Il s'agit de Francis Perrin, acteur et
22:13metteur en scène. Vous avez joué dans plusieurs de ses pièces
22:15parce que vous êtes aussi comédienne.
22:17Il a un fils autiste,
22:19diagnostiqué à l'âge de trois ans.
22:21Aujourd'hui, il lui arrive de monter sur scène avec son fils.
22:23C'est une initiative formidable, ça ?
22:25Ah, c'est génial.
22:27C'est formidable parce que son fils
22:29a bien de la chance de pouvoir faire ça.
22:31Je pense que pour lui,
22:33ça a dû être à la fois quelque chose,
22:35une épreuve, un défi qu'il a dû se lancer.
22:37Parce que pour un autiste, se mettre
22:39sur scène, apprendre un texte,
22:41le dire et supporter le regard des autres,
22:43le bruit, c'est énorme.
22:45Vous savez que Francis Perrin, ça a été mon tout premier contact
22:47avec l'autisme. Oui ?
22:49Oui. On a joué une pièce ensemble.
22:51J'étais enceinte de Samy et on a
22:53rejoué ensemble. Je découvrais,
22:55j'étais dans les affres de l'angoisse de mon fils.
22:57Et un jour, j'étais là
22:59avec... Après une répétition,
23:01je devais filer chez un pédiatre
23:03et j'avais demandé si je pouvais emmener mon bébé.
23:05Et Francis l'a vu.
23:07Et j'ai vu Francis devenir blême.
23:09Et j'étais en plein questionnement.
23:11En plein questionnement.
23:13Et je l'ai vu, j'ai dit, qu'est-ce qu'il se passe ?
23:15Et Francis était super emmerdé. Il m'a dit, écoute,
23:17je peux rien dire, mais il faut vraiment
23:19que tu ailles consulter.
23:21Il savait que je m'inquiétais.
23:23Et Francis me fait penser au mien,
23:25mais je ne peux pas me lancer dans ça.
23:27Et ça a été mon tout premier interlocuteur.
23:29Il l'avait senti avant les autres, avant même les médecins.
23:31Une deuxième photo.
23:33Il s'agit de Sophie Cluzel, ancienne secrétaire d'État
23:35chargée du handicap, très concernée
23:37et impliquée. Elle a elle-même une fille,
23:39handicapée, atteinte de trisomie 21.
23:41Depuis Sophie Cluzel, depuis 2022,
23:43il y a eu quatre ministres en charge
23:45du handicap. La succession
23:47de ministres, c'est un problème ?
23:49Alors, je connaissais très bien
23:51Sophie Cluzel, comme je connaissais la précédente,
23:53parce qu'évidemment, avec mon rôle de présidente,
23:55j'ai des besoins et que je vais un peu
23:57harceler au ministère.
23:59Je vous avoue que j'ai arrêté d'essayer
24:01de prendre contact avec ces ministres parce que
24:03c'est une telle valse que c'est long
24:05d'établir, d'avoir déjà un accès
24:07à eux, d'établir une relation
24:09de confiance, de leur montrer ce que vous faites
24:11pour ensuite qu'ils aient confiance en vous
24:13et qu'ils acceptent certaines de vos demandes.
24:15Là, pour que ça change
24:17au bout de deux mois, ce n'est pas la peine.
24:19Quel est le premier ministre chargé du handicap aujourd'hui ?
24:21Charlotte Parmentier-Leprince.
24:23Je croyais que j'allais vous la prendre, mais vous le savez.
24:25J'ai une dernière photo.
24:27Il s'agit de Dominique Farruggia,
24:29acteur et producteur. Il souffre d'une sclérose
24:31en plaques depuis des années.
24:33Lors de la journée internationale des personnes
24:35en situation de handicap, il a poussé un coup
24:37de gueule. Il exprime sa colère face à
24:39l'inaction politique, notamment
24:41sur la question de l'accessibilité des fauteuils
24:43roulants dans les rues, dans la vie de tous les jours,
24:45sur les trottoirs, dans les transports
24:47et pas que aux personnes atteintes de handicap,
24:49aux parents qui ont des poussettes ou aux personnes âgées.
24:51Vous l'avez ressenti, cette colère,
24:53ce qu'il ressent et qu'il exprime ?
24:55Non, parce que je ne suis pas d'une nature colérique.
24:57Mais en revanche, une forme
24:59de détresse et d'injustice énorme.
25:01Vous me citiez,
25:03c'est vrai que quand je me retrouvais à prendre le métro
25:05parce que je n'ai pas toujours
25:07une voiture dans Paris et qu'il faut bien se déplacer,
25:09prendre le métro avec une poussette
25:11ou un fauteuil roulant, c'est un enfer.
25:13Ce n'est pas adapté. À un moment,
25:15je passais, quand j'étais seule
25:17avec mes deux fils, j'ai eu de longues années
25:19où on n'était que tous les trois, j'avais une soeur
25:21qui habitait Montpellier, c'était pour moi un souffle
25:23d'aller la voir, je savais qu'elle allait m'aider avec mes enfants,
25:25passer un week-end là-bas, mais combien
25:27de fois j'ai raté mes trains parce que
25:29l'ascenseur de la SNCF, de la gare de Lyon
25:31ne marche jamais.
25:33Et je n'avais aucune solution
25:35pour rejoindre
25:37le quai. Enfin, c'est un enfer.
25:39Ça paraît dérisoire, mais...
25:41Ça paraît tout bête.
25:42Ça peut foutre la vie en l'air.
25:44Et puis autant vous dire qu'avec un enfant autiste,
25:46quand il y a un moment d'attente, dans un endroit
25:48bruyant, là vous êtes en plein cauchemar.
25:50Il faut prévoir
25:52tout avec l'autisme, il faut leur
25:54montrer ce qui va se passer, leur expliquer
25:56le temps, et quand il y a quelque chose
25:58qui ruine
26:00le fil qui est prévu,
26:02là vous êtes en plein cauchemar.
26:04J'ai une dernière question qui est en lien
26:06avec le lieu dans lequel nous sommes.
26:08Nous sommes entourés de quatre statues
26:10qui représentent chacune une vertu. Il y a ici
26:12la sagesse, la prudence,
26:14la justice, et derrière moi, l'éloquence.
26:16Est-ce qu'il y a une de ces vertus qui vous parle particulièrement,
26:18qui vous caractérise, peut-être ?
26:20Toutes me parlent, évidemment.
26:22C'est difficile, votre question.
26:24La sagesse, la prudence...
26:26La sagesse, je pense que j'ai encore
26:28quelques années avant de l'atteindre réellement.
26:30L'éloquence, j'espère l'avoir
26:32parce qu'il faut que je sois
26:34convaincante, et c'est notre métier.
26:36La justice, il y a beaucoup de travail.
26:38Si on est honnête, on est encore dans un monde
26:40de justice sur tellement de choses.
26:42Et la prudence,
26:44je pense que c'est sans doute celle
26:46qui me caractérise le mieux.
26:48Je suis, comme tout le monde,
26:50je suis un personnage complexe.
26:52Je peux être totalement casse-coups, imprudente
26:54dans plein de dossiers. Il y a des moments
26:56quand je ne sais pas prendre de décision, je me dis, tant pis,
26:58je fonce et on verra bien. Mais en revanche,
27:00il y a beaucoup d'autres
27:02sujets sur lesquels je prends
27:04énormément le temps de la réflexion.
27:06Je suis prudente dans mon travail.
27:08Jamais, jamais de ma vie, j'ai fait une émission
27:10ou une interview sans avoir travaillé tout potassé
27:12à fond.
27:14J'en vois d'autres qui sont beaucoup plus à l'aise
27:16et qui improvisent, et ça passe très très bien.
27:18Non, moi, si je ne maîtrise
27:20pas le sujet, je ne serai pas détendue.
27:22Donc la prudence. C'est très rare,
27:24mais tant mieux que vous l'ayez choisie. Merci.
27:26Et quand tu n'aimais pas d'avoir été notre invitée dans un moment.
27:28Merci beaucoup de m'avoir accueillie pour parler de tout ça.
27:30Merci à vous de nous avoir suivies comme chaque semaine.
27:32L'émission est retrouvée en replay sur notre plateforme
27:34publicsena.fr ainsi qu'en podcast.
27:36À très vite. Merci.