Les Vraies Voix avec Maxime Reppert, vice-président national du SNALC, le Syndicat national des écoles, collèges et lycées.
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NewsTranscription
00:00La voix Sud Radio, le coup de projecteur des vraies voix.
00:03Le coup de projecteur et le coup de vieux aussi en quelque sorte.
00:06On retourne au lycée, on retourne même au collège avec notre invitée
00:09qu'on accueille avec plaisir sur Sud Radio, Maxime Répert.
00:12Bonsoir.
00:13Bonsoir.
00:15Bienvenue sur Sud Radio, vous êtes vice-président national du SNALC,
00:18le syndicat national des écoles, collèges et lycées.
00:23Effectivement, c'était le coup d'envoi de cet acte 2 du choc des savoirs.
00:30La ministre de l'Éducation nationale, Anne Gionneté, qui l'annonçait ce matin,
00:34le brevet des collèges deviendrait obligatoire pour rentrer au lycée à partir de 2027.
00:40Alors, je le dis, à partir de 2027, ne vous inquiétez pas, vous toutes qui nous écoutez,
00:44qui avez des doutes sur le brevet de votre enfant qui est en troisième en ce moment.
00:48Il a encore le temps de le rater. Ce serait dommage, mais ce ne serait pas dramatique.
00:52Bonne ou mauvaise idée pour vous, Maxime Répert ?
00:56Écoutez, il y a du bon et du moins bon.
00:58Lancer l'acte 2 sur le choc des savoirs, pourquoi pas ?
01:02Mais il aurait déjà fallu faire le bilan de l'acte 1.
01:05Pour ce qui est du brevet, il y a des éléments intéressants,
01:09c'est-à-dire qu'il y a cette volonté de donner plus de sens au brevet des collèges,
01:13de lui donner plus de poids.
01:16Donc effectivement, le rendre obligatoire, ça lui donnerait plus d'importance.
01:20Également, nous saluons le fait qu'il y ait moins de contrôle continu prévu pour la suite.
01:27Donc ça donnera plus de sens aussi à l'examen en tant que tel.
01:31Maintenant, nous sommes dubitatifs.
01:34Nous sommes dubitatifs pour plusieurs choses.
01:36Tout d'abord, le fait de le rendre obligatoire pour le lycée, ça va poser des problèmes,
01:43notamment d'un point de vue logistique,
01:45puisque ça veut dire qu'il va falloir affecter les dizaines de milliers de collégiens
01:52n'ayant pas obtenu ce brevet en juillet.
01:55Donc ça va être assez casse-tête.
01:58Donc il risque d'y avoir un petit peu ce sentiment d'usine à gaz.
02:02Ça, c'est le premier point.
02:03Le deuxième, c'est...
02:04Maxime Répert, c'est important quand même.
02:06Vous dites, si on rend le brevet des collèges obligatoire pour l'entrée au lycée,
02:10on ne saura plus où placer ou affecter ceux qui n'ont pas leur brevet.
02:14C'est ça que vous dites ?
02:16Il va y avoir une problématique qui va se poser,
02:19notamment en termes de temps, en termes de timing,
02:23parce que les résultats du brevet sont connus en juillet.
02:27Donc ça veut dire qu'il va falloir attendre juillet
02:30pour affecter tous les élèves n'ayant pas eu ce brevet.
02:35Et ça veut dire qu'il arrive souvent, il y a 80...
02:38Pardon, je vais donner la parole à Philippe Bidjian.
02:40Plus de 85% de réussite au brevet des collèges 2024.
02:44Ça veut dire que parmi les 15%, à peu près,
02:46de collégiens qui n'ont pas leur brevet,
02:49il y en a beaucoup qui sont quand même allés au lycée, quoi.
02:53Exactement, exactement.
02:57Donc il va falloir, en peu de temps,
03:01affecter énormément de collégiens.
03:05Donc ça va représenter une certaine difficulté.
03:08Ça, c'est d'un point de vue organisationnel.
03:12Maintenant, le deuxième point, moi, qui m'embête un petit peu,
03:15c'est-à-dire que si ce brevet est obligatoire pour aller au lycée,
03:20il faut que ce soit obligatoire pour tous,
03:22et pas simplement pour quelques-uns.
03:26Que l'on aille en filière professionnelle, générale ou technologique,
03:30il faut que ce soit obligatoire, y compris si on va en apprentissage.
03:34Tout simplement parce que le brevet, en fait, si vous voulez,
03:36ça va établir un niveau, le niveau de l'élève.
03:41Donc le fait de le rendre obligatoire, peu importe la filière,
03:45ça serait de dire, voilà, l'élève, avec le brevet obtenu,
03:49il a tel niveau.
03:50Ça, c'est important.
03:51S'il ne l'a pas aujourd'hui, c'est aussi ce que ça donne.
03:53Quand il ne l'a pas, c'est qu'il n'a pas le niveau, non ?
03:56Le problème, c'est que quand il ne l'a pas, il peut quand même aller au lycée.
04:01Et surtout, par la suite, ça n'empêche pas l'élève de passer en candidat libre.
04:05Voilà. L'objectif, quand on prépare les jeunes à un examen,
04:08c'est 100% de taux de réussite.
04:11— Philippe Bilger. — Si nous n'avions pas eu la chance d'entendre d'emblée notre invité,
04:16j'aurais commencé, évidemment, par présumer qu'il serait totalement hostile,
04:20comme d'habitude, à ce projet de réforme.
04:23— Comme d'habitude. — Et je constate. Mais notre invité me semble relativement...
04:30— Mesuré. — ...nuancé et objectif, puisque j'ai cru comprendre
04:35que vous ne trouviez pas l'obligation du brevet pour passer en seconde de le réussir comme une mauvaise idée.
04:46J'ajoute que, me semble-t-il, et c'est une question que je pose, j'ai l'impression que la nouvelle ministre
04:53s'inscrit dans le droit fil d'une politique que je ne détestais pas, celle de Gabriel Attal,
04:59même si elle augmente les délais et si elle dessert un peu les taux pour l'éducation nationale.
05:08Donc j'y vois plutôt dans tout cela quelque chose de positif, notamment d'arriver pour la seconde
05:15avec le brevet à quelque chose qui constitue une évaluation plus objective que celle qui précédait.
05:23— Alors avant la réponse de notre invité, Pierre-Yves Martin. — Je trouve qu'il y a beaucoup d'éléments
05:28dans ce débat et dans cette question-là. La première chose, c'est que je suis moi plutôt pour, effectivement,
05:35obliger de reconnaître l'importance du brevet comme un élément de passage en seconde ou dans une autre filière.
05:44Le deuxième point, c'est que... C'est un point d'attention, mais si on baisse le niveau du brevet progressivement,
05:50ça va pas servir à grand grand chose. Et le troisième élément, c'est que j'ai l'impression que le vrai sujet
05:57en matière d'éducation nationale, c'est pas tant de savoir si le brevet est obligatoire ou pas obligatoire pour la suite.
06:03C'est plus de savoir quelles sont les conditions qu'on va mettre en place pour faire remonter drastiquement
06:12le niveau des classes primaires et collèges. Et qu'est-ce qu'on fait pour que nos enfants et nos petits-enfants
06:19puissent avoir l'assurance d'un enseignement de rigueur, de qualité, dans lequel le corps professoral, les parents, la famille
06:34et l'élève sont parfaitement alignés et avec... Je suis très... Pour reconnaître l'importance du temps et de donner du temps au temps,
06:43mais j'aimerais bien aussi que les programmes pédagogiques et autres supports d'enseignement ne connaissent pas des changements
06:50ou des bouleversements tous les 2, 3, 4, 5 ans en fonction des effets de mode. Et donc du coup, j'aimerais qu'on puisse s'inscrire
06:58dans la durée par rapport à cette éducation nationale qui, pour moi, est plus au bord du précipice et du gouffre
07:06– on en parlait un petit peu tout à l'heure – que sur une dynamique ascensionnelle.
07:11– Écoutez, moi, j'ai l'impression que ça fait la même chose un peu qu'à un moment donné, il fallait que tout le monde ait le bac à tout prix.
07:16Et il y a plein de gens qui n'ont pas le niveau pour avoir le bac. Alors j'ai l'impression que... J'ai peur que ce brevet, ça soit un peu la même chose
07:22pour dire « tiens, on a des jeunes qui sont à ce niveau ». Alors moi, je vais vous parler de mon cas parce que j'ai une expérience de l'école,
07:28je n'ai pas fait de brillantes études comme Philippe Bilger et j'ai fait un BEP de comptable. Et figurez-vous que moi, l'éducation nationale,
07:36au lieu de m'encourager – peut-être parce que je n'avais pas aussi le niveau, attention – mais on m'a axé, on m'a dit « toi, t'es pas assez doué ».
07:43Je me rappelle, ça date de 1981, j'ai 64 ans. – Ça marque ses phrases.
07:47– Oui, oui, oui. Alors je ne suis pas terrorisé, je vous rassure. J'ai fait une psy, ça va mieux. Mais on m'a dit « en gros, t'es pas assez doué
07:54pour aller plus loin, pour aller chercher un bac. On va te mettre en filière technique ». Donc j'ai fait un BEP de comptable.
07:58Et c'est un peu comme le coup du bac, c'est pareil. Les mecs n'ont pas le bac, mais on leur fait passer quand même, même si c'est des ânes.
08:03On va essayer de les amener à tout prix pour rien. Pourquoi l'éducation nationale et vous, entre autres, mais enfin vous n'êtes pas pour rien,
08:09vous directement, pourquoi on n'a pas valorisé des filières techniques, une bonne fois pour toutes, plutôt que de vouloir faire passer
08:15à tout prix des brevets ? Un niveau à des gamins qui, peut-être, ont envie de partir dans des filières techniques et les valoriser.
08:21C'est pas ce qu'a su faire, à mon sens, l'éducation nationale. Je sais pas ce que vous en pensez, monsieur.
08:25Maxime Répert.
08:27Oui, effectivement, on voit dans le marché de travail aujourd'hui qu'il y a des filières délaissées parce qu'il y a eu tout un discours,
08:36mais y compris une demande vis-à-vis des parents. Moi, j'ai le souvenir, dans des réunions parents-professeurs, d'élèves disant « voilà,
08:44moi, je veux faire ça », et des parents dire « bah non, tu peux faire bien mieux que ça », y compris le métier de prof.
08:50Je l'ai déjà entendu. « Tu peux faire bien mieux que prof », ou « tu peux faire bien mieux que boulanger », ou « que mécanicien », ou ceci ou cela.
08:56Donc on voit aujourd'hui, via le marché de travail, que c'est un non-sens que de dire ça. On n'est pas amenés à faire exactement tous
09:06les mêmes études, à avoir les mêmes diplômes. Néanmoins, dans le cas du brevet, c'est quand même le premier de ces diplômes,
09:14et ça donne quand même une base, en termes d'apprentissage, de lecture, d'écriture, au niveau des mathématiques, au niveau de la culture générale, etc.
09:25C'est quand même assez important. Mais vous savez, ces mesures annoncées aujourd'hui, elles sont d'ordre pédagogique, et nous estimons très clairement
09:33que l'essentiel, la priorité, n'est pas là. La priorité, avant tout, c'est qu'il y ait un prof devant chaque élève. Et c'est ça, le problème.
09:42C'est ça qui fait qu'aujourd'hui, au niveau de l'éducation nationale, on est au bord du gouffre. C'est qu'actuellement, on n'a pas assez d'enseignants,
09:48qu'on a des classes qui sont surchargées, et je suis désolé, on n'apprend pas la même chose avec des classes à 20 ou avec des classes à 35.
09:56Donc il faut plutôt s'atteler à résoudre ces problèmes-là. Le pédagogique, naturellement, est très important, mais vu la gravité de la crise que nous vivons actuellement,
10:07ça va venir après. Et pour revenir sur ce qui avait été dit au tout début, avant que je puisse reprendre la parole, oui, effectivement, initialement,
10:18dans la question du choc des savoirs, il y a eu des éléments très intéressants, notamment par rapport à l'autorité. Le problème, c'est qu'entre les discours
10:26et la mise en application, il y a eu un gouffre abyssal, et qu'aujourd'hui, ce qui a été fait est un immense gâchis, et ce choc de savoir est tout sauf un choc.
10:37— Qu'est-ce que vous répondez à l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a dit ce week-end qu'on n'avait pas les moyens d'avoir autant d'enseignants ?
10:46— Je pense tout simplement que cette personne n'a pas les compétences, n'a pas le regard pour pouvoir s'exprimer sur la réalité du terrain.
10:56Vous savez, il y a des études, y compris au niveau ministériel, qui sont sorties. Et j'invite d'ailleurs M. Sarkozy à lire cela.
11:03Dans ces études, il était quand même estimé qu'un enseignant travaillait en moyenne 42 heures par semaine. Alors effectivement, c'était pas 35 heures,
11:11mais c'est quand même au-delà de 35 heures. Et je vais vous dire, si les enseignants ne travaillaient que 6 mois par an, on n'aurait pas de difficulté
11:19« à recruter ». Aujourd'hui, essayez de trouver une personne pour pouvoir devenir prof, qui devient de plus en plus un métier à risque.
11:28Donc voilà. Je veux dire... Je vais pas jouer sur les stéréotypes. Je sais de quoi je parle. Je connais la réalité du terrain. N'en déplaise un certain.
11:35— Un mot, Philippe Bilger ? — Ah, je trouve, en effet, la phrase de Nicolas Sarkozy, que je ne connaissais pas... — C'est stupide.
11:43— Elle est absurde. Je voulais demander à notre invité, mais il y a répondu. C'est devenu un métier à risque, alors que c'est un formidable,
11:53un grand métier. Et je regrette qu'il n'attire plus les meilleurs. Enfin si, il y a des meilleurs. J'ai une grande admiration pour les professeurs.
12:01Mais je trouve navrante que la pénurie dans l'enseignement. — Eh bien on en reparlera. En tout cas, merci beaucoup, Maxime Réper,
12:09d'avoir pris la parole ce soir sur Sud Radio. Je le rappelle, vous êtes prof. On l'aura compris. Vice-président du SNAC,
12:15le syndicat national des écoles, collèges et lycées. Vous êtes prof en quoi, d'ailleurs, vous, Maxime Réper ?
12:21— En géographie, en lycée. — En géographie, histoire géographique, en lycée, c'est ça ? — Histoire géographique.
12:27— Bon, bah écoutez. Bon courage à vous, en tout cas. Et merci. Merci à vous, Philippe Bidjer.
12:32— À demain, monsieur. — Vous êtes loin du micro. Non, non. Alors je serai pas là demain. C'est bien que vous vous attachiez.
12:37— Non mais je parle en général. — C'est vrai. À demain. En tout cas, vous avez raison de dire à demain.
12:40À tous ceux qui nous écoutent, merci à vous, Pierre-Yves Martin. — Merci pour cette invitation.
12:43— Avec plaisir à la prochaine fois. Bruno Pommard également. — Merci. Quand vous avez besoin de mettre peu d'ordre, n'hésitez pas.
12:49— Écoutez, voilà. Je vous laisse retourner à vos cours de taiseur, tout simplement. Allez, restez avec nous sur Sud Radio.
12:54On va se retrouver dans quelques instants à suivre les voies de l'emploi. On va parler justement des difficultés de recrutement pour certains,
13:00notamment dans l'artisanat, et en même temps des fermetures d'usines qui, malheureusement, se multiplient.
13:05Non, la désindustrialisation n'est pas une fatalité. C'est ce que vous dira notre invité à partir de 19h.
13:11Mais tout de suite, Sud Radio à votre service.