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La spécialiste du monde arabe et vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient, Agnès Levallois, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Elle est revenue sur les conséquences de l’élimination du chef du Hamas Sinouar par l’armée israélienne.

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Transcription
00:00Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études méditerranées Moyen-Orient.
00:07Et on montre ce livre, le Livre noir de Gaza, c'est aux éditions du CIOI.
00:11On va évidemment parler de la situation en Israël et Yahya Sinwar, le chef du Hamas, qui a donc été tué hier à Gaza par l'armée israélienne.
00:19Est-ce que c'est un tournant dans la guerre ?
00:21Oui, c'est un tournant dans la guerre puisque c'était vraiment un des objectifs de guerre de Netanyahou d'obtenir la tête de Yahya Sinwar,
00:28considéré comme le cerveau des attentats et des massacres du 7 octobre.
00:32Et donc, même si un certain nombre de responsables du Hamas ont été tués depuis un an,
00:37eh bien la figure emblématique, si je puis dire, de ces massacres, c'était lui.
00:42Et donc, le fait d'avoir, j'allais dire, ce trophée est évidemment extrêmement important
00:46et maintenant peut laisser espérer une ouverture pour savoir ce vers quoi on va aller
00:51et peut-être arrêter quand même ces massacres qui se déroulent dans la bande de Gaza depuis un an.
00:55Vous parlez justement des buts de guerre dans votre livre, est-ce qu'avec la mort de Yahya Sinwar, le but de guerre est atteint ?
01:01Un des buts de guerre, puisqu'il y avait deux plus importants buts de guerre qui étaient de décapiter,
01:07d'éradiquer, pour reprendre l'expression israélienne, le Hamas.
01:10Alors, il ne sera pas éradiqué pour autant.
01:12On ne peut pas éradiquer le Hamas ?
01:14Non, parce que c'est un mouvement, c'est une idéologie, donc on ne peut pas tuer tous les Gazaouis
01:18qui ont une sensibilité, sans parler forcément même que des combattants.
01:22Donc ça, à mon avis, c'est limité.
01:24Mais le fait que le mouvement soit quand même décapité et extrêmement affaibli comme il est,
01:28ça c'est un élément.
01:29Mais le deuxième, ne l'oublions pas, c'est la libération des otages israéliens retenus par le Hamas.
01:34Et donc toute la question maintenant va porter sur la libération des otages.
01:38Et est-ce que la mort de Yahya Sinwar peut laisser entrevoir une libération de ces otages ou pas ?
01:42Alors là, il y a deux possibilités.
01:44Il y a la première qui consiste à penser que les proches de Yahya Sinwar,
01:50qui vont évidemment être très affaiblis par la mort de leur chef,
01:54vont pouvoir éventuellement se venger sur les otages en se disant
01:58de toute façon on n'a plus rien à perdre maintenant, et bien on les tue.
02:01Ou en revanche, une autre branche peut considérer que c'est le moment effectivement
02:05de négocier pour obtenir un cessez-le-feu,
02:08parce que la population de Gaza n'en peut plus de cette guerre et de ces bombardements.
02:12Donc honnêtement, je serais incapable de vous dire aujourd'hui
02:14laquelle de ces tendances va l'emporter sur l'autre.
02:17Benjamin Netanyahou dit que la mort de Yahya Sinwar marque le début de la fin de la guerre.
02:22Qu'est-ce qu'il faut comprendre ?
02:23Il faut comprendre que certains pensaient que dès que Yahya Sinwar serait tué,
02:27la guerre s'arrêterait.
02:28Et donc dans cette phrase, on voit bien que ce n'est pas le cas,
02:31puisqu'on revient à ce qu'on disait à l'instant,
02:33la question des otages est toujours là, n'a pas été réglée.
02:36Et maintenant pour Netanyahou, qui subit quand même une forte pression en interne
02:40de la part des familles des otages,
02:42qui trouvent qu'il n'a pas déployé les efforts nécessaires pour obtenir la libération des otages,
02:48donc maintenant Netanyahou a un argument qui était de dire,
02:50vous voyez, de toute façon, ma stratégie a payé,
02:53puisqu'on a réussi à tuer le responsable du 7 octobre,
02:58mais la pression maintenant va se faire sur les otages.
03:01Donc le début de la fin, ça veut dire,
03:03maintenant on va mettre nos efforts pour récupérer ces 97 otages
03:08dont on ne sait pas en plus combien sont encore vivants ou pas.
03:11Donc ça c'est vraiment maintenant la priorité.
03:13– Qu'est-ce que vous parliez de la pression des familles des otages,
03:17mais qu'en est-il de la pression de la population israélienne ?
03:20Quel est aujourd'hui son état d'esprit vis-à-vis de Benjamin Netanyahou ?
03:23– Eh bien globalement, sa cote de popularité, si je puis dire,
03:27est beaucoup remontée ces derniers temps avec l'ouverture du front sur le Liban.
03:30Puisque autant sur la question de Gaza,
03:32il y avait effectivement des appréciations différentes au sein de la société israélienne
03:37entre ceux qui ont des otages à Gaza,
03:39et donc qui ne voulaient pas que la guerre prenne cette ampleur,
03:43et étaient en revanche en faveur d'un cessez-le-feu
03:46pour obtenir la libération des otages.
03:48En revanche, sur la question du Liban, il n'y a pas d'otages.
03:50Et donc le fait que l'armée israélienne se lance dans la destruction du Hezbollah,
03:55qui fait peser une menace sur le nord d'Israël maintenant depuis un an,
03:59puisque le Hezbollah a apporté son soutien au Hamas,
04:03et bien là, il y a vraiment un soutien très fort.
04:06Et donc grâce, si je puis dire, à l'intervention au Liban,
04:09la popularité de Netanyahou est sérieusement remontée auprès de la société israélienne.
04:15– Donc ça veut dire que la société israélienne est prête à continuer la guerre ?
04:18– Au Liban, apparemment oui, tout à fait.
04:20Maintenant, sur la borne de Gaza, quelle est la priorité ?
04:24Une partie considère qu'il faut abandonner les otages, tant pis.
04:27Si c'est le prix à payer pour faire disparaître le Hamas, il faut y aller.
04:30Et évidemment, ceux qui ont des otages considèrent qu'il faut au contraire tout faire pour les libérer.
04:35Et là, c'est vrai qu'on a assisté à un changement de stratégie de la part d'Israël.
04:38Jusque-là, la priorité pour Israël, ça a toujours été d'obtenir la libération des otages.
04:44Or là, on a vu effectivement, dans cette guerre, que ça n'est pas le cas,
04:47puisqu'il y a eu un premier cessez-le-feu, fin novembre l'année dernière,
04:51qui a permis la libération d'un nombre conséquent d'otages,
04:54mais qu'après, toutes les négociations n'ont pas abouti.
04:57– Mais est-ce que ça veut dire que là, la guerre dans la bande de Gaza,
05:00elle peut se terminer, avec ce qui s'est passé hier ?
05:03– Elle peut se terminer si les otages sont libérés.
05:05Tant que les otages ne seront pas libérés, je crois vraiment que l'armée israélienne continuera,
05:09estimant que de toute façon, le mouvement était encore plus affaibli
05:12par le fait que Yahya Senouar ne soit plus là et c'était lui qui gérait,
05:15ou c'est la question des otages, et bien ça va être le moment d'essayer de libérer
05:19ou de récupérer en tous les cas tous les otages.
05:22– Alors vous parliez du Liban, quoi du front entre Israël et le Hezbollah du coup ?
05:26– Eh bien je pense que ça va renforcer l'idée de Netanyahou
05:29selon laquelle sa stratégie est la bonne, même si ça se fait au prix
05:33d'un nombre de morts de civils considérable.
05:35À Gaza, on est à plus de 42 000 morts officiellement,
05:38mais on peut multiplier le chiffre par 2 ou par 3.
05:41– Pourquoi ? Parce qu'il y a des morts qu'on ne peut pas compter ?
05:44– Parce qu'il y a énormément de disparus, on ne sait pas où ils sont,
05:47et puis il y a tous les corps qui sont sous les décombres,
05:49on n'imagine pas les tonnes et les tonnes de gravats,
05:52et donc le ministère de la Santé du Hamas,
05:55quand il donne un chiffre, c'est après avoir identifié
05:57de façon absolument sûre la personne qui est morte.
06:00Et donc il y a tous ces disparus et ceux sous les décombres,
06:03et donc de nombreux observateurs qui travaillent sur les conflits
06:06considèrent que le chiffre doit être au moins multiplié par 2 ou par 3.
06:10Donc dans le cas du Liban,
06:12heureusement on n'est évidemment pas encore du tout dans ces proportions,
06:15mais les déclarations de Netanyahou selon lesquelles
06:18si la population libanaise ne se retourne pas contre le Hezbollah,
06:22le Liban va devenir le nouveau Gaza,
06:24évidemment inquiète terriblement la population libanaise
06:28qui accepte difficilement de satisfaire l'exigence de Netanyahou,
06:32même si une partie des Libanais n'aiment pas le Hezbollah,
06:35considèrent que le Hezbollah les a entraînés dans une guerre qui n'est pas la leur,
06:38et bien c'est difficile d'accepter de répondre à la demande d'un pays voisin,
06:43considéré comme un pays ennemi,
06:45et donc toute l'inquiétude maintenant se porte sur le Liban,
06:49puisque cette situation peut aussi raviver des différences
06:53et des conflits entre les différentes communautés au Liban,
06:56vous savez que c'est un pays qui est très fragmenté avec différentes communautés,
07:00et donc il y a une partie des Libanais qui considère que les réfugiés,
07:03enfin les déplacés, les populations du sud, essentiellement chiites,
07:07qui viennent vers le nord, quand elles s'installent quelque part,
07:10et bien les familles, elles qui sont établies,
07:12là ont très peur que du coup l'armée israélienne prenne pour cible
07:16ces déplacés considérant que certains sont proches du Hezbollah,
07:20donc ça crée une tension au sein de la société libanaise
07:24et qui inquiète aujourd'hui de plus en plus de Libanais et d'observateurs.
07:28Mais à juste titre, est-ce que le Liban peut devenir un nouveau Gaza ?
07:31Quand on voit les déclarations de Netanyahou,
07:33en tous les cas ce que l'on sait c'est que les villages du sud du Liban
07:36sont complètement rasés aujourd'hui,
07:38l'idée de l'armée israélienne c'est de créer une zone tampon jusqu'au Litani,
07:42ce fameux fleuve,
07:44donc on est à 20-30 km au nord de la frontière avec Israël,
07:48et qui correspond à l'exigence qui avait été celle de la résolution de 1701 de l'ONU,
07:54suite à la guerre de 2006,
07:57et qui prévoit que dans cette bande là,
07:59ça doit être une bande qui doit être contrôlée uniquement par l'armée libanaise
08:03et la FINUL, la force internationale de l'ONU qui surveille ce qui se passe,
08:07et que le Hezbollah doit complètement disparaître de cette zone,
08:10qui est une zone dans laquelle il a un certain nombre d'infrastructures militaires
08:14qui sont présentes et c'est ça qui est détruit aujourd'hui par l'armée israélienne,
08:17et donc c'est vrai que tous ces villages dans cette zone,
08:20aujourd'hui sont en train d'être complètement détruits,
08:23et même au-delà puisqu'on a vu des bombardements jusqu'à Beyrouth.
08:26– L'Iran qui assure que l'esprit de résistance sera renforcé après la mort de Sy Noir,
08:32que peuvent-ils faire, qu'est-ce qu'il faut comprendre dans cette déclaration ?
08:35– Là on est vraiment à mon sens dans du déclaratoire,
08:38c'est-à-dire que l'Iran qui soutient le Hezbollah,
08:40qui soutient le Hamas,
08:42est de sa manière obligée de soutenir ou de faire une déclaration de la sorte
08:47pour montrer qu'il est toujours à la tête de ce qu'on appelle l'axe de la résistance,
08:50cet axe qui mène un certain nombre d'opérations
08:54considérées comme déstabilisatrices dans la région.
08:57Donc pour garder sa crédibilité en tant qu'acteur essentiel de cet axe de la résistance,
09:03l'Iran ne peut pas dire autre chose,
09:05ce qui ne veut pas à mon avis dire pour autant que l'Iran veut rentrer en guerre,
09:09et veut rentrer en guerre contre Israël,
09:11après toutes les défaites quand même subies par le Hamas,
09:14et là hier avec la mort de Yahya Sy Noir,
09:17comme au Hezbollah avec la mort de Hassan Nasrallah
09:20qui était le secrétaire général du parti,
09:22et ce parti de Hezbollah qui est le parti le plus proche de l'Iran,
09:25puisqu'il a été créé avec l'appui de l'Iran
09:28et soutenu militairement par l'Iran depuis.
09:30Donc l'Iran ne peut pas rester évidemment muet
09:33par rapport à tout ce qui se passe en région.
09:35– Mais d'un autre côté il n'a pas les moyens de riposter.
09:37– Non, il peut faire des attaques comme on a vu,
09:39il peut envoyer 200 missiles,
09:41mais les trois quarts ou 80% vont être stoppés
09:46par ce qu'on appelle le dôme de fer,
09:48cette protection anti-aérienne en Israël.
09:50Donc les moyens de riposte sont limités,
09:53mais là aussi la question va se poser en Iran,
09:55vous avez deux tendances au sein du régime iranien,
09:58il y en a une qui considère qu'il faut plutôt maintenant calmer le jeu,
10:02reprendre une négociation avec Washington,
10:04parce que les sanctions posées à l'Iran maintenant
10:07depuis des années et des années coûtent très cher,
10:09qu'il y a une contestation interne en Iran,
10:12on l'a vu il y a deux ans après la mort de cette jeune kurde iranienne,
10:15et une autre partie, les gardiens de la révolution,
10:17qui eux considèrent qu'il faut montrer sa force,
10:21même si la force de l'Iran face à Israël soutenue par les Américains,
10:25évidemment ne fait pas le poids.

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