Quel avenir pour la Privacy Sandbox ?

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Olivier Galichère (RTB House) nous explique pourquoi le spécialiste polonais du retargeting, qui taille des croupières à Criteo en France, mise sur la Privacy Sandbox pour gérer l'après cookies tiers. Il nous partage les premiers enseignements qu'il retire des tests relatifs à Protected Audiences, l'API de retargeting de la Sandbox.
Transcription
00:00Bonjour Olivier, merci d'être parmi nous. Je ne crois pas mentir en disant que vous
00:10êtes quand même assez rare dans les médias et dans les conférences, même si vous commencez
00:14maintenant à être un peu plus visible. Je vous ai dit qu'on a un peu préparé cette
00:20intervention, que moi je vous voyais un peu comme le petit polonais qui taille des croupières
00:24à Criteo sur le retargeting. J'entends beaucoup de gens me dire « Ouais, RTB House, ils arrivent
00:29fort sur le retargeting en même temps que Criteo, c'est un peu déporté sur le retail
00:34média. » À quel point est-ce que c'est réducteur comme vision de ce que vous faites ?
00:38Vous n'êtes pas sceptique de ça déjà. Oui, on est polonais, ça c'est vrai. Ce
00:43qui est assez original dans le domaine de la tech, c'est vrai aussi. On est discret
00:49parce qu'on passe beaucoup de temps pour nos clients et nos collaborateurs, mais on
00:53essaye de s'améliorer. Vous avez recruté un représentant en France récemment.
00:57Exactement, un ex Google. Et puis par ailleurs, oui, en termes de taille, tout est relatif
01:03bien sûr, mais c'est vrai que sur notre marché, on a une taille significative puisqu'on a
01:07fait 400 millions de dollars de revenus en 2023 et on vise des 500 millions cette année
01:12avec une présence dans 30 pays, 1500 collaborateurs. Et comme tu l'as dit, on est sur un créneau
01:19très spécifique. On est expert du retargeting, on ne fait que ça du matin au soir et du
01:23soir au matin. Donc, on n'a pas de velléité à aller adresser d'autres types de marchés
01:29comme le Retail Media par exemple. Et justement, pourquoi ? Parce qu'effectivement,
01:32vous êtes hyper exposé à la disparition des cookies tiers. Et pourquoi ne pas avoir
01:36essayé comme Criteo, dès qu'il y a eu l'annonce de Google, d'essayer de trouver des nouvelles
01:40lignes de revenus, de ne pas être un « one trick pony » comme disent les anglo-saxons
01:44vraiment lié à un seul business ? Oui, ça aurait pu être une stratégie après
01:50la diversification. Elle a forcément le bénéfice de répartir les risques en termes
01:54de business. Elle a aussi un inconvénient qui est que les équipes vont se défocusser
01:59potentiellement d'une priorité qui est bien identifiée. Donc, on a fait le choix
02:04de rester focus sur ce segment du retargeting ou comme tu le disais, en étant focus, on
02:12a un très bon niveau de service. On peut répondre au mieux aux besoins de nos clients
02:15et donc, on prend des parts de marché à l'acteur qui est leader sur le sujet.
02:20Vous restez focus sur le cookie tier et en plus, vous restez quand même très focus
02:24sur une alternative au cookie tier qui est Privacy Sandbox qui est un outil sur lequel
02:29les attaques sont plutôt rares à miser parce qu'en vrai, si on regarde au niveau global
02:35des boîtes qui ont vraiment testé la solution, il n'y en a pas beaucoup. Il y a Criteo et
02:39vous notamment parce que vous êtes à fond sur les targetiers. On a parlé de Weborama
02:42tout à l'heure. Pourquoi est-ce que vous êtes aussi au taquet sur la Privacy Sandbox ?
02:49Parce que dans notre métier de retargeting, il y a deux éléments qui sont très importants.
02:54Il y a le reach d'un côté qu'on a commencé à évoquer ce matin et puis la dimension
02:59privacy et dans le monde cookieless de demain, la seule solution qui apporte à la fois
03:07du reach et de la privacy au jour d'aujourd'hui, c'est Privacy Sandbox.
03:11Alors sur Chrome, parce que pour l'instant et a priori, elle ne sera pas compatible
03:15avec les autres navigateurs.
03:16C'est vrai, mais Chrome, c'est encore 65% du Web et du mobile, même si Safari a une
03:23part de marché plus importante sur le mobile. Donc, encore une fois, dans notre métier,
03:27le reach est vraiment ultra important. Peut-être un rappel pour l'audience, mais quand on
03:33fait du retargeting, si par exemple on fait du retargeting pour Sephora, on va analyser
03:39les internautes qui viennent sur le site de Sephora, mais on ne va pas recibler 100% de
03:44cette audience, on va faire un tri en fonction de la prédiction que l'on fait, de l'intérêt
03:49de l'internaute pour revenir sur le site et racheter.
03:52C'est récent ce tri ? Parce que historiquement, je pensais que c'était systématique.
03:56Non, il a toujours été fait. C'est vraiment le savoir-faire d'ailleurs des retargeters
04:00d'être en mesure de calculer de manière très précise la probabilité de revisite
04:06et de rachat. Et donc, de manière générale, on recible entre 10 et 20% de l'audience
04:12d'un annonceur. Cela veut dire que ces 10 à 20%, il faut vraiment les retrouver à
04:16l'extérieur pour pouvoir continuer à bien faire notre métier. Et donc, c'est effectivement
04:20ce que va nous permettre de faire demain Privacy Sandbox.
04:23Le coup qui tient, il vous aide à les retrouver ? Est-ce qu'il vous aidait à savoir justement
04:27dans ces 100% quel était le ratio à cibler en priorité ?
04:29Non. Et d'ailleurs, c'est un autre point qui est important par rapport au retargeting
04:34qui peut donner l'impression d'être un outil qui va être amené à disparaître dans le
04:40monde de demain ou d'après-demain sans cookie. En fait, non, pour deux raisons. Et la première,
04:47c'est le point que tu mentionnais, c'est que pour bien faire du retargeting, l'essence
04:51que l'on met dans le moteur, c'est la donnée first party de l'annonceur. C'est cette donnée-là
04:55qui nous permet d'analyser le comportement de navigation des internautes sur le site
05:00de Decathlon, par exemple, et de savoir qu'il a visité telle et telle catégorie, tel et tel
05:06produit, qu'il a mis des produits au panier, par exemple. Cette donnée-là, demain, elle
05:09continue toujours d'exister si les cookies disparaissent. Donc, l'essence que l'on met dans
05:14le moteur, elle est toujours là. En revanche, le moteur, effectivement, là, il faut faire des
05:18ajustements puisque ce moteur qui nous permet de retrouver les internautes à l'extérieur est basé
05:23sur le cookie. Et donc, dans le monde de demain, en tout cas pour RTB House, par rapport à notre
05:27positionnement sur le marché, on va changer de technologie. D'une certaine façon, on va faire
05:31des évolutions. Et donc, on va remplacer la technologie cookie par la technologie privacy
05:36sandbox pour, à la fin, opérer les campagnes de retargeting comme on le fait aujourd'hui. Et
05:41j'allais dire, en prenant à notre charge la complexité supplémentaire que cela représente
05:45pour que l'annonceur soit dans la même disposition qui est de nous donner un budget avec une
05:50performance associée à délivrer. Alors, privacy sandbox, c'est une suite d'API et on a plusieurs.
05:54Il y a Protected Audiences qui permet, on va dire, de faire du ciblage contextuel plutôt sur
05:59l'acquisition. Non, pardon, c'est topique ça, n'importe quoi. Et Protected Audiences qui permet
06:04de remédier au use case retargeting. Donc ça, c'est l'API que vous testez. C'est quoi les
06:10résultats que vous avez pu obtenir ? De très loin, j'ai plutôt l'impression que c'est assez
06:15nuancé et critique les avis sur privacy sandbox. Est-ce que c'est aussi votre cas ? Oui et non,
06:21c'est-à-dire qu'il faut garder en tête que les tests qui ont été réalisés par des acteurs comme
06:26nous ou comme Criteo depuis le début, en termes de volume, le plus gros volume qu'on ait pu tester,
06:32c'est depuis la bascule sur 1% des internautes Chrome qui n'ont pas de cookie. Donc ça reste
06:37un volume qui est relativement faible. Sur le volume que l'on a testé, le retargeting fonctionne.
06:41En revanche, on a aussi nous identifié des limites. Quand vous dites retargeting fonctionne,
06:47c'est que vous avez le même niveau de perf ? Absolument, on est capable de recibler,
06:51alors en l'occurrence, un groupe d'internautes plus un internaute à l'individu. Ça, c'est
06:56Protected Audiences, mais on ne va pas forcément peut-être rentrer dans le détail ce matin. En
07:00termes de performance, c'est OK, mais encore une fois, ce n'est que sur 1%. Donc on a beaucoup
07:05milité cette année sur une évolution progressive de ce 1% sur 10%, sur 20% avant d'aller à 100%.
07:13Finalement, ce scénario aujourd'hui est caduque puisque la stratégie de Google change. Et puis,
07:18par ailleurs, dans les tests qu'on a menés, 80% au moins de la partie supply, c'était Google
07:24ADEX, donc le SSP de Google, qui évidemment est plug and play dans l'environnement Privacy
07:30Sandbox, ce qui n'est pas le cas des autres acteurs. Mais pour nous, ce serait aussi important
07:34de pouvoir tester le workflow aussi avec l'ensemble des acteurs côté supply pour se faire une idée
07:41définitive. D'ailleurs, ce sera une des conditions sine qua non pour la démocratisation de Privacy
07:46Sandbox parce que ce ne sera jamais validé par l'autorité de la concurrence s'il s'avère que
07:49Privacy Sandbox fonctionne mieux avec Google ADEX qu'avec les autres SSP. Exactement, c'était ce
07:53qu'il évoquait ce matin. La CME porte une attention toute particulière aux possibles risques. Ça
08:00renforce la position ultra-dominante de Google sur le marché. Donc ça, effectivement, ce n'est pas
08:05une option. Donc il faut que ça marche aussi bien qu'avec la supply de Google. Il faut aussi que ça
08:09marche aussi bien à scale parce que vous disiez qu'il y a notamment un sujet dont on ne parle
08:12pas forcément beaucoup, c'est la latence. Oui, absolument. On a identifié nous aussi,
08:16comme d'autres acteurs, de la latence, notamment sur la partie mobile. Donc ça aussi, c'est un
08:20sujet qui doit être résolu demain pour pouvoir opérer dans de bonnes conditions des campagnes de
08:26réalité. Sachant qu'il y a une autre petite chose qui a été mise en place par Google, c'est que
08:29vous avez un délai entre le moment où on vous envoie les conversions parce que pour le sujet de
08:34Privacy, c'est 24 ou 48 heures, c'est un peu comme sur Apple. Ça, ça ne complexifie pas un peu le
08:41job aussi ? Si, la partie mesure et encore un chantier qui doit avancer côté Privacy Sandbox
08:49puisqu'on est en mesure de mesurer la performance avec deux angles, une vision agrégée des
08:57performances de la campagne, comme tu le disais, une version un peu plus précise qui relie
09:01l'impression, le clic et la conversion. Donc ça, ça existe, mais ça nécessite encore d'être
09:08amélioré pour pouvoir à in fine proposer une mesure qui est précise à l'annonceur.
09:13L'annonce de Google cet été a pris de court tout le monde, y compris d'ailleurs les équipes de
09:18Google en Europe. Est-ce que vous avez eu des discussions, que ce soit avec vos interlocuteurs
09:24habituels chez Google, que ce soit avec le W3C qui est l'instance qui permet de plancher sur le
09:29développement de Privacy Sandbox ? Est-ce que vous continuez les tests de l'API ? Où est-ce
09:32qu'on en est depuis ? C'était il y a trois mois quasiment. Oui, alors comme pour beaucoup d'acteurs
09:38finalement, cette annonce, même si elle change fondamentalement une partie du projet, elle ne
09:42change pas la roadmap que l'on a qui est de continuer à se préparer à cette échéance. Alors
09:48on fait partie des acteurs qui a commencé dès 2020, donc il y a déjà plusieurs années. Pourquoi ?
09:53Parce que ça a été dit, notamment par Paul, je crois, ce matin en intro, c'est qu'on se prépare
09:58à un monde où quand on va demander à l'internaute la possibilité de garder ou pas le cookie, il va
10:04probablement dans la majorité des cas décider de le retirer. 70 à 80% de l'audience probablement,
10:09mais il va rester une partie de l'audience qui aura des cookies. Donc ça veut dire qu'on doit
10:13être prêt à continuer à faire ce que l'on fait sur une audience beaucoup plus réduite et être
10:17prêt également à adresser une nouvelle population qui n'aura pas de cookie. Donc on doit de toute
10:21façon nous continuer à travailler sur le sujet, c'est ce que l'on fait au sein du groupe de
10:25travail d'Orbalos ici. Il y a eu des réunions du W3C depuis ? C'est un fil rouge, donc en fait,
10:30il n'y a pas forcément d'arrêt sur le sujet. Après, on peut prendre le parti que, il est
10:40encore possible qu'il y ait des changements de nom au sein des API de Privacy Sandbox. Il est
10:46encore possible que la timeline change. En revanche, on est à peu près sûr que la dynamique
10:50du marché et de la volonté de Chrome d'assurer un cadre privacy tout à fait aligné avec la
10:58réglementation soit confirmée. Donc de toute façon, ça va continuer d'avancer. Donc une société comme
11:03nous qui a le projet de sortir par le haut doit continuer à investir du temps et des moyens.
11:09Construire un graph ID comme l'a fait Criteo, tester les IDs partagés comme l'a fait Criteo
11:14et d'autres acteurs, ça peut être une piste ou pour l'instant, vous êtes vraiment plutôt sur
11:17sandbox ? Pour un acteur tel que nous, la grosse pièce centrale, c'est vraiment Privacy Sandbox
11:24et effectivement Protected Audience pour ses applications retargeting. Ceci étant, l'objectif
11:30final pour nous, ça reste de pouvoir aller chercher la performance qui est demandée par
11:34l'annonceur. Et donc, on est très intéressé et on suit de très près toutes les solutions
11:38complémentaires qu'on va pouvoir mettre autour de Privacy Sandbox pour faire le mieux possible
11:43notre métier. Dans ces solutions complémentaires, il y a le ciblage sémantique qu'on évoquait tout
11:49à l'heure, qu'on pourra opérer par nous-mêmes compte tenu de la puissance technologique que
11:53l'on a. Mais il y a aussi les IDs uniques. Et pour le coup, on échange avec l'ensemble des
11:59acteurs du marché avec une clé de lecture pour notre métier qui a été évoquée ce matin, qui
12:06est évidemment le REACH, qui est plus ou moins fort en fonction des solutions. La durabilité de l'ID,
12:12là aussi, si c'est une méthode déterministe, il y a une durabilité qui va être plus longue que si
12:16c'est une méthode probabiliste. Et puis la dimension Privacy sur laquelle on a une lecture
12:24qui est assez prudente puisqu'on essaie de suivre de près la vision du régulateur sur le sujet. Et
12:31on pense qu'il y a encore un risque sur ces solutions-là, probablement à moyen terme sans
12:37avoir de timing précis, peut-être c'est à trois, cinq ou dix ans, sur des solutions qui, même si
12:42elles sont basées sur le consentement de l'internaute, permettent in fine un tracking des
12:46internautes cross-site et cross-device. Et le cross-device est notamment quelque chose qui est
12:51quand même exclu dans l'idée de la RGPD. Donc, c'est aussi des solutions qui pourraient d'une
12:56façon ou d'une autre être remises en cause demain. Et donc, la manière dont la Privacy est couverte
13:02par ces solutions d'ID est pour nous vraiment un critère clé de demain. C'est d'ailleurs aussi une
13:05des positions du premier outil d'achat programmatique au monde qui est DV, l'outil de
13:09Google, qui pour ces raisons-là dit je supprime pas les cookies tiers pour les remplacer par des
13:13ID partagées. Donc, vous êtes plutôt partisan de l'approche la plus safe possible pour pas avoir
13:18de mauvaise surprise. Oui, safe et pragmatique. Aujourd'hui, c'est possible de les utiliser.
13:23Donc, effectivement, si on trouve des solutions d'ID unique sur le marché qui répondent à nos
13:27critères, on les associera à Privacy Sandbox, tout en gardant effectivement un oeil sur les
13:34évolutions possibles de la législation sur le sujet. Merci beaucoup Olivier. Merci Nicolas.

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