SMART BOURSE - La culture économique pour tous !

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Mercredi 9 octobre 2024, SMART BOURSE reçoit Marc-Olivier Strauss-Kahn (directeur général honoraire, Banque de France) et Anthony Benhamou (Économiste et maître de conférences, Sciences Po Paris)

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Transcription
00:00Le dernier quart d'heure de Smartbourg, chaque soir c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir c'est celui de la pédagogie, de l'éducation économique, j'ai intitulé
00:18cette interview « La culture économique pour tous », nous en parlons avec deux économistes
00:23à mes côtés.
00:24Auteurs de cet ouvrage, on parie que vous allez aimer l'économie parue aux éditions
00:28Ellipse.
00:29Je cite Marc-Olivier Stroskan, directeur général honoraire de la Banque de France, vous êtes
00:33économiste, enseignant dans différentes institutions, Marc-Olivier, bonsoir, merci
00:37beaucoup d'être là.
00:38A vos côtés, votre co-auteur Anthony Benhamou, économiste bien sûr lui aussi et enseignant,
00:42vous êtes notamment maître de conférences à Sciences Po, Anthony, bonsoir.
00:45Bonsoir, merci Grégoire.
00:47Quelle est la raison d'être de ce livre aujourd'hui ? Quelle a été la réflexion
00:53qui vous a animé et qui conduit à la publication de cet ouvrage ?
00:56En fait, on part d'un constat assez simple.
00:58Les Français adorent l'économie, ils aiment l'économie même s'ils ne la comprennent
01:01pas toujours, mais ils ne savent pas qu'ils en font tous les jours.
01:06Donc on a voulu leur montrer qu'ils en font tous les jours et on a voulu leur faire comprendre
01:11qu'en faisant de l'économie, ils deviennent plutôt acteurs de la société et non plus
01:15de simples spectateurs.
01:16Pour ça, on a fait un ouvrage assez ludique et pédagogique.
01:21On a une méthode qui est assez simple, qui tient sur trois termes.
01:25D'abord, on simplifie, on illustre et puis on explique avec un ton décalé.
01:30Et d'ailleurs, sur le ton décalé, j'en veux pour preuve notre couverture où on a
01:34un faucon et une colombe dans la même voiture et avec deux volants, un volant chacun.
01:41Et si l'un tourne le volant d'un sens et le dans l'autre sens, c'est le tête à
01:45queue assurée.
01:46Donc il va falloir trouver des compromis.
01:48J'ajoute juste un dernier point Grégoire, ce n'est pas qu'un livre sur l'ornithologie,
01:52mais on a également une chouette qui est Christine Lagarde, qui s'est présentée
01:58telle une chouette dans cette animalerie des banquiers centraux.
02:02Qu'est-ce qui vous a poussé à participer, à écrire ce livre, Marc-Olivier ? Encore
02:08une fois, quels sont les objectifs que vous poursuivez avec cet ouvrage ?
02:12C'est un peu la même chose.
02:14Je vais compléter ce qui a été dit pour qu'on comprenne un peu ce que c'est cette
02:17histoire de faucon, de colombe et de chouette aujourd'hui.
02:22La caricature, c'est que le faucon est strict, il est rigoureux, notamment dans la lutte
02:28contre l'inflation.
02:29Mais ce n'est pas nécessairement dire qu'il est méchant, parce que l'inflation, c'est
02:32une taxe, notamment sur les plus pauvres, qui ne peuvent pas épargner.
02:36La colombe, au contraire, elle est plutôt arrangeante et elle a peur du chômage, elle
02:41a peur de la récession, elle veut éviter même la déflation, c'est-à-dire un système
02:47de baisse des prix qui s'auto-entretient et qui a mené, dans le passé, en 1930, à
02:52la Grande Dépression et à la Deuxième Guerre mondiale.
02:55Donc, c'est un peu les rôles qu'on a joués par moments en discutant, parce qu'en économie,
03:00il n'y a pas qu'une seule façon de faire les choses.
03:01Qui a joué le faucon ? Qui a joué la colombe ?
03:03Ça dépend des sujets.
03:04C'est comme les Daft Punk, on ne sait jamais.
03:07C'est interchangeable.
03:08Et quand on a posé la question à Christine Lagarde, qui nous a fait la même question,
03:15et on lui a demandé s'il était plutôt faucon ou colombe, elle a choisi un autre
03:19rapace, mais qui est sage et perspicace, c'est la chouette.
03:22Et qui a la capacité, je crois, je ne suis pas un spécialiste, mais de tourner la tête,
03:26effectivement, au moins dans les deux sens.
03:28Mais ça n'en vaut autant d'être une jury-ouette.
03:29Non.
03:30Mais moi, j'ai lu la préface de Christine Lagarde, bien sûr, j'ai lu aussi la post-face
03:33de Peter Pratt.
03:34Très intéressant.
03:35Parce que je rappelle, Peter Pratt, pour les plus jeunes, ça fait partie du triumvirat
03:38qui a, moi je le dis comme ça, qui a sauvé l'euro en 2012, ce sont les trois piliers
03:42du whatever it takes, Mario Draghi, Benoît Curé et Peter Pratt, qui était chef économiste
03:46de la Banque Centrale Européenne à l'époque.
03:48Il réagit à l'idée des faucons et des colombes.
03:51Il dit, c'est marrant, parce qu'on m'a toujours classifié comme une colombe, alors
03:54que moi-même, je me considère comme faucon, dans le sens où, quand le risque déflationniste
03:59était tellement important en zone euro telle qu'on l'a vécu, moi je mettais toute mon
04:05énergie, justement, pour atteindre l'objectif de 2%, tel un faucon.
04:08Il se voyait lui-même comme un faucon, à l'époque.
04:10Et donc, ce n'est pas une animalerie tout ça, c'est pour rendre les choses concrètes,
04:14parler avec des termes simples, alors ça intrigue un petit peu aussi, et on a essayé
04:19d'avoir très souvent, de raconter des histoires, et d'avoir des images parlantes, alors c'est
04:26celles connues de l'inflation, parce que l'inflation, ça peut être dangereux aussi,
04:31on l'a vu récemment, et cette image que lorsqu'elle sort du tube de dentifrice, c'est
04:36difficile de l'y remettre, les banques centrales sont en train d'y arriver.
04:40On a ce dessin de Peter Pratt qui jongle, fait par l'IA, c'est ça Marc-Olivier ?
04:50C'est en fait Anthony qui a demandé à l'IA de faire, je vais peut-être le continuer.
04:53Oui, j'ai demandé à l'IA, en fait l'objectif c'était, à un moment donné on a senti
04:57qu'on était dans beaucoup de jargon un peu monétaire, on s'est dit on va faire
05:01une pause, il faut que le lecteur aussi fasse une pause, et pour amuser le lecteur, on va
05:05demander à l'IA de nous représenter un banquier central en train de jongler avec
05:07des sigles monétaires qu'on explique par ailleurs.
05:09Et surprise, l'IA nous donne un banquier central qui ressemble à Peter Pratt.
05:15Incroyable.
05:16Donc quand on a montré ça à Peter, lui-même était très ravi de voir ça.
05:20Oui, il n'y a pas eu de connivence entre vous et l'IA pour aboutir à ce qui ressemble
05:24très fortement, je dois le dire, au portrait de Peter Pratt.
05:28Qu'est-ce qui fait peur aux Français ? Christine Lagarde, la première ligne de sa préface
05:32elle cite ce chiffre, 80% des Français s'intéressent à l'économie, très bonne nouvelle, mais
05:37les seuls 34% se pensent bien informés, et je crois qu'ils sont une quinzaine à
05:41penser maîtriser les concepts économiques.
05:44J'ai l'impression que l'économie fait peur.
05:47Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ? Et comment est-ce que vous expliquez cet écart
05:51entre l'amour déclaré des Français pour la chose économique et la réticence ou les
05:58freins qu'ils peuvent avoir à se penser informés sur les sujets économiques ?
06:02L'amour déclaré, pas vraiment, et c'est pour ça qu'on les y pousse, l'intérêt marqué,
06:09et comme l'a expliqué auparavant Anthony, c'est parce qu'on la vit au quotidien.
06:13On est tous des M. Jourdain de l'économie, on fait de l'économie sans le savoir, vous l'avez dit.
06:16Exactement, après, elle est rébarbative, elle est souvent très mathématisée, et
06:22ça, ça fait peur.
06:23C'est la faute à qui ça ? Aux économistes, Marc-Olivier ?
06:26Une branche de l'économie, effectivement, a fait ça, et à part dans un ou deux chapitres
06:32un peu théoriques, on a vraiment minimisé les formules mathématiques.
06:36Il faut reconnaître que parfois, une formule mathématique simplifie la présentation,
06:40donc pourquoi s'en priver ? Mais on a beaucoup recouru à des histoires, à des images.
06:46Il y en a une autre, on n'ira pas dans le détail, mais il y a un concept en économie
06:50qui a consisté à mettre beaucoup de liquidités dans l'économie après la première grande
06:55crise récente, c'est-à-dire la crise financière mondiale, puis pendant la pandémie, ça s'est
07:00appelé en anglais le quantitative easing ou bien l'accommodement quantitatif, ce qui
07:06consiste à mettre beaucoup de liquidités, puis on peut, à l'inverse, la retirer.
07:09La reprendre.
07:10Et donc, quand on l'explique ici, on fait l'image d'une baignoire, tout simplement,
07:14qui remplit plus ou moins de liquidités, un robinet qu'on ouvre et qui en ajoute, ça,
07:19c'est la liquidité injectée par la banque centrale, et puis au fond, le bouchon qu'on
07:23enlève lorsqu'on veut la retirer, c'est ce qui se passe actuellement pour réabsorber
07:28cet excès de liquidités qui a été donné à l'économie parce qu'on ne savait pas
07:33de combien elle en avait besoin.
07:34On parle souvent de plomberie, mais je trouve que les images physiques, mécaniques, automobiles,
07:40moi aussi, ça fait 15 ans que je parle de sujets complexes, etc., j'essaye de trouver
07:44des images et il y a toute une gamme d'images qui s'offrent à nous et qui, je pense, permettent
07:48de rendre accessible sans dénaturer le propos économique.
07:52Comment on enseigne mieux l'économie aujourd'hui ? Anthony, vous êtes tous les deux enseignant,
07:57et j'aimerais bien que vous nous expliquiez votre démarche, alors que ce soit peut-être
08:00face au public de Sciences Po, mais face à d'autres publics qui ne sont pas forcément
08:03destinés justement à l'acquisition de ces choses-là.
08:09C'est vrai que Marc-Olivier et moi, on enseigne à un public qui a envie de comprendre l'économie,
08:14mais on dispense aussi des conférences, que ce soit à des chefs d'entreprise qui vivent
08:18au quotidien, en fait, le carnet de commandes, en fait, quand par exemple la banque centrale
08:21a remonté ses taux à partir de 2022, ça a directement impacté les chefs d'entreprise.
08:26Ils ne comprenaient pas, mais pourquoi la banque centrale remonte les taux ? Qu'est-ce
08:29qui se passe ? Pourquoi le prix des matières premières a augmenté ? Donc, il faut pouvoir
08:32adapter sa façon de parler de l'économie en fonction du public.
08:36Donc, on le fait auprès des chefs d'entreprise, on le fait auprès des étudiants et on le
08:39fait aussi maintenant auprès des enfants avec cette association que j'ai fondée en
08:432022 qui s'appelle A3E, Agir pour l'éducation économique des enfants, où on intervient
08:48dans des classes.
08:49L'objectif, c'est de rentrer dans le monde des enfants.
08:50Ce n'est pas de les faire rentrer, en tout cas, dans un premier temps dans un autre monde
08:54et de leur expliquer des choses, pas compliquées, mais sur lesquelles ils vont être confrontés
09:00tout le long de leur vie, par exemple.
09:01C'est quoi un concept qu'on peut passer aux enfants ?
09:03La formation des prix, la formation des prix.
09:06Et donc, là, on va leur expliquer rareté, utilité, on va leur expliquer le concept
09:09de marge, on va leur expliquer la concurrence et l'offre et la demande, tout ça en entrant
09:14dans le monde des enfants.
09:15Typiquement, on va leur présenter une planche où on aura une carte Pokémon, première
09:19édition, drague au feu, etc., qui a été adjugée à plus de 420 000 euros aux enchères
09:23à Londres en 2018, et puis une bouteille d'eau à 2 euros.
09:26Et puis, on leur demande lequel est le plus cher, selon vous.
09:28Alors, comme on est rentrés dans le monde des enfants, ils savent très bien que c'est
09:31la carte Pokémon.
09:32Oui, je n'ai pas de doute, oui.
09:33Et puis, ensuite, on fait disparaître notre bouteille d'eau et puis on refait apparaître
09:36une bouteille d'eau dans un désert aride.
09:37Et là, en fait, ils sont tous prêts à donner leur carte.
09:41Donc, une bouteille d'eau vaut plus que 420 000 euros.
09:43Donc là, on aborde la rareté, l'utilité.
09:45Le prix, la valeur ?
09:47La valeur aussi.
09:48On fait ça aussi sur les marges, avec des choses qui parlent aux enfants, des hamburgers,
09:53etc.
09:54Mais on entre à chaque fois dans leur monde avant de les faire entrer dans notre monde,
09:56notamment à Citeco.
09:57Mieux enseigné, c'est aussi enseigné, comment dire, ses concepts, ses notions d'êle plus
10:03jeune âge.
10:04L'enfant n'a pas de limites par rapport à ça.
10:07Il n'y a pas de limites.
10:08Je vais évoquer, parce qu'il a fait la transition quasiment, Citeco, la cité de l'économie,
10:12où on retrouve cette histoire de la rareté qui est empruntée à une image d'Adam Smith
10:18avec un diamant et un verre d'eau.
10:20Et ça parle énormément aux enfants quand ils viennent visiter, mais aussi aux plus
10:24grands.
10:25Et donc, cette cité de l'économie qui est à Paris, qui est une ancienne succursale
10:29de la Banque de France dans un bâtiment magnifique, néo-gothique, rien que pour les gens le visitent
10:35pour l'architecture et le patrimoine, il est plein de numériques, il y a des jeux
10:41qui amènent à s'engager, et de tous âges.
10:43On ne peut y emmener que des enfants.
10:46Il y a eu quoi, l'exposition Astérix, c'est ça, Marceau-Guillet ?
10:50Anthony est actuellement sollicité pour nous aider, je dis nous parce que je continue à
10:55être dans le processus, à créer un espace enfant-famille qui n'apparaîtra que l'année
11:01prochaine.
11:02C'est la cité de la Villette, quoi.
11:03C'est la cité de la Villette de l'économie.
11:05Et dans Paris.
11:06Et dans Paris.
11:07Et puis, il y a d'autres actions qui doivent être faites.
11:10On ne va pas s'étendre là-dessus, mais sur les collégiens, parce que les enfants, c'est
11:14bien.
11:15Les terminales ou les secondes, disons, de l'économie, pas tous, pas toujours.
11:19Les étudiants s'en occupent, les entrepreneurs, mais les collégiens aussi.
11:24Et là, il y a une démarche d'acquisition d'un passeport financier qui est lancé par
11:28la Banque de France.
11:29Un chapitre qui vous parle d'actualité à nous vendre, Anthony, Marc-Olivier, vous
11:35avez chacune une minute.
11:36Alors, il y en a un qui vient, et puis il y en aura d'autres après.
11:41C'est celui sur la dérive des finances publiques, parce que c'est d'actualité, avec l'idée
11:46que la dette publique, elle peut avoir une utilité parce que l'État peut faire des
11:52investissements qui feront de la croissance future, mais que pour autant, c'est un fardeau
11:57à porter.
11:58On le ramène à la capacité à rembourser, c'est-à-dire le flux de production chaque
12:03année, le PIB.
12:04Et à ce moment-là, on essaye de le stabiliser.
12:07Cette dette, elle est créée par une accumulation de déficit depuis 50 ans, et actuellement,
12:14on a une croissance qui ne fait que 3%, à peu près, en potentiel, puisque 1% de croissance
12:20réelle, 2% d'inflation, une fois qu'on y est revenu.
12:23Et donc, c'est logique qu'il faille revenir d'un déficit qui est de 6% à 3%.
12:29Après, il y aura un problème sur les taux d'intérêt, et actuellement, c'est un peu
12:32inquiétant, parce que la France est challengée sur sa capacité à ramener progressivement
12:41ce chiffre.
12:42Mais il y a donc une transition sur d'autres chapitres aussi.
12:45Oui, tu m'as piqué du coup le coup.
12:46C'était celui que vous vouliez citer, Anthony ! Il faut en trouver un autre, alors !
12:49Non, mais c'est facile.
12:50Quand tu parlais de dette publique, le ratio de la dette, c'est la dette sur PIB, donc
12:53il y a le chapitre sur la croissance, comment on fait de la croissance, et comment on fait
12:57de la croissance dans ces nouveaux environnements aussi, où on a des contraintes, des transitions
13:00actuelles, où il faut une croissance soutenable, durable, donc le chapitre 2 de mémoire, qui
13:06s'appelle « De l'état stationnaire à la stagnation séculaire ? ».
13:09Oui, c'est des mots compliqués.
13:11La stagnation séculaire, c'était le grand drame du cycle précédent, c'est ça.
13:16Merci beaucoup, messieurs, merci d'avoir pris ces quelques minutes pour venir nous
13:19exposer les enjeux de l'éducation économique, comme je le dis, et puis nous parler de votre
13:24ouvrage.
13:25On parie que vous allez aimer l'économie, parue aux éditions Ellipse, avec les deux
13:29auteurs avec nous en plateau aujourd'hui, Anthony Benhamou, économiste et maître de
13:32conférences à Sciences Po Paris, et Marc-Olivier Stroscane, économiste, enseignant et directeur
13:37général honoraire de la Banque de France.
13:38Merci à vous deux.
13:39Merci beaucoup.

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