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Pas une semaine sans un drame en Méditerranée, chaque jour des migrants tentent de rejoindre les côtes européennes au péril de leur vie et chaque jour des ONG essaient de les secourir. Mais pourquoi, l’action de ces ONG est-elle contestée ?Au Printemps 2024, l’Europe a adopté un Pacte sur la migration et l’asile. Il prévoit de traiter une partie des demandes aux frontières extérieures de l’Union Européenne et introduit un mécanisme de solidarité entre États membres en cas d’arrivées massives. Une réponse pour tenter de répondre aux défis de l’immigration en Europe ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :

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00:00En pleine mer un film de Muriel Kravat, documentaire qui réhumanise un sujet souvent traité à coups de statistiques et puis qui nous ramène
00:07à une réalité complexe à laquelle il est difficile de répondre de façon tranchée et définitive. On va donc essayer
00:14d'être dans la nuance avec nos invités que je vous présente tout de suite. Falmarès, bonsoir, bienvenue, merci d'avoir accepté notre invitation.
00:20Vous êtes poète, vous venez de Guinée, vous êtes installé à Nantes depuis 2017, vous avez quitté Conakry à l'âge de 15 ans.
00:26D'abord prise en charge par un entrepreneur qui vous fait travailler en Algérie,
00:30puis vous passez en Libye où vous vivez l'enfer, un enfer d'ailleurs décrit dans le film qu'on vient de voir. Vous rejoignez la Sicile à
00:36bord d'un zodiac avec 180 personnes, vous êtes secouru par la croix rouge et la croix blanche.
00:43Aujourd'hui vous êtes l'auteur de cinq livres dont celui que l'on va voir à l'image
00:47catalogue d'un exilé paru chez Flammarion et vous avez été nommé ambassadeur de la paix et l'UNICEF vous a décerné le prestigieux prix de poésie.
00:56Merci à vous d'être ici.
00:58Fabrice Leggeri, bienvenue à vous également, vous êtes député européen RN, vous êtes l'ancien directeur de Frontex,
01:04c'est l'agence européenne de protection des frontières.
01:06Vous l'avez dirigée entre 2015 et 2022, vous l'avez quittée suite aux conclusions d'un rapport
01:11de l'office européen de lutte antifraude. L'agence a été accusée d'avoir dissimulé
01:16l'organisation de refoulements illégaux de migrants en Méditerranée et de votre côté vous dénoncez, je vous cite, la tyrannie à la fois des ONG
01:24et du droit européen, évidemment, on va y revenir. Mélanie Vaugelle, bienvenue à vous également, vous êtes
01:29sénatrice écologiste représentant les Français établis hors de France, vous êtes membre de la commission des lois,
01:35coprésidente du Parti Vert européen et vous avez aussi un passé d'humanitaire engagé puisque vous avez travaillé pour Amnesty International.
01:42Nicolas Pouvromonti, bienvenue, vous êtes directeur de l'Observatoire de l'immigration et de la démographie, c'est un laboratoire d'idées
01:48indépendantes dont la promesse est d'apporter, je cite, une vision rationnelle et dépassionnée sur les questions migratoires, ça tombe bien, c'est ce qu'on veut faire aussi.
01:57Avant d'en venir au rôle des ONG, à celui des États, de l'Union européenne, avant de parler des tensions politiques et ou
02:05diplomatiques que cela provoque, je voudrais vos réactions et votre éclairage à la réalité qui a été présentée dans ce documentaire.
02:12Falmarès, est-ce que ce que vous avez vu dans ce film
02:15ressemble de près à ce que vous avez vécu du côté des rescapés, puisque là le film parle plutôt
02:21du rôle des ONG, est-ce que vous, de ce que vous avez vu, ça ressemble à ce que vous avez vécu et la façon dont vous avez été sauvé, Homer ?
02:28Absolument, quand j'ai vu le film, je me suis senti
02:32à l'instant même où j'étais dans le bateau, où j'étais dans le zodiac après le bateau qui nous a sécouru la Croix-Rouge et la Croix-Blanche.
02:41J'ai mis un peu plus de temps à m'en remettre, à me rendre compte que je ne suis plus à ce moment-là, donc c'était une émotion
02:49particulière.
02:52Même si j'étais devant l'écran, bien sûr, mais c'est exactement comme ça que ça se passe et c'est quelque chose qu'il
03:00faut la vivre, en fait, pour comprendre.
03:03Qu'est-ce qu'on ressent quand on est à bord d'une
03:05embarcation à la dérive comme celle-là et qu'on voit des ONG arriver qui sont là pour vous sauver ? Qu'est-ce que vous avez ressenti ?
03:10On est entre la vie et la mort parce que
03:14la plupart des gens, y compris moi, à ce moment-là,
03:18nous ne savons pas nager. La plupart
03:21des gens qui quittent, notamment en Afrique de l'Ouest,
03:25ne savent pas nager parce que les parents ont peur que les enfants aillent dans l'eau, donc
03:31on grandit dans cette peur-là. Et quand ces ONG arrivent et qu'elles viennent à vous sur ce bateau, qu'est-ce que vous ressentez ?
03:38Vous comprenez que ça y est, vous allez vivre grâce à eux ? L'espoir.
03:42L'espoir, parce que quand on regarde le documentaire, on voit qu'ils n'ont pas de gilets de sauvetage au départ.
03:47Et c'est les ONG, en fait, qui donnent,
03:50les sociétés méditerranéennes, qui donnent les gilets de sauvetage plus tard. Et même dans cette embarcation
03:56vers le grand bateau, il peut y avoir des coups, il peut y avoir des précipitations,
04:00il peut y avoir des malaises, il peut y avoir aussi des enfants qui n'ont pas la capacité d'aller
04:08dans d'autres bateaux, tout simplement. Mais c'est un espoir aussi.
04:14La réalisatrice prend le parti de nous montrer surtout des femmes et des enfants
04:18dans ce documentaire. Et c'est vrai qu'on ne les voit jamais. Après tout, on voit plutôt des hommes.
04:23Est-ce qu'on la connaît, d'ailleurs, la typologie générale ? Et je m'adresse à vous, Nicolas Pouvrementy,
04:29la typologie générale de ces hommes et de ces femmes et de ces enfants
04:32qui tentent de rejoindre les côtes européennes et qui sont à bord de ces embarcations ?
04:36Majoritairement plutôt des hommes, avec néanmoins des femmes, et notamment des femmes enceintes. On le voit dans le documentaire en question.
04:42Jeunes, parce qu'évidemment une traversée de ce type se fait lorsqu'on a à la fois des perspectives
04:47pour le reste de son existence et des capacités physiques qui permettent d'entreprendre un voyage qui est très périlleux.
04:52En la matière, il y a une forte poussée des arrivées de mineurs ou de gens qui se présentent comme mineurs.
04:59Une partie d'entre eux le sont vraiment, c'est toute la question de l'évaluation ensuite.
05:03Ça pose aussi la question des risques que courent ces personnes et du signal que l'Europe leur envoie
05:09qui peut les inciter potentiellement à prendre ce genre de risques, mais on aura l'occasion de ne pas en parler.
05:12Et on va y venir, absolument. Vous avez raison. Fabrice Leggeri, vous a touché, ce film, de voir ces personnes
05:17d'abord dans les embarcations en détresse et puis sauvées par ces ONG ?
05:20Je crois que d'abord ce documentaire nous renvoie à une réalité tragique qui est l'exploitation de la misère humaine
05:27par des groupes criminels. Alors le documentaire s'intitule « En pleine mer », donc c'est la partie maritime de ce périple.
05:36Mais je pense que ce qu'il faut, c'est penser qu'il y a aussi probablement des épisodes qu'on aurait pu appeler « En plein désert ».
05:44Une personne, dans le documentaire, je crois, il fait vaguement référence. Et puis il y a aussi les raisons du départ, le transit et donc toute la problématique
05:54de ces organisations criminelles dans les pays de départ, dans les pays de transit. Donc ça, c'est peut-être un petit peu, je dirais, sur le cadrage général.
06:01Ensuite, peut-être deux réactions. La première sur la typologie des personnes.
06:07Effectivement, le documentaire donne le sentiment, l'impression en tout cas, que ce sont majoritairement, pour ne pas dire presque exclusivement,
06:16des femmes et des enfants. Or, les statistiques que moi je pouvais avoir entre 2015 et 2022 faisaient plutôt état d'une très très large prédominance d'hommes,
06:30d'hommes jeunes, avec de temps en temps, effectivement, des femmes, y compris des femmes enceintes et quelques enfants en bas âge.
06:39Mais disons que là, il y a une espèce de disproportion.
06:42Pourquoi, d'après vous, ça change quelque chose de savoir qu'il y a...
06:45Je crois que vous l'avez expliqué vous-même. Vous avez dit que la réalisatrice a pris le parti pris de montrer des femmes et des enfants.
06:53Donc voilà, c'est le parti pris, je dirais, de la réalisatrice.
06:57Maintenant, il y a une chose que l'on entend dire par, je crois que c'est un représentant d'une ONG, et qui est faux,
07:05qui dit que les États, les États côtiers, y compris les États côtiers européens, ne font rien pour organiser le sauvetage.
07:15C'est l'une des représentantes de l'SOS Méditerranée qu'on entend, au moment du brief, d'ailleurs.
07:18C'est ce qui est totalement faux comme information factuelle.
07:22– Mélanie Vaugel, c'est une question basique mais fondamentale, c'est pourquoi partent-ils, ces migrants ?
07:28Et je voudrais vous répéter les mots de l'une des jeunes femmes qui est interrogée dans ce documentaire.
07:32Elle dit, « Nous n'avons pas fui pour l'appât du gain, ni pour construire de grandes villas.
07:36Nous avons émigré pour pouvoir aider nos proches et nos enfants à sortir de la misère.
07:40À cause de la guerre au pays, nous ne pouvons rien faire. »
07:43En gros, elle nous dit, on ne vient pas pour vous piquer vos boulots et votre vie, on est là pour se sauver.
07:50Qu'est-ce que ça vous inspire que ce sujet soit traité de façon souvent polémique,
07:55et là, je disais, plus humaine avec ce documentaire ?
07:58– Je pense que c'est un des avantages de ce film que de ramener l'histoire,
08:06le récit sur l'immigration à ce que c'est au fond des histoires d'humains
08:12qui vivent à différents endroits de la planète,
08:16qui sont toutes et tous humains comme tous les autres humains,
08:20et qui ont dans leur vie différentes raisons qui les poussent ou pas à quitter leur pays.
08:27Là, dans tous les cas qu'on voit dans ce film,
08:30et en général dans les personnes qui se trouvent dans la situation de traverser,
08:35c'est vrai, parfois, la Méditerranée est un endroit très mortel pour le parcours migratoire,
08:44mais il n'y a pas que la traversée de l'eau qui est dangereuse, mais forcée.
08:48– Quand vous dites forcée, c'est forcée par quoi ?
08:50Si ce n'est pas la guerre, c'est la misère économique ?
08:52– Si ce n'est pas la guerre, c'est une situation politique qui les met en danger,
08:57c'est la misère, c'est la famine, c'est l'impact du changement climatique
09:02qui rend les récoltes impossibles et donc qui crée une crise économique.
09:07– Et c'est l'impression que l'Europe est un eldorado aussi,
09:11c'est l'idée peut-être fausse, à tort ou à raison, que l'Europe est le paradis.
09:16– Dans ce documentaire, on choisit de retracer les parcours des personnes
09:21qui traversent de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique subsaharienne,
09:25un continent puis la Méditerranée pour aller en Europe,
09:27mais l'écrasante majorité des migrations, en particulier quand il y a des pays en conflit,
09:32se font vers les pays voisins, c'est une minorité en réalité.
09:36– Qui part en Europe, qui tente l'Europe.
09:37– Et je voudrais juste dire une chose, parce que M. Legere a fait référence
09:43aux organisations criminelles qui auraient un rôle dans l'existence.
09:47– Vous voyez venir, il y a du trafic.
09:49– Oui, il y a du trafic, vous me posez la question,
09:52pourquoi ils ne s'en vont pas parce qu'il y a des organisations criminelles ?
09:56Ce n'est pas l'existence des passeurs qui crée l'immigration,
09:59c'est l'absence de voie légale de migration qui crée une opportunité pour les passeurs.
10:03– Falmarès, pourquoi êtes-vous parti ? Pourquoi à 15 ans vous décidez de partir ?
10:06– Alors moi, personnellement, c'est des raisons familiales qui m'ont poussé à l'exil,
10:11donc je ne vais pas rentrer trop dans le détail, mais c'est…
10:14– Mais est-ce qu'il y avait une question de survie, est-ce que c'était…
10:16– Absolument.
10:17– Évidemment, les pays d'accueil ont besoin de comprendre
10:19pourquoi ces milliers de personnes tentent une aventure en Europe,
10:23qu'est-ce qui les pousse profondément ?
10:25– Dans mon cas, il y avait un besoin de survie,
10:28vraiment Vital qui était là, qui m'a poussé à quitter ma famille,
10:32ou quand Mélanie Vogel, vous l'avez dit tout à l'heure,
10:37ce n'est pas un parcours de vacances,
10:39ce n'est pas un plaisir de quitter son pays, sa famille,
10:43les endroits qu'on a connus, les amis, on ne le fait pas par plaisir.
10:46Tout le monde aime son pays, même si on est né dans le carcan,
10:51dans le fond d'un endroit au bout de la terre, on aime bien.
10:55– Alors, on va parler du rôle de ces ONG,
10:57depuis des années existe le débat autour d'un possible,
11:01les gens emploient des guillemets, un possible appel d'air,
11:03qu'elles provoqueraient en allant se courir les bateaux à la dérive,
11:06et d'un droit européen qu'elles respecteraient plus ou moins,
11:08en franchissant même parfois quelques lignes rouges.
11:10Avant de vous demander évidemment votre avis,
11:12je voudrais que l'on écoute le pilote qui repère les embarcations
11:15à la dérive dans le documentaire, il s'exprime après cette course
11:18contre la montre avec des garde-côtes libyens,
11:21et c'est un moment intéressant du film, je voudrais qu'on l'écoute.
11:24– Pourquoi les Libyens émettent un tel acharnement ?
11:28– Pour justifier au minimum les dizaines de millions de baux
11:31qu'ils reçoivent de l'Europe.
11:33Ce qu'il faut surtout, je ne pense pas oublier,
11:35c'est que les Libyens, sans le soutien des Européens,
11:37sont dans l'incapacité de repérer tous ces bateaux
11:39et donc de procéder à toutes ces interceptions.
11:43Et évidemment de voir qu'un tel dispositif a été mis en place,
11:47à savoir des dizaines de millions d'euros, des avions, des drones,
11:53avec un seul objectif, repérer ces gens,
11:55puis pas pour les secourir,
11:58mais pour permettre qu'ils soient interceptés dans les plus brefs délais,
12:02et donc ramener en Libye, c'est abjecte.
12:09– Alors là, on entre dans le vif du sujet,
12:11et dans la partie, j'allais dire, la plus polémique.
12:12Fabrice Légiri, est-ce que ce qu'il dit est vrai ?
12:14– Alors ce qu'il dit est faux,
12:15dans le sens où c'est un procès d'intention à l'Union européenne
12:18et aux institutions de l'Union européenne et aux États qui la composent.
12:22Ce qui est vrai, c'est que des dizaines de millions d'euros
12:24ont été versés par la Commission européenne de mémoire,
12:2846 millions aux alentours de 2017-2018.
12:34– Versés à qui ?
12:35– Versés à la Libye, au gouvernement.
12:37– Donc des dizaines de millions d'euros ont été versés à la Libye,
12:39pour que la Libye empêche ?
12:41– Non, 46 millions pour créer à Tripoli un centre de secours,
12:47de coordination du secours maritime, et pour équiper la Libye
12:52avec des vedettes, des bateaux en fait,
12:55capables de développer une fonction de garde-côte.
12:59– Donc l'Europe ne paye pas la Libye pour les empêcher,
13:01pour empêcher les migrants de rejoindre les côtes européennes.
13:04C'est ce que vous dites.
13:05– C'est là que le membre de l'ONG qui s'exprime,
13:10exprime un point de vue qui est un procès d'intention
13:13fait à la Commission européenne à l'époque,
13:15et à l'Union européenne de manière générale,
13:18parce que la réalité c'est de pouvoir sauver des personnes.
13:20La fonction qui a été financée,
13:25c'était de créer une capacité de garde-côte
13:27pour la restauration d'une entité étatique en Libye,
13:32il faut voir qu'on part d'un état,
13:34d'une situation où il y a un état failli,
13:36on va dire un état qui ne fonctionne pas,
13:39et donc c'est dans le rôle d'une reconstruction difficile,
13:42certes, complexe, avec des rivalités politiques
13:45entre différentes factions en Libye,
13:47mais l'objectif c'est de donner une capacité de reconstruction
13:50d'un état qui pourra en premier lieu assurer la sécurité maritime.
13:55Et je voudrais terminer sur le fait que la Libye
13:58a déclaré à l'Organisation maritime internationale,
14:01basée à Londres, le fait qu'elle revendiquait,
14:04qu'elle entendait exercer ses responsabilités d'état côtier,
14:08c'est-à-dire qu'elle déclarait une zone de secours maritime
14:11en Méditerranée conformément aux droits de la mer.
14:14Aucun état, personne n'a objecté à cela,
14:17et à partir d'un certain délai,
14:19lorsqu'à l'Organisation maritime internationale,
14:21aucune entité étatique, personne n'a objecté,
14:24ça devient du droit opposable à tous les acteurs,
14:27et ça devient donc du droit opposable
14:29à n'importe quel acteur privé ou public,
14:32qui doit donc en premier lieu considérer
14:34que dans la zone de secours maritime déclarée par la Libye,
14:38c'est la Libye, donc ce centre de coordination atripoli,
14:41qui est juridiquement et opérationnellement
14:44le seul compétent en premier lieu.
14:46Quand on entend tous les rescapés raconter ce qu'ils vivent en Libye
14:50et la façon dont les gardes-côtes libyens et les Libyens les traitent,
14:53on peut se demander légitimement si la Libye est le bon interlocuteur,
14:56le bon intermédiaire Mélanie Vaugel, est-ce que c'était le bon pays ?
14:59Oui, mais surtout que, moi je suis jamais allée en Libye,
15:04mais il se trouve que j'ai accueilli chez moi pendant un certain temps,
15:09parce que j'en avais la possibilité,
15:11à Bruxelles des personnes qui avaient un parcours de migration
15:15et qui étaient en Belgique mais qui n'avaient pas vocation à y rester,
15:19et j'ai beaucoup discuté avec elles de leur parcours,
15:22et toutes me disaient, le pire endroit, le pire moment, c'était la Libye.
15:28Le risque d'être réduit en esclavage, les tirs à balrettes,
15:31enfin on m'a raconté des histoires atroces,
15:34et il faut bien se rendre compte que ces personnes n'ont,
15:36pour la plupart, aucun rapport avec la Libye.
15:38C'est comme s'il y avait un coup d'État en France et vous êtes en danger,
15:42et vous allez vous exiler au Canada et on vous renvoie à Vladivostok,
15:46parce que ces gens ne sont pas libyens, n'ont pas de lien avec la Libye,
15:49n'ont rien à faire en Libye en réalité.
15:52Et donc on ne les met pas du tout en sécurité en les renvoyant en Libye,
15:56et puis la plupart du temps, ils essayent de repartir à un moment ou à un autre,
16:00prenant une nouvelle fois des risques pour leur vie.
16:03– On parle de trafic, d'esclavage sexuel, d'un enfer en Libye,
16:06c'est décrit comme ça dans le film, c'est ce que vous avez vécu Falmaré ?
16:09– Oui, quand on parlait au début de l'émission des femmes
16:12qui arrivent en état de famille, comme on dit, qui attendent des enfants,
16:17ce n'est pas par hasard que ces femmes-là sont dans ces états-là.
16:22Parfois, elles sont obligées à faire des choses abjectes,
16:26des choses qu'elles n'ont pas envie de faire.
16:28Parfois, on les oblige à faire des choses pour payer leur passage,
16:33pour survivre, pour satisfaire le désir de certaines personnes, tout simplement.
16:39– Et vous, en Libye, votre expérience en Libye ?
16:42– C'était la pure expérience de ma vie, tout simplement,
16:45physiquement et moralement, parce que dans le camp où j'étais,
16:51c'est une prison, il y avait énormément de personnes,
16:55et moi j'ai vu des gens qui ont essayé de fuir le camp,
16:59parce qu'ils ont fait des mois, d'autres même plus d'une année dans ce camp-là.
17:05Ils ont faim, ils sont maltraités, mal nourris,
17:09et ils ont essayé de fuir ce camp-là.
17:12On a rattrapé d'autres personnes, d'autres ont fui,
17:15on a tiré sur d'autres, et les gens qu'on a rattrapés,
17:19on les a tabassés, une personne est morte devant moi, sous mes yeux.
17:24Et tout le temps, quasiment tous les jours, le soir, on tire à l'air,
17:31on tire sur des gens, et on tabasse des gens qui n'obéissent pas.
17:36Donc c'est l'un des endroits, aujourd'hui, les moins sûrs sur notre planète.
17:43Quand je vous entends dire que c'est le partenaire,
17:47est-ce que l'Union européenne doit collaborer dans ce sens-là avec la Libye ?
17:51Mais c'est la pire chose qu'on peut faire dans cette situation-là,
17:55ce n'est pas un partenaire sûr.
17:56– Quand on entend ces témoignages, pardonnez-moi Nicolas Pouvremontier,
17:59c'est vrai qu'on se demande pourquoi et comment l'Europe peut collaborer
18:03avec la Libye, alors que les témoignages sont unanimes.
18:06Le traitement en Libye est catastrophique, que fait l'Europe ?
18:10– Il se trouve hélas que l'Europe ne choisit pas ses géographies.
18:12Les pays de départ, notamment pour les traverser de la Méditerranée
18:16depuis le continent africain vers l'Europe,
18:17ce sont des pays qui ont un rapport au droit de l'homme
18:19qui n'est pas le même que celui de l'Union européenne, pour dire le moins.
18:22On parle de la Libye dont le cas est extrême,
18:23parce qu'effectivement l'État libyen s'est effondré sur lui-même
18:25depuis dix ans avec un système…
18:27– Mais c'est à eux qu'on confie la gestion de cette crise migratoire,
18:29donc il y a un paradoxe qui m'échappe un peu.
18:31Parce que les migrants se rendent en Libye,
18:33et parce que l'étape suivante est la traversée vers l'Europe.
18:36Si on veut éviter que les migrants se rendent en Libye,
18:38ce qui est l'une des questions qu'on pose ici,
18:40la question n'est pas de ne pas coopérer avec la Libye
18:42pour que les migrants ne risquent pas leur vie en traversant la Méditerranée,
18:45la question est plutôt d'envoyer des signaux qui rendent moins probable
18:50la perspective d'être prise en charge et accueillie sur le sol européen.
18:53De ce point de vue-là, même dans des situations humaines
18:55extrêmement complexes et dramatiques,
18:57les migrants sont des individus rationnels,
18:59les organisations criminelles qui souvent les accompagnent
19:01sont hélas encore plus rationnelles et savent calculer.
19:03– Le rôle des ONG, vous parlez de signaux,
19:05est-ce qu'en secourant des êtres humains en détresse,
19:08elles envoient le signal qui est, tentez le coup, on peut venir vous sauver ?
19:13– C'est toute l'ambiguïté du positionnement de ces ONG
19:15qui font effectivement de vraies opérations de sauvetage en mer incontestables,
19:18ce que fait aussi Frontex par ailleurs,
19:19ce que font un certain nombre d'entités publiques, nationales et européennes.
19:24Mais SOS Méditerranée ne se contente pas de secourir des gens en mer,
19:27SOS Méditerranée secoure des gens en mer avec les perspectives
19:30de les amener sur les côtes européennes pour que par exemple
19:32leur demande d'asile puisse être prise en charge,
19:33ce qui est effectivement ce à quoi les amène l'état actuel de l'Union Européenne.
19:35– Quand vous dites ça, c'est prouvé ?
19:38– C'est ce que fait SOS Méditerranée concrètement, c'est ce que fait…
19:40– Vous dites presque qu'il y a de l'idéologie derrière en fait,
19:42qu'il y a une politique immigrationniste, pour être clair.
19:45– L'idéologie, s'il y en a-t-il une derrière,
19:47si j'en ai une, pardon, très mauvaise liaison,
19:48derrière le travail de SOS Méditerranée,
19:51c'est ce qu'on entend souvent sous le slogan d'accueil inconditionnel,
19:53fondamentalement, l'accueil inconditionnel c'est un slogan,
19:56mais c'est un slogan qui pose un certain nombre de questions,
19:58c'est-à-dire que la population du continent africain a doublé depuis 1990,
20:02elle va gagner un milliard d'habitants d'ici à 2050,
20:04la moitié de la population africaine aura de moins de 25 ans,
20:07se pose la question de la capacité d'accueil des sociétés européennes
20:10au regard des impératifs de cohésion sociale et politique,
20:14et se pose aussi d'ailleurs la question de l'impact de tel flux
20:16sur les sociétés d'origine, un nombre de demandes d'asile
20:18qui a été multipliée par trois en dix ans,
20:20cette dynamique, entre autres résultats pour les pays d'origine,
20:23elle revient à les saigner d'un certain nombre de forces vives
20:26qui sont nécessaires à leur développement.
20:27– Je vais tout vous faire réagir sur cette question,
20:29mais Fabrice Leggeri, les ONG sont sur un fil,
20:33parlons d'SOS Méditerranée puisqu'il s'agit d'SOS Méditerranée dans ce film,
20:36est-ce qu'il y a une idéologie derrière, une politique immigrationniste
20:40telle que certains l'en accusent ?
20:42– Je crois qu'il y a de nombreuses ONG qui viennent de différents pays européens,
20:46donc il y a des rôles qui sont peut-être différents les uns des autres,
20:51il y a une ambiguïté fondamentalement dans leurs objectifs.
20:58Je crois qu'il est incontestable que des secours maritimes ont lieu,
21:03des secours à naufragés.
21:05– Nécessaires ?
21:06– Qui auraient parfois pu être faits autrement par les autorités étatiques,
21:10c'est là que je dénonce le mensonge de ce pilote d'avion
21:14qui nous explique que les États côtiers européens ne font rien, ce qui est faux,
21:19et l'agence Rontex que j'ai dirigée a sauvé 300 000 personnes
21:23pendant que j'étais directeur de l'agence entre 2015 et 2022,
21:27et l'agence ne travaille pas de manière autonome,
21:29ce n'est pas une espèce d'entreprise privée comme certains le présentent,
21:35c'est une agence publique de l'Union Européenne
21:37qui travaille sous l'autorité des États membres.
21:41Donc moi, ce que je trouve ambigu de la part de certaines ONG,
21:45c'est qu'elles refusent le droit international tel qu'il existe.
21:50En mer, il y a des règles.
21:52Donc une ONG qui dit, qui signale aux autorités étatiques
21:57qu'elle est présente sur zone,
21:58qu'elle peut apporter une capacité supplémentaire de sauvetage,
22:03pourquoi pas ?
22:04Ça m'est arrivé parfois d'avoir très très loin des polémiques
22:08et très très loin des plateaux télé,
22:11des échanges avec certaines ONG qui étaient sur certaines zones,
22:16et d'ailleurs parfois proches du continent européen
22:20et pas juste devant la Libye,
22:23et qui mettaient leur capacité à disposition des États.
22:28C'est l'obligation de toute personne privée qui est en mer
22:32de se mettre à disposition de la coordination.
22:35Donc ça, c'est le côté ambigu,
22:36c'est-à-dire on dénonce les États,
22:37et clairement le pilote qu'on entend ici dénonce les États.
22:40Maintenant, il y a autre chose,
22:42dans les années, et ce n'est pas SOS Méditerranée à qui je fais référence,
22:46il y a des ONG dont le rôle est trouble
22:49par rapport au trafic d'êtres humains, par rapport aux passeurs.
22:53Nous avons collecté des preuves en 2017
22:58de certaines connivences sous la forme par exemple d'ONG
23:04qui masquent leur présence géographique,
23:07c'est-à-dire que normalement des bateaux doivent signaler leur présence.
23:10Je dirais que c'est un peu comme si vous étiez au volant d'une voiture,
23:13en pleine nuit, vous éteignez les lumières,
23:14vous enlevez votre plaque d'immatriculation.
23:16Donc des bateaux qui tout à coup disparaissent des écrans radars,
23:19contrairement à leurs obligations internationales,
23:21et qui ensuite réapparaissent plusieurs heures plus tard en disant
23:25« Heureusement que les ONG sont là parce que les États n'ont rien fait,
23:28et nous, nous avons 300 personnes à bord ».
23:30Comment s'est fait le contact avec les migrants qui arrivent de Libye ?
23:35L'agence Contexte avait collecté, en coopération avec l'Italie,
23:38des informations montrant qu'il y avait,
23:41par des annonces sur des sites internet,
23:43par l'usage de signaux lumineux,
23:45qu'il y avait des rendez-vous qui étaient planifiés en mer.
23:49Mélanie Bogel, que répondre à cette idée
23:52que les ONG joueraient un jeu à ces troubles ?
23:53On voit qu'elles se professionnalisent,
23:55d'ailleurs ce documentaire est là aussi pour nous le montrer,
23:57on voit qu'elles ont des moyens et qu'elles s'affairent,
23:59elles sont aussi dans la communication.
24:01Est-ce qu'elles jouent à un jeu trouble
24:02qui finalement devient même contre-productif
24:04vis-à-vis des migrants et des Européens ?
24:07Non, mais moi j'ai toujours trouvé que ce récit qui consistait à dire,
24:11et c'est ce que je disais un peu au début,
24:13il y a une responsabilité des flux migratoires, des ONG,
24:18parce qu'elles vont sauver des gens en mer,
24:21les gens ne traversent pas la Méditerranée
24:23parce qu'il y a des ONG qui existent.
24:25Les gens traversent la Méditerranée parce qu'ils en ont besoin.
24:28Donc après, quand il n'y a pas de voie légale de migration,
24:31ce qui est la meilleure solution si vous voulez arrêter les morts en Méditerranée,
24:34les passeurs, SOS Méditerranée, etc.,
24:36c'est qu'il y ait des voies légales de migration.
24:38Mais quand il n'y en a pas, les gens prennent des risques.
24:41Et donc, moi je ne sais pas exactement à quoi il est fait référence
24:44sur les preuves qu'il y aurait, je n'en sais rien.
24:47Mais en tout cas, les ONG que je connais, SOS Méditerranée,
24:52par exemple moi je suis marseillaise,
24:53je passe beaucoup de temps de ma vie en mer,
24:57c'est juste quelque chose, quand vous êtes en mer
24:59et qu'il y a des gens qui ont besoin d'aide,
25:01vous avez l'obligation de les aider.
25:02Et vous ne pouvez pas dire à des gens qui sont en mer
25:06de faire autre chose que ça.
25:07Par contre, les politiques qu'on mène
25:11décident de comment ils migreront,
25:13est-ce que ce sera dangereux ou pas,
25:15qui ils payeront, comment.
25:17Donc on décide, les politiques européennes de migration
25:21ont un impact sur les conditions dans lesquelles les gens migrent.
25:24L'objectif qui est moins de migration,
25:26pour moi, n'est pas un objectif.
25:27L'objectif, c'est qu'il y ait moins de migration forcée.
25:30Après, le fait que les gens se déplacent dans le monde,
25:32pour moi, ce n'est pas un problème.
25:33Je ne cherche pas à ce que les gens se déplacent moins dans le monde.
25:35D'ailleurs, c'est toute la divergence de point de vue politique.
25:37Là, on est sur un débat politique, bien sûr.
25:39Par contre, l'objectif, c'est que les gens ne se déplacent pas plus
25:42parce qu'ils sont forcés de le faire.
25:43Comment vous les vivez, ces critiques vis-à-vis des ONG
25:45qui vous ont sauvé Falmarès,
25:47où on dit qu'elles font exprès de déposer sur les côtes européennes
25:49pour un peu piéger l'Europe et piéger les Européens
25:52et amener des réfugiés qui n'auraient peut-être pas dû avoir leur place
25:55sur le sol européen ?
25:56– Moi, je dirais, c'est plus que des critiques,
25:59c'est presque des accusations, comme vous le faites.
26:03Je suis d'accord avec vous sur un point quand vous dites que
26:06ces pays-là ont des responsabilités sur ce qui se passe.
26:10Bien sûr, et je le partage entièrement,
26:12les pays africains, ces pays-là, ont aussi des responsabilités.
26:17Mais la question en fait, de quoi on parle quand on parle de migrants ?
26:22De qui on parle ? Parce qu'on parle des Africains.
26:26Mais la question que je veux vous poser, s'ils étaient Européens,
26:32est-ce que vous allez dire qu'on va les laisser à SOS Méditerranée
26:37ou d'autres ONG, on va les laisser à mer ?
26:39C'est parce qu'ils ne sont pas Européens,
26:41c'est parce qu'ils ne sont pas d'ici, tout simplement.
26:45– Vous pensez qu'on fait une différence parce qu'ils viennent du continent africain
26:50et que si c'était, je ne sais pas…
26:53– Les Ukrainiens, les Européens ont réagi bien différemment au réfugié de l'Ukraine.
26:58– Il y a des situations de guerre en Ukraine que personne ne peut nier,
27:00et l'Europe est le pays qui a sur le plus fort.
27:02– Il y a des situations de guerre à plusieurs endroits dans le monde,
27:03pas qu'en Ukraine, monsieur.
27:05Je suis désolé en fait pour ce qui se passe en Ukraine aujourd'hui,
27:09c'est vraiment désolant, mais il n'y a pas que l'Ukraine aujourd'hui dans le monde.
27:13– Oui, mais quand Ukraine…
27:14– Il y en a au Congo, il y en a plein d'endroits dans le Sahel,
27:18il y a à Gaza aussi aujourd'hui, dans d'autres endroits dans le monde.
27:24Bien sûr, mais quand on fait en fait cette humanité sélective,
27:29parce que c'est ça, on choisit d'autres personnes, on laisse d'autres personnes,
27:33et si c'était des Européens,
27:36je pense que peu de gens allaient mourir en Méditerranée,
27:39peu de gens, voilà, ce drame serait peu.
27:43– C'est votre sentiment à vous, vous avez le sentiment
27:45que c'est parce que vous êtes Africain qu'on rechigne à l'accueil ?
27:48– Je pense qu'on doit être réaliste sur ces questions-là,
27:51c'est ça qui se passe aujourd'hui, j'espère que ça va changer,
27:55et le rôle de ces ONG-là, s'il n'y avait pas ces ONG-là, monsieur,
28:00voilà, je pense que ce serait encore beaucoup plus dramatique,
28:03heureusement qu'on a ces ONG-là,
28:05et on a besoin que les États font peu leur rôle sur ces questions-là,
28:10ils en font très peu, ils devraient en faire beaucoup plus,
28:12mais s'il n'y avait pas ces ONG-là, les États ne seraient pas obligés…
28:15– Je vais vous laisser répondre Nicolas, pour vous mentir,
28:17je précise, plusieurs milliers de morts par an en mer, en Méditerranée.
28:21– En la matière, vous avez parfaitement raison,
28:22c'est que les ONG sont un point d'un sujet beaucoup plus large,
28:25si les ONG font ça, c'est aussi parce que, sur le plan du droit,
28:28l'Union Européenne est la zone la plus ouverte du monde
28:31en matière d'immigration, en matière de traitement individuel
28:33des procédures d'asile, en matière de prise en charge sur la santé,
28:37le soin, l'hébergement des demandeurs, ce qui est évidemment normal,
28:40en matière aussi de garantie à portée,
28:41quand on veut renvoyer des gens déboutés de l'asile
28:43vers leur pays d'origine, la directive Retour de 2008 de l'Union Européenne
28:47est l'un des dispositifs les plus protecteurs au monde,
28:49ce qui pose d'ailleurs un certain nombre de difficultés
28:50pour les États qui veulent procéder à des mesures d'éloignement.
28:53On parle beaucoup du taux d'exécution des OQTF en France,
28:55c'est un sujet aussi ailleurs en Europe, de ce point de vue-là,
28:57le droit européen est extrêmement protecteur.
29:00Et pour ce qui est de la comparaison avec le cas ukrainien,
29:02je pense que M. El Djeri a eu l'occasion d'évoquer…
29:04– Je ne pense pas qu'il faut faire, il ne faut pas comparer les deux situations,
29:10en l'occurrence vous compariez le traitement des migrants africains
29:13avec ce qui a pu être le traitement des Ukrainiens.
29:16Le concept central, c'est bien celui de premier pays tiers sûr,
29:19c'est-à-dire que les Ukrainiens ont été largement accueillis en Pologne par exemple,
29:22aussi en Hongrie, il y a eu un dispositif de répartition des Ukrainiens
29:26acté au niveau de l'Union Européenne,
29:27avec la création d'un statut de protection temporaire
29:29qui les dispensait de demander des demandeurs d'asile.
29:31De ce point de vue-là, au-delà du fait que beaucoup des gens
29:34qui traversent aujourd'hui la Méditerranée ne viennent pas de pays en guerre,
29:37je me permets de réévoquer les nationalités méditerranéennes centrales,
29:40Bangladesh en premier, Syrie qui est effectivement un pays en guerre,
29:43même si la situation se stabilise, Tunisie, Guinée, Égypte,
29:46qui sont des pays qui ont énormément de problématiques internes,
29:48notamment de problématiques économiques,
29:50et qui ont sans doute des régimes détestables par beaucoup d'aspects,
29:52mais enfin qui ne sont pas comparables avec la situation de guerre conventionnelle
29:55de haute intensité qui a eu lieu juste aux frontières de l'Union Européenne.
29:58– Le débat va toucher à son thème, si on doit aborder la question peut-être
30:01alors du coup des solutions, est-ce que vous envisagez,
30:03est-ce que vous proposez, c'est quoi, c'est que les situations se règlent localement,
30:08qu'on aide les pays à faire en sorte que les personnes ne partent plus ?
30:10– Je pense qu'il faut distinguer la situation des personnes
30:14qui sont en besoin de protection internationale,
30:16donc on va dire des personnes qui a priori correspondent à une situation de réfugiés,
30:21donc des personnes qui fuient des persécutions gouvernementales ou une guerre,
30:26et puis de l'autre côté on a des personnes qui cherchent un avenir économique meilleur,
30:32c'est légitime, pourquoi pas, mais simplement ne sont pas éligibles…
30:38– En tout cas pas dans l'urgence.
30:39– C'est pas de l'asile, et donc je crois que ça c'est très important,
30:42en tout cas je suis député au Parlement Européen,
30:46le parti que je représente, le Rassemblement National,
30:49estime que les personnes en besoin de protection internationale
30:52devraient pouvoir faire leur demande d'asile ou de protection en amont
30:56sans être obligées de poser le pied physiquement sur le territoire européen.
31:01– Mélanie Vogel, peut-être pour conclure ce débat,
31:04quelles solutions vous, vous y voyez ?
31:05– On a quand même aujourd'hui environ…
31:08je sais qu'on est parti dans ce débat en disant
31:11il faut traiter de manière humaine et pas statistique,
31:13mais malgré tout il faut aussi se rendre compte
31:15que l'immigration illégale est très minoritaire parmi les flux migratoires en général,
31:22et environ 90% des gens qui viennent en Europe viennent légalement en Europe.
31:27Parmi les gens qui viennent illégalement,
31:28une bonne partie ne peuvent de toute manière pas faire autrement
31:31parce qu'ils n'ont pas la capacité de demander l'asile autrement
31:34qu'en arrivant, puis en demandant l'asile, puis au bout d'un an on leur donne ça.
31:37Tout ça, il faut accélérer ça, voilà.
31:40Et à la fin on se retrouve finalement avec pas beaucoup de personnes.
31:43Et nous on est en train de concentrer une énorme partie du débat public,
31:47une énorme partie du débat politique sur peu de cas
31:51de personnes qui en réalité cherchent juste à avoir une vie.
31:56– Nicolas Pouvrementier ?
31:57– Là où je suis d'accord avec madame la sénatrice,
31:58c'est qu'effectivement l'immigration illégale
32:00n'est qu'une partie minoritaire de la question.
32:03En 2022, c'est les dernières données dont on dispose,
32:05les pays de l'Union Européenne ont accordé 3,5 millions
32:07de premiers titres de séjour sur leur territoire,
32:10donc là c'est la voie d'immigration légale classique,
32:12ce qui était une hausse de 135% par rapport à ce qu'on faisait il y a 10 ans.
32:16À côté de ça, le nombre de traversées irrégulières, 380 000,
32:18donc vous voyez c'est à peine 10% par rapport au total
32:20des premiers titres de séjour accordés,
32:22ce qui renvoie à la question plus globale de l'accélération migratoire en Europe,
32:25dont les traversées irrégulières sont un symbole,
32:28et là c'est un symbole dramatique du fait des très nombreux,
32:30trop nombreux marins méditerranéens,
32:31mais ça renvoie plus globalement à la question
32:33de la stratégie européenne en la matière.
32:35Est-ce qu'on souhaite recourir à plus d'immigration,
32:38potentiellement toujours plus d'immigration,
32:40ce qui est la logique notamment des documents de travail
32:42de la Commission Européenne en la matière,
32:43ou est-ce qu'on cherche des alternatives,
32:45par exemple dans une relance démographique européenne,
32:48par exemple dans une capacité de coopération avec les pays d'origine,
32:50ce sont des choix à faire mais il est certain
32:52que les traversées irrégulières sont finalement l'épaisseur du trait,
32:54et là c'est une question dramatique.
32:56Falmarès, je voudrais vous entendre pour conclure ce débat.
32:58À la toute fin du film, on voit les rescapés se réjouir,
33:01applaudir, danser parce que ça y est le bateau arrive en Europe.
33:05Est-ce qu'il y a vraiment matière à se réjouir ?
33:06Est-ce que l'Europe est l'Eldorado ?
33:08Quel est votre message à vous qui avez donc fait cette traversée ?
33:12Vous êtes aujourd'hui en France.
33:13Quel message vous adressez à ceux qui seraient tentés de le faire,
33:15quitte à prendre des risques énormes pour leur vie ?
33:18C'est un risque énorme quand même.
33:20La vie, c'est ce qu'on a sur cette terre de plus précieux, c'est notre vie.
33:26Et mettre sa vie en danger, c'est quelque chose que personne ne devrait faire.
33:32Et beaucoup de gens le font parce qu'ils n'ont pas le choix.
33:36Et c'est ce qui peut se comprendre d'une part,
33:40mais en fait il y a une personne qui veut faire ce périple,
33:45parce que c'est ce mot-là qu'il faut employer.
33:48Et moi, je n'encouragerais personne, même mon pire ennemi, de faire ce périple.
33:54Je n'encouragerais personne à le faire.
33:57Mais malheureusement, il y en a qui le font, pas par choix.
34:01Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui arrivent ici, y compris comme moi.
34:07On ne connaît même pas comment le système français-européen fonctionne,
34:10comment les choses fonctionnent ici.
34:12On parle par exemple des aides, des choses comme ça,
34:15que les étrangers viennent pour avoir ces aides-là, alors qu'en fait vous ne savez pas.
34:21– Voilà, on n'a aucune idée de tout ça, vraiment.
34:24Donc il faut comprendre ça, on ne fait pas tout ça pour ça.
34:29Et aussi les États doivent comprendre ces ONG-là, ces gens-là,
34:36que nous sommes des humains, nous sommes des êtres humains.
34:38On mérite tous le même traitement aussi,
34:41d'inclure l'humain dans leur fonctionnement étatique.
34:45Et ça, c'est très important.
34:47– Et l'appel est lancé, merci.
34:48Merci beaucoup à tous les quatre d'avoir participé à cet échange
34:51sur un sujet sensible, mais que nous avons réussi à aborder
34:53de façon constructive et posée.
34:55Merci beaucoup à tous les quatre d'y avoir participé.
34:57Merci à vous de nous avoir suivis.
34:59Émissions et documentaires à retrouver en replay
35:01sur notre plateforme publicsena.fr.
35:02À très bientôt, merci.

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