Affaire n° 2024-1105 QPC

  • le mois dernier
Loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires repris à l’article L.532-4 du code général de la fonction publique
Date de rendu de la décision : 4 octobre 2024

Category

🗞
News
Transcription
00:00Merci d'avoir regardé cette vidéo !
00:30Merci d'avoir regardé cette vidéo !
01:00Mesdames et messieurs, bonjour. L'audience est ouverte.
01:12Nous allons examiner une question prioritaire de constitutionnalité.
01:16Elle porte le numéro 2024-1105 et concerne certaines dispositions de l'article 19 de la loi 83634 du 13 juillet 1983.
01:29qui porte droit et obligation des fonctionnaires et de l'article L 532-4 du Code Général de la fonction publique.
01:39Mme Lagréfière, où en sommes-nous ?
01:41Merci, M. le Président.
01:43Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 juillet 2024 par une décision du Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Yannick Le Bras,
01:52portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 3e alinéa de l'article 19 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983,
02:02portant droit et obligation des fonctionnaires, dans sa rédaction, résultant de la loi n°2016-483 du 20 avril 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires,
02:13et de l'article L 532-4 du Code Général de la fonction publique, dans sa rédaction, issu de l'ordonnance n°2021-1574 du 24 novembre 2021, portant partie législative du Code Général de la fonction publique.
02:29Cette question relative à l'information du fonctionnaire du droit qu'il a de se taire dans le cadre d'une procédure disciplinaire a été enregistrée au Secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n°2024-1105 QPC.
02:42Maître Benoît Flaman et Maître Pamela Lemasson de Nercy ont produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante les 22 juillet et 5 août 2024.
02:51Maître Anthony Bron a produit des observations dans l'intérêt de Mme Marie-Claire Darnéal, partie à l'instance, les 24 juillet et 5 août 2024.
03:00Le Premier ministre a produit des observations les 24 juillet et 2 août 2024.
03:04Maître Vistan Plateau a demandé à intervenir dans l'intérêt de M. Thierry Maillard et a produit des observations à cette fin, le 22 juillet 2024.
03:12Maître Pamela Lemasson de Nercy et Maître Benoît Flaman ont demandé à intervenir dans l'intérêt de M. Hervé Coliber et du syndicat Action catégorie C et ont produit des observations à cette fin, les 22 juillet et 5 août 2024.
03:25Maître Lionel Crusoé et Maître Marion Auger ont demandé à intervenir dans l'intérêt de l'Union fédérale des syndicats de l'Etat, CGT, et ont produit des observations à cette fin, le 24 juillet 2024.
03:36La SAS Zibri et Texier a demandé à intervenir dans l'intérêt du syndicat Avenir Secours et du syndicat Sud SDIS National et a produit des observations à cette fin, le 24 juillet 2024.
03:48La SCP Foussard-Froger a demandé à intervenir dans l'intérêt de la Poste et a produit des observations à cette fin, le 24 juillet 2024.
03:56Seront entendues aujourd'hui les avocats de la partie requérante et d'une partie intervenante, l'avocat de la partie à l'instance, les avocats des parties intervenantes et le représentant du Premier ministre.
04:06Merci Madame. Nous avons donc pas mal de pléboraires, donc je demanderai aux avocats d'avoir la gentillesse de respecter les délais qui leur ont été impartis.
04:18Nous allons commencer avec maître Benoît Flamand, puis maître Le Maçon de Merci, avocat Baron de Rennes, qui représente M. Lebrat, partie requérante, et M. Hervé Colibert, syndicat Action catégorisée, partie intervenante. Maître Flamand.
04:36Celui qui ne sait pas se taire ne sait pas parler. Il semble que ce précepte, pourtant déjà maîtrisé, doit une fois de plus être rappelé au législateur.
04:52Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, le législateur aurait-il dû prévoir que le fonctionnaire poursuivi disciplinairement soit informé qu'il dispose du droit de se taire ?
05:04Ce sont aujourd'hui 5,6 millions d'agents qui attendent votre décision pour savoir si cette garantie doit leur être reconnue. Parmi eux, des agents soumis à des procédures disciplinaires et à qui on assène toujours le même discours.
05:19Vous devez répondre. Si vous vous taisez, si vous avez quelque chose à vous reprocher, ou mieux encore, si vous ne répondez pas, vous commettez une faute disciplinaire et vous serez sanctionné pour cela.
05:31Qu'importe au demeurant la vérité de ces affirmations, l'essentiel est l'impression produite sur l'agent qui pense devoir parler.
05:41En 1905, le législateur a reconnu au fonctionnaire poursuivi le droit d'accéder à leur dossier et, corrélativement, celui de se défendre. Il va vous falloir aujourd'hui parachever ce droit et juger qu'il inclut pour eux également celui de se taire.
05:55Pour y parvenir, vous devrez répondre à deux questions. La première, presque tautologique au regard de votre jurisprudence, le droit de se taire peut-il être reconnu au fonctionnaire poursuivi ?
06:06La seconde, plus pratique, l'information relève-t-elle du domaine de la loi ou du règlement ? La première question, en réalité, ne vous retiendra pas longtemps.
06:16Depuis 2012, vous jugez avec constance qu'une sanction a le caractère de punition et vous lui appliquez le même régime constitutionnel qu'à la matière répréciée.
06:25C'est donc très logiquement que vous avez pu juger le 8 décembre 2023 qu'un professionnel poursuivi disciplinairement devait être informé qu'il disposait du droit de se taire.
06:35Le 26 juin 2024, vous avez appliqué ce principe au magistrat mis en cause disciplinairement en jugeant qu'il devait être informé de ce droit dès la phase d'enquête.
06:45Bien que leur statut soit organique pour préserver leur indépendance, ils ne sont pas ici dans une situation distincte de celle du fonctionnaire poursuivi.
06:54Tout comme eux, le fonctionnaire peut être amené à reconnaître les manquements pour lesquels il est poursuivi.
07:00Tout comme eux encore, le fait que le fonctionnaire soit entendu ou invité à présenter ses observations est de nature à lui laisser croire qu'il ne dispose pas du droit de se taire.
07:10Vous pourrez ainsi aisément franchir ce dernier pas après que la loi leur ait donné en 1905 le droit de se défendre.
07:18119 ans après, vous jugeriez qu'il inclut celui de se taire.
07:21Viendra alors le second point en apparence plus délicat mais en apparence en réalité seulement.
07:27L'information du droit de se taire relève-t-elle du domaine de la loi ou de celui du règlement ?
07:31Alors on vous dira que le 8 décembre 2023, après avoir consacré l'existence du droit de se taire en matière disciplinaire, vous avez jugé que ce droit relevait du règlement.
07:40Mais il ne s'agissait ici que de l'application constante de votre jurisprudence qui veut que le domaine de la procédure disciplinaire des officiers ministériels soit celui du règlement.
07:51On vous dira également que votre décision du 26 juin 2024 en a fait application au magistrat mais que leur statut est organique.
07:59Et on oubliera qu'ils ne se trouvent pas dans une situation distincte de ceux des autres agents et qu'eux savent peut-être plus que les autres qu'il existe un droit de se taire.
08:11En réalité, il ne sera pas compliqué pour vous de trouver la ligne de partage entre le règlement et la loi à l'aune de l'article 34 de la Constitution.
08:18La loi doit fixer les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils.
08:24L'obligation d'informer à la personne poursuivie qu'elle a le droit de se taire relève ni plus ni moins que de l'exercice des droits de la défense.
08:32Il s'agit au sens premier d'une liberté fondamentale. Sa place relève bien de la loi.
08:36L'inverse, d'ailleurs, en réalité, c'est un non-sens.
08:40Le droit de se taire, c'est une liberté fondamentale relevant de la loi pour celui qui est poursuivi pénalement, pour celui dont le statut est organiquement protégé.
08:47Mais il ne serait plus aussi fondamental lorsqu'il s'agirait des autres serviteurs de l'État.
08:53Ce serait oublié aussi que ces dispositions litigieuses trouvent leur source dans l'article 64 de la loi de 1905.
09:01Et lorsque Raphaël Millès-Lacroix et Marcel Samba obtinrent l'adoption de cet article, c'était avant tout la reconnaissance que les fonctionnaires avaient le droit de se défendre, qu'ils fûtent consacrés.
09:13Le droit de se taire est une liberté fondamentale pour la personne poursuivie.
09:16Elle s'ancre historiquement, conventionnellement, constitutionnellement dans l'exercice des droits de la défense.
09:21L'un inclut nécessairement l'autre.
09:24Il s'agit bien ici d'une garantie fondamentale dont la reconnaissance à l'égard des fonctionnaires relève nécessairement du domaine de la loi.
09:30Et ceci, d'ailleurs, s'articule relativement bien avec le champ du règlement.
09:34Au législateur, le soin de reconnaître ce droit.
09:38Au pouvoir réglementaire, celui d'en préciser les modalités pratiques de mise en œuvre.
09:43Nous faisons le parallèle avec la matière pénale quelques instants pour terminer.
09:47Sous votre impulsion, le législateur a reconnu que la notification des droits à la personne gardée à vue devait s'effectuer par un formulaire mentionnant notamment l'existence du droit de se taire.
09:57Et le pouvoir réglementaire l'a décliné et mis en œuvre pratiquement.
10:03A l'évidence, la reconnaissance de ce droit, tout comme le moment de sa notification, relève du périmètre de la loi pour l'agent poursuivi.
10:11Le règlement ne pourrait qu'en organiser les modalités pratiques, comme notamment la forme de cette notification.
10:17Mais ni le principe, ni le moment.
10:20Il s'agit bien d'une garantie fondamentale que la loi aurait dû prévoir, ce qu'elle n'a pas fait.
10:24C'est pourquoi vous abrogerez les dispositions contestées en tant qu'elles ne prévoient pas que le fonctionnaire poursuivi disciplinairement soit informé qu'il dispose du droit de se taire.
10:33Merci, Maître.
10:35Maintenant, nous allons écouter votre consoeur, Maître Lemasson de Merci.
10:47Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
10:51Il vient de vous être démontré en quoi le droit de se taire doit être connu à tous les agents publics dans le cadre de la procédure disciplinaire.
10:58J'aborderai la nécessité d'inclure la phase d'enquête dans la procédure disciplinaire ou, à tout le moins, de l'encadrer des mêmes garanties.
11:07Il n'existe pas de procédure disciplinaire sans enquête administrative préalable.
11:15Lorsque l'Autorité d'emploi est alertée de faits susceptibles de faire l'objet d'une sanction, elle dirigeante une enquête administrative.
11:24Les auditions réalisées dans le cadre de cette enquête permettent d'entendre les protagonistes, de réunir les preuves et d'établir la matérialité des faits.
11:32Un rapport est ainsi rédigé et émet des propositions indiquant quelles suites pourraient être données.
11:37Classement sans suite, engagement de poursuite disciplinaire ou encore signalement au procureur de la République conformément aux dispositions de l'article 40 du Code de procédure pénale.
11:47L'Autorité d'emploi, sur la base de ce rapport, prend sa décision.
11:52Le parallèle avec la matière pénale est aisé.
11:55Des faits sont présentés au procureur de la République et aux services d'enquête chargés d'entendre les personnes concernées et d'établir la matérialité des faits.
12:02Ce n'est qu'une fois la phase d'enquête terminée que le procureur de la République décide de poursuivre ou non.
12:09Dans l'enquête pénale, la personne en cause bénéficie du droit de se taire dès le début de la procédure et notamment dès sa première audition.
12:20A ce moment, aucune décision de poursuite n'a été prise et pourtant le droit de se taire est garanti.
12:27Ils devraient en être d'eux-mêmes dans le cas de l'enquête administrative qui précède la procédure disciplinaire.
12:34D'autant plus que les agents publics sont soumis à un pouvoir d'obéissance hiérarchique qui les oblige à répondre à leurs supérieurs.
12:41A défaut, ils commettent une faute disciplinaire, ce que les personnes chargées de l'enquête ne manquent pas de rappeler avant certaines auditions, de sorte que l'agent entendu ne dispose pas du droit de se taire.
12:52De plus, les personnes chargées de l'enquête ne disposent pas de la même impartialité que les services d'enquête judiciaire.
12:58Ils ne sont pas formés à cet exercice. Ils exercent leur activité professionnelle sans indépendance, sous les ordres de l'autorité chargée des poursuites, encore plus dans les plus petites collectivités.
13:09Et pourtant, l'avenir disciplinaire ou même pénal dépend de cette phase d'enquête et des propos que l'agent aura pu tenir.
13:16Mais ce n'est pas tout. Cette phase d'enquête suffit pour infliger une sanction administrative du premier groupe, et ce, sans la tenue d'un conseil de discipline.
13:26Ainsi, une exclusion temporaire jusqu'à trois jours peut être prononcée sur la seule base de l'enquête administrative sans qu'aucun conseil de discipline ne soit saisi.
13:35La personne est ainsi privée de tout débat contradictoire, mais aura dû s'auto-incriminer précédemment.
13:41Vous l'avez rappelé au visa de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 1789 que le droit de se taire s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives,
13:50mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Les sanctions du premier groupe constituent une punition.
13:56Pourtant, elles sont prises sans la tenue d'un conseil de discipline, sur la seule base de l'enquête administrative.
14:04Vous le comprenez, la phase d'enquête apparaît comme le point de départ de toutes les poursuites ultérieures.
14:12Lorsqu'une personne s'auto-incrimine lors de sa première audition pendant l'enquête, il n'y a plus de marche arrière possible.
14:19Si le droit de se taire n'est pas garanti dès l'enquête administrative, alors le garantir ultérieurement, une fois les poursuites disciplinaires engagées,
14:28aura pour effet de le rendre inutile, puisque les poursuites sont fondées sur la base de cette enquête.
14:34C'est pourquoi elle doit entourer des mêmes garanties que la procédure disciplinaire au sens strict du terme, sans que cela ne soit laissé à la charge du pouvoir réglementaire.
14:42Les enjeux sont beaucoup trop importants. Dans la mesure où la phase administrative précède systématiquement la phase disciplinaire, elles sont indissociables l'une de l'autre.
14:55Peut-être que votre décision pourrait aussi être l'occasion de préciser le terme de poursuites disciplinaires.
15:00Vous avez indiqué que le droit de se taire implique que le professionnel faisant l'objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés,
15:07sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire. En revanche, le point de départ de la notion de poursuites disciplinaires est incertain.
15:17Toutefois, vous l'avez souligné en ce qui concerne la QPC sur le droit de se taire des magistrats, que le conseil de discipline prend connaissance des déclarations qui sont consignées dans le rapport établi à la suite de l'enquête et reçoit celles qui sont faites devant lui.
15:30Vous avez ainsi jugé que le magistrat doit être informé du droit de se taire lors de son audition par le reporter ainsi que lors de sa comparution devant le conseil de discipline.
15:40Vous avez considéré que la phase préalable au conseil de discipline pouvait conduire la personne à s'auto-incriminer, de sorte qu'elle doit disposer dès cette phase du droit de se taire.
15:50Il nous semble que ce même raisonnement doit être appliqué à l'ensemble des agents publics.
15:56Enfin, quelques mots sur les effets dans le temps de la brogation.
16:00Tout comme vous l'avez jugé pour les magistrats, la reconnaissance du droit de se taire devrait s'appliquer aux procédures en cours avec une application immédiate dès l'ouverture d'une enquête administrative.
16:08En revanche, la spécificité relative au retrait des sanctions disciplinaires doit être prise en compte dans le cadre des effets de votre décision.
16:16En effet, les sanctions disciplinaires peuvent être retirées à tout moment, de sorte que les décisions punissant les fonctionnaires ne sont jamais définitives.
16:23Afin de garantir le principe de sécurité juridique, la déclaration d'inconstitutionnalité devrait s'appliquer aux demandes de retrait de sanctions prononcées dès lors qu'elles interviendront dans un délai d'un an maximum à compter de la déclaration d'inconstitutionnalité à venir.
16:38Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, vous abrogerez les dispositions contestées en tant qu'elles ne garantissent pas à l'agent poursuivi disciplinairement le droit de se taire.
16:49Merci.
16:50Merci Maître.
16:51Maintenant, nous allons écouter Maître Bron, qui est avocat de Barreau de Paris, qui représente Mme Darnéal, partie à l'instance. Maître.
17:00Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, les fonctionnaires faisant l'objet d'une procédure disciplinaire sont protégés par plusieurs garanties procédurales qui étaient énoncées par le troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, aujourd'hui abrogée et reprise à l'article L532-4 du Code général de la fonction publique.
17:19Parmi ces garanties, l'agent poursuivi dispose du droit de consulter son dossier, d'être informé de l'existence de ce droit.
17:25Il dispose également du droit de se faire assister par le défenseur de son choix et, pour les sanctions les plus sévères, il dispose du droit d'être auditionné par un conseil de discipline au sein duquel le personnel est représenté.
17:36Or, un agent peut raisonnablement croire et déduire de la combinaison de ces différentes garanties qu'il a en réalité l'obligation positive de répondre aux accusations, aux questions ou encore aux demandes d'informations formulées à son nom contre par l'autorité disciplinaire.
17:51Le sentiment de devoir se conformer à cette obligation est également renforcé par la fragilité de la position dans laquelle se situe le fonctionnaire poursuivi.
17:59Cette fragilité résulte au moins de deux circonstances. D'une part, ce dernier est soumis au principe hiérarchique qui lui impose de se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique.
18:08Le poids de ce pouvoir, auquel s'additionne celui des poursuites disciplinaires, peut donc pousser l'agent à se sentir contraint de devoir répondre aux demandes de l'autorité disciplinaire.
18:17D'autre part, cette fragilité est également renforcée par l'omniprésence de l'oralité en matière disciplinaire, que ce soit dans le cadre des entretiens préalables ou au cours de la réunion du Conseil de disciples.
18:26Or, l'oralité est souvent synonyme de spontanéité et de précipitation et ne laisse pas, contrairement à l'écrit, un temps de réflexion suffisant à l'agent pour qu'il puisse préparer sereinement sa défense.
18:36On le voit, ces garanties procédurales, aussi nombreuses soient-elles, n'en restent pas moins largement insuffisantes pour assurer la pleine application des droits et libertés que la Constitution garantit.
18:46Surtout, ces garanties ne répondent plus aux exigences fixées par votre jurisprudence s'agissant du droit de se taire appliqué aux procédures disciplinaires, notamment dans son dernier état, tel qu'il résulte de vos décisions du 8 décembre 2023 et du 26 juin 2024.
18:59Le socle des droits conférés à un fonctionnaire dans le cadre d'une procédure disciplinaire est donc incomplet, et sa construction est encore largement inachevée.
19:07La présente question prioritaire de constitutionnalité est ainsi l'occasion pour le Conseil constitutionnel de renforcer les fondations de ce socle, afin que les droits des agents poursuivis soient pleinement et effectivement garantis.
19:18Cette affaire constitue surtout une voie idéale pour reconnaître l'application du droit de se taire aux procédures disciplinaires des fonctionnaires, et ce, dans la continuité du mouvement jurisprudentiel que vous avez initié par votre décision du 8 décembre 2023.
19:31Dans le cadre de sa question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, Mme Tarniel a soulevé trois griefs d'inconstitutionnalité.
19:40Le premier est tiré de la méconnaissance du principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser et duquel découle le droit de se taire.
19:46Le second résulte d'une violation de l'article 16 de la Déclaration des droits et des exigences constitutionnelles qui en découlent.
19:52Et le dernier est tiré d'une incompétence négative du législateur, invoquée en combinaison avec la méconnaissance d'articles 9 et 16 de la Déclaration des droits.
19:59Je n'évoquerai dans le cadre de mes observations que le premier grief que je viens de rappeler.
20:03À ce sujet, et en complément des observations présentées par mes confrères, il convient de dissiper les différents doutes et d'écarter les différents obstacles
20:11que le représentant du Premier ministre ou celui de la société La Poste pourraient avancer afin de faire échec à l'application du droit de se taire aux procédures disciplinaires des fonctionnaires.
20:19Car en réalité, tout laisse à penser qu'en s'abstenant de garantir ce droit, les dispositions contestées méconnaissent frontalement l'article 9 de la Déclaration des droits
20:27et ne passent pas le filtre de votre jurisprudence. Les contradicteurs pourraient tout d'abord opposer un premier obstacle à la reconnaissance de ce droit
20:34en soutenant que les sanctions disciplinaires des fonctionnaires ne constituent pas des sanctions ayant le caractère de punition tel que vous l'avez jugé le 8 décembre 2023.
20:42Mais cet obstacle peut être rapidement écarté. En effet, on voit mal, notamment à la lumière de votre jurisprudence s'agissant de la notion de punition,
20:49dans quelle mesure les sanctions disciplinaires des fonctionnaires, en particulier les sanctions les plus graves, notamment celles qui appartiennent au 4e groupe,
20:55parmi lesquelles figure la révocation, ne présenteraient pas par elles-mêmes le caractère de punition. Ces sanctions ont évidemment un caractère répressif et punitif.
21:03Elles viennent en effet réprimer un manquement aux obligations statutaires et déontologiques qui a été commis par l'agent. Ce premier obstacle levé.
21:10Il convient d'examiner le second tiré de ce que les fonctionnaires ne seraient pas assimilables à des professionnels au sens de votre considérant de principe
21:17en là encore de votre décision du 8 décembre dernier et qu'à défaut d'être des professionnels, ils ne pourraient donc pas se prévaloir du droit de se taire.
21:24C'est toutefois parfaitement inexact pour deux raisons. D'une part, il serait particulièrement malvenu de subordonner l'applicabilité d'un droit aussi fondamental
21:31que le droit de se taire à la qualité de la personne qui s'en prévaut. Tel n'est d'ailleurs pas le sens de votre jurisprudence, puisque c'est le caractère de la sanction
21:38qui conditionne l'applicabilité de ce droit et non pas le destinataire de ce droit. D'autre part, vous interprétez de manière particulièrement large
21:46la notion de professionnel. Vous avez, comme il a été rappelé précédemment, reconnu dans votre décision du 26 juin dernier que les magistrats poursuivis sur le terrain disciplinaire
21:54devaient se voir notifier le droit qu'ils ont de se taire. Si vous égarez à leur statut et à leurs obligations, les magistrats peuvent bénéficier du droit de se taire.
22:02Il n'y a dès lors pas de raison que les fonctionnaires ne puissent pas non plus s'en prévaloir. Il pourrait ensuite être avancé un troisième obstacle lié au fait
22:11que les procédures disciplinaires applicables aux fonctionnaires relèveraient essentiellement non pas du domaine de la loi, mais de celui du règlement,
22:17et que par construction, le législateur n'aurait pas à prévoir la protection d'un tel droit, puisque cette mesure relève uniquement de la compétence du pouvoir réglementaire.
22:25Mais ce raisonnement est juridiquement erroné. En l'occurrence, il convient de rappeler que l'article 34 de la Constitution prévoit que la loi fixe notamment
22:33les règles concernant, je cite, « les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ». En d'autres termes,
22:41seuls le législateur est donc compétent pour énoncer les garanties fondamentales dont bénéficient les fonctionnaires. Le pouvoir réglementaire
22:47ne peut que se borner à en préciser les modalités. Même si le Conseil constitutionnel ne s'est prononcé qu'en de très rares occasions sur la notion
22:54de garantie fondamentale, vous avez par exemple déjà jugé que relèvent de cette notion les droits de la défense et le principe de contradiction
23:02des agents des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, voire en ce sens votre décision QPC du 10 mai 2019,
23:08ou encore la liberté d'aller et venir des militaires, voire en ce sens votre décision QPC du 27 février 2015. En l'espèce, la notification qui est faite
23:16à l'agent poursuivi du droit qu'il a de se taire constitue inévitablement une garantie fondamentale au sens de l'article 34 de la Constitution.
23:23Trois raisons vont en ce sens. En premier lieu, nous sommes en présence d'un droit fondamental trouvant directement sa source à l'article 9
23:30de la Déclaration des droits. L'objet et la finalité même du droit de se taire et du droit de ne pas s'auto-incriminer confirment à eux seuls
23:37qu'il s'agit de garanties procédurales de tout premier rang. En deuxième lieu, il convient de rappeler que l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983
23:44énonce bien les différentes garanties fondamentales applicables à la procédure disciplinaire des fonctionnaires, telles que je les ai rappelées en introduction.
23:51Cela ressort incontestablement de la lettre de la loi, mais aussi de son économie. En effet, le législateur a désormais regroupé ces différentes dispositions
23:59dans une section du Code général de la fonction publique intitulée « garanties ». En outre, il ressort à de nombreuses reprises des travaux parlementaires
24:07sur la loi Leport du 13 juillet 1983 que le législateur a entendu prévoir à son article 19, les garanties fondamentales régissant la procédure disciplinaire
24:16des fonctionnaires. Je vous renvoie sur ce point à mes écritures. En dernier lieu, le fait d'exclure le droit de se taire des garanties fondamentales ne serait juridiquement
24:24pas satisfaisant. Il reviendrait à faire de ce droit une garantie que l'on qualifierait de second. Or, il apparaît difficile d'envisager que ce droit n'ait pas une valeur
24:32au moins identique aux autres garanties procédurales déjà prévues par la loi. Enfin, le dernier obstacle à franchir est celui résultant de l'argument avancé par la société
24:41La Poste, selon lequel le droit de se taire ne serait pas compatible avec le principe hiérarchique auquel les fonctionnaires sont astreints. Toutefois, il n'existe aucun risque
24:49d'incompatibilité avec ce principe. D'abord, et sur le seul plan de la hiérarchie des normes, il convient de rappeler que le droit de se taire a une valeur constitutionnelle,
24:56alors que les obligations imposées aux fonctionnaires n'ont qu'une valeur législative. Il convient donc de concilier ces obligations avec le droit de se taire et non l'inverse.
25:04En outre, et en tout état de cause, le champ d'application du droit de se taire n'empêchera pas celui du principe hiérarchique. Ce droit ne trouve à s'appliquer
25:12dans le seul cadre disciplinaire et pas au-delà. Il résulte de l'ensemble de ces considérations – et j'en terminerai par là – qu'il n'existe aucun obstacle qui soit de nature
25:22à faire échec à l'application du droit de se taire aux procédures disciplinaires des fonctionnaires. Par conséquent, nous vous demandons donc de déclarer la lignée A3
25:30de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, repris à l'article L532-4 du Code général de la fonction publique, contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit.
25:41Merci, maître. Maintenant, nous allons écouter maître Crusoé, qui est avocat au Barreau de Paris, qui représente l'Union fédérale des syndicats de l'État CGT, partie intervenante. Maître.
25:56Merci, M. le Président. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil, quelques observations dans l'intérêt de l'UFSE CGT, qui est une fédération de syndicats de fonctionnaires de l'État,
26:07regroupant 45 000 agents syndiqués et titulaires de la fonction publique d'État, et fédération qui représente aussi un peu plus de 2 millions d'agents fonctionnaires de l'État et agents contractuels, évidemment.
26:23Vous le savez, les organisations syndicales sont particulièrement intéressées par cette procédure, car les représentants du personnel interviennent d'un bout à l'autre de la procédure disciplinaire.
26:35Les délégués, les défenseurs syndicaux interviennent au soutien et à titre d'accompagnement des agents qui font l'objet de poursuites disciplinaires.
26:46Et par ailleurs, vous le savez, dans la configuration paritaire qui est celle du droit disciplinaire de la fonction publique, les organisations syndicales, par l'intermédiaire de leurs représentants,
27:00ont des membres élus dans les commissions administratives paritaires qui participent au débat, qui animent aussi les débats devant le conseil de discipline,
27:10et qui sont amenés à délibérer pour émettre un avis sur la proposition de sanction disciplinaire qui peut être formulée par l'administration.
27:23À ce titre, vous êtes en face d'une organisation syndicale qui est composée de praticiens de la procédure disciplinaire.
27:31Il me semble devoir dire à l'occasion de cette procédure que l'UFSE CGT a deux demandes particulières.
27:40La première, évidemment, c'est d'obtenir la reconnaissance de ce terme pour les fonctionnaires, à l'instar de ce qui a été fait pour les magistrats.
27:49Et deuxièmement, une demande qui est de faire simple.
27:54Premièrement, consacrer le droit de se taire.
27:57Alors, mes confrères ont largement indiqué les raisons qui militaient en faveur de la reconnaissance de cette garantie au bénéfice des fonctionnaires.
28:08Effectivement, vous avez, dans le cadre d'une décision du 8 décembre 2023, considéré que cette garantie était applicable à tous les professionnels.
28:21Il n'y a pas véritablement de raison – et cela vient d'être dit – de considérer que les fonctionnaires ne seraient pas des professionnels.
28:29Par ailleurs, avec votre décision du 26 juin 2024, vous avez fait application de cette garantie, reconnu l'application de cette garantie aux magistrats,
28:42qui sont une catégorie certes particulière, mais une catégorie qui exerce sa profession pour le compte de l'État.
28:54Alors évidemment, du côté de la partie adverse, mais aussi du côté de quelques commentateurs, certains essayent de faire valoir que les magistrats de l'ordre judiciaire
29:07seraient dans une situation particulière par rapport aux fonctionnaires, que pour les magistrats, le principe, ce serait la garantie d'indépendance,
29:16qui est une garantie constitutionnelle, et nous ne le nions évidemment pas, alors que pour les fonctionnaires, il y aurait là une catégorie d'agents,
29:25de personnels de l'État qui seraient soumis aux principes d'obéissance et qui seraient incompatibles, selon certains, avec la reconnaissance du droit de se taire.
29:34Il nous semble que cette présentation est beaucoup trop schématique, parce que d'une part, vous avez un certain nombre de fonctionnaires de l'État
29:41pour lesquels ce principe d'indépendance a été expressément affirmé. On peut penser notamment aux inspecteurs du travail, donc au corps des inspecteurs du travail,
29:52au corps des inspecteurs généraux des finances, par exemple, pour lesquels le principe d'indépendance a été expressément rappelé par le législateur.
30:03Par ailleurs, il me semble qu'il faut aller plus loin à l'occasion de cette audience et relever que depuis au moins 1946 et aussi 1983,
30:14avec le préambule de la constitution de 1946, mais avec le statut des fonctionnaires, et 1983, donc avec la refonte du statut des fonctionnaires,
30:25le fonctionnaire n'est plus perçu, à proprement parler, comme un serviteur de l'État. Nous ne sommes plus sous l'empire d'un fonctionnaire automate.
30:33Le fonctionnaire est un citoyen qui doit, en tant que tel, bénéficier d'îlots d'autonomie à la fois dans l'exercice de ses fonctions, mais aussi dans l'organisation de sa défense.
30:47Il me semble que votre décision pourra se placer dans ce sillon qui a été tracé par le constituant de 1946 et par le législateur de 1946 et de 1983.
31:07Donc devoir d'obéissance, oui, mais c'est un devoir d'obéissance qui ne doit pas laisser place à un renoncement à toute marge de manœuvre.
31:18Sur le plan pratique, évidemment, vous n'êtes pas le juge de la mise en pratique de ces garanties.
31:23Mais il me semble que tout comme le juge administratif, vous êtes sensible aux éventuelles difficultés qui se présentent dans la mise en œuvre de telle ou telle garantie.
31:36Il me semble que vous êtes ici dans la même configuration que celle du Conseil d'État en 1944.
31:44Dans ses conclusions sur la décision d'âme trompée gravier, le commissaire du gouvernement, Bernard Chennault,
31:52marquait déjà un temps d'hésitation au moment de consacrer le principe général des droits de la défense en matière répressive.
32:00Il se demandait si l'obligation faite à l'administration de mettre à même l'administré de présenter ses moyens de défense
32:07avant le prononcer d'une sanction ne conduirait pas à alourdir sans profit la marche du service et à paralyser l'administration.
32:17Vous pourrez constater que 80 ans après, les droits de la défense et le respect du contradictoire sont solidement ancrés en jurisprudence
32:26et dans les textes et n'ont pas conduit à la paralysie qui pouvait à l'époque être redoutée.
32:33Il vous faut sans doute ici faire confiance aux capacités de l'administration et aux capacités d'adaptation des agents
32:41qui sont amenés à mettre en œuvre ces garanties disciplinaires.
32:46Quoi qu'il en soit, ces considérations nous semblent davantage intéresser la question des modalités de mise en œuvre de la garantie
32:52plutôt que de la garantie elle-même. C'est au pouvoir réglementaire, guidé par la jurisprudence administrative,
32:58de fixer les prescriptions portant sur le contenu de cette garantie et de déterminer les conséquences de la méconnaissance de cette garantie.
33:07Deuxièmement, je l'ai dit, il faut à mon avis faire simple et sur ce point, je reviens sur ce qui a été dit un peu auparavant.
33:20Il me semble que cette garantie du droit de se taire doit s'appliquer à tous les stades à l'issue desquels,
33:26sur la base de l'audition de l'agent, l'administration peut porter une appréciation sur des faits retenus à titre de charge,
33:32ces faits pouvant alimenter une action disciplinaire. Cela implique que l'agent puisse recevoir une information sur le droit de se taire
33:43dès le moment de l'enquête administrative. Dès lors, évidemment, que cette enquête administrative porte sur des faits ou des reproches
33:53qui peuvent revêtir une qualification disciplinaire. Vous le savez, dans le cadre des procédures disciplinaires,
34:01les rapports d'enquête administrative sont couramment utilisés pour fonder les poursuites.
34:06Il n'y aurait pas véritablement de raison que l'information sur le droit de se taire ne soit pas notifiée dès ce stade.
34:15Votre décision n'aura pas à prévoir ensuite de sort particulier, suivant que la sanction encourue est une sanction du premier groupe
34:25ou une sanction des autres groupes, et suivant le point de savoir si le conseil de discipline doit être consulté ou pas.
34:36Aucune considération n'implique de faire une telle distinction. Il me semble que votre décision pourra simplement rappeler
34:44que ce droit de se taire s'applique à l'ensemble des procédures disciplinaires qui peuvent aboutir au prononcé d'une sanction.
34:55Par ailleurs, pour finir sur cette question de la distinction entre sanction du premier groupe et sanction des autres groupes,
35:02vous noterez qu'il est assez courant dans les faits que l'autorité disciplinaire envisage dans un premier temps une sanction du premier groupe
35:09et mette en œuvre la procédure adaptée à cette catégorie, c'est-à-dire sans saisine du conseil de discipline,
35:15puis ensuite fasse le choix après mieux réflexion et à la faveur de l'obtention d'informations supplémentaires et d'informations déterminantes.
35:26Cette autorité disciplinaire décide finalement d'envisager une sanction plus grave et de saisir le conseil de discipline.
35:35Il y a là une porosité entre les deux procédures qui doit inviter à considérer que le droit de se taire, la notification de le droit de se taire,
35:46doit être mise en œuvre à chaque fois qu'il est mis sur pied une procédure disciplinaire.
35:55Peut-être un dernier mot sur les effets de la déclaration d'unconstitutionnalité.
36:00Vous abrogerez évidemment les dispositions à qui vous sont déférés. Un élément contextuel, vous le savez, la décision de décembre 2023
36:10que vous avez rendue sur le droit de se taire à l'égard de certains officiers ministériels a inspiré le juge administratif,
36:19qui a d'ores et déjà dans sa jurisprudence fait sienne cette notion du droit de se taire.
36:26Vous avez notamment un arrêt de la Cour administrative d'appel du 2 avril 2024 qui a censuré, qui a annulé une sanction disciplinaire
36:36au regard de ce qu'elle a été prise sans que l'agent n'ait été informé au préalable du droit qu'il avait de se taire sur les faits qui lui étaient reprochés.
36:47A la suite de cet arrêt de la Cour administrative d'appel, un certain nombre de ministères,
36:52un certain nombre de centres de gestion qui accompagnent les collectivités territoriales, un certain nombre d'administrations hospitalières
36:59ont modifié leurs pratiques et ont adapté, ont corrigé leur formulaire, les courriers qui étaient envoyés aux fonctionnaires
37:11pour intégrer cette notion du droit de se taire. Il me semble que la décision que vous rendrez ne sera pas une révolution,
37:18mais viendra au contraire stabiliser des pratiques qui sont d'ores et déjà mises en œuvre au sein des différentes administrations.
37:25Il me semble que, par ailleurs, si votre Conseil décide de moduler les effets de l'avocation dans le temps,
37:34il conviendra de retenir que la garantie résultant du droit de se taire devra pouvoir être observée dans les procédures disciplinaires
37:45actuellement mises en œuvre et pourra être opposée également dans les instances contentieuses qui sont aujourd'hui en cours
37:54devant les juridictions administratives. Et pour le reste, je m'en rapporte aux observations écrites que j'ai pu formuler pour l'UFSCGT
38:04dans le cadre de cette procédure. Je vous remercie.
38:07Merci, Maître. Maître Stéphane Laurent-Texier, vous êtes avocat au Conseil, vous représentez le syndicat Avenir Secours
38:17et le syndicat Sud Justice Nationale, parti intervenant. Maître.
38:22Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, à ce stade des débats,
38:27beaucoup de choses ont été dites et même redites avec beaucoup de force et de conviction par celles et ceux qui m'ont précédé à la barre.
38:34Et je n'ai pas l'intention d'allonger inutilement votre audience. Le constat ne fait à dire vrai, garde doute.
38:40La rédaction de l'article 19, aligné à 3 de la loi du 13 juillet 1983, désormais codifiée à l'article L532-4 du Code général de la fonction publique,
38:49est défaillante. Pas de notification du droit de se taire. D'abord, alors que l'on voit mal pour quelle raison ce droit de ne pas s'accuser
38:57que vous avez récemment reconnu au profit des magistrats n'aurait pas vocation à protéger tout agent public mis en cause
39:03dans une procédure disciplinaire. Non-respect des droits de la défense ensuite, faute d'assurer le caractère contradictoire
39:09de la phase d'enquête administrative, dont on sait pourtant l'influence prépondérante qu'elle a sur l'appréciation finalement portée
39:16par l'autorité disciplinaire sur l'issue des poursuites. Non-respect des droits de la défense encore, en l'absence de notification aux fonctionnaires
39:23des griefs qui lui sont reprochés, et ce dès l'ouverture de la procédure disciplinaire, ce qui le prive d'un temps utile, un temps nécessaire
39:32à la préparation et à l'organisation de sa défense, comme c'est le cas en matière pénale. Le socle minimal, pour ne pas dire minimaliste,
39:41des garanties qui entourent actuellement la procédure disciplinaire des fonctionnaires, droits à la communication du dossier,
39:47droits à l'information de ce droit et droits à l'assistance d'un défenseur, se révèlent, une fois confrontés aux exigences constitutionnelles
39:53qui sont les vôtres, manifestement incomplets. Le principal obstacle que l'on essaie de dresser devant vous tiendrait à ce qu'il reviendrait
40:01au pouvoir réglementaire et non aux législateurs de fixer les garanties applicables à la procédure disciplinaire des fonctionnaires.
40:07Mais une telle objection, dont il ne vous a pas échappé qu'elle n'est pas même évoquée par le Premier ministre dans ses écritures et pour cause,
40:13ne retiendra pas longtemps votre attention. Les termes de l'article 34 de la Constitution sont là pour nous rappeler que c'est bien aux législateurs
40:21de prévoir et de fixer les garanties fondamentales qui doivent être accordées tant aux fonctionnaires civils qu'aux militaires de l'État.
40:28Et pour ces derniers, je vous renvoie, sans m'attarder, à votre décision numéro 2014 450 QPC du 27 février 2015, au terme de laquelle vous avez
40:37expressément reconnu qu'il incombe aux législateurs d'instituer les garanties procédurales applicables à la procédure de sanction engagée à l'encontre d'un militaire.
40:46Il ne peut en aller différemment s'agissant de la discipline des fonctionnaires civils, lesquelles sont visées au même titre que les militaires,
40:55je viens de le dire, par l'article 34 de la Constitution. L'obstacle est donc aisément écarté et une décision d'abrogation n'en devient alors que plus inévitable.
41:04Et c'est sur cette décision, votre décision, que j'aimerais m'arrêter un court instant. En la matière, il est vrai que lorsque la disposition contestée méconnaît
41:12plusieurs droits ou libertés garantis par la Constitution, vous avez tendance, mais vous n'êtes pas les seuls et ce n'est pas un reproche, à user de la théorie
41:20ou de l'économie des moyens pour ne retenir dans votre décision qu'un seul grief, celui qui a votre préférence au regard de diverses considérations,
41:27qu'elles soient de politique jurisprudentielle ou d'opportunité. En l'occurrence, il serait évidemment facile de se contenter de censurer le texte sur la méconnaissance du droit de se taire.
41:37Mais une telle approche ne me paraît pas souhaitable dans l'affaire qui nous occupe ce matin. Dans la mesure où il s'agit de censurer sur des fondements distincts
41:47de la loi, votre décision doit être un guide pour le législateur, un guide le plus complet possible, un guide exhaustif avant d'éviter que la rédaction du texte qu'il sera conduit à adopter
41:58ne soit pas, elle aussi, lacunaire. Cet objectif, me semble-t-il, ne peut être atteint que si vous censurez les textes critiqués successivement sur les deux griefs
42:09qui vous ont été présentés, la méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 d'abord, et celle de l'article 16 de cette même déclaration d'autre part.
42:19J'y vois personnellement, évidemment, une autre vertu. C'est profiter de l'occasion qui vous est ainsi donnée de dresser, dans une seule décision, un canevas général,
42:30une sorte de vadémicum de la procédure disciplinaire. Vous pourriez ainsi rappeler, et au besoin préciser, les contours des différentes garanties procédurales que votre jurisprudence a consacrées au fil des ans
42:41en matière disciplinaire sur le fondement des articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789. Reste maintenant à évoquer les effets dans le temps de votre décision d'abrogation,
42:51mais comme je vous ai promis en l'intérim de mon propos de ne pas alourdir inutilement votre audience, je me bornerai à renvoyer aux observations claires et convaincantes de ma consœur, le maçon de Nercy. Je vous remercie.
43:02Merci, Maître. Alors, nous allons maintenant écouter Maître Frauger, qui est avocat au Conseil et qui représente la Poste, parti intervenant. Maître.
43:14Merci, Monsieur le Président. Mesdames, Messieurs les conseillers, si la Poste a souhaité intervenir sur cette QPC, donc en défense, c'est pour deux raisons.
43:24La première, c'est que l'un des agents avec lesquels elle a un litige devant le tribunal administratif a fait l'objet d'une sanction, invoque ce moyen tiré du défaut de notification du droit de se taire
43:35et est intervenant dans le cadre de la présente instance. Donc l'égalité des armes a commandé à la Poste d'intervenir. Et la deuxième raison, c'est que l'impact de votre décision,
43:45comme sur toutes les administrations – alors la Poste n'est plus une administration, mais vous savez que la particularité fait qu'elle a encore des fonctionnaires dans ses agents,
43:53de nombreux fonctionnaires – et donc la décision que vous allez prendre peut avoir un impact opérationnel extrêmement important. Je voudrais simplement faire trois observations.
44:01Première observation, ça a été largement évoqué depuis tout à l'heure. La première question qui se pose, c'est est-ce que la règle qu'on vous demande de consacrer relève de la loi ou du règlement ?
44:15Pour ma part, je n'ai pas beaucoup de doutes, comme mes confrères, mais dans le sens inverse, sur le fait que ça relève du règlement et seulement du règlement.
44:23La question qui vous est posée, c'est la garantie procédurale, puisqu'elle vous est présentée comme telle, qui obligerait à notifier à l'agent poursuivi le droit de se taire relève-t-elle d'une garantie fondamentale ?
44:38La réponse est évidemment non. Pourquoi ? Un, parce que votre jurisprudence est constante, comme celle du Conseil d'État. La procédure disciplinaire, c'est du règlement.
44:46C'est aussi simple que ça. Et deux, parce que vous l'avez jugé à propos des avocats, des pharmaciens, de toutes les professions réglementées, vous le jugez à propos des fonctionnaires.
44:57Et deuxièmement, c'est que quand on regarde l'articulation des textes d'aujourd'hui, vous avez le texte de loi qui prévoit, par exemple, le droit d'accès au dossier.
45:05Le texte qui prévoit les modalités d'accès au dossier, le texte qui prévoit l'obligation de notifier à l'agent sa possibilité d'accès au dossier, c'est dans le décret.
45:15C'est le décret du 25 octobre 1984. Je ne vois pas pourquoi on aurait pour la notification d'un droit de se taire une disposition législative là où, par ailleurs,
45:26toutes les notifications des droits relèvent du pouvoir réglementaire. C'est ma première observation. Nous sommes dans le champ du règlement. Et votre décision du 8 décembre 2023,
45:35qui a été évoquée tout à l'heure à propos des notaires, ne dit pas autre chose. Deuxième observation sur le fond cette fois. Sur le fond, on vient vous dire, voilà,
45:45dans votre décision du 8 décembre 2023, vous avez consacré l'obligation à charge pour une autorité disciplinaire de notifier au professionnel qui est poursuivi de lui notifier son droit de se taire.
46:01Est-ce que les fonctionnaires sont des professionnels au sens de votre décision du 8 décembre 2023 ? Évidemment, c'est vous qui le savez mieux que personne.
46:09Mais comme ça n'est pas encore tout à fait tranché, permettez-moi de penser que ça n'est pas le cas. Ça n'est pas le cas pour deux séries de raisons.
46:16La première raison, c'est que le débat, à mon avis, n'est pas tellement sur le point de savoir si une sanction disciplinaire relève d'une punition ou pas au sens de votre jurisprudence.
46:25Vous l'avez déjà dit. Il n'y a pas de débat là-dessus. Mais vous avez toujours pris garde, lorsque vous transposez un principe du droit pénal aux poursuites disciplinaires, à dire
46:36« Il y a le principe. La sanction disciplinaire, c'est une punition dont acte. Je transpose des garanties qui existent en matière pénale. Mais en revanche, mon degré de contrôle n'est pas du tout le même. »
46:46L'exemple le plus classique – je n'ai pas besoin de m'y étendre –, c'est le principe de l'égalité. Le principe de l'égalité existe en matière pénale, il existe en matière disciplinaire.
46:55Il n'a pas du tout la même portée. Vous n'avez pas du tout le même contrôle dessus. Et là, qu'est-ce qui différencie les fonctionnaires de tous ces autres professionnels ?
47:05Je ne parle pas des magistrats que je mets à part, qui bénéficient d'une indépendance qui relève d'une loi organique. Mais qu'est-ce qui les différencie de tous les autres professionnels ?
47:12C'est évidemment deux choses fondamentales et deux choses qui trouvent leur fondement dans la Constitution, dont les autres professionnels ne peuvent pas se prévaloir.
47:20La première, c'est tout simplement l'article 15 de la déclaration 1789. Un fonctionnaire a l'obligation de rendre des comptes. Comment un fonctionnaire peut-il rendre des comptes
47:32si on commence par lui notifier la possibilité de se taire ? Je vous fais venir dans mon bureau, je suis votre supérieur hiérarchique, je vous demande de rendre des comptes sur votre action.
47:42Si je dois dès cet instant-là vous notifier le droit de vous taire, je prive de toute efficience l'obligation de rendre des comptes. Un fonctionnaire doit pouvoir rendre des comptes de ses manquements.
47:54Ça, c'est le premier fondement constitutionnel. Et puis un deuxième fondement constitutionnel, c'est l'article 20 de la Constitution. L'administration est sous l'autorité hiérarchique du gouvernement.
48:05Et ce principe de hiérarchie qui n'existe pas non plus pour les autres professionnels, tous ceux qui relèvent des professions réglementées que vous avez visées dans votre décision du 8 décembre 2023,
48:15là encore sera privé de toute efficience si un supérieur hiérarchique ne peut pas demander à ses subordonnés de rendre des comptes sur son action.
48:23Ça, c'est l'aspect purement juridique qui distingue fondamentalement le fonctionnaire des autres agents. Pardon, pas des autres agents, des autres professionnels.
48:32Et puis il y a un aspect pratique. C'est intéressant d'écouter tous les intervenants, tous les demandeurs et les intervenants à la barre.
48:39Et vous voyez bien le glissement qui est en train de s'opérer. Il y a une problématique de curseur. On a commencé par vous dire dans une procédure disciplinaire,
48:46il faut notifier aux fonctionnaires poursuivis le droit de se taire. Mais en réalité, là, ce qu'on est en train de vous dire, c'est non, non. Dès le stade de l'enquête administrative.
48:55En réalité, la thèse, c'est de dire dès lors que je dis quelque chose qui est susceptible à un instant T de se retourner contre moi dans une procédure disciplinaire,
49:04il faut qu'on ait préalablement notifié le droit de se taire. Ce n'est pas ça, votre grille d'analyse. Et heureusement que ce n'est pas ça parce que ça rendrait en réalité
49:11impossible le fait d'interroger son fonctionnaire, le fait d'interroger son subordonné. Votre grille d'analyse, elle est beaucoup plus fine.
49:18Il ne suffit pas que je puisse dire quelque chose qui, à un moment donné, pourrait se retourner contre moi. Il faut qu'on ait un cadre, une autorité de contrôle
49:25qui auditionne et qu'on sache dans quel cadre on est. Donc là, vous voyez bien qu'en réalité, la frontière qu'on essaie d'effacer entre les poursuites disciplinaires
49:33et l'enquête administrative qui la précède brouille totalement le propos. Et à mon avis, pour mettre fin à cette diffusion, il faut dire clairement que les fonctionnaires
49:43sont soumis à un régime, si vous vous prononcez, puisque encore une fois, c'est du règlement, si vous vous prononcez que les fonctionnaires sont soumis à un régime
49:50qui n'est pas celui des autres professionnels. Il me semble donc que vous pouvez rejeter la QPC. Troisième et dernière observation, subsidiaire évidemment,
49:58si par impossible vous ne me suiviez pas et que vous deviez prononcer une abrogation, je veux juste insister très brièvement sur deux aspects.
50:06Il y a le premier aspect, c'est qu'évidemment, il faut laisser le temps aux législateurs d'organiser les modalités de notification de ce droit. Mais au-delà de ça,
50:13c'est que je crois qu'on ne doit pas pouvoir invoquer dans les procédures en cours, y compris les procédures pendantes, sauf peut-être les seules procédures
50:21où le moyen aurait déjà été soulevé, qui est votre réserve habituelle. Il ne faut pas pouvoir invoquer une irrégularité de procédure qui tiendrait aux défauts de notification
50:30de ces droits, tout simplement parce que les procédures sont très nombreuses et qu'on risquerait de fragiliser de très nombreuses procédures sur la base d'un droit
50:37qui n'existait pas antérieurement. Je vous remercie de m'avoir écouté.
50:41Merci, Maître. Alors, Maître Plateau, représentant M. Maillard, partie intervenante, a fait savoir qu'il s'en mettait à ses écritures. Je donne donc maintenant la parole
50:50à M. Canguilhem pour le Premier ministre.
50:55Merci, M. le Président. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, si la procédure disciplinaire des fonctionnaires est très essentiellement régie par des textes
51:03les garanties dont il bénéficie dans ce cadre sont prévues par le législateur ainsi que cela résulte des exigences de l'article 34 de la Constitution.
51:11Le droit à communication de l'intégralité de son dossier, la notification de son droit ainsi que la possibilité qui lui est offerte d'être assisté par le défenseur de son choix
51:20étaient donc prévus au troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983. Cette disposition est celle qui était applicable au litige.
51:29Toutefois, et au terme même de l'arrêt de renvoi, il nous semble devoir être considéré que la QPC qui nous occupe ce matin porte tant sur ces dispositions
51:38que sur celles de l'article L532-4 du Code général de la fonction publique qui, depuis le 1er mars 2022, reprennent ces dispositions relatives aux garanties offertes aux fonctionnaires
51:49dans le cadre de la procédure disciplinaire.
51:53Deux griefs soulevés contre ces dispositions. Le premier, cela a été largement évoqué, tenant à la méconnaissance du principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser.
52:04Principe dont découle le droit de se taire et principe que vous avez récemment étendu à toute sanction et dans le caractère d'une punition.
52:15Vous en avez fait application à la procédure disciplinaire des magistrats du siège dans votre décision 1097-QPC.
52:21Pour l'application de ce principe à l'espèce, il sera simplement rappelé que si votre jurisprudence considère, et effectivement il n'y a plus de débat là-dessus,
52:32que les sanctions disciplinaires sont des sanctions et ont le caractère d'une punition, vous avez toujours admis des tempéraments, cela vient d'être dit par mon prédécesseur,
52:40à l'application des principes du procès pénal aux sanctions, aux procédures de sanctions administratives et notamment en ce qui concerne les exigences du principe
52:51de l'égalité des dédices et des peines. Mais il y a dans votre jurisprudence le mouvement d'adaptation de ces exigences lorsque l'on est dans la sphère disciplinaire.
53:00Et c'est au regard de l'ensemble de ces principes jurisprudentiels que vous apprécierez le bien-fonder de ce premier grief.
53:07Le second grief est tiré de la méconnaissance des droits de la défense garantie par l'article 16 de la déclaration de 1749 et se divise en deux branches.
53:16Il est soutenu par la première branche que le respect des droits de la défense imposerait que le contradictoire s'applique avant même l'engagement de la procédure disciplinaire
53:25dès la phase d'enquête administrative. Il n'en est rien et il résulte de votre jurisprudence comme de celle du Conseil d'État qui vous répète de la même manière
53:37que le Conseil d'État, de manière constante, qu'une procédure contradictoire ne peut être exigée au stade de l'enquête administrative préalable.
53:45Voyez votre décision 423 QPC. Il doit être rappelé avec force et pour contrecarrer le glissement effectivement qui s'est un peu opéré de l'autre côté de la barre
53:55que l'enquête administrative n'est pas une phase de la procédure disciplinaire. La possibilité pour l'autorité administrative de réaliser une enquête sur la manière de servir d'un agent
54:04ne constitue ni une mesure prise en considération de la personne, ni une sanction. En conséquence de quoi il n'y a pas lieu d'appliquer à l'enquête
54:13les exigences constitutionnelles propres aux sanctions ayant le caractère d'une punition. L'enquête n'est pas partie, n'est pas la procédure disciplinaire.
54:23Elle se situe en amont. Il est soutenu par la seconde branche de ce second grief que l'autorité disciplinaire ne serait pas tenue de notifier les griefs reprochés à l'agent
54:35dès l'ouverture de la procédure disciplinaire. Cette assertion est fausse tant en fait qu'en droit. Elle est fausse en droit car comme vous avez eu l'occasion de le rappeler
54:44toujours dans votre décision, enfin également dans votre décision 423 QPC, le principe des droits de la défense s'impose aux autorités disposant d'un pouvoir de sanction
54:53sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence et le respect des droits de la défense et donc la régularité de la procédure disciplinaire
55:01impose que l'agent soit informé des griefs qui lui sont reprochés. Cette seconde branche est également erronée en fait car en pratique les lettres d'engagement
55:11des procédures disciplinaires indiquent systématiquement les griefs reprochés à l'agent. L'absence de cette mention entraînerait l'irrégularité de la procédure.
55:19Vous pourrez donc écarter le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la déclaration de 1789. Un dernier mot sur les effets de la déclaration
55:29d'un constitutionnalité que vous pourriez être amené à prononcer. Une abrogation immédiate des dispositions de l'article L532-4 du code général de la fonction publique
55:39aurait des conséquences manifestement excessives. D'une part parce qu'il ne faut pas le perdre de vue, l'abrogation immédiate priverait les agents publics des garanties
55:49que cet article prévoit déjà, à savoir la communication du dossier et la possibilité d'être assisté par un défenseur de son choix. D'autre part cela aurait pour effet
55:58de remettre en cause de très nombreuses sanctions disciplinaires, ainsi que je l'avais évoqué dans les observations écrites, le nombre annuel qui est assez constant
56:08de sanctions disciplinaires est d'environ 11 000, ce qui potentiellement représente un nombre d'affaires en cours important. Il vous est donc demandé en cas de censure
56:17de reporter la date d'abrogation et d'accorder au législateur un délai lui permettant de remédier à l'inconsignaterie constatée.
56:25Merci M. Canguay. Nous avons entendu des points de vue divers, des arguments divers. Est-ce qu'un membre du conseil a une question à poser ?
56:35Oui, M. le conseiller Pillet.
56:37La question pour M. Gandillem, c'est une pure question de fait. Vous venez de nous dire qu'il y a 11 000 procédures disciplinaires engagées par an,
56:46mais actuellement il y a combien de procédures qui sont actuellement pendantes devant les juridictions administratives ?
56:54M. Canguay, vous avez donné que ce nombre constant est global parce que le chiffre que vous demandez n'est pas accessible. Il n'était pas possible à l'instant T
57:03d'obtenir ce nombre d'affaires pendantes. Mais le chiffre d'11 000 permet d'avoir un ordre de grandeur qu'on ne peut pas affiner malheureusement.
57:15Merci. Autre question ? Il n'y en a pas ? Très bien. Donc nous allons examiner tout cela de près et nous rendrons notre décision dans dix jours, le 4 octobre prochain.
57:28Claudia Sylvée, bonne journée à toutes et à tous.