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Assiette de la contribution sociale de solidarité à la charge des commissionnaires dont le commettant est établi hors de l’Union européenne
Date de rendu de la décision : jeudi 14 mars 2024

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00:00 Voilà pour la première QPC. Alors avant d'aborder la deuxième, qui est même la
00:08 seconde, je précise que pour la première fois vous siégez dans une
00:15 enceinte qui porte le nom nouveau de Robert Banater puisque le conseil a
00:21 décidé de donner le nom de ce grand juriste qui fut également président de
00:26 cette institution à notre salle d'audience publique.
00:30 Alors nous allons terminer cette audience avec une question numéro 2023
00:36 1082 qui porte sur l'article L 651-5 du code de la sécurité sociale.
00:44 Madame la greffière, où en sommes-nous ? Je vous remercie monsieur le président.
00:47 Le conseil constitutionnel a été saisi le 19 décembre 2023 par un arrêt de la
00:52 deuxième chambre civile de la cour de cassation d'une question prioritaire de
00:56 constitutionnalité posée par la société Tupperware France portant sur la
01:00 conformité aux droits et libertés que la constitution garantit des cinquièmes
01:05 à neuvièmes alinéas de l'article L 651-5 du code de la sécurité sociale
01:11 dans sa rédaction résultant de la loi numéro 2012-1404 du 17 décembre 2012
01:18 de financement de la sécurité sociale pour 2013.
01:21 Cette question relative à l'assiette de la contribution sociale de solidarité à
01:26 la charge des commissionnaires dont le cométant est établi hors de l'union
01:30 européenne a été enregistrée au secrétariat général du conseil
01:34 constitutionnel sous le numéro 2023-1082 QPC. La SCP Duhamel dans
01:41 l'intérêt de la partie requérante et la SCP Gattino Frattassini-Rébérol dans
01:45 l'intérêt de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et
01:49 d'allocation familiale de Provence Alpes Côte d'Azur partie à l'instance ont
01:54 produit des observations les 9 et 23 janvier 2024.
01:57 Le premier ministre a produit des observations le 9 janvier 2024.
02:01 Maître Frédéric Bertacci a demandé à intervenir dans l'intérêt de la société
02:06 des eaux de Trouville, Deauville et Normandie et a produit à cette fin des
02:10 observations les 9 et 23 janvier 2024. Seront entendus aujourd'hui l'avocat de
02:17 la partie requérante, l'avocat de la partie à l'instance, l'avocat de la
02:20 partie intervenante et le représentant du gouvernement du premier ministre.
02:25 Merci. Alors nous allons donc d'abord écouter maître Jean-Philippe Duhamel qui
02:32 est avocat au conseil qui représente la société Tupperware France partie
02:37 requérante. Maître.
02:45 A la différence du mandataire qui selon le code civil agit au nom et pour le
02:52 compte de son mandant de sorte qu'il est transparent dans la transaction qu'il
02:57 conclut, le commissionnaire est défini par le code de commerce comme agissant
03:03 en son propre nom quoique pour le compte d'un tiers d'où sa qualification
03:09 d'intermédiaire opaque. Non pas que le commissionnaire est une activité occulte
03:14 ou dissimulée, son activité est parfaitement légale puisqu'elle est
03:17 prévue par l'article L132 du code de commerce mais contrairement au
03:22 mandataire qui ne facture pas les ventes dont il permet la conclusion, celle-ci
03:27 l'étant par le mandant, le commissionnaire facture en son propre nom
03:32 les ventes qu'il conclut. Ainsi même si l'un et l'autre sont rémunérés par une
03:38 commission qui est payée par leur mandant, les ventes qu'il réalise sont
03:43 pour l'intermédiaire transparent c'est à dire le mandataire du code civil
03:47 facturé par son mandant et pour l'intermédiaire opaque c'est à dire le
03:52 commissionnaire du code de commerce facturé par lui-même en son propre nom
03:57 bien qu'il s'agisse en réalité d'un chiffre d'affaires réalisé pour le
04:01 compte de son mandant et rétrocéder à ce dernier.
04:05 Le droit fiscal déduit du fait que l'intermédiaire opaque est seul engagé
04:11 contractuellement avec les clients dans les contrats de vente de biens ou de
04:16 services qu'il conclut avec eux qu'il est redevable de la TVA sur la totalité
04:22 du montant des transactions. Ceci importe peu puisque le propre de la TVA est d'être
04:29 neutre ou indolore en ce sens que le montant de la TVA payé sur les achats
04:34 est déduit de la TVA collectée sur les ventes. Le droit de la sécurité sociale
04:41 prévoit que la C3S, la cotisation sociale de solidarité des sociétés dont le
04:47 produit est destiné à financer le régime des travailleurs indépendants a
04:51 en principe pour assiette le montant de la commission perçue par l'intermédiaire
04:58 opaque. La commission est en effet le véritable chiffre d'affaires du
05:01 commissionnaire en revanche le montant des ventes qu'il facture au client n'est
05:06 qu'artificiellement son chiffre d'affaires et constitue en réalité le
05:11 chiffre d'affaires de son mandant. La linéa 5 de l'article L651.5 du code de
05:18 la sécurité sociale aujourd'hui 100 L137.33 réserve cependant cette assiette
05:25 de la C3S limitée aux commissions perçues au seul commissionnaire dont le
05:32 mandant a son siège dans l'union européenne.
05:36 En revanche si le commissionnaire travaille pour un mandant établi hors
05:41 l'union européenne il doit payer la C3S non pas sur les seules commissions qu'il
05:46 perçoit mais sur la totalité de son chiffre d'affaires alors même que comme
05:51 évoqué à l'instant ce chiffre d'affaires n'est en réalité pas le
05:54 sien mais celui de son mandant. Il n'y a aucune raison valable à cette
05:58 différence de traitement qui constitue une atteinte au principe d'égalité
06:02 devant la loi, d'égalité dans les charges publiques et liberté d'entreprendre.
06:05 C'est l'objet de la QPC qui vous est soumise. Mes observations porteront
06:09 d'abord sur la recevabilité puis sur le bien fondé de la QPC.
06:14 La recevabilité, le Premier ministre soutient que dans la mesure où dans les
06:19 motifs et le dispositif de votre décision du 13 décembre 2012
06:23 vous avez déclaré conforme à la constitution l'article 12 de la loi de
06:27 financement de la sécurité sociale pour 2013 qui a modifié l'article L651-5
06:34 du code de la sécurité sociale vous ne pouvez pas selon lui être saisi à
06:38 nouveau de la constitutionnalité de ce texte. Ce n'est pas me semble-t-il tout à
06:44 fait exact. Cet article 12 a modifié certes l'article L651-5
06:52 du code de la sécurité sociale mais vous n'avez alors été saisie que de la
06:57 modification apportée à la définition de l'assiette de la C3S pour les
07:04 entreprises du secteur des assurances. Cette modification de l'assiette de la C3S
07:09 pour ces entreprises et elles seules et donc la saisine des parlementaires
07:13 concerne le quatrième alinéa de l'article L651-5.
07:18 En revanche, ni la loi contrôlée à l'époque, ni a fortiori la saisine des
07:24 parlementaires ne concernaient le cinquième alinéa relatif à l'assiette de la C3S
07:30 pour les commissionnaires. Et votre décision du 13 décembre 2012 est bien
07:35 sûr totalement muette sur ce cinquième alinéa et sur la situation des
07:41 commissionnaires. C'est donc uniquement sur la constitutionnalité de l'assiette de la C3S
07:46 mise à la charge des entreprises d'assurance que vous êtes prononcée au
07:50 considérant 20 à 22 et à article 2 dispositif en énonçant que l'article 12
07:55 de la loi de financement de la sécurité sociale était conforme à la
08:00 constitution. Ceci ne valide donc pas le cinquième alinéa qui vous est soumis
08:06 aujourd'hui. Le Premier ministre affirme cependant que cette déclaration de
08:12 constitutionnalité vaudrait pour l'ensemble de l'article L651-5,
08:18 même si l'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale n'a
08:23 pas modifié l'alinéa 5, car selon lui il ne serait pas possible de créer des
08:29 sous-ensembles au sein d'un article examiné, certains conformes et d'autres non conformes.
08:35 Je ne crois pas que l'on puisse ainsi étendre l'autorité de la sauve jugée aux
08:40 alinéas d'un texte non modifié par la loi qui vous est soumise, pour plusieurs
08:45 raisons. D'abord on ne voit pas pourquoi votre silence sur une disposition dont
08:53 vous n'avez pas été saisie pourrait être considéré comme un brevet de
08:58 constitutionnalité. Ensuite la thèse du Premier ministre
09:02 aboutit à ce qu'un article, lequel peut être long, pouvoir très long, en tout cas
09:08 aussi long que l'entend le Parlement, qui n'a fait l'objet d'une critique qu'en un
09:14 seul de ses alinéas, devienne insusceptible d'une critique en tous ses
09:19 autres alinéas, alors même que, combien même auriez-vous eu spontanément égard
09:25 à ces derniers lors de votre saisine initiale, vous n'avez pas nécessairement
09:30 envisagé toutes les critiques susceptibles d'être conçues à leur égard par les
09:36 justiciables. Enfin, cette conception extensive de
09:41 l'autorité de la chose jugée priverait les justiciables, sans la moindre
09:45 explication de constitutionnalité, de leur droit constitutionnel, qu'il tire
09:50 de l'article 61, de critiquer une disposition législative. À supposer même
09:56 qu'un article en son entier soit considéré comme conforme à la
09:59 constitution, encore faut-il que les justiciables
10:02 sachent pourquoi il est en tout point conforme. On peut ici rappeler à titre de
10:08 comparaison que la Cour européenne des droits de l'homme a consacré l'adage
10:12 suivant lequel il ne suffit pas que la justice soit rendue, il faut encore que
10:16 l'on voit pourquoi elle a été rendue. En l'occurrence, on a volé à votre
10:22 décision du 13 décembre 2012, par le Premier ministre, personne n'y voit la
10:29 validation de l'article L651-5, relatif à la C3S, pour les
10:36 commissionnaires. Je vous invite donc à juger la QPC recevable.
10:41 J'en viens au bien fondé. Les dispositions qui sont critiquées sont
10:45 contraires au principe d'égalité devant la loi, d'égalité devant la charge
10:48 publique et de liberté d'entreprendre. J'exéminerai ces trois points
10:52 successifs. L'égalité devant la loi, tout d'abord, je ne rappellerai pas la
10:57 formule classique du principe d'égalité devant la loi et ses nuances, qui déduit
11:00 de l'article 6 de la déclaration la différence de traitement entre le
11:06 commissionnaire dont le mandant a son siège dans l'Union européenne, auquel
11:11 cas la C3S a pour assiette le montant des commissions, et le
11:15 commissionnaire dont le mandant a son siège hors Union européenne, auquel cas
11:18 la C3S a pour assiette le montant de l'ensemble des ventes réalisées, est
11:23 flagrante. Elle ne répond à aucun motif d'intérêt général et elle n'est pas en
11:29 rapport direct avec l'objet de la loi qui a institué la C3S. L'objet de la
11:34 C3S est le financement du régime social des indépendants. La loi du 31 décembre
11:42 1992, qui a prévu le dispositif qui est ici critiqué, en modifiant l'assiette de
11:49 la C3S, visait seulement à tirer les conséquences d'une modification du
11:54 régime de la TVA. Dans une perspective d'harmonisation
11:59 européenne, les commissionnaires ont désormais été considérés, par cette
12:03 loi du 31 décembre 1992, comme des acheteurs-revendeurs et ont donc payé la
12:09 TVA sur l'ensemble de leur chiffre d'affaires, avant rétrocession du chiffre
12:13 d'affaires aux commettants. Alors qu'antérieurement à 1992, jusque là, ils
12:18 n'étaient soumis à la TVA que sur leur commission.
12:21 La TVA étant neutre, cette modification de 1992 n'a pas été pénalisante. Mais
12:29 l'assiette de la C3S, qui est la même que celle de la TVA, a suivi et la C3S
12:37 bien sûr n'est pas récupérable. D'où la modification législative de 1992,
12:42 qui pour éviter que, de la même façon que pour la TVA, la C3S soit payée par
12:49 l'ensemble du chiffre d'affaires, eh bien en 1992 on a dit que la C3S
12:53 aurait pour base simplement le montant des commissions. Mais pas pour tout le
12:57 monde. C'est à dire qu'il n'y avait, et on ne comprend pas pourquoi, en tout cas
13:02 aucune raison à l'époque de ne pas soumettre à ce régime les commissionnaires
13:07 dont le montant a pour seul tort d'être établi en dehors de l'Union européenne.
13:14 Ce fait ne justifiant rien la différence de traitement pour le
13:19 commissionnaire. Le commissionnaire n'y trouve aucun avantage.
13:22 Le commissionnaire est dans la même situation, quel que soit le siège social
13:26 de son montant, et que celui-ci soit ou non assujetti à la TVA. Au regard du
13:33 principe d'égalité, le lieu d'établissement du commettant doit
13:37 donc être sans incidence sur l'assiette de la C3S vue par le commissionnaire.
13:44 J'en viens à l'égalité dans les charges publiques. Ce principe est le corollaire
13:49 de celui d'égalité dans la loi. Il résulte l'article 13 la déclaration. Il
13:52 impose aux législateurs de tenir compte des facultés contributives des
13:57 contribuables. Vous avez jugé dans votre décision du
14:00 25 juin 2021 à M6 Publicités qu'en principe, lorsque la préscription d'un
14:05 revenu ou une ressource est soumise à une imposition,
14:08 celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de cette ressource.
14:14 Il peut certes être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de
14:19 lutte contre la fraude ou d'évasion fiscale, mais ces dérogations,
14:24 avez-vous jugé, doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces
14:29 objectifs ? Et vous jugez d'autre part que les dérogations au principe d'égalité
14:34 dans les charges publiques ne peuvent pas être justifiées par un objectif de
14:38 rendement qui ne constitue pas en lui-même une considération
14:42 d'intérêt général de nature à justifier la différence de traitement.
14:46 En l'occurrence, les dispositions critiquées ont pour effet de soumettre le
14:50 commissionnaire dont le mandant est situé en dehors de l'Union européenne à une
14:54 imposition, c'est la nature de la C3S, dont l'assiette inclut des ressources
15:00 dont ils ne disposent pas, puisqu'ils doivent payer la C3S sur un chiffre
15:04 d'affaires qui en réalité n'est pas le leur, mais est celui de leur mandant.
15:09 Seules les commissions devraient donc constituer pour tous les
15:13 commissionnaires, quel que soit le siège de leur mandant, l'assiette de la C3S.
15:18 Le législateur n'a pas justifié cette différence d'assiette par des raisons
15:22 objectives et rationnelles, en rapport avec l'objectif de la C3S, qui est le
15:27 financement du régime social et indépendant, mais en réalité a poursuivi
15:31 simplement un souci de rendement qui n'est pas une justification admissible.
15:36 Dernier point, la liberté d'entreprendre. La liberté d'entreprendre qui est garantie
15:41 par l'article 4 de la Déclaration a pour conséquence que le législateur ne peut
15:46 pas porter une atteinte excessive au fonctionnement normal d'une entreprise.
15:50 En l'occurrence, la différence d'assiette de la C3S a pour effet de
15:54 pénaliser le commissionnaire dont le mandant est établi en dehors de l'Union
15:59 européenne, en lui imposant une charge sensiblement plus importante que s'il
16:04 travaillait pour un mandant établi dans l'Union. Ceci n'est justifié par aucune
16:12 considération d'intérêt général et il en résulte une atteinte, dans une certaine
16:16 mesure, au libre exercice de la profession de commissionnaire, en tout cas
16:19 pour ceux qui contractent avec des committants établis en dehors de l'Union.
16:23 Le Premier ministre objecte que le taux de la C3S n'est pas très élevé.
16:28 Il est 0,13%, 0,16% qui en y ajoute la contribution additionnelle.
16:33 Il y a un abattement de 19 millions sur le chiffre d'affaires. Pour autant, pour une
16:37 entreprise comme la Recherante, ça représente 65 000 à 70 000 euros par an
16:42 et il serait tout à fait légitime qu'elle consacre cette somme à d'autres
16:47 investissements. Elle en est privée en réalité sans investissement valable pour
16:51 l'ensemble de saison. Je demande de déclarer une solution critiquée non
16:55 conforme à la Constitution. Alors maintenant nous écoutons Maître
17:00 Gatineau qui est avocat au Conseil, qui représente l'Ursaf de Provence à Côte
17:06 d'Azur. Parti à l'instant. Maître. Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les
17:13 membres du Conseil Constitutionnel, dans la Comedia dell'Arte, Sganarell, chassé
17:19 par la porte, revient au logis par la fenêtre. A nouveau chassé par la porte,
17:24 il finit par être bastonné par son maître. L'intervention de la Société des
17:30 Zos de Trouville me fait fâcheusement penser à ce procédé sans doute amusant
17:36 en littérature, mais totalement déplacé en matière de procédure.
17:41 Je rappelle que ni le Conseil d'Etat, ni le juge judiciaire, saisis du contentieux
17:48 opposant l'Ursaf Paka à la Société des Zos de Trouville pour le calcul de la
17:53 C3S, n'ont jugé utile de renvoyer au Conseil
17:58 Constitutionnel les dispositions appliquées à cette société. La porte
18:03 normale d'accès au Conseil Constitutionnel a donc été fermée.
18:09 La Société des Zos de Trouville trouve le moyen de revenir par la fenêtre et de
18:14 s'immiscer dans un débat qui n'est pas le sien, afin de faire juger un littive
18:20 différent qui lui est propre. Je rappelle en effet qu'en vertu de la
18:26 question prioritaire qui vous a été renvoyée par la Cour de Cassation, seule
18:31 est en cause la linéa 5 de l'article 561.5 du Code de la Sécurité Sociale.
18:38 Cette disposition, la seule qui vous est déferrée, prévoit une
18:44 assiette de C3S différente selon que le cométant du commissionnaire est
18:50 domicilié ou non au sein de l'Union Européenne.
18:54 C'est la seule constitutionnalité de cette différence de traitement propre au
19:01 commissionnaire qui vous est renvoyée. La Société des Zos de Trouville, qui n'est
19:07 pas un commissionnaire, n'a aucun intérêt à faire trancher cette question à laquelle
19:14 elle est parfaitement étrangère. La Société des Zos de Trouville prétend
19:19 seulement faire trancher la constitutionnalité de la linéa 1er de
19:25 l'article 651.1 du Code de la Sécurité Sociale qui dispose que l'assiette de la
19:31 C3S intègre l'ensemble des sommes perçues et soumises à la TVA sans qu'aucun
19:37 correctif ne soit prévu pour les exploitants du service public de l'eau.
19:43 Vous n'êtes pas saisie de la constitutionnalité de la linéa 1er de
19:49 l'article 651.1 du Code de la Sécurité Sociale et encore moins de la
19:55 constitutionnalité de cet article pour ce qui concerne les exploitants du
19:59 service de l'eau. Vous êtes, je le répète, exclusivement
20:03 saisie de la constitutionnalité de la linéa 5 propre au commissionnaire. De la
20:12 constitutionnalité d'une exception, celle appliquée au commissionnaire, on
20:18 veut vous faire juger sans renvoi de la Cour de cassation ni du Conseil d'État
20:22 de la constitutionnalité du principe même posé par l'article 651.5 du Code
20:29 de la Sécurité Sociale. Ce n'est pas possible et cela n'est pas souhaitable
20:38 sauf après tant de supprimer le filtre du Conseil d'État et de la Cour de
20:43 cassation. Je ne veux évidemment pas que mon
20:47 confrère subisse le sort de Zegzag-Zeganarel mais je souhaite vivement
20:52 que sa QPC, oui, subisse ce sort et soit rejetée vers les ténèbres extérieures
20:58 et que vous ne répondiez qu'à la seule question qui vous est posée, la linéa 5
21:04 de l'article 651.5 du Code de la Sécurité Sociale est-il conforme à la
21:08 constitution en ce qu'il prévoit au profit des commissionnaires une réduction
21:12 de la siède de la C3A à la condition que le commettant soit établi au sein de
21:18 l'Union Européenne. Et à cette question, sauf si vous décidez de suivre les
21:26 conclusions, les excellentes conclusions du Président du Premier ministre qui
21:29 pense que vous n'avez pas à traiter cette question qui a déjà été traitée,
21:33 et bien si vous vous interrogez et si vous souhaitez répondre à cette
21:37 question, la réponse sera nécessairement positive. La société du
21:44 Père-Voix-France se plaint d'une inégalité de traitement devant la loi et
21:47 devant les charges publiques car la siède de la C3S est différente selon
21:51 que le commettant réside dans l'Union ou hors Union. Cette différence de
21:57 traitement est justifiée par une différence de situation, que le
22:02 commettant soit ou non dans l'Union Européenne a une conséquence qu'il est
22:06 ou non assujetti à la C3S pour la transaction conclue entre
22:11 lui et le commissionnaire. Si on assied à la C3S sur la somme du prix de la
22:16 prestation exécutée pour le commettant hors de l'Union Européenne,
22:20 il n'y a aucun risque de double imposition, ni à la C3S ni à la C3S,
22:27 puisque le commettant hors Union n'y est pas soumis. La transaction entre le
22:34 commissionnaire et le commettant hors Union sera exonérée d'imposition.
22:42 Tiens donc, voilà. En revanche, le commettant situé dans l'Union
22:52 Européenne, lui, sera soumis à la TVA à la C3S sur le montant de la prestation
22:58 fournie par le commissionnaire. Là, il y a un risque de double imposition.
23:02 Une fois au moment de l'achat par le commissionnaire et une seconde fois au
23:07 moment de la revente au commettant. D'où la nécessité de trouver un
23:13 correctif pour les commettants résident dans l'Union, afin d'éviter cette double
23:18 imposition. Et non seulement la différence est justifiée par la
23:26 différence de situation, mais cette différence de traitement est en rapport
23:30 avec l'objet de la loi. L'objet de la loi, ce n'est pas seulement de financer le
23:34 régime de sécurité sociale. L'objet de la loi, c'est de financer le régime de
23:39 sécurité sociale sans imposer, c'est le deux éléments de l'objet de la loi, sans
23:44 imposer des charges excessives à ceux qui doivent contribuer à son financement.
23:49 Et éviter des doubles impositions, c'est évidemment dans l'objet même de la loi
23:54 qui cherche à financer le régime du RSI. Et non seulement cette différence de
24:01 traitement est justifiée par une différence de situation, mais c'est même
24:06 la seule façon d'assurer une véritable égalité entre les différents
24:11 commissionnaires. Et si vous le permettez, je vais prendre un exemple chiffré pour
24:18 que cela soit plus clair. Un commissionnaire installé en France achète
24:24 un bien de 1000 euros pour son cométant, il prend une commission de 10% 100 euros.
24:31 En application des textes fiscaux qui sont applicables puisqu'il est en France,
24:36 quand il achète, il paye la TVA de 20% sur les 1000 euros, soit 200 euros.
24:45 Lorsque le commissionnaire revend à son cométant hors zone de l'Union
24:51 européenne, il revend 1000 euros plus les 100 euros de commission, 1100 euros, mais
24:57 sans TVA ni C3S, puisque le cométant est hors Union européenne, il n'est pas soumis à la TVA ni à la C3S.
25:05 L'opération globale achat pour revente est donc taxée une seule fois la TVA, 20% sur 1000 euros.
25:13 Il n'y a pas de double imposition. Lorsque le même commissionnaire revend le même bien de 1000 euros
25:22 augmenté de la même commission de 100 euros à son cométant dans l'Union européenne,
25:29 il doit reverser une deuxième fois, puisque c'est une deuxième opération,
25:33 une deuxième fois, la TVA cette fois-ci non plus sur 1000 euros, mais sur 1100 euros, soit 220 euros.
25:43 Mais pour la TVA, il y a un correctif. De ces 220 euros de TVA, il peut déduire la TVA qu'il a payée en amont
25:52 lorsqu'il a acquis 200 euros. Au bout du compte, le commissionnaire hors garde de la TVA ne paiera
26:00 que 20 euros de TVA qui correspondent à la somme de sa commission. Il regarde la TVA et, on vous l'a dit,
26:13 l'opération reste totalement blanche, que le commissionnaire soit dans l'Union ou hors Union,
26:21 puisqu'il y a un mécanisme de déduction qui fait qu'au bout du compte, le commissionnaire dans l'Union
26:26 vendant à un cométant dans l'Union ne paiera qu'une seule fois la TVA, globalement, qui sera de 220 euros.
26:35 Il sera moins bien traité que le commissionnaire travaillant avec un cométant hors euro,
26:42 hors zone de l'Union européenne, mais c'est la conséquence du marché unique et le fait que c'est seulement
26:49 à l'intérieur de l'Union européenne que la TVA est applicable. Que le commissionnaire soit et que le cométant
26:59 soit hors ou dans la zone de l'Union européenne, il n'y a aucune différence pour la TVA.
27:05 Au regard de la C3S, le problème est radicalement différent. À l'achat, le commissionnaire doit payer la C3S
27:14 sur le prix de 1 000 euros, c'est le prix d'acquisition du bien. La C3S étant de 0,16 %, il va donc payer 1,60 euro
27:26 sur les 1 000 euros. À la revente, la résidence ou non au sein de l'Union européenne a une importance toute particulière.
27:36 Si le cométant est hors de l'Union européenne, la revente au prix de 1 100 euros est exonérée de TVA et de C3S,
27:45 l'opération Gaulebert d'achat puis de revente à un cométant hors zone de l'Union européenne est donc soumise à une seule C3S
27:54 de 1,60 euro. Au contraire, si le cométant est dans l'Union européenne, le commissionnaire doit payer une deuxième fois la C3S
28:07 sur le prix de revente de 1 100 euros, soit 1,76 euro. À défaut de mécanismes de correction comme pour la TVA,
28:19 la C3S est imposée deux fois à l'opération faite par un commissionnaire au profit d'un cométant dans l'Union européenne.
28:28 D'où la volonté du législateur de ne pas défavoriser les commissionnaires qui travaillent au profit de cométants dans l'Union européenne
28:40 et de prévoir un correctif. Et ce correctif, c'est de limiter la C3S à la revente au montant, au seul montant de la commission.
28:49 Et en limitant au seul montant de la commission, c'est-à-dire 100 euros à 1,60 euro, il se retrouve à payer 0,16 euro au lieu de 1,60 euro.
29:05 Globalement, l'opération conduit à ce que le cométant paye comme C3S 1,60 euro à l'acquisition, 0,16 euro à la revente,
29:16 soit 1,76 euro de commission. Dans un cas comme dans l'autre, il n'y a qu'une seule imposition.
29:25 La différence de 0,16 euro est due là encore au marché unique européen qui prévoit que seul le commerce intracommunautaire est soumis à la TVA et à la C3S.
29:40 Alors s'il y a une différence de traitement, c'est bien au détriment du commissionnaire qui est dans la zone euro et qui travaille pour un cométant dans la zone euro
29:49 puisqu'on le voit, la TVA est plus élevée, 20 euros de TVA en plus, et la C3S est également plus élevée, 0,16 euro de plus,
29:59 parce qu'à l'intérieur de l'Union européenne, la TVA et la C3S sont totalement applicables.
30:09 Les commissionnaires qui travaillent avec des cométants hors euro ne sont donc pas discriminés.
30:17 Ce sont au contraire les commissionnaires qui travaillent avec des cométants dans l'Union européenne qui sont discriminés.
30:24 L'intervenante, la Société des eaux trouvées, soutient qu'il y aurait quand même une atteinte à l'égalité devant les charges publiques
30:30 en ce que les commissionnaires, comme les sociétés d'exploitation du service des eaux, seraient imposés sur des sommes dont ils n'auraient jamais la disposition
30:39 puisque le prix pour le commissionnaire et les taxes perçues par l'exploitant au profit des personnes publiques ne rentreraient pas dans leur patrimoine.
30:51 Et donc on imposerait des revenus qui ne sont pas des véritables revenus.
30:57 D'abord l'affirmation est fausse. Le prix rentre bien dans le patrimoine. Les taxes aussi, même si ce n'est qu'un instant de raison puisqu'elles y rentrent
31:08 et qu'elles ressortent du patrimoine, mais elles rentrent dans le patrimoine et dans ces conditions, il n'y a aucune raison de ne pas les imposer.
31:17 Et surtout, la C3S, c'est une contribution qui ne vise pas à imposer un revenu.
31:25 C'est une contribution qui cherche à imposer une activité.
31:31 Le commissainaire doit contribuer à financer le régime social à raison de ce qu'il l'est et non à raison de ce qu'il gagne.
31:38 Si je prends un exemple que nous connaissons bien, celui des avocats, ils doivent, même sans jamais avoir gagné un seul centime,
31:46 payer leurs cotisations à l'ordre et payer les cotisations de base au régime de sécurité sociale.
31:52 Ils sont taxés pour leur activité, pas pour leurs gains. C'est toute la différence entre être et avoir.
32:00 L'assiette de la C3S aurait tout aussi bien pu être assise sur le nombre de salariés, sur la masse salariale ou sur tout autre index
32:08 comme le nombre de collaborateurs. Il importe peu qu'il n'y ait pas de revenu véritable. Il importe peu que le revenu soit fictif ou non.
32:18 Il n'y a là que la volonté d'imposer une activité et non pas un revenu, de sorte qu'il n'y a aucune méconnaissance de l'égalité de tous devant les charges publiques.
32:31 Quant à la liberté d'entreprendre, elle ne me paraît pas davantage atteinte par le système mis en place par le législateur.
32:38 Je rappelle que le montant de la C3S est 0,16% du chiffre d'affaires. Dans l'exemple que j'ai pris, pour un chiffre de 1 000 euros,
32:50 le commissionnaire paye 0,16% du chiffre d'affaires, donc 1,60 euro. Il n'y a là rien d'excessif et il n'y a pas de risque d'entraver l'activité.
33:08 Surtout que l'activité doit générer un chiffre d'affaires supérieur à 19 millions d'euros pour être soumise à la TVA.
33:19 La société FIBERBOARD France fait état d'une C3S annuelle de 65 000 euros. Et je suis allé vérifier pour un chiffre d'affaires de 45 millions d'euros.
33:31 On ne fera croire à personne que cette somme de 65 000 euros, qui ne représente même pas les frais de représentation des dirigeants d'entreprise,
33:40 serait un frein à la liberté d'entreprendre. Les dispositions qui vous sont donc différées doivent être considérées comme tout à fait conformes
33:50 aux blocs de constitutionnalité.
33:53 Alors nous allons écouter maintenant Frédéric Bertacci, qui est avocat à la Bordeaux-de-Seine, qui représente la société des eaux de Trouville,
34:02 Douville et Normandie, partie intervenante.
34:07 Merci, M. le Président. M. le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, la question soumise au Conseil peut être exposée
34:15 de façon assez simple. Est-il conforme aux droits et garanties protégés par la Constitution d'imposer un opérateur à la C3S sur des revenus d'un tiers ?
34:24 Je formulerai deux observations liminaires préalables à l'examen au fond. La première porte sur la recevabilité de la QPC. Mon confrère pour la société
34:32 Tupperware a fait des développements auxquels j'adhère pleinement. Je n'en dirai pas plus. En revanche, je ne résiste pas à l'idée de répondre à mon confrère.
34:42 On a l'habitude de se rencontrer. La société, contrairement à ce qu'indique mon confrère, a effectivement déposé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État
34:52 afin de demander l'annulation de la circulaire administrative commentant le régime de la C3S sur le seul fondement de la Convention européenne des droits de l'homme.
35:02 Le Conseil d'État a jugé petit 1 le recours recevable, mais petit 2 que la Cour de cassation ne s'étant pas prononcée sur le sujet,
35:10 qu'il préférait laisser le soin à la Cour de cassation d'arbitrer le point. Devant la Cour de cassation, ce qui n'est pas le cas de la société qui est devant vous,
35:19 puisqu'elle est en instance devant la Cour d'appel, la Cour de cassation n'a tranché que sur le terrain de la Convention européenne des droits de l'homme.
35:27 Et à aucun moment, elle n'a été saisie d'une demande de renvoi devant le Conseil constitutionnel. Donc la requérante ne sait pas passer par la fenêtre.
35:38 Pour l'instant, elle n'est jamais venue vous voir et elle n'a jamais demandé à vous rencontrer.
35:43 Dans le cadre de ces observations et du rappel des dispositions, la requérante expliquait le fonctionnement traditionnel de la C3S,
35:51 c'est-à-dire qu'un intermédiaire, et j'y reviendrai, doit déclarer un chiffre d'affaires parce qu'il déclare en matière de TDA, c'est la lignée A1,
35:59 et la ligne A5 prévoit un mécanisme de correction. Les deux dispositions sont bien indissociables.
36:04 En revanche, la critique des deux dispositions est bien séparée et mes commentaires ne porteront que sur la critique de la ligne A5.
36:11 Cela a été rappelé, la législation française n'étant pas conforme au regard de la directive TVA, en 1993, on a une disposition qui est venue introduire une fiction fiscale.
36:24 Un intermédiaire, et non pas un commissionnaire, c'est important, un intermédiaire déclare un chiffre d'affaires fictif pour répondre à la directive TVA.
36:33 Comme la C3S est déclarée sur le chiffre d'affaires retenu en matière de TVA dans le cadre d'une règle miroir, le législateur de 1993 a dit "je déclare un chiffre d'affaires artificiel au plan de la TVA,
36:46 ce chiffre d'affaires viendrait augmenter mécaniquement l'assiette de la C3S", donc le législateur a prévu un mécanisme miroir venant réduire mécaniquement l'assiette de la C3S.
36:56 C'est important parce que la société des eaux de Trouville est un délégataire de services publics. Au titre de sa mission de délégataire de services publics, elle distribue de l'eau aux usagers.
37:09 Et lorsqu'elle distribue de l'eau aux usagers, l'article L112-1 du Code de la consommation, ainsi que l'arrêté du 10 juillet 1996, lui imposent sur sa facture d'eau de mentionner différentes opérations.
37:23 Les premières, c'est le coût de l'assainissement et les secondes, c'est les taxes et surtaxes qui sont afférentes à la distribution d'eau.
37:30 Sont notamment visées la redevance pour modernisation des réseaux de collecte et la redevance pour pollution de l'eau domestique,
37:36 prévues respectivement aux articles L213-10-3 et L213-10-6 du Code de l'environnement, pour lequel c'est le législateur qui l'a prévu.
37:48 Le législateur demande au gestionnaire du service d'eau d'assurer la facturation de ces redevances en lieu et place des agences de l'eau.
37:57 Au nom de la transparence des prix, l'usager a bien une facture d'eau qui comprend un coût total de l'eau, c'est-à-dire la recette qui vient au délégataire de services publics.
38:07 Le cas échéant, s'il est en charge de l'assainissement, également sa recette, mais aussi toutes les taxes et surtaxes qui reviennent, notamment aux agences de bassins.
38:16 Selon les informations communiquées sur le site de l'agence de l'eau, le montant de ces taxes représente 23 % de la facture d'eau.
38:25 Ces sommes doivent être intégrées dans le chiffre d'affaires parce qu'un délégataire est bien un intermédiaire au sens de l'article 256-5 du Code général des impôts.
38:37 En revanche, ces sommes ne peuvent pas être retranchées de l'assiette de la C3S parce que, comme l'a indiqué tout à l'heure mon confrère, le texte de réduction d'assiette ne vise que les commissionnaires et un délégataire de services n'est pas un commissionnaire.
38:52 Ce constat nous conduit à conclure à une rupture d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.
38:58 Trois principales causes de rupture devant la loi nous semblent devoir être caractérisées.
39:03 La première, on l'a dit, la dispositif de correction de l'assiette de la C3S ne vise que les commissionnaires mentionnés à l'article L132-1 du Code de commerce.
39:16 Or, le délégataire de services publics, qui est bien un intermédiaire, voit artificiellement son chiffre d'affaires augmenter.
39:24 Donc, au regard de la TVA, il déclare un chiffre d'affaires fictif qui n'est pas le sien, c'est celui des agences de l'eau.
39:31 Mais en revanche, le texte de la C3S ne permet pas de corriger cette assiette.
39:36 On pourrait certes objecter que deux intermédiaires qui se trouvent dans la même situation au plan de la TVA, les deux sont des intermédiaires, il déclare.
39:46 En revanche, seule une catégorie d'entre eux pourrait réduire cette assiette au plan de la C3S.
39:52 Nous ne voyons pas de différence de situation et il nous semble important de rappeler qu'en 1993, le législateur n'avait pas non plus vu de différence de situation.
40:04 Il avait introduit une réciprocité complète entre l'augmentation artificielle du chiffre d'affaires déclaré en matière de TVA et réciproquement la diminution du chiffre d'affaires
40:15 pour les besoins de la C3S en faisant un renvoi non pas au régime du commissionnaire mais à celui de l'intermédiaire visé à l'article 256.5, renvoi qui a été supprimé aujourd'hui.
40:25 La seconde tient au mode de rémunération retenu. La réduction d'assiette est subordonnée à une triple condition.
40:33 L'opération doit être rémunérée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services rendus.
40:44 C'est-à-dire qu'un commissionnaire qui ne respecte pas ces conditions n'est pas imposé sur sa commission, il est imposé sur la totalité de son chiffre d'affaires.
40:54 Or, un intermédiaire ne s'est défini aucunement par son mode de rémunération qui est libre.
41:01 Dursaf a pris un exemple, je vais y revenir. On va prendre un exemple très simple.
41:09 Prenez un commissionnaire qui est chargé de vendre une machine 10 000 euros. On lui dit contractuellement votre rémunération sera de 1000 euros par machine vendue,
41:17 mais il va devoir acquitter la C3S sur un montant de 10 000 euros alors qu'il n'a effectivement touché que 1000 euros.
41:23 En revanche, on va dire vous avez une rémunération qui est égale à 10% du chiffre d'affaires, donc 1000 euros, le même montant, il n'acquittera la C3S que sur 1000 euros.
41:32 De l'une ou de l'autre formule, le montant de la C3S a été multiplié par 10. Je ne vais pas rentrer dans le détail de l'argumentation parce que j'ai été perdu.
41:42 Développé par Dursaf, je crois qu'il y a une inversion dans la compréhension du mécanisme de la C3S pour les commettants qui ne sont pas établis dans l'Union européenne.
41:54 Lorsque l'exemple qu'a donné mon contraire a été même contredit par la Cour de justice de l'Union européenne qui a été saisie de ce sujet,
42:01 toutes les ventes réalisées par un commissionnaire réalisé en France, qu'elles soient françaises ou réalisées dans l'Union ou en dehors de l'Union européenne,
42:10 toutes sont assujetties à la TVA française. Certaines peuvent être exonérées et toutes rentrent dans l'assiette de la C3S.
42:17 Mon confrère opère une confusion au regard de la mécanique telle qu'elle a été souhaitée par le législateur et qui a été critiquée devant vous.
42:25 C'est lorsque la marchandise est achetée d'un commettant étranger pour être revendue à un commissionnaire français qu'on ne taxe pas que la commission,
42:33 mais le prix global de l'entremise qui est réalisée. En tout état de cause, une différence de traitement selon les modalités de fixation de la rémunération,
42:42 qu'elle soit fixe ou forfaitaire, ne repose sur aucune justification objective. En effet, l'objectif de la loi est bien de financer le régime social des indépendants
42:54 et que ce financement se fasse à partir d'une cotisation en pourcentage du prix ou en fonction d'une cotisation forfaitaire ne change rien au montant du financement
43:04 du régime social des indépendants. Et qui plus est, si on voulait nous dire que ça permettrait de lutter contre la fraude fiscale, on rappellera qu'on a une disposition
43:13 dans le Code général des impôts, qui est l'article 240, qui fixe une amende de 50% du montant des sommes des commissions non déclarées,
43:21 ce qui paraît suffisamment dissuasif pour se dire que le sujet de la fraude fiscale n'existe pas. Le troisième point sur lequel je voulais attirer votre attention
43:30 tient au mode d'exploitation du service public. On rappellera que les personnes morales de droit public ne sont pas soumises à la contribution sociale de solidarité
43:40 dans les limites de leur activité concurrentielle. C'est dire que selon le mode d'exploitation du service public, lorsque le service est géré directement par une collectivité,
43:49 elle n'est pas sujettie à la contribution sociale de solidarité sur les taxes et surtaxes qui sont perçues. En revanche, si elle confie la gestion de son service public
43:58 à une société privée, là, ses redevances taxes et surtaxes entreront dans l'assiette de la C3S. Plus encore, lorsque le service est confié à un délégataire
44:09 de service public, selon les modalités contractuelles liées à la perception des recettes, dans un cas, les taxes et surtaxes entreront dans l'assiette de la C3S,
44:20 dans l'autre cas, elles ne rentreront pas dedans. Il faut donc conclure que dans sa rédaction actuelle, le texte conduit à une différence de traitement non seulement
44:27 entre les modes d'exploitation du service public, mais plus encore entre les concessionnaires eux-mêmes, et restreint ainsi la liberté contractuelle des collectivités
44:36 qui touche à la libre administration des collectivités. Pour en conclure, je souhaiterais dire un dernier point sur l'égalité devant les charges publiques.
44:46 Ça a été dit, l'égalité devant les charges publiques impose de tenir compte des facultés contributives des citoyens. Ça a été rappelé, et en particulier
44:55 dans votre décision QPC de 2021-921, Société M6 Publicité, vous avez considéré qu'un mandataire pouvait disposer de capacités contributives au titre
45:06 de somme encaissée pour le compte de tiers dès lors que le mandat relève de relations contractuelles librement choisies. L'Ursav Paka nous a expliqué que
45:16 les taxes et surtaxes qui transitaient pouvaient être imposées à la C3S. Premièrement, le délégataire n'a pas le choix d'encaisser et de facturer ses taxes et surtaxes
45:29 pour le compte des organismes publics. Cette mission lui est imposée par la loi, des sortes qu'elle ne repose sur aucune relation contractuelle librement choisie.
45:39 Par ailleurs, s'agissant de données publiques, le législateur, du point de vue administratif comme du point de vue pénal, encadre la gestion des données publiques
45:54 strictement. Et donc un opérateur privé ne peut pas disposer de données publiques. Ça s'appelle de la gestion de fait. Troisièmement, et j'en conclurai par un exemple concret,
46:05 je renvoie à l'article 213-48-39-1 du Code de l'environnement, qui encadre la rémunération du délégataire. Un délégataire perçoit une rémunération de 15 ou 30 centimes,
46:21 selon le cas, au titre de chaque facture qu'il émet pour l'agence de l'eau. Cela signifie d'un point de vue pratique que chaque fois qu'il facture plus de 100 euros de taxe,
46:30 il doit payer plus de ces trois S que le montant de sa rémunération. Difficile de ne pas conclure à une atteinte aux capacités de contributives lorsque le montant de l'impôt
46:41 est supérieur à la rémunération. En conclusion, je vous demande de bien vouloir juger les dispositions non conformes à la Constitution.
46:49 — Merci. M. Kanguyem pour le Premier ministre.
46:55 — Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, la présente question prioritaire de constitutionnalité va vous permettre
47:02 de réaffirmer les conséquences jurisprudentielles qui découlent de l'autorité de vos décisions de conformité. La première question qui se pose en l'espèce est de savoir,
47:13 pour cela, quelle est la disposition soumise aujourd'hui à votre contrôle. La formulation de la question telle qu'elle a été présentée devant la Cour de cassation
47:21 ne visait explicitement que le cinquième alinéa de l'article 651-5 du Code de la sécurité sociale. Mais la formulation de la question vise non seulement le principe
47:32 énoncé à ce cinquième alinéa et selon lequel l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés et des commissionnaires est constituée par le montant
47:39 de leur commission, mais la question vise également les quatre conditions cumulativement exigées pour l'application de ce principe et notamment le quatrièmement
47:48 qui impose que le cométant soit établi au sein de l'Union européenne. En termes logistiques, ces quatre conditions, matérialisées par autant de passages à la ligne,
47:56 sont constitutifs d'autant d'alinéas. La question qui vous est soumise porte donc sur les cinquièmes et neuvièmes alinéas de l'article L651-5 du Code de la sécurité sociale.
48:08 La deuxième question à laquelle il faut répondre porte sur la version de ces dispositions qui sont l'objet de la présente QPC. Au terme de votre jurisprudence,
48:20 la version correspond à l'article au sein duquel figurent les dispositions contestées, articles en vigueur et applicables aux litiges. Et dans son dispositif,
48:29 l'arrêt de renvoi ne précise pas la version de l'article L651-5 du Code de la sécurité sociale applicable aux litiges. Le litige portant sur la contribution sociale
48:41 de solidarité des sociétés pour l'année 2016, vous êtes saisi des dispositions précitées dans leur version en résultant de la loi de 8 août 2014,
48:48 loi de finance rectificative de la sécurité sociale pour 2014. Le champ de la QPC étant ainsi éclairci, se pose alors la question de savoir si ces dispositions
49:01 n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution. La subtilité tient ici au fait que pour répondre à cette question, il ne faudra non plus se référer
49:10 à la version applicable aux litiges, mais bien – et dans une certaine mesure – à la substance des dispositions et à leur rédaction. Et comme le souligne
49:17 l'arrêt de renvoi, la rédaction de ces dispositions, leur rédaction, est issue de l'article 12 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale
49:27 pour 2013. Or, cet article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs
49:36 paragraphe 22 et dans le dispositif de votre décision 659 d'essai du 13 décembre 2012. Le recueil des dispositions déclarées conformes à la Constitution
49:46 qui figurent sur votre site Internet indique – contrairement à ce qui est indiqué dans l'arrêt de renvoi – que les dispositions des alinéas 4 à 10,
49:54 donc comprenant les dispositions qui sont soumises aujourd'hui, qui sont aujourd'hui l'objet de la QPC, que les dispositions des alinéas 4 à 10 de l'article
50:01 L651-5 du code de la sécurité sociale, dont leur rédaction est issue de la loi du 17 décembre 2012, sont conformes à la Constitution.
50:11 Il est opposé par la société requérante que votre décision de conformité ne porterait que sur la constitutionnalité de l'assiette de la contribution sociale
50:19 de solidarité des sociétés mises à la charge des entreprises d'assurance, car seule cette question vous était soumise et seule cette question était
50:25 explicitement traitée dans votre décision. Mais ce n'est pas ainsi que votre jurisprudence entend l'autorité des décisions de conformité dans les motifs
50:35 et les dispositifs d'une décision antérieure. En effet, il résulte de votre décision n°9 QPC, section française de l'Observatoire international des prisons,
50:44 du 2 juillet 2010, que dès lors que vous avez déclaré un article de loi conforme à la Constitution dans le dispositif et les motifs d'une décision,
50:53 alors aucune des dispositions contenues dans cet article ne peut plus faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité,
50:59 alors même que vous ne vous êtes prononcée dans les motifs que sur certaines des dispositions que cet article contenait. Et c'est exactement le cas en l'espèce.
51:09 L'article 12 de la loi du 17 décembre 2012 a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de votre décision 659 DC.
51:17 Cette déclaration de conformité s'étend à toutes les dispositions contenues dans cet article, y compris celles qui n'ont pas été explicitement examinées,
51:26 comme c'est effectivement le cas des dispositions contestées aujourd'hui. Deux étapes du raisonnement restent encore à franchir pour conclure au non-lieu.
51:36 Il faut en effet que les dispositions contestées soient analogues à celles qui ont déjà été déclarées conformes.
51:42 Et c'est à ce stade que l'examen porte sur la rédaction des dispositions pour reprendre les termes de l'arrêt de renvoi.
51:49 Vous jugez en effet que, lorsque l'article de loi déclaré conforme comportait des dispositions identiques à celles objet d'une QPC ultérieure,
51:58 alors il n'y a pas lieu de statuer sur cette question prioritaire de constitutionnalité. Vous voyez par exemple le paragraphe 19 de votre décision 653 QPC.
52:08 En l'espèce, la rédaction des 5e et 9e alinéas de l'article 651-5 du Code de la Sécurité sociale, dans la version applicable au litige,
52:17 est en tout point identique à la rédaction qui figurait à l'article 12, déclaré conforme à la constitution. La condition d'analogie est donc remplie.
52:26 L'ultime question tient donc à ce stade à l'application des conditions posées par l'ordonnance du 7 novembre 1958,
52:34 au terme de laquelle, dans l'hypothèse dans laquelle nous nous trouvons présentement, seul un changement de circonstances pourrait vous permettre de statuer.
52:42 Mais il n'y a eu en l'espèce ni changement de circonstances de droit, ni changement de circonstances de fait, changement qui ne sont d'ailleurs pas allégués par la société requérante.
52:52 Je vous invite donc à déclarer qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions des 5e et 9e alinéas
52:59 de l'article L651-5 du Code de la Sécurité sociale dans leur version applicable au litige.
53:05 Merci, M. Canguilhem. Alors, est-ce qu'il y a des questions sur ce sujet ? Il n'y en a pas ? Alors, il a été beaucoup de questions de Molière.
53:17 J'en rappelle, sans prendre position sur le fond, que Molière a fait ses études de droit avant d'être comédien, mais c'est plutôt à ce second titre qu'il est passé dans l'histoire.
53:29 Bon. Décision connue d'un neuf jours, le 14 mars. Le dernier s'est levé.
53:40 Merci.
53:42 Merci d'avoir regardé cette vidéo !