Droit à congé payé d’un salarié en arrêt maladie
Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/20231079QPC.htm
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00:00:00 Alors, nous allons passer à la seconde question prioritaire de Constitutionnalité, qui est un objet tout à fait différent.
00:00:12 Elle porte le numéro 2023-1079 et elle a trait à l'article L31-41-3 et le cinquièmement de l'article L31-41-5 du Code du travail.
00:00:26 Madame la greffière, où en sommes-nous ?
00:00:30 Merci, M. le Président. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 novembre 2023 par un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation d'une question prioritaire de Constitutionnalité
00:00:39 posée par Mme Léopoldina Pires Morera-Epostiteux, portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit,
00:00:47 de l'article L3141-3 du Code du travail et du cinquièmement de l'article L3141-5 du même code.
00:00:56 Cette question relative au droit à congé payé d'un salarié en arrêt maladie a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2023-1079-QPC.
00:01:07 Maître Thomas Haas a produit dans l'intérêt de la partie requérante des observations le 5 décembre 2023.
00:01:13 La SCP Gatineau, Fattah, Chigny et Rébérol dans l'intérêt de la société Mazat-Grands-Services, partie à l'instance, et le Premier ministre ont produit des observations le 7 décembre 2023.
00:01:23 La Confédération générale du travail, la SCP Céliste-Exidor-Périer dans l'intérêt de la Confédération des petites et moyennes entreprises,
00:01:30 la SCP Gatineau, Fattah, Chigny et Rébérol dans l'intérêt du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF,
00:01:36 Maître François Boucard dans l'intérêt de l'Union des entreprises de proximité ont demandé à intervenir et ont produit à cette fin des observations le 7 décembre 2023.
00:01:45 La SCP Gatineau, Fattah, Chigny et Rébérol dans l'intérêt du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, ont produit de nouvelles observations le 20 décembre 2023.
00:01:54 Seront entendues aujourd'hui l'avocat des parties requérantes, l'avocat de la partie à l'instance, les avocats des parties intervenantes et le représentant du Premier ministre.
00:02:02 Merci Madame. Donc comme on vient de l'entendre, il y a un certain nombre de plaidoiries et donc je demanderai à chacun d'avoir la gentillesse de s'en tenir au délai qui a été fixé.
00:02:14 Alors nous allons commencer avec Maître Maude Sardet qui est avocate au barreau de Paris, qui représente Mme Pires Morera et Pouce Titeux, partie requérante. Maître.
00:02:25 Merci Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil. Je serai en effet très brève pour ne pas alourdir votre séance et me concentrerai sur la première question prioritaire de constitutionnalité
00:02:38 et laisserai le soin à mon confrère Franck Michelet de vous démontrer le bien-fondé de la seconde question. Alors que disent les dispositions contestées ? En substance, elles sont très claires.
00:02:49 Elles subordonnent l'acquisition des congés payés à la réalisation d'un travail effectif, ce qui exclut naturellement les salariés en arrêt de travail pour maladie, à l'exception toutefois des arrêts maladie pour accident du travail et maladie professionnelle dans la limite d'une année uniquement.
00:03:09 Ces dispositions méconnaissent clairement la Constitution et plus particulièrement la linéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 qui garantit le droit à la santé, au repos et au loisir.
00:03:24 En privant le salarié de son droit à l'acquisition de congés payés pendant son arrêt de travail pour maladie, ces dispositions le privent de son droit à la santé et au repos.
00:03:35 Alors mes contradicteurs vous diront mais le salarié en arrêt de travail pour maladie peut se reposer donc il n'a pas besoin d'acquérir des congés payés pendant son arrêt maladie.
00:03:44 C'est méconnaître la finalité de l'arrêt maladie qui n'est absolument pas de se reposer mais bien de se soigner pour pouvoir revenir apte à son poste de travail.
00:03:54 Le salarié qui subit un lourd traitement de chimiothérapie pendant des mois et qui est ensuite en rémission est apte à reprendre son travail ne revient pas reposer de son arrêt maladie.
00:04:06 Et si on suit la logique de mes contradicteurs ce salarié il doit attendre plusieurs mois voire près d'une année avant de pouvoir prendre des congés payés.
00:04:18 Puisque je ne vous apprends rien la période d'acquisition des congés payés elle s'étend du 1er juin en principe au 31 mai de l'année suivante.
00:04:27 Donc un salarié qui revient en arrêt de travail le 3 juin 2024 il doit attendre le 1er juin 2025 avant de pouvoir prendre ses congés payés.
00:04:37 Il subit donc une double peine alors même que son arrêt de travail est indépendant de sa volonté.
00:04:45 C'est ce critère d'indépendance de la volonté qui a conduit la Cour de justice de l'Union européenne et très récemment par les arrêts du 13 septembre 2023 la Cour de cassation
00:04:57 à décorréler la notion de travail effectif avec celle d'acquisition des congés payés pour les salariés en arrêt maladie.
00:05:06 Que cet arrêt maladie soit d'origine professionnelle ou non. A l'instar de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour de cassation
00:05:16 vous prendrez ce critère en compte pour déclarer inconstitutionnel les dispositions qui sont attaquées comme contraires au droit à la santé et au repos.
00:05:27 Alors c'est plus anecdotique diront certains mais le droit au loisir est également méconnu et ce droit est également constitutionnellement garanti.
00:05:36 Le salarié qui est en arrêt maladie voit ses déplacements dans le temps et dans l'espace limités de par son état de santé ça c'est certain
00:05:45 mais surtout parce qu'il a des heures de sortie autorisées, il ne peut pas sortir de sa circonscription sans demander l'autorisation de la caisse primaire d'assurance maladie
00:05:55 donc il ne peut pas voyager pendant son arrêt maladie librement, il ne peut pas avoir des activités culturelles, sportives, classiques.
00:06:03 Donc en le privant de l'acquisition de ses droits à congés payés pendant son arrêt maladie, ses dispositions le privent également de son droit au loisir.
00:06:14 Ces atteintes à la constitution ne sont pas manifestement remises en cause par mes contradicteurs. Ils avancent essentiellement des considérations d'ordre économique
00:06:26 pour vous inciter à écarter les présentes questions prioritaires de constitutionnalité.
00:06:31 Alors j'ai pu lire dans l'un des mémoires en défense la situation d'un salarié qui était en arrêt de travail pendant 10 ans pour maladie
00:06:40 et mon contradicteur en déduisait que forcément la situation serait dramatique pour l'employeur si vous déclariez les dispositions attaquées inconstitutionnelles.
00:06:51 Je ne connais pas personnellement de salarié en arrêt de travail pendant 10 ans. J'ai quand même consulté les chiffres publiés en la matière.
00:06:58 La durée moyenne des arrêts de travail pour maladie est de 20 jours sur les 5 dernières années.
00:07:04 Les arrêts de travail de plus de 6 mois ne représentent que 4% des arrêts maladie.
00:07:10 Donc la situation qui est évoquée, elle est totalement hypothétique ou en tout cas elle est rarissime et elle ne doit pas contraindre votre Conseil à écarter
00:07:20 les présentes questions prioritaires de constitutionnalité. Donc vous déclarerez les dispositions inconstitutionnelles.
00:07:28 Alors l'enjeu de votre déclaration d'inconstitutionnalité, il est essentiel. Peut-être que vous direz mais cet enjeu est limité compte tenu des décisions de la Cour de cassation
00:07:39 du 13 septembre 2023 qui a d'ores et déjà écarté l'application de ces dispositions attaquées. Il n'en est rien.
00:07:47 Et d'ailleurs, Mme Berria l'indiquait dans son avis du 15 novembre 2023 qui a conduit à la transmission de ces questions prioritaires de constitutionnalité à votre Conseil.
00:08:00 Elle craignait qu'un public non averti continue d'appliquer des dispositions attaquées. C'est certain.
00:08:08 Nombre de salariés et d'employeurs ne vont pas aller regarder la jurisprudence de la Cour de cassation et celle de la Cour de justice de l'Union européenne.
00:08:16 Ils vont ouvrir leur code du travail et regarder si un salarié pendant son arrêt maladie acquiert ou non des congés payés.
00:08:23 Donc, votre déclaration d'inconstitutionnalité, elle est primordiale et elle permettra d'encadrer les travaux parlementaires qui vont venir très prochainement,
00:08:33 puisque cela a été annoncé par Mme Borne à la suite des arrêts de la Cour de cassation. Donc, j'en terminerai avec la temporalité de la déclaration d'inconstitutionnalité.
00:08:44 Il est manifeste que vous n'avez pas à différer votre déclaration d'inconstitutionnalité. Les salariés, il est primordial en tout cas que les salariés en arrêt de travail
00:08:54 actuellement puissent acquérir d'ores et déjà des congés payés. Et comme je vous l'indiquais, dans la mesure où ces dispositions ont d'ores et déjà été écartées
00:09:04 par la Cour de cassation, il n'y a pas lieu d'en différer les effets pour l'avenir. Je vous remercie.
00:09:11 Merci, Maître. Alors, nous allons maintenant écouter Maître Antoine Dianou, qui est invoqué au Conseil, qui représente la société Mazagran Service, partie à l'instance. Maître.
00:09:25 Merci, M. le Président. Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, il n'aura échappé à personne que si vous êtes saisis de la présente question prioritaire
00:09:34 de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation, c'est à raison du récent revirement de jurisprudence auquel cette même Cour de cassation a procédé,
00:09:43 par une série d'arrêts du 13 septembre 2023, à propos de la conformité de la législation française sur les congés payés par rapport aux droits de l'Union européenne,
00:09:52 ou plus exactement par rapport aux droits de l'Union telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, qui a instauré une règle selon laquelle
00:10:00 les travailleurs en arrêt maladie doivent obtenir des congés payés sur leur période d'arrêt de travail, sans pouvoir distinguer leur situation de celle des salariés
00:10:09 qui ont effectivement travaillé. Il y aurait beaucoup à dire sur cette jurisprudence de la Cour de l'Union européenne, sur l'incompréhension qu'elle suscite,
00:10:18 sur son absence de prise en compte des systèmes nationaux de prise en charge des arrêts maladie, ou sur le fait qu'elle ne repose sur aucun fondement textuel explicite.
00:10:28 Il y aurait beaucoup à en dire, mais pas devant vous. Vous êtes les juges de la conformité de la loi à la Constitution et pas aux droits européens.
00:10:36 Et vous êtes saisis d'une question prioritaire de constitutionnalité. Il s'agit uniquement d'apprécier la conformité de la loi aux droits et libertés à valeur constitutionnelle.
00:10:45 Or, quelle est la loi litigieuse ? Celle qui prévoit en substance que les salariés acquièrent des congés payés à mesure du travail effectif qu'ils accomplissent,
00:10:55 ce qui n'inclut pas les périodes d'arrêt maladie. Et quels sont les droits constitutionnels qui sont invoqués devant vous ? Le droit au repos et à la santé, d'une part,
00:11:04 le principe d'égalité, d'autre part. Donc voyons ces deux points. Pour le droit à la santé et au repos, d'abord, le préambule de la Constitution de 1946 indique que c'est la nation
00:11:16 qui le garantit à tous, de manière générale, sans le rattacher spécialement aux relations de travail. C'est avant tout la solidarité nationale qu'avaient à l'esprit les rédacteurs de la Constitution de 1946.
00:11:28 Rien n'indique dans la Constitution que ce serait à l'employeur d'assurer la prise en charge du droit à la santé et au repos. Et rien n'indique que ce droit au repos devrait être remunéré à forcerie.
00:11:39 L'appréciation de ce droit ne peut donc se faire qu'au regard d'une analyse d'ensemble de notre système social de prise en charge des arrêts maladie. Les personnes en arrêt maladie n'obtiennent certes pas des congés payés
00:11:51 durant leur arrêt, mais leur droit à la santé et au repos est largement protégé par ailleurs, puisque l'arrêt maladie est pris en charge par la sécurité sociale, prise en charge des frais de soins,
00:12:03 d'une part, qui permet d'assurer concrètement le droit à la santé, et versement d'indemnités journalières, d'autre part, qui permet d'assurer un revenu de remplacement aux travailleurs malades.
00:12:13 Ce système de sécurité sociale est financé en grande partie par les cotisations des employeurs. Et ce n'est pas tout. Les employeurs ont également une obligation légale de maintien du salaire
00:12:24 pendant un arrêt maladie, en complément des indemnités journalières. Et pour les arrêts maladie de longue durée, il y a en plus la prise en charge par les régimes de prévoyance collective,
00:12:35 dont l'adhésion est depuis quelques années devenue obligatoire une nouvelle fois pour les employeurs. Donc tous ces revenus de remplacement pour les travailleurs malades permettent de s'assurer
00:12:45 concrètement qu'ils vont bien prendre leur arrêt de travail lorsque leur état de santé ne leur permet plus de travailler. Et ainsi, la santé et le repos sont déjà fort bien garantis.
00:12:56 Il n'est pas nécessaire de leur ajouter en plus des congés payés générés durant leur arrêt maladie, puisque par hypothèse, étant en arrêt de travail, ils sont déjà au repos.
00:13:06 Alors certes, c'est une période de repos accordée pour se soigner, mais elle permet aussi d'avoir du temps libre concrètement pour des loisirs du quotidien qui ne sont pas éprouvants physiquement.
00:13:16 Ainsi, la loi est parfaitement conforme au droit au repos et à la santé, puisque les congés payés sont accordés en fonction des périodes de travail effectives pour permettre de se reposer par rapport au dit travail.
00:13:28 Quant au repos nécessaire par rapport à une maladie, il est assuré par le système de protection sociale. Accorder des congés payés pour une période d'arrêt de travail qui permet déjà aux salariés malades de se reposer,
00:13:40 tout en bénéficiant d'un revenu de remplacement, cela reviendrait à accorder du repos sur du repos, du repos au carré. Ce serait méconnaître notre système social pris en sa globalité.
00:13:51 C'est avant tout la solidarité nationale qui assure le droit à la santé et au repos de tous les individus, qu'ils soient salariés ou non. Et on en revient à l'objectif poursuivi par le constituant de 1946.
00:14:04 Les congés payés, quant à eux, sont intrinsèquement conçus comme une contrepartie du travail accompli et non comme un droit accordé aux personnes malades.
00:14:12 D'ailleurs, les personnes non salariées, comme par exemple les travailleurs indépendants, voient bien leur droit à la santé et au repos assurés par la sécurité sociale lorsqu'ils sont malades.
00:14:21 Et on imagine mal un système qui leur accorderait un supplément de repos ou de rémunération obtenu du fait même de leur arrêt de travail, de leur maladie.
00:14:30 Et donc, par ce contre-exemple, on voit bien qu'il n'y a pas lieu d'accorder des congés payés à une personne malade. L'arrêt maladie tel qu'il est pris en charge par la sécurité sociale est en lui-même la garantie du droit au repos et à la santé.
00:14:46 C'est pourquoi sur ce premier point, l'AQPC sera écartée et la loi déclarée conforme.
00:14:51 Ensuite, sur le principe d'égalité, la loi est là encore conforme à la Constitution et parfaitement logique.
00:15:03 De première part, la différence de traitement quant à l'obtention des congés entre une personne qui a accompli un travail effectif et une personne en arrêt de travail est tout à fait logique et en rapport avec l'objet de la loi, puisque les congés payés sont la contrepartie du travail.
00:15:17 C'est un avantage dont le salarié bénéficie parce qu'il a travaillé. Au même titre, il a une rémunération parce qu'il a travaillé.
00:15:24 Donc la différence de situation est évidente et elle justifie la différence de traitement.
00:15:29 Reste la question de la différence de traitement entre les salariés en arrêt maladie non professionnel et ceux en arrêt causés par un accident du travail ou une maladie professionnelle,
00:15:38 ces derniers obtenant des congés payés dans la limite d'une durée d'arrêt de travail d'un an.
00:15:45 Sur cette différence de traitement, elle s'explique là encore par une différence de situation objective.
00:15:53 Des congés payés sont dus par l'employeur à un salarié en arrêt maladie professionnel pour la raison justement que cet arrêt maladie est en lien avec le travail fourni pour cet employeur.
00:16:06 Et encore une fois, il faut rappeler que les congés payés sont accordés en contrepartie du travail.
00:16:12 Donc pour les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, c'est parce que leur état de santé est en lien avec leur travail,
00:16:20 parce que le travail a causé l'arrêt maladie, qu'il est légitime qu'en compensation, l'employeur leur accorde des droits à congés payés durant cette période d'arrêt de travail.
00:16:30 Si vous voulez, c'est une illustration de la théorie du risque. L'employeur a fait courir un risque au salarié à l'occasion du travail.
00:16:37 Il doit donc en assumer les conséquences si ce risque se réalise.
00:16:41 Et à l'inverse, donc, la situation est différente pour les salariés dont l'arrêt maladie n'a pas une cause professionnelle.
00:16:47 La maladie n'est ici pas en lien avec le travail. Il n'a donc pas lieu d'accorder des congés payés en compensation,
00:16:53 puisque l'employeur n'a ici aucune responsabilité dans la survenance de l'arrêt maladie.
00:16:59 Il en ressort donc que la différence de traitement entre salariés, selon la cause professionnelle ou non de leur arrêt maladie,
00:17:05 est bien en rapport avec l'objet de la loi. Et en définitive, que l'on prenne le droit à la santé au repos ou le principe d'égalité,
00:17:12 la loi sur les congés payés est bien conforme à la Constitution.
00:17:16 Merci, Maître. Alors, maintenant, nous allons entendre Maître Jean-Jacques Gatineau,
00:17:25 qui est avocat au Conseil et qui représente le MEDEF, parti inter-vallant. Maître.
00:17:30 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
00:17:35 l'identité, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un concept d'actualité.
00:17:42 Chacun la cherche, chacun a peur de la perdre, que ce soit l'identité nationale, l'identité culturelle, voire l'identité constitutionnelle.
00:17:52 Je ne ferai donc pas exception à la règle dans cette quête, puisque je souhaiterais vous parler de notre identité sociale.
00:18:01 La France est un véritable modèle social en Europe pour ses prestations sociales, pour sa durée du travail, pour sa protection des salariés malades.
00:18:13 La France est un pays les plus généreux en ce qui concerne les prestations sociales.
00:18:21 Selon les statistiques 2023 de l'OCDE, la France est le pays qui consacre la part la plus importante de son PID, 31,6%, pour l'ensemble des prestations sociales.
00:18:35 La France est loin devant les pays nordiques qui sont censés être les mieux-disant socials.
00:18:43 Pour la durée du travail, la France est également très en avance en Europe.
00:18:50 La France a réduit le temps de travail à 35 heures en 1998, et vous avez entendu en Allemagne que 26 ans plus tard,
00:19:00 les salariés sont en train de faire grève pour obtenir le même avantage pour la Deutsche Bahn.
00:19:07 Plus précisément, s'agissant de la sécurité et de la santé au travail, la France a été, selon le mot du directeur juridique de la Commission européenne,
00:19:16 le bon élève de l'Europe lorsqu'il s'est agi de transposer la directive de 1993 sur l'aménagement du temps de travail.
00:19:25 La directive a été totalement transposée en mieux-disant social pour le temps de travail, 44 heures par semaine alors que le maximum est de 48 heures pour le reste de l'Europe.
00:19:37 Le travail de nuit, pas plus de 40 heures par période de 12 semaines.
00:19:42 Que dire des congés payés qui sont en France de 5 semaines quand ils ne sont pas portés à 6 ou 7 semaines de façon conventionnelle ?
00:19:49 Si l'on compare avec l'Italie, la Roumanie, la Pologne ou la Hongrie où les congés payés sont de 26 jours seulement,
00:19:57 et en Pologne ce n'est que 20 jours lorsque le salarié a moins de 10 ans d'ancienneté.
00:20:03 Le nombre d'heures effectivement accomplies en France est de 1 490 quand il est de 1 716 heures en moyenne pour les autres pays de l'OCDE.
00:20:15 Le droit au repos est ainsi en France l'un des mieux assurés qu'il soit au sein de l'Europe.
00:20:23 Il en est de même pour la protection des salariés malades.
00:20:27 Le droit d'arrêter de travailler pour maladie est totalement assuré en France qu'il s'agisse d'une maladie professionnelle ou d'une maladie non professionnelle.
00:20:35 Le malade, quelle que soit l'origine de sa maladie, bénéficie d'un droit au congé du moins indemnisé par la Sécurité sociale pendant 3 ans en cas d'affection longue durée.
00:20:47 Il peut arriver, contrairement à ce que l'on vous a dit, que l'arrêt maladie dure beaucoup plus longtemps.
00:20:53 Et au bout de 3 ans, le malade est transféré au service des invalidités et il continue d'être indemnisé, il n'est pas laissé au bord du chemin.
00:21:03 En cas de maladie professionnelle, le salarié bénéficie pendant toute la durée de sa maladie de la gratuité des sangs,
00:21:12 du paiement de son salaire par le biais d'indemnités journalières dont le versement temporel n'a d'autre que borne que la consolidation du salarié.
00:21:25 On ne connaît pas en Europe de système de protection des salariés malades qui soit aussi généreux pour le salarié et aussi coûteux pour les entreprises.
00:21:36 C'est donc à l'aune de cette spécificité sociale française que doit être apprécié le respect par la législation française du bloc de constitutionnalité en matière de droits aux repos et aux loisirs.
00:21:51 Ce n'est sûrement pas à l'aune des textes de l'Union européenne, lesquels sont par nécessité le fruit de compromis qui ignorent les spécificités et les avancées sociales de certains des pays de l'Union.
00:22:04 Or, au regard des exigences du point 11 du préambule de la constitution de 1946, rien, rien ne peut être reproché à notre législation.
00:22:17 On l'a vu, le droit au repos est amplement assuré par une législation qui limite substantiellement la durée maximale du temps de travail.
00:22:26 Le droit aux loisirs est également amplement ménagé par une législation qui assure 5 à 7 semaines de congé payé.
00:22:34 Le droit aux loisirs est encore suffisamment assuré par le droit à l'acquisition de congé payé pendant un an, même si cette maladie est d'origine professionnelle.
00:22:45 J'entends que le congé maladie est destiné à permettre aux salariés de se réparer et non pas de se reposer.
00:22:56 C'est oublié que les arrêts maladie ne s'arrêtent pas au moment même où la maladie est guérie.
00:23:05 L'arrêt maladie est donné par les médecins jusqu'au jour où le salarié guérit a récupéré suffisamment de sa force de travail pour recommencer à travailler.
00:23:18 Il n'est pas privé de son droit au repos, de son droit aux loisirs pendant qu'il est malade par son obligation de se réparer.
00:23:26 Il peut continuer de profiter de sa guérison pendant un minimum de temps jusqu'à ce que le médecin considère qu'il est apte à reprendre le travail, ce qui dépasse très largement la date à laquelle il est consolidé.
00:23:42 Sans doute peut-on regretter dans un système idéal que pour les maladies non professionnelles, le salarié n'attire pas de congés payés pendant ses arrêts maladie.
00:23:57 Il ne faut pas perdre de vue que le système français des congés payés est ainsi fait qu'il conditionne leur acquisition au travail.
00:24:06 Pas de travail, pas de congés payés, sauf si le travail a été à l'origine de la maladie.
00:24:12 Il n'est pas possible d'imposer l'acquisition de congés payés sans le travail qu'il conditionne, sauf à mettre à bas tout système social français qui met en œuvre le principe « à chacun selon son travail ».
00:24:22 Je sais bien que dans un ouvrage de 1875, la critique du programme de Goethe, Karl Marx a opposé le principe « à chacun selon son travail » au principe « à chacun selon ses besoins ».
00:24:37 Marx y qualifie le premier principe « à chacun selon son travail » de principe de droit bourgeois, qui doit céder la place au second principe « à chacun selon ses besoins » dans la société communiste idéale.
00:24:49 Mais qu'on le regrette ou non, nous sommes dans une société libérale de droit bourgeois et néanmoins sociale.
00:24:56 La proposition qui vous a fait de décorréler le droit au loisir par les congés payés du travail effectivement accompli est une proposition marxiste qui a fait la preuve de son inefficacité.
00:25:08 Vous tiendrez ferme à la règle selon laquelle, hormis lorsque le travail est la cause de l'absence ou maladie, il ne peut y avoir d'acquisition de congés payés sans travail.
00:25:18 Et vous n'aurez aucun mal à écarter le grief d'atteinte à l'égalité de traitement entre maladie professionnelle et maladie non professionnelle.
00:25:27 Les salariés sont dans une situation radicalement différente et l'exclusion du bénéfice des congés payés pour les salariés atteints de maladies non professionnelles est en rapport avec l'objet de la loi qui le prévoit,
00:25:39 puisque la loi fait financer les congés par les seuls employeurs en contrepartie du travail accompli.
00:25:44 Toute déclaration d'inconstitutionnalité en réponse à l'une ou l'autre des questions aurait des effets éventuels désastreux.
00:25:52 Les entreprises dans toutes les branches sont en train de calculer le coût de la décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation.
00:26:01 Je n'ai pas produit toutes les prévisions, tous les textes, mais globalement, on en est par an à 2 milliards d'euros pour l'ensemble des entreprises,
00:26:12 sans compter bien entendu le rattrapage qui est demandé, puisque la prescription a commencé à courir en 2009 seulement.
00:26:21 Pour Orano, c'est 619 000 euros, pour GSF 4 millions d'euros.
00:26:26 Je n'ai pas égrainé toutes les entreprises dans les différentes branches, mais on en arrive à un minimum de 2 milliards sans compter le rattrapage.
00:26:33 Il est donc vital de ne pas contribuer davantage à rompre l'équilibre financier de notre système de protection sociale.
00:26:40 En aggravant cette situation et en déclarant anti-constitutionnel les textes qui vous sont déférés.
00:26:47 Mais direz-vous à quoi bon valider une disposition législative au regard du bloc de constitutionnalité,
00:26:56 si ces dispositions sont déjà écartées par la Cour de cassation, qui les a déclarées inconventionnelles et qui refuse donc de les appliquer.
00:27:06 La question mérite d'être posée et je ne peux que vous proposer quelques pistes de réflexion.
00:27:14 Peut-être la Cour de cassation attend-elle de vous, qu'une fois n'est pas coutume, vous serviez de guide au gouvernement pour la loi en gestation,
00:27:21 afin que vous lui disiez ce qu'il peut faire, ce qu'il doit faire.
00:27:27 Peut-être la Chambre sociale de la Cour de cassation attend-elle que vous surmontiez votre refus traditionnel d'apprécier la conventionnalité de la loi.
00:27:41 Et peut-être pourriez-vous dépasser cet obstacle en décidant que la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation est erronée,
00:27:52 qu'elle a mal interprété les textes de l'Union et que non seulement les textes qui vous sont déférés sont conformes à la Constitution,
00:27:59 mais qu'ils sont également conformes à la Convention.
00:28:05 Peut-être la Chambre sociale de la Cour de cassation attend-elle, en cas de réserve d'interprétation, que vous précisiez les règles de la prescription applicables aux salariés.
00:28:16 Vous pourriez rappeler à cet égard que le changement d'existation ne peut jamais être rétroactif.
00:28:26 Vous pourriez rappeler en dernière extrémité que le report des congés payés ne pourrait pas être supérieur à 12 mois à compter de l'acquisition des congés payés.
00:28:38 Vous pourriez préciser que l'acquisition de ces congés doit se faire sur les 4 semaines garanties par la directive et non pas sur les 5 à 7 semaines qui sont offertes en France.
00:28:51 Le mieux serait sans doute de constater la parfaite constitutionnalité des textes soumis à votre contrôle.
00:28:59 Merci, Maître. Alors, maintenant, nous allons écouter Maître Franck Michelet, qui est avocat baro de Reims, qui représente la CGT, partie intervérante. Maître.
00:29:12 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs du Conseil,
00:29:18 Quelques observations dans ce dossier sur la seconde QPC. Comme l'a indiqué mon confrère intervenant pour le requérant, je me concentrerai en ce qui me concerne sur l'atteinte au principe d'égalité, c'est-à-dire la seconde QPC.
00:29:30 Une réflexion avant d'entamer ce développement. Lorsque j'entends le représentant du MEDEF vous égrener à quel point cette France est généreuse,
00:29:40 j'ai l'impression que nous sommes dans un pays de cocagne et que dans ce pays de cocagne, eh bien, il n'est pas de bon ton aujourd'hui de déclarer inconstitutionnel des dispositions qui ne feraient qu'ajouter à cette générosité excessive.
00:29:55 En tout cas, c'est la considération qui vous a été présentée à cet instant par le MEDEF. Je pense qu'il faut s'éloigner de cette considération qui n'est pas valable et se rappeler que votre intervention se place dans un contexte particulier.
00:30:09 A savoir qu'au mois d'août dernier, la Cour administrative d'appel de Versailles a sanctionné la France pour un retard dans la transposition des dispositions de l'Union européenne.
00:30:20 Et d'autre part, cette considération de la Cour de cassation qui le 13 septembre dernier sur un arrêt qui a mis 10 ans à mon cabinet à venir, puisque cela fait 10 ans que je porte cet argument devant les juridictions,
00:30:34 eh bien, est venu dire qu'il appartenait d'écarter des dispositions qui ne sont pas conformes aux droits de l'Union. Elles ne sont pas conformes aux droits de l'Union et elles sont au demeurant contraires aux principes d'égalité que prévoit votre juridiction, que consacre votre juridiction.
00:30:49 Je rappelle que dans la rétaxation d'office, le principe d'égalité nous enseigne que tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également assignables à toute dignité placée en place public selon leurs capacités et sans autre distinction que celle de leur vertu et de leur talent.
00:31:04 Enseignement de votre conseil du 27 décembre 1973 qui a été appliqué, qui tolère des traitements différents lorsque, eh bien, les situations sont différentes et qui nous enseigne que la différence de traitement qui résulte doit être en rapport direct avec l'objet de la loi qu'il établit.
00:31:24 Votre conseil a déjà censuré sous le principe d'égalité des dispositions du Code du travail. J'en appelle à cette décision du 2 mars 2016 au terme de laquelle votre conseil a censuré des dispositions qui faisaient du traitement d'un salarié titulaire de la caisse des congés payés du bâtiment à un traitement différent du salarié classique qui, en présence d'une faute lourde, se voyait privé de tout droit à congé, ce qui n'était pas le cas du titulaire de la caisse des congés payés du bâtiment.
00:31:53 Donc ce principe d'égalité a déjà été appliqué par votre conseil le 2 mars 2016 et en l'occurrence, j'estime que, eh bien, ce principe d'égalité est violé par la loi française actuelle puisque, en réalité, et si le législateur peut valablement prévoir des régimes juridiques distincts pour les salariés victimes d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, eh bien, les salariés dont la maladie n'a pas d'origine professionnelle, encore faut-il que cette distinction ait un rapport avec l'objet de la loi.
00:32:22 Quand on prévoit que les salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d'une maladie d'origine non professionnelle n'acquièrent pas de congés payés alors que les salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d'une maladie d'origine professionnelle ou d'un accident de travail acquièrent des congés payés pendant la période de suspension dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, eh bien, en réalité, le législateur traite différemment des personnes qui se trouvent dans la même situation, celle de la maladie.
00:32:47 C'est la maladie qui, eh bien, est le point central et cette différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail est suspendu selon que la maladie soit d'origine professionnelle ou non est sans rapport avec l'objet de législation relative aux congés payés et par conséquent, j'estime que les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi.
00:33:07 Comme on l'a soutenu préalablement et comme l'a indiqué mon confrère, le travailleur qui est en arrêt maladique, celui-ci, soit de nature professionnelle ou non, ne se repose pas, il subit les conséquences de la maladie ou de son accident et tente d'en limiter les effets ou d'en guérir.
00:33:27 Quand on vous dit tout à l'heure que le repos, c'est un repos au carré, on confond la notion de convalescence qui est la situation de la personne qui est en arrêt maladie et la notion de repos.
00:33:37 Par conséquent, j'estime en effet qu'en traitant de manière différente des situations qui sont identiques, c'est-à-dire la considération de la maladie, le droit à congé payé vise à assurer un repos effectif aux salariés par le biais d'un congé payé qui est une absence au travail et donc un repos effectif et vous opérez censure de ces dispositions.
00:33:59 Quelques mots sur le périmètre de la censure. J'ai entendu ce qu'on vous indiquait à l'instant, c'est-à-dire que la faveur du MEDEF est de considérer qu'il n'y a pas lieu de censure. Je vous invite à dépasser cette étape et effectivement de censurer.
00:34:13 Et je vous propose une piste puisque l'on en est aux pistes du côté du MEDEF. Cette piste, elle est fort simple. La piste consisterait pour l'article 31 43-3 du code du travail à effacer cette notion d'effectif, la notion de travail effectif et de ne laisser que le travail.
00:34:29 Parce que finalement cela réglerait tous les problèmes puisque de l'exception vous feriez la règle laissant ensuite le soin aux législateurs de définir les exceptions à la règle nouvelle dans un souci de débat.
00:34:43 Et puis cette solution, elle aurait un intérêt particulier. Le conseiller Flores dans son rapport devant la cour de cassation qui a mené à votre saisine et la transmission de cette QPC a rappelé que la loi de 1936 qui est fondatrice en matière de congés payés ne faisait pas du travail effectif une condition d'acquisition au congé payé.
00:35:03 C'est fondamental. On vous demande de revenir à l'essence de la loi et c'est ainsi que je vous invite à effectivement réformer, en tout cas opérer censure, à faire une censure partielle du terme effectif et effectivement de donner quelques pistes aux législateurs puisque c'est ce que le MEDEF vous invite à faire.
00:35:27 Ces pistes, elles doivent s'examiner à l'aune de l'arrêt de la cour de cassation du 13 septembre 2023, c'est-à-dire que tout travailleur ou travailleuse en arrêt, quel qu'en soit l'origine, doit acquérir des droits à congé légal et conventionnel, que la limite d'un an ne doit pas être une limite effective et le point de départ de prescription ne doit pas aboutir finalement à faire perdre définitivement un salarié les droits au congé qu'il aurait dû toujours acquérir.
00:35:55 J'entendais à l'instant le poids que l'on faisait peser, le poids financier de votre décision en vous expliquant que ça représentait un coût certain.
00:36:04 Je ne dis ce qu'on ne vient pas que le coût est certain pour le monde de l'entreprise, j'indique simplement que ce coût certain c'est aussi le montant de l'économie qui jusqu'alors a été faite depuis le traité de Lisbonne de 2009 et qu'en conséquence, octroyer finalement cette économie au niveau du travail ce serait au final spoiler le salarié des droits qui ont toujours été les siens depuis 2009 et depuis l'adaptation du droit français par rapport au droit européen.
00:36:30 Voilà Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les observations que j'avais à faire pour la CGF.
00:36:34 Merci Maître. Alors maintenant nous allons écouter Maître Sélis qui est avocat au Conseil qui représente la Confédération des petites et moyennes entreprises, CPM, le parti intervenant. Maître.
00:36:48 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, dans un arrêt du 15 avril 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation a refusé de transmettre une QPC qui posait la question de la conformité de l'article L 31 41 3 du Code du travail aux dispositions du 11ème alinéa de la Constitution, du préambule de la Constitution de 1946,
00:37:14 ce qui correspond en grande partie à la problématique de la QPC dont vous êtes présentement saisis. QPC pas sérieuse hier, sérieuse aujourd'hui, ce revirement soudain est à rapprocher de la série d'arrêts rendus le 13 septembre dernier dans lesquels la Chambre sociale a écarté l'application de l'article L 31 41 3 et L 31 41 5, 5ement, du Code du travail au profit des dispositions du droit de l'Union européenne.
00:37:42 Il est tout de même curieux que la Chambre sociale considère désormais que ces textes présentent un problème de constitutionnalité sérieux alors qu'elle les a d'ores et déjà privés de toute application, qui plus est, lorsqu'il est annoncé l'intervention du législateur imminente.
00:38:02 Est-ce à dire que votre saisine serait une simple formalité, que vous n'auriez en quelque sorte pas d'autre choix que d'abroger les articles L 31 41 3 et L 31 41 5 du Code du travail, ces textes désormais obsolètes et voués au gemmonie ?
00:38:20 Votre mission se limiterait à parachever le mouvement initié par la Chambre sociale et tirer les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
00:38:31 Vous n'auriez ainsi qu'à procéder à un simple toilettage législatif rendu nécessaire par des orientations jurisprudentielles venues d'ailleurs, être l'acteur d'un scénario écrit par d'autres.
00:38:45 Ma conviction est que ce n'est pas le rôle que nos institutions attribuent au Conseil constitutionnel. Votre rôle est à la fois bien plus important et bien plus difficile.
00:38:57 Il est de garantir des équilibres essentiels de notre droit, en particulier dans la QPC qui nous occupe, de notre droit de la protection sociale.
00:39:07 Cette mission doit vous conduire à exercer votre contrôle sur trois points. La solution retenue par la Cour de justice de l'Union européenne n'affecte en rien la conformité à la constitution des articles L 31 41 3 et L 31 41 5, 5ement du Code du travail.
00:39:23 Cette jurisprudence est même de nature à porter atteinte à l'identité constitutionnelle de la France. Et il vous revient non seulement de déclarer ces textes conformes à la constitution,
00:39:37 mais plus encore de rappeler la nécessité de les préserver au besoin en les interprétant. Ce sont les trois points que je développerai.
00:39:46 La Cour de justice, tout d'abord, qui a déclaré les articles L 31 41 3 et L 31 41 5 du Code du travail, contraires à la directive du 4 novembre 2003 et l'article 31, paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
00:40:00 Alors même que ces textes ne prévoient strictement rien de l'acquisition de congés payés pendant les périodes d'absence pour maladie, la solution retenue par la Cour de justice repose sur l'idée que le salarié malade,
00:40:14 même s'il se repose pendant son congé maladie, reste privé de son droit au loisir. C'est sur ce fondement de ce droit au loisir que la Cour de justice a décidé que le salarié devait continuer d'acquérir des congés payés pendant sa maladie.
00:40:28 Et par ricochet, c'est sur ce fondement que la Chambre sociale a neutralisé les articles L 31 41 3 et 41 5 du Code du travail et simultanément vous a saisi de la présente QPC.
00:40:41 Mais ce droit au loisir n'est pas, pas encore, un droit garanti par la Constitution, ni aucun des textes appartenant au bloc de constitutionnalité.
00:40:50 La solution retenue par la Cour de justice n'a donc aucunement sa place dans l'exercice de votre contrôle de constitutionnalité.
00:40:56 Plus encore, l'approche de la Cour de justice a ceci d'erroné qu'elle isole les seuls articles L 31 41 3 et 41 5 comme s'ils se suffisaient à eux-mêmes,
00:41:09 comme s'ils étaient deux îlots juridiques coupés du monde sans les replacer dans le cadre plus général dans lequel ils s'insèrent.
00:41:17 Car un régime de protection sociale, ce sont des droits et des avantages, bien sûr, mais pas seulement.
00:41:24 Ce sont aussi des devoirs et des contraintes qui forment un ensemble qui repose sur des équilibres.
00:41:31 Cette interdépendance entre les moyens et les besoins s'appelle la solidarité.
00:41:38 De sorte qu'il est éminemment réducteur de vouloir isoler et stigmatiser quelques dispositions tout en refusant de voir qu'elles constituent un rouage essentiel
00:41:49 dans notre régime de protection sociale et que leur anéantissement est de nature à compromettre l'équilibre du régime dans son ensemble.
00:41:58 C'est cet esprit d'ensemble, cette solidarité entre les droits et les devoirs que la CPME vous demande de protéger au nom de l'identité constitutionnelle de la France.
00:42:10 C'est le second point de mon intervention.
00:42:13 Le système de protection sociale est unanimement reconnu comme l'un des plus généreux au monde, si ce n'est le plus généreux.
00:42:20 La durée et le montant des indemnisations permettent objectivement aux salariés malades de bénéficier d'une période de convalescence
00:42:26 beaucoup plus importante que partout ailleurs en Europe.
00:42:29 Pour ne prendre qu'un exemple, lorsque la durée maximale d'indemnisation est de 6 mois au Danemark et de 18 mois en Allemagne,
00:42:36 elle est de 3 ans en France et elle est même sans limitation de durée en cas d'invalidité.
00:42:42 Le salarié en congé maladie bénéficie en outre du versement d'indemnités journalières aussi longtemps que l'arrêt de travail est justifié médicalement,
00:42:52 du maintien de sa rémunération par l'employeur et des indemnités complémentaires des régimes de prévoyance.
00:42:58 Tout cela est sans équivalent dans les autres pays de l'Union européenne.
00:43:02 Mais ce système n'est pas un puissant fond.
00:43:05 Des limitations, des contreparties sont nécessaires pour en assurer l'équilibre et la pérennité.
00:43:12 L'un de ces équilibres, parmi les plus fondamentaux, est celui en vertu duquel le niveau d'indemnisation élevé des arrêts de travail
00:43:20 intègre le fait que le travailleur malade n'acquiert normalement pas de droit à congé payé pendant la période au cours de laquelle il ne travaille pas.
00:43:31 Pourquoi cette limitation ? C'est vrai.
00:43:34 On pourrait dire qu'en plus des avantages offerts par le régime de congé maladie, les salariés acquièrent aussi des congés payés,
00:43:41 de sorte qu'un salarié absent pendant un an pourrait ainsi différer son retour dans l'entreprise de cinq semaines le temps de prendre ses congés.
00:43:48 S'il est absent deux ans, ça fait dix semaines, etc.
00:43:51 Si cet arbitrage a été écarté par le législateur, c'est d'abord parce que tout régime de protection sociale obéit à un moment ou à un autre à une logique de limitation de coûts.
00:44:03 Des ressources limitées ne peuvent ouvrir que des droits limités.
00:44:08 Et si cette augmentation de coûts est loin d'être anecdotique pour de nombreuses entreprises,
00:44:14 tout particulièrement celles qui sont confrontées à un fort absenteïsme pour maladie,
00:44:19 les secteurs du nettoyage, de l'assistance à la personne, les EHPAD, bref, ce qu'on appelle aujourd'hui les métiers en tension,
00:44:27 sont autant de secteurs pour lesquels la charge des absences pour maladie représente des enjeux cruciaux.
00:44:34 Pour ces entreprises omniprésentes dans le monde du travail, le coût de la protection sociale est supportable tel qu'il est.
00:44:42 Il ne pourrait plus l'être s'il devait s'alourdir encore.
00:44:46 Les marges de ces entreprises sont faibles et leurs ressources ne sont pas infinies.
00:44:51 D'une manière générale, comment ne pas voir que l'acquisition de congés payés pendant les périodes de congés maladie a nécessairement un impact sur la compétitivité des entreprises ?
00:45:01 À une époque où la main-d'œuvre constitue un enjeu majeur dans les échanges mondiaux, est-il opportun d'en renchérir le coût,
00:45:09 non pas pour des objectifs de santé, ni même de repos des travailleurs, mais de loisirs ?
00:45:15 Le législateur a estimé que non, au regard des intérêts économiques supérieurs de la France, et ce choix me paraît mériter d'être approuvé et préservé.
00:45:26 Au-delà même de ces considérations, sur un plan juridique, la neutralisation des articles L31, L41.3 et L41.5 aboutit à un basculement d'un risque collectif à un risque individuel.
00:45:41 Notre système actuel de protection sociale repose sur une mutualisation du risque.
00:45:47 Les entreprises pas ou peu sinistrées payent pour les entreprises qui subissent davantage d'absentéisme.
00:45:53 C'est sur ce consensus que s'opère la solidarité pour les petites entreprises, qui sont les plus vulnérables,
00:46:00 pour qui la charge de l'absence des salariés pour maladie est sensiblement plus dommageable que pour une entreprise nationale ou internationale.
00:46:08 Sans les limitations posées par les articles L31, L41.3 et L41.5, le système actuel s'en trouverait fortement déséquilibré,
00:46:16 puisqu'au coût des absences elles-mêmes, les entreprises sinistrées devraient désormais personnellement prendre en charge les congés payés acquis par leurs salariés
00:46:26 pendant leur congé maladie, sans la moindre contrepartie de travail.
00:46:30 Le système de protection sociale français repose sur un ensemble de règles interdépendantes.
00:46:37 L'acquisition de congés payés est corrélée au travail effectif.
00:46:41 C'est un tout. Il fonctionne comme cela.
00:46:43 Il fait notre fierté. Il fait partie de l'identité constitutionnelle française.
00:46:48 Nous vous invitons, sur ce fondement, à repousser l'attaque dont il est l'objet de la part de la Cour de justice,
00:46:55 dont l'approche abstraite et individualiste va conduire au démantèlement de notre régime de protection sociale tel que nous le concevons,
00:47:03 avec son économie propre et son équilibre.
00:47:06 Je terminerai en une minute, M. le Président, pour vous dire que ce régime de protection sociale fait suffisamment partie de notre tradition,
00:47:15 notre histoire, notre philosophie, qu'il vous appartient de rappeler qu'il relève de la protection de l'article 11 du préambule de la Constitution de 1946
00:47:25 et qu'il revient au seul législateur national, dans cette limite, de le faire évoluer et selon les modalités qu'il lui appartient de choisir.
00:47:33 L'Europe, oui, bien sûr, évidemment, mais pas quand elle s'immisce dans des domaines qui touchent à nos valeurs essentielles, à notre identité constitutionnelle.
00:47:43 Reste alors à définir ce que vous pourrez faire, dans le cadre de votre saisine, sur une question prioritaire de constitutionnalité.
00:47:50 Vous pouvez déjà déclarer, conforme à la Constitution, les articles L31, L41.3 et L41.5 du Code du travail.
00:47:57 Cela donnera un signal au législateur, qui est appelé à revoir le contenu de ces textes, sur le fait qu'il ne s'agit pas de mettre servilement en œuvre la jurisprudence de la Cour de justice
00:48:08 et qu'il ne suffit pas de procéder à un simple toilettage des textes.
00:48:11 Plus encore, vous pourrez rappeler, dans le corps de votre décision et au besoin par une réserve d'interprétation, que le système de protection sociale tel qu'il existe,
00:48:20 avec les équilibres qui le composent et qui sont nécessaires à sa pérennité, fait partie de l'identité constitutionnelle de la France,
00:48:28 ce qui constituera un signal encore plus fort à l'attention du législateur, qui trouvera une légitimité supplémentaire à maintenir les équilibres résistants
00:48:38 et préserver notre modèle de protection sociale.
00:48:43 Merci Maître. Maintenant, en remerciant chacun et chacune d'avoir respecté très très bien leur temps de parole, nous allons écouter Maître Boucard,
00:48:54 qui est avocat au Conseil, pour 5 minutes, et Maître Lepraître, qui est avocat au Barreau de Paris, qui représente l'Union des entreprises de proximité, U2P, parti intervenant. Maître.
00:49:08 Merci Monsieur le Président. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, vous êtes juge de la constitutionnalité des lois, certes,
00:49:17 mais nous savons bien que votre décision va s'intégrer dans un contexte que l'on ne peut pas ignorer, contexte composé notamment de la jurisprudence de la Cour de justice
00:49:27 et des arrêts de la Cour de cassation. Alors c'est essentiellement sur la jurisprudence de la Cour de justice que je voudrais revenir,
00:49:35 parce qu'en fait, à y regarder de plus près, cette jurisprudence est beaucoup plus nuancée qu'il n'y paraît, beaucoup plus nuancée qu'il résulte notamment de l'analyse qu'en a faite la Cour de cassation.
00:49:46 Tout d'abord, la Cour de justice rappelle, dans tous ses arrêts, que les congés payés ont un objet de permettre, cet objet consistant à permettre aux salariés de se reposer d'un travail effectué en vertu d'un contrat de travail
00:50:03 et de disposer d'une période de loisir et de détente. Et ce principe a été rappelé dans diverses décisions, notamment dans un arrêt Shultz-Hoff sur lequel je voudrais revenir,
00:50:16 dans lequel, puisque en réalité, on fait souvent dire à cet arrêt que la période de congés payés doit elle-même générer des congés payés, sauf que dans cette affaire,
00:50:27 ce n'est pas exactement ce qui s'était passé, ce n'est pas exactement ce qu'étaient les Cours de justice, puisque ce que dit la Cour de justice, c'est qu'en fait,
00:50:35 la période de maladie ne peut pas faire perdre aux salariés des congés payés qu'ils avaient préalablement acquis. Et dans cette affaire, le salarié avait travaillé,
00:50:46 et les congés payés dont il était question étaient la contrepartie d'un travail qu'il avait fourni avant la suspension de son contrat de travail du fait de la maladie.
00:50:54 De même, le principe a été râté dans l'arrêt KHS qui prévoit qu'une législation nationale peut limiter à 15 mois le report des congés payés acquis en cas de maladie,
00:51:07 puisque, dit la Cour de justice, un cumul illimité de congés payés ne répondrait plus à la finalité même du droit à congés payés. Mais il y a encore une autre décision
00:51:19 sur laquelle nous n'avons peut-être pas insisté suffisamment jusque-là, c'est la décision Meribel-Dominguez. La décision Meribel-Dominguez rappelle exactement
00:51:30 ce qu'est l'obligation du juge national lorsqu'il doit apprécier la conformité de son droit au droit de l'Union européenne. Et ce que dit la décision Meribel-Dominguez,
00:51:43 dans le dispositif même de cette décision, elle dit qu'avant même d'écarter son droit national, le juge doit préalablement vérifier si, en vertu d'une interprétation conforme,
00:51:56 il n'est pas possible de retenir une interprétation de son droit qui soit compatible avec le droit de l'Union européenne. Et pour cela, et c'est toujours la Cour de justice
00:52:05 qui le dit, le juge national doit prendre en compte l'ensemble des dispositions de son droit et non pas une disposition isolée. Et ce n'est que lorsque la disposition
00:52:16 aux causes éclairée par le contexte général du droit interne paraît absolument incompatible avec le droit de l'Union qu'alors le juge national doit écarter
00:52:29 sa propre législation. Or, dans notre affaire, certes, en France, le salarié malade n'acquiert pas de congés payés, mais il bénéficie d'un régime de protection sociale
00:52:44 qui présente certains avantages, sur lesquels je ne reviendrai pas puisqu'en fait il en a été très longuement question, mais il présente certains avantages qui auraient dû
00:52:54 être pris en compte en fait dans la question de savoir si notre droit national est compatible ou non avec le droit de l'Union européenne. Et ce travail de prise en compte
00:53:04 de l'ensemble du droit national n'a pas été fait par la Cour de cassation dans ses arrêts du 13 septembre 2023. C'est la raison pour laquelle la Cour de cassation
00:53:13 a pris un parti, a fait un choix de déclarer purement et simplement notre droit national incompatible avec le droit de l'Union européenne. Je pense que ce choix n'était pas le seul
00:53:23 possible et par conséquent, vous ne devez pas vous sentir lié par cette décision de la Cour de cassation. Enfin, cher Bénard, en précisant que dans l'hypothèse où vous prononceriez
00:53:37 une inconstitutionnalité des dispositions en cause, cette déclaration d'inconstitutionnalité devrait être nécessairement reportée dans le temps. D'une part parce qu'on l'a dit, on l'a redit,
00:53:49 elle présente un coût colossal pour les entreprises qui se chiffrent à plusieurs milliards d'euros. Ensuite, parce que le gouvernement envisage de réformer les dispositions
00:53:59 en cause et que par conséquent, une abrogation différée laisserait au gouvernement le temps de préparer ces nouveaux textes. Voilà, je vous remercie.
00:54:11 Merci, Maître. Maintenant, nous allons écouter Maître Le Prêtre qui est avocat au barreau de Paris, qui représente lui aussi l'UDEP. Maître.
00:54:22 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les membres du Conseil, je me présente dans l'intérêt de l'UDEP. C'est 3 900 000 entreprises en France, 4 millions de salariés.
00:54:34 La majorité de ces entreprises a moins de 10 salariés et souvent, il y a l'artisan, le travailleur indépendant et un salarié. Derrière le droit, il y a les hommes, il y a les situations réelles.
00:54:51 Et il est toujours difficile quand on parle de maladie de parler d'économie et de coûts. Mais notre Constitution a fait le choix de distinguer entre ce qui va ressortir de la solidarité nationale.
00:55:08 C'est notre régime social amélioré par les partenaires sociaux au fil des ans, avec à la fois le premier pilier, la sécurité sociale, la mal, les mutuelles complémentaires qui sont des obligations pour toutes les entreprises.
00:55:21 Et je me mets dans la peau d'un artisan, d'un travailleur indépendant qui a un seul salarié. Ce salarié tombe malade, non pas pour des raisons professionnelles, mais parce qu'il a fait le choix de faire un sport à risque.
00:55:36 D'aller faire du deltaplane ou ce genre de choses. Et on va lui dire. Vous ne pouvez pas licencier le salarié malade. Et en plus de ça, on va lui dire aujourd'hui, non seulement le salarié va être absent.
00:55:55 Mais il faudra que chaque année, vous provisionnez dans vos comptes les congés payés à qui ? Et cet artisan, ce travailleur indépendant, qui peut-être ne va pas pouvoir prendre de congés parce que les ressources de l'entreprise sont suffisantes.
00:56:16 Et donc il va falloir qu'il assume cette charge supplémentaire. Alors on a parlé ici d'entreprise. Mais le sujet est beaucoup plus vaste. C'est les copropriétés, c'est les emplois familiaux qui vont être concernés.
00:56:34 Aucun employeur ne peut licencier quelqu'un pour cause de maladie, sauf aller démontrer devant le Conseil des prud'hommes que la personne est indispensable. Donc voilà le choix qui vous est posé aujourd'hui.
00:56:49 Quand on vous demande d'effacer la notion d'effectivité du travail. Mais pardon, dans votre précédente décision sur la caisse des congés payés, il a été rappelé l'origine des congés payés.
00:57:05 D'abord la gratitude, mais après, la contrepartie du travail. C'est-à-dire qu'en fin de compte, le congé payé est un salaire différé qu'on donne en contrepartie du travail.
00:57:19 Ce n'est pas simplement ça. Effectivement, on donne des congés payés pour le repos. La notion de loisir a été inventée après. Mais à la base, c'est celle-là.
00:57:30 Et on vous dit mais les textes européens sont contre. Si je reprends l'article 31, c'est tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire.
00:57:45 Ainsi qu'à une période annuelle de congés payés. La France a refusé de signer la convention 134 de l'OIT qui prévoit justement qu'on ne peut pas priver des congés payés à un salarié malade.
00:58:00 Or, on vous demande aujourd'hui de réintroduire dans notre droit quelque chose qui a été refusé au niveau de la signature de la convention de l'OIT. Et quand on reprend toute la jurisprudence.
00:58:15 De la cour de la cour de justice de l'Union européenne puisque c'est ça qui est en débat aujourd'hui. Elle renvoie.
00:58:24 Vers le vers les législateurs vers les Etats et même la directive.
00:58:31 De 2003.
00:58:34 La dernière directive ne renvoie devant le législateur et il appartient au législateur national de modifier la loi alors un.
00:58:43 L'effectivité du travail est nécessaire et quand vous reprenez les définitions de la directive sur ce qu'on va définir comme du temps de repos.
00:58:55 On vous dire période de repos toute période qui n'est pas du temps de travail et temps de travail.
00:59:01 Toute période durant laquelle le travailleur est au travail à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions conformément législation pratique nationale.
00:59:11 Donc je ne vois pas où est la contrariété au droit de l'Union européenne ou même au principe de la de la constitution la notion d'effectivité sur le principe d'égalité.
00:59:24 Je dirais un salarié qui est malade à raison de motif professionnel et dans une catégorie spécifique et celui qui est malade pour d'autres raisons c'est à la charge de la solidarité nationale couverte à la fois par la sécurité sociale et les.
00:59:42 Complémentaires mis en place par les entreprises alors maintenant nous allons entendre pour le premier ministre.
00:59:52 Merci monsieur le président mesdames et messieurs les membres du conseil constitutionnel le régime de droit à congé et pour le législateur la recherche d'un équilibre entre la garantie des droits constitutionnels du travailleur à la santé et au repos d'une part.
01:00:09 Et la nécessité de ne pas imposer à l'employeur des charges disproportionnées d'autre part cet équilibre résulte aujourd'hui des dispositions des articles L31 41-3 et L31 41-5 du code du travail.
01:00:21 Au terme des dispositions l'article 31 41-3 tout salarié a droit à congé de deux jours et demi ouvrable par mois de travail effectif chez le même employeur quelle que soit la nature de son contrat sa catégorie professionnelle et son temps de travail.
01:00:33 Article 31 31-5 du code du travail également objet de la présente QPC assimile un certain nombre de périodes à du travail effectif et prévoit à son cinquièmement que les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an est assimilé à du temps de travail effectif.
01:00:54 Cet équilibre législatif tel qu'il résulte de ces dispositions ne méconnaît ni le droit constitutionnel repos ni le principe d'égalité.
01:01:02 Il est en premier lieu soutenu qu'en privant le salarié en congé pour cause de maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de droit à congé payé le législateur aurait méconnu le droit de la santé garantie par le 11e adhénience du préambule de la constitution de 1946.
01:01:16 Il résulte de votre jurisprudence qu'il appartient au législateur de choisir entre les modalités qui lui paraissent les plus appropriées pour satisfaire aux exigences constitutionnelles résultant de ce 11e alinéa du préambule de 1946.
01:01:29 Vous voyez par exemple le consédérant 31 de votre décision 393 dc ou encore un développement à la page 5 du commentaire de votre décision 423 dc.
01:01:39 Depuis la loi du 18 avril 1946 qui d'ailleurs de ce point de vue là reprenait les décrets d'avril 1940 d'application de la loi de 1936 donc quasiment depuis l'origine des congés payés.
01:01:53 Le législateur a toujours rattaché l'acquisition de droit à congé qui ont pour finalité de permettre le repos et le loisir du travailleur à la notion de travail effectif.
01:02:02 Toutefois le législateur afin de poursuivre différents objectifs a également et par exception assimilé des périodes non travaillées à du temps de travail effectif pour la détermination du droit à congé.
01:02:15 Et la liste en est donnée à l'article 31 41-5 du code du travail.
01:02:19 Deux illustrations des six points prévus par cet article c'est le coeur du sujet au 5e au 5e an de cet article législateur a entendu assimiler les périodes de suspension du contrat de travail.
01:02:32 Pour cause d'accident de travail de manière professionnelle à du temps de travail effectif mais c'est au regard d'autres objectifs que par exemple au 2e an de ce même article.
01:02:42 Le législateur a assimilé les périodes de congé de maternité de paternité d'accueil de l'enfant et d'adoption à des périodes de travail effectif il s'agit là d'une part de garantir la santé de la mère et de l'enfant.
01:02:53 D'autre part d'inciter à la prise en charge effective du congé de paternité ainsi le législateur a usé de sa liberté pour choisir les modalités qui lui paraissent les plus appropriées pour la mise en œuvre du droit à la santé au repos.
01:03:07 Sans priver de garantie légale les exigences du 11e alinéa du préambule de 46.
01:03:12 Le second grief n'est pas davantage fondé le législateur peut en effet appliquer des règles différentes pour l'acquisition des droits à congé dès lors que cette différence de traitement repose sur une différence de situation objective et se trouve en lien avec l'objet de la loi.
01:03:28 En l'espèce et pour ces raisons la différence de traitement pour l'acquisition des droits à congé qui découle de la distinction faite par le législateur selon l'origine professionnelle non professionnelle de la maladie ne méconnaît pas le principe d'égalité.
01:03:43 Cela a déjà été dit à plusieurs reprises les salariés en congé pour maladies d'origine non professionnelle sont dans une situation objectivement différente de celle des salariés en congé pour accident de travail ou pour maladie professionnelle au regard de l'origine de la suspension de leur contrat de travail dans un cas la maladie ou l'accident est dépourvu de tout lien avec le travail alors que dans l'autre c'est dans le travail que l'accident la maladie trouve son origine.
01:04:10 La différence de traitement voulu par le législateur repose donc sur l'existence ou non d'un lien entre l'origine de la maladie et le travail et cette différence de traitement est bien en lien direct avec l'objet de la loi sur l'acquisition des droits à congé payés qui a toujours été de corréler leur obtention à la réalisation d'un travail effectif pour le compte de l'employeur.
01:04:33 Il est donc conforme à l'objet de la loi de distinguer entre ceux qui ont vu leur contrat suspendu pour une cause étrangère à la relation de travail et ceux dont la maladie ou l'accident trouve son origine dans l'exercice même de l'activité professionnelle au bénéfice de l'employeur.
01:04:48 Dès lors qu'il n'y a en cas de maladie non professionnelle aucun lien entre l'arrêt et le travail l'absence d'acquisition de droits à congé pendant cette période est en lien direct avec l'objet de la loi et ne connaît donc pas le principe d'égalité.
01:05:01 Par ailleurs et alors même que le régime législatif actuel ne connaît donc aucune exigence constitutionnelle il doit être souligné que dans le cadre de la mise en conformité du droit national avec les objectifs de la directive du 4 novembre 2003 le gouvernement envisage de ne permettre la prise en compte des périodes de congés maladie non professionnelle pour l'acquisition des droits à congé que dans la limite du quantum de 4 semaines prévues par la directive une différence de traitement serait ainsi maintenue par le gouvernement.
01:05:30 Le législateur entre les travailleurs suivant l'origine de leur congé maladie dans le respect du principe d'égalité en attendant cette évolution législative aucune existence exigence constitutionnelle n'a été méconnue je vous invite à déclarer les dispositions de l'article l 31 41-3 et du cinquième an de l'article l 31 41-5 du code du travail conforme à la constitution.
01:05:51 Merci alors sur cette intéressante question des différents arguments ont été échangés est-ce que le membre du conseil des questions posées monsieur conseiller Juppé.
01:06:04 Une question à mettre s'arrêter est-ce que vous pourriez nous expliquer en quoi les dispositions critiquées portant d'elle-même atteinte à la protection de la santé je ne parle pas de loisirs ou repos je parle de la protection de la santé.
01:06:24 Deuxième question au conseil des organisations professionnelles est-ce que des évaluations chiffrées que vous avez produit vous avez tenu compte de la limitation de la durée d'absence du salarié et du plafond.
01:06:39 L'acquisition des congés payés qui ont résulté alors mettre venez à la barre et puis ensuite d'autres.
01:06:48 Monsieur le conseiller les dispositions attaquées porte enfin principalement atteinte au droit au repos il est vrai mais également au droit à la santé puisque les salariés qui sont en arrêt maladie.
01:07:04 Au début de ma plaidoirie sont là pour se soigner et donc quand ils reviennent ils reviennent parfois épuisé et donc ils subissent quand même une attente au droit à leur santé s'ils ne peuvent pas acquérir à l'issue de leur arrêt de travail pour maladie.
01:07:19 Une période de congé payé.
01:07:22 Si alors sur les évaluations qui est-ce qui veut intervenir.
01:07:29 Venez là-bas sinon on vous entendra pas.
01:07:35 Les évaluations qui ont été faites par le MEDEF tiennent effectivement compte de la limitation temporelle qui a été signé par les arrêts de la cour de cassation et l'évaluation qui est faite par le MEDEF de 2 milliards peut être étayé par les exemples que j'ai donné pour le groupe.
01:07:55 Ouranau où j'ai le détail si vous le souhaitez je peux les produire en délibéré où j'ai le détail des évaluations qui tient véritablement compte du risque et du seul risque encouru par les entreprises et notamment toutes les salariés qui sont partis depuis plus de 3 ans de l'entreprise ne sont pas pris en considération parce que par hypothèse ne peuvent pas agir leur demande est prescrite et tout cela a été pris en considération et le la somme de 2 milliards d'euros et la somme minimale d'autres entreprises.
01:08:24 On envisage 3 milliards d'euros c'est un risque potentiel qui n'est pas complètement complètement établi mais 2 milliards ça il n'y a absolument aucun doute c'est exclusivement une application rigoureuse et limité à ce qui a été décidé par la Chambre sociale de la cour de cassation qui permet de dire 2 milliards d'euros par an.
01:08:45 Sans compter évidemment le rappel le risque est difficile à évaluer des provisions sont faites mais pour le rappel je ne sais vraiment plusieurs dizaines de milliards.
01:08:56 Est-ce que vous souhaitez une note en délibéré ? Merci beaucoup. Alors est-ce qu'il y a d'autres interrogations d'autres questions ? Non vous êtes éclairé ? Très bien merci beaucoup donc nous allons examiner tout cela de près et rendrons notre décision également la semaine prochaine le 9 février. L'audience est levée bonne journée à toutes et à tous.
01:09:23 Merci.
01:09:24 Merci.
01:09:25 [SILENCE]