Code de la santé publique
III de l'article L. 1111-17
Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/20241101QPC.htm
III de l'article L. 1111-17
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00:00L'audience est ouverte. Alors aujourd'hui, nous avons deux questions prioritaires de constitutionnalité à notre ordre du jour. Nous allons commencer avec la question numéro 2024-1101 et dans cette affaire, mon collègue M. Seners a estimé devoir s'abstenir de siéger.
00:24Donc cette QPC porte sur le paragraphe 3 de l'article L1111-17 du Code de la santé publique et Mme Gréfière, vous allez nous indiquer où nous en sommes de la procédure d'instruction.
00:36Je vous remercie, M. le Président. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 juin 2024 par une décision du Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le Conseil national de l'ordre des médecins, portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe 3 de l'article L1111-17 du Code de la santé publique.
00:55Cette question relative aux modalités d'accès aux dossiers médicaux partagés d'un patient par les professionnels participants à sa prise en charge a été enregistrée au Secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2024-1101 QPC.
01:09La SARL Matutschansky-Poupot-Valdeliev-Ramex a produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante les 24 juin et 5 juillet 2024. Le Premier ministre a produit des observations le 24 juin 2024. Seront entendues aujourd'hui l'avocat de la partie requérante et le représentant du Premier ministre.
01:27Alors, nous allons d'abord, comme vous l'avez indiqué, écouter Maître Loïc Poupot qui est avocat au Conseil, qui représente le Conseil national de l'ordre des médecins, partie requérante. Maître.
01:57Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les conseillers, j'ai effectivement l'honneur d'intervenir de nouveau devant vous dans l'intérêt du Conseil national de l'ordre des médecins et, cette fois, à propos du secret des données de santé, question particulièrement sensible, y compris dans votre jurisprudence puisque vous êtes particulièrement vigilant en cette matière.
02:19Plus précisément, nous interrogeons la constitutionnalité de dispositions relatives au dossier médical partagé. Il me semble nécessaire de préciser d'abord ce qu'est ce dossier médical partagé, ce qui va me conduire à un préambule peut-être un peu long, mais qui me semble indispensable pour votre délibéré.
02:45Vous avez contrôlé ce dossier lors de sa création en 2004 lorsqu'il s'appelait encore dossier médical personnel. Mais les choses ont considérablement évolué depuis et il n'a plus rien à voir avec ce qu'il était alors.
03:03Quelques précisions d'abord sur les modalités de création et le contenu de ce dossier médical partagé. Au moins 90% des assurés sociaux ont un DMP, en acronyme, mais n'en ont certainement pas conscience.
03:21Nous avons pourtant tous reçu, vous comme moi, à un moment de notre vie d'assuré social, un courrier ou un courriel de l'assurance maladie, nous informant de l'existence de ce DMP, des modalités d'opposition, de la façon dont il vivait. Je vous renvoie pour cela à l'article R1111-40 du code de la santé publique qui précise cette information préalable.
03:47Mais une fois cette information reçue, il n'y a pas de case à cocher, il n'y a pas de dispositif de recueil du consentement semblable à ce que nous connaissons tous maintenant très bien pour les cookies, comme on dit, par les faits notamment du RGPD.
04:01Ici, c'est un mécanisme de consentement présumé. Il faut que l'assuré social manifeste son opposition pour que ce dossier médical partagé n'existe pas, mécanisme qu'on appelle donc de opt-out, selon un anglicisme que vous me pardonnerez, j'espère.
04:21En pratique, il ressort des documents produits par le Premier ministre devant vous que 79% des assurés sociaux n'ont jamais été consulter ce DMP qui les concerne, qui existe donc, 8 assurés sociaux sur 10 n'ont jamais été voir ce qu'il en était.
04:41Alors il y en a un de moins depuis hier puisque j'ai personnellement fait la démarche pour la première fois pour voir un peu de quoi je parlais et ce qu'il y avait dans ce dossier.
04:53Je vous invite à faire de même, à vendre votre décision, cela pourra peut-être vous éclairer. Parce que le DMP est ensuite alimenté automatiquement tout au long de la vie de l'assuré social.
05:07Plus concrètement, tous les professionnels de santé conventionnés ont l'obligation de verser au DMP les données en général de santé ou en tout cas des données confidentielles qui sont précisées par voie d'arrêté.
05:25C'est un système qui se fait automatiquement avec les logiciels de chacun, vous vous en doutez.
05:31Quel est l'objet de ce dossier médical partagé ? Si on se réfère au code de la santé publique, l'article 1111-14, favoriser la prévention, la coordination, la qualité et la continuité des soins.
05:45Ce n'est donc plus tout à fait le dossier du patient numérisé comme cela a été conçu initialement, c'est un mécanisme de partage d'informations en partie dans l'intérêt du patient et dans l'intérêt de la santé publique.
05:59Mais je vous invite à avoir très précisément à l'esprit la précision essentielle, il me semble, dans cette affaire apportée par le troisième alinéa de l'article 1111-40 du code de la santé publique, un article réglementaire mais d'importance,
06:14qui nous dit bien que le dossier médical partagé ne se substitue pas au dossier que tient chaque professionnel de santé, établissement de santé ou hôpital désarmé, quel que soit son mode d'exercice, dans le cadre de la prise en charge d'un patient.
06:27Cela va de soi, vous me direz, puisqu'il y a quand même quelques personnes qui n'ont pas de dossier médical partagé, notamment s'ils ont utilisé ce mécanisme d'opt-out, il faut bien quand même qu'on ait, que les professionnels puissent avoir le dossier qu'il leur est nécessaire.
06:43Donc nous ne parlons pas là de ce qu'on appelle classiquement le dossier médical, celui que tient le médecin, celui que tient l'hôpital, qui est régi par les dispositions L1110-1 et suivantes du code de la santé publique, c'est un autre dossier qui est distinct et à côté.
07:02Voilà pour ce long préambule et j'en arrive aux dispositions critiquées, qui sont donc le grand 3 de l'article L1111-17 du code de la santé publique.
07:13À la lecture, on ne voit pas ce que je vous épargne ici, on ne voit pas nécessairement ce qui pose problème, mais c'est par un mécanisme de renvoi que ce texte donne accès à ce DMP à des professionnels qui ne sont pas des professionnels de santé et qui peuvent néanmoins participer à la prise en charge d'un patient.
07:31Concrètement, ce sont les personnels sociaux et médicaux sociaux.
07:36Cette extension a été apportée de façon un peu subreptice, sans vouloir avoir une connotation trop négative, mais par la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
07:54Vous voyez que le sujet semble assez loin quand même de ces sujets de santé publique et il n'y a pas eu de contrôle a priori.
08:02Il s'agit pourtant d'une évolution qui nous semble fondamentale et très dangereuse.
08:09Concrètement, à quoi cela peut-il conduire?
08:13Parce qu'en plus, on a un accès qui la loi pose le principe sans aucun encadrement et je vais détailler dans quelques instants.
08:21Mais pour que là encore, les choses soient un peu incarnées dans les textes d'application qui ont été pris et que nous critiquons par ailleurs devant le Conseil d'État.
08:29On a désormais la possibilité pour un directeur d'instituts médicaux et éducatifs d'avoir accès au plan personnalisé de santé publique.
08:38Au plan personnalisé de soins de toutes les personnes qu'il accueille.
08:42Le directeur qui n'est pas en charge de la prise en charge médico-sociale de son public.
08:52Cela ne nous semble pas normal qu'il puisse avoir accès à ces informations.
08:56Un directeur d'EHPAD a accès au dossier de liaison d'urgence qui est nécessaire pour l'intervention éventuellement d'un médecin au sein de l'EHPAD.
09:06Mais le directeur y a également accès.
09:07Dedans, on trouve les pathologies en cours, les antécédents, l'état psychique, les handicaps.
09:11C'est très, très riche.
09:12Donc, par exemple, la séropositivité d'une personne écrite dans un EHPAD va pouvoir être connue par son directeur.
09:21Nous ne voyons aucune justification à cela.
09:25Et le vice est bien dans la loi et pas dans ces textes d'application, puisque aucune limite adéquate n'est posée.
09:35La différence fondamentale que nous voyons, ce n'est pas par corporatisme entre les professionnels de santé et ceux qui ne sont pas des professionnels de santé,
09:46c'est que, notamment, ils ne sont pas soumis à une déontologie particulière.
09:50Il n'y a pas de contrôle déontologique.
09:52Ils ne sont même pas nécessairement soumis, pour certaines données, à un quelconque secret qui les tiendrait, eux, à titre personnel.
10:01J'ai conscience, c'est un débat qu'on pourra éclairer, si vous le souhaitez, avec des questions,
10:06qu'ils rentrent quand même dans le champ, ces personnels sociaux, médicaux sociaux, de l'article 810-4 du Code de la santé publique,
10:13pour les informations qu'ils recueillent dans le cadre de la prise en charge d'un patient.
10:19Mais les données auxquelles ils peuvent avoir accès dans le dossier médical partagé, potentiellement, peuvent dépasser le champ d'application de ce texte.
10:30Et dans ce cas-là, il y a vraiment un problème supplémentaire.
10:36Nous, nous y voyons une inconstitutionnalité de principe, ou au moins, subsidiairement,
10:43si on admet le principe que des non-professionnels de santé puissent avoir accès à ce type d'informations,
10:48il faut des garanties très strictes.
10:50Et là, nous n'avons absolument rien dans la loi, ou en tout cas, rien de clair.
10:57Et là, je pense que c'est plus les observations du Premier ministre qui pourraient être utiles.
11:03Mais il y a une question d'articulation entre les différentes dispositions du Code de la santé publique qui n'est pas du tout assurée à ce jour.
11:16Si j'ai bien compris les observations du Premier ministre devant vous,
11:20on vous dit que par l'effet de la disposition que nous critiquons,
11:24seuls des professionnels qui participent à une équipe de soins pourraient avoir accès au dossier médical partagé.
11:31Or, ce n'est pas ce que disent les dispositions réglementaires prises en application du Code de la santé publique,
11:38l'article R1111-46, qui distingue bien les deux cas de figure,
11:42professionnel appartenant à l'équipe de soins ou professionnel qui n'est pas membre de l'équipe de soins,
11:47pour savoir à quoi ils peuvent avoir accès dans le dossier médical partagé.
11:52Donc, si on nous dit que c'est que l'équipe de soins, ça nous convient assez bien.
11:56Après, on a une exception d'illégalité du texte, mais il faudrait que le gouvernement sache qu'elle a sa propre lecture de la loi.
12:03Au-delà de cette première difficulté, on ne sait pas non plus comment doit être recueilli le consentement pour ces professionnels qui ne sont pas des professionnels de santé.
12:16Si on s'en tient à la lettre de la disposition que nous critiquons, on nous dit que le consentement de la personne doit être recueilli pour ce type de professionnel,
12:26ce qui, là aussi, nous convient.
12:29Mais les textes réglementaires, comme les écritures déposées en défense, autant devant le Conseil d'État que devant vous,
12:36nous expliquent que quand le non-professionnel de santé est membre d'une équipe de soins,
12:41on applique les dispositions sur le partage d'informations au sein de l'équipe de soins qui permettent d'avoir,
12:48une fois qu'on a donné le consentement pour un professionnel, il vaut pour l'ensemble de l'équipe de soins, donc y compris pour des non-professionnels de santé.
12:56On ne sait pas comment ça fonctionne.
12:58Quand on interroge le gouvernement, on a tantôt une réponse, tantôt l'autre.
13:03Donc, pour des sujets aussi sensibles, il me semble qu'il y a un problème soit d'incompétence négative, soit d'atteinte à l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la loi
13:15qui peut être invoqué, il me semble, au soutien d'une question prioritaire de constitutionnalité, dès lors que ça débouche sur une atteinte, il me semble,
13:25inconstitutionnelle au droit, au respect de sa vie privée.
13:32Je suis un peu long, mais pour finir, entre autres garanties qui n'est pas donnée, c'est qu'on n'a aucune précision au stade de la loi sur le volume des données
13:42qui peuvent être recueillies, leur nature et aucune indication sur la durée de conservation de ces données.
13:50Ce qui fait qu'en pratique, elle est illimitée à ce jour.
13:53Je vous invite là aussi, éventuellement, à aller consulter votre propre dossier médical partagé pour voir un peu les types de données qui peuvent s'y trouver
14:03et celles qui pourraient être partagées.
14:07Donc, malgré tout cela, une lecture un peu neutralisante de la loi est peut être possible, qui ne me semble pas encore suffisante, mais qui serait impisalée, je dirais,
14:21qui serait de considérer qu'on doit appliquer de façon cumulative les dispositions du grand 3 de l'article 1111-17 du code de la santé publique
14:32et celles de l'article 1110-4 du code de la santé publique sur le partage d'informations au sein d'une équipe de soins,
14:40mais de façon cumulative avec ce que j'appellerais un principe de faveur, comme on connaît en matière sociale, entre le contrat de travail et les conventions collectives,
14:51qui ferait que, pour ce qui est du recueil du consentement, en tout cas, les dispositions du grand 3 de l'article 1111-17 doivent prévaloir
15:01et donc, pour les non-professionnels de santé, doivent être expresses, recueillies systématiquement pour qu'ils aient accès aux dossiers médicaux partagés,
15:09mais sur les autres points, on pourrait appliquer les garanties à peu près satisfaisantes prévues pour le partage d'informations au sein d'une équipe de soins,
15:19à peu près satisfaisantes, sauf pour la durée, à condition d'avoir une lecture là aussi très constructive, qui voudrait que le professionnel n'ait plus accès
15:29aux dossiers médicaux partagés dès que la prise en charge du patient est achevée au sein de l'équipe de soins. Je vous remercie.
15:37Merci, Maître. Alors maintenant, nous allons écouter pour le Premier ministre M. Canguilhem.
15:45Merci, M. le Président. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, le dossier médical partagé est la nouvelle forme qu'a donnée la loi du 26 janvier 2016
15:54au dossier médical personnel que le législateur avait créé en 2004 et que vous avez alors eu à connaître. Il s'agit dans les deux cas de permettre aux professionnels de santé
16:04d'accéder en ligne aux données médicales d'un patient pris en charge. Le dossier médical partagé tel qu'il existe aujourd'hui est l'une des composantes de l'espace numérique
16:13de santé qui a été créé par la loi du 29 juillet 2019. Cet espace numérique est ouvert automatiquement, sauf aux positions de la personne concernée ou de son représentant légal,
16:23et c'est l'ouverture de cet espace numérique de santé qui emporte création automatique du dossier médical partagé ou intégration automatique de ce dossier médical partagé
16:33à l'espace numérique si le dossier médical partagé avait été antérieurement ouvert. Le grand 3 de l'article 11-17 du code de la santé publique qui est l'objet de la présente QPC
16:46dispose ainsi, permettez-moi de le citer pour que les choses soient claires, que tout professionnel participant à la prise en charge d'une personne en application des articles
16:55L1110-4 et L1110-12 du code de la santé publique peut accéder, sous réserve du consentement de la personne préalablement informée, au dossier médical partagé de celui-ci et de l'alimenter.
17:08Seconde phrase, l'alimentation ultérieure de son dossier médical partagé par ce même professionnel est soumise à une simple information de la personne prise en charge.
17:17Il résulte de ces dispositions que non seulement les professionnels de santé mais également les professionnels du secteur social ou médico-social peuvent désormais accéder au dossier médical partagé.
17:31Il est essentiellement reproché à ces dispositions d'autoriser des professionnels qui n'ont pas la qualité de professionnels de santé à accéder à ces données figurant dans le dossier médical partagé.
17:44Il est reproché, cela vient d'être dit, que les garanties apportées par le législateur sont insuffisantes pour assurer le droit au respect de la vie privée.
17:57Cet élargissement des possibilités d'accès au DMP par le législateur poursuit incontestablement un motif d'intérêt général.
18:07En effet, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article L1111-14 du code de la santé publique, le dossier médical partagé est pour objet de favoriser la prévention, la coordination, la qualité et la continuité des soins.
18:19Ainsi, le législateur a permis aux personnels du secteur social et du secteur médico-social exerçant notamment dans les EHPAD d'avoir un accès direct aux informations médicales des personnes dont ils ont la charge.
18:33De façon plus concrète et ainsi que cela ressort des documents que nous avons produits à l'instruction écrite.
18:41Concrètement, il s'agit majoritairement, de mémoire, quasiment 95 millions des documents qui sont sur les 220 et quelques documents qui sont dans les dossiers médico-partagés sont des comptes rendus d'analyse biologique.
18:57Les 50 millions sont des prescriptions médicales. C'est de cela, concrètement, de ce type de documents dont il s'agit pour assurer la continuité des soins.
19:07Les dispositions contestées sont donc justifiées par un motif d'intérêt général, de coordination et de continuité des soins et poursuivent ainsi l'objectif de valeurs constitutionnelles de protection de la santé.
19:18Et pour la poursuite de cet objectif, le législateur a prévu des garanties suffisantes tant en ce qui concerne le recueil du consentement de l'intéressé que la délimitation des personnes qui ont accès à ce dossier médical partagé.
19:33Pour ce qui est du respect du consentement de la personne concernée, il est assuré à plusieurs niveaux. En premier lieu, à Bénicio, la personne concernée est informée de l'ouverture de son espace numérique de santé qui emporte création du dossier médical partagé et elle peut s'y opposer.
19:51Alors on comprend bien en filigrane que c'est ce mécanisme dit « doped out » qui est contesté par les auteurs de la QPC, ce mécanisme de consentement en quelque sorte présumé.
20:03Mais ce mécanisme-là n'est pas l'objet des dispositions contestées d'une part et d'autre part, il y a cette possibilité de s'opposer à cette création.
20:14En deuxième lieu, et c'est peut-être le point le plus important, les professionnels participant à la prise en charge du patient ne peuvent y accéder que s'ils y sont autorisés par celui-ci dans les conditions de l'article L 1110-4 du code de la santé publique.
20:29Et deux cas de figure sont prévus par ces dispositions qui sont très claires et qui, contrairement à ce qui a été dit précédemment, la position que nous défendons a été constante et parfaitement claire.
20:44Deux hypothèses donc. Si le professionnel fait partie de l'équipe de soins, il doit s'assurer au moment de la prise en charge du patient de sa parfaite information sur son accès au dossier médical partagé et l'absence d'opposition du patient à cet accès.
21:01Le consentement du patient recueilli à ce moment-là, au moment de la prise en charge par un professionnel membre de l'équipe de soins, ce consentement vaut pour l'ensemble des professionnels appartenant à l'équipe de soins du patient, quel que soit leur statut professionnel de santé ou pas, les choses sont très claires.
21:20Deuxième hypothèse. Si le professionnel participe à la prise en charge du patient sans avoir la qualité de membre de l'équipe de soins au sens de l'article L 1110-12 du code de la santé publique, alors c'est très clair, sans équivoque, il doit recueillir, ce professionnel doit recueillir le consentement express du patient pour l'accès au dossier médical partagé.
21:44Dernier élément sur la protection du consentement de la personne concernée. L'alimentation, donc c'est la seconde phrase de l'article contesté, l'alimentation ultérieure du dossier médical partagé par un professionnel ayant déjà recueilli le consentement est soumise à une simple information.
22:05Cette information n'est pas neutre. Pourquoi ? Parce que l'existence de cette information à l'assuré social peut lui permettre de mettre en œuvre les différentes modalités de contrôle direct qu'il a sur son dossier médical partagé et que le législateur a mis à sa disposition.
22:24De quoi s'agit-il ? Possibilité d'interdire l'accès d'un professionnel au dossier médical partagé, de rendre certaines informations inaccessibles ou encore même et de manière plus radicale la possibilité qui a été offerte prévue par le législateur de décider de clôturer son espace numérique de santé et par voie de conséquence son dossier médical partagé.
22:47Et concrètement, ça peut être effectivement cette information donnée à l'assuré social qui lui fait prendre conscience peut-être même dans certains cas de l'existence même de son dossier médical partagé et qui va alors lui permettre de régler les modalités d'accès, les paramètres qu'il n'avait peut-être pas pu faire auparavant.
23:06L'ensemble de ces conditions offertes par le législateur permettent de garantir le respect du consentement du patient à l'accès du professionnel au dossier médical partagé. Ces dispositions offrent également des garanties suffisantes quant aux limitations des personnes pouvant accéder au dossier médical partagé.
23:26Cet accès est réservé aux seuls professionnels participant à la prise en charge d'une personne en application des 1110-4 et 1110-12. Dès lors, en dehors des cas prévus par ces articles, aucun professionnel ne peut accéder au dossier médical partagé d'un patient.
23:43Et surtout, ce qui est décisif pour la compréhension du mécanisme, c'est que les personnes qui y accèdent n'ont accès qu'aux informations strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou au suivi médico-social et social.
24:02Chaque personne prenant en charge le patient, qu'il soit professionnel de santé ou non, ne peut ainsi avoir qu'un accès partiel au dossier médical partagé dans la stricte limite de son rôle dans la prise en charge du patient en application d'une matrice d'habilitation qui est fixée par arrêté du 26 octobre 2023 en l'espèce.
24:26Ce périmètre des données consultables est défini, donc cette matrice d'habilitation, en fonction de la nature des documents et du rôle de chaque professionnel membre de l'équipe de soins.
24:37Le tableau de cette matrice d'habilitation est produit dans les tableaux que nous avons joints à l'instruction écrite.
24:44Et on voit bien que c'est un tableau à double entrée avec la nature des personnels concernés, la nature des documents et il y a des petites croix.
24:51Tel personnel a droit à la consultation de tel document et pas d'autre.
24:58Contrairement à ce qui a été sous-entendu et pour une formule un peu prosaïque, tout le monde n'a pas accès à tout.
25:07Tous les professionnels qui peuvent avoir accès au dossier médical partagé n'ont pas accès à l'ensemble des documents.
25:16Cela ressort de cette matrice d'habitation et de l'arrêté qui a été pris.
25:21Enfin, évidemment, l'ensemble des professionnels ayant accès au dossier médical partagé sont expressément tenus par la loi au respect du secret médical.
25:35Le législateur a ainsi bien garanti une utilisation des données contenues dans le dossier médical partagé qui est proportionnée au motif d'intérêt général poursuivi.
25:44Je vous invite ainsi à déclarer les dispositions du grand 3 de l'article L1111-17 du code de la santé publique conforme à la constitution.
25:51Merci. Alors nous venons d'entendre de point de vue certains égards différents. Est-ce que l'un de mes collègues a des questions à poser ? M. le conseiller Mézard.
26:04Oui, merci M. le Président. Mes questions s'adressent à M. Poupeau et à M. Canguilhem.
26:10D'abord, j'ai rassuré M. Poupeau. Hier, j'ai fait la même démarche. Ça a été long et difficile.
26:20Une fois que j'ai rappelé cela, on a un problème de consentement et un problème de secret médical.
26:30D'abord, je souhaiterais avoir les observations de M. Canguilhem sur la question du secret médical qu'il n'a pas abordé.
26:37Ensuite, des questions concrètes. Que se passe-t-il réellement lorsque la personne n'a pas activé son espace santé ?
26:47C'est-à-dire, ça concerne 79% de nos concitoyens. Je rappelle qu'on est dans un système, selon un terme à proscrire, qui est un anglicisme opt-out.
27:01J'appellerais ça un consentement inversé, selon le principe qui ne dit mot consent.
27:08Que se passe-t-il dans ce cas-là ? Et plus précisément, comment la personne est informée réellement de la demande d'accès du professionnel,
27:22qui n'est pas un professionnel de santé et qui n'est pas membre de l'équipe de soins ?
27:28Alors, c'est une question qui s'adresse à M. Canguilhem ?
27:34Aux deux.
27:35Aux deux. Alors, qui veut commencer ?
27:42Alors, sur le secret médical, j'ai été très rapide. Mais si, bien sûr, les professionnels sont concernés, sont soumis au respect du secret médical.
27:54Et je crois, d'ailleurs, que ce n'était pas contesté, permettre le poupon.
27:59Sur la question de ce qui se passe sur les personnes qui ont un DMP, malgré elle, en quelque sorte, si j'ai bien compris votre question.
28:11Oui, et je dois aussi concéder, vu que l'heure est aux confessions, que, avant de traiter ce dossier, je faisais partie du dossier 79%.
28:18Là, ce qui se passe, c'est que le dossier médical partagé, entre guillemets, va vivre sa vie et va pouvoir être alimenté.
28:32Je pense qu'il faut distinguer deux choses, c'est-à-dire ce qui se passe et le consentement du patient.
28:38S'il se passe quelque chose qui nécessite une intervention dans ce dossier médical partagé, qu'il s'agisse d'une alimentation de celui-ci ou d'une consultation par un personnel,
28:58professionnel de santé ou pas, peu importe, il va forcément y avoir la nécessité de recueillir, au moins au stade initial, le consentement du patient.
29:11Alors là, pour parler de manière très concrète, de deux choses l'une.
29:16Où il y a un consentement, oui-oui, et puis sans forcément avoir conscience de ce à quoi la personne...
29:25Voilà, on lui dit, vous avez accès à votre dossier médical partagé, oui, d'accord, le patient va comprendre qu'il y a un échange d'informations,
29:34sans que ça entraîne de sa part une volonté, une curiosité, que vous avez vu, monsieur le conseiller, d'aller créer ou consulter son dossier médical partagé.
29:43Mais ce qui peut se passer, qui est un élément à mon avis absolument décisif, c'est que cette information, si jamais nous sommes dans l'hypothèse d'un patient
29:54qui détient un DMP malgré lui, qui n'en avait pas conscience, cette information, la première fois que ça arrive, si vous voulez, va lui faire prendre conscience
30:03de l'existence de ce DMP. Et du coup, va pouvoir provoquer ce que ça a provoqué visiblement un certain nombre d'entre nous, c'est-à-dire le fait d'aller consulter ce DMP,
30:16et donc, du coup, d'ouvrir la possibilité, et j'en reviens à l'élément initial de votre question, à ce moment-là, prenant conscience et allant sur son dossier médical partagé,
30:29pouvant, de sa propre initiative et selon sa volonté, aménager les critères d'accès et les paramètres qui, lorsque le DMP est créé automatiquement,
30:43sont des critères par défaut, mais si vous vous connectez sur votre dossier médical partagé, vous pouvez, ce que j'ai essayé de vous expliquer, de régler un peu à la carte
30:53et selon votre volonté, les critères d'accès, en pouvant bloquer des professionnels, en masquant certains documents.
31:00— Alors, avant que M. Pompon intervienne, M. Corbière, restez à la barre, parce que j'ai le sentiment que M. José Mézard veut poser une autre question.
31:11— Ce n'est pas que je sois devenu un spécialiste du numérique sur l'espace santé, mais plus précisément, la personne, donc, comment était...
31:20Elle n'a pas créé son espace santé. Comment un professionnel qui n'est pas un professionnel de santé – on a parlé d'un directeur d'EHPAD –
31:30comment cette personne est informée de la volonté du directeur de l'EHPAD de consulter son dossier ? C'est ça, la question.
31:40— M. Corbière ?
31:41— Là, pour le coup, il faut que les choses soient très claires. Il n'y a pas de consentement présumé. On n'est plus dans l'opt-out sur...
31:51Prenons l'exemple d'une prise en charge initiale par une équipe de soins. Là, il n'y a pas d'opt-out. Il n'y a pas de consentement présumé.
32:03Alors ça ne change rien. C'est-à-dire que la personne, le professionnel concerné, doit recueillir le consentement express.
32:14Donc c'est une relation entre le professionnel concerné et le patient.
32:17— Alors M. Corbière, M. le maître Poupon va intervenir. Mais si vous avez par écrit des précisions à donner par rapport à la question ou deux questions posées par M. Mézard,
32:33elle sera la bienvenue. Maître.
32:37— Oui. Donc il y avait deux questions auxquelles je vais peut-être répondre que partiellement, mais sur le secret médical,
32:50puisque la position du Premier ministre, qui me semble clarifiée, plus claire dans les observations orales que dans les observations écrites,
32:59et de considérer que des membres qui n'appartiennent pas à l'équipe de soins peuvent accéder aux dossiers médicaux partagés.
33:09Dans ce cas-là, pour moi, les choses sont très claires. S'ils ne sont pas professionnels de santé, ils ne sont tenus par aucun secret,
33:17puisque ça ne peut pas être le secret qui tient à un partage d'informations au sein de l'équipe de soins qui est prévue par l'article 1110-4.
33:30Puisqu'ils n'ont pas de déontologie qui leur soit propre, qui prévoirait une obligation de secret professionnel, je ne vois pas où...
33:42À quel titre ils pourraient être tenus par un secret. Ou en tout cas, il faudrait qu'on me l'explique. Donc il y a une vraie difficulté.
33:49C'est quand même un motif d'inconstitutionnalité en soi, il me semble, pour dire les choses franchement.
33:56Pour ensuite la vie du DMP et le recueil du consentement, alors je vous invite... On ne les a pas produits devant vous.
34:04Je peux vous les donner, d'ailleurs, en délibéré, mais ça se trouve aisément.
34:10Il y a des modèles de mention d'information de recueil du consentement, y compris pour une personne qui n'est pas membre de l'équipe de soins,
34:19qui sont annexés à un arrêté du 26 octobre 2023. Il y a deux arrêtés qui ont été adoptés à cette date-là.
34:26L'un qui adopte ce qu'on appelle la matrice d'habilitation, qui est celle qui a fait réagir le Conseil national de l'ordre des médecins,
34:36lorsqu'il a regardé un peu dans le détail qui avait accès à quoi, en se disant que là, on allait... Que les choses n'étaient vraiment plus acceptables.
34:47Et donc c'est cet arrêté qui est critiqué devant le Conseil d'État. Et il y a un second arrêté dont je n'ai plus exactement l'intitulé en mémoire,
34:58mais qui encadre les modalités, notamment les modalités techniques du fonctionnement du DMP.
35:08Et son annexe 4 comporte des modèles de mention d'information de recueil du consentement.
35:13Je peux vous en lire une, si vous me permettez.
35:16Le premier paragraphe pour le membre qui n'est pas professionnel de l'équipe de soins, c'est pour vous prendre en charge efficacement.
35:22J'ai besoin d'accéder aux données de santé stockées dans votre compte MonEspace Santé pour les consulter et y verser des documents utiles à la prévention,
35:28la continuité et la coordination de vos soins qui pourront être consultés par les autres professionnels qui vous prennent en charge.
35:33En pratique, j'aurai besoin de partager avec eux les catégories d'informations suivantes. On m'invite quand même à donner des grandes catégories d'informations.
35:42Précisément, ce que je voudrais apporter dans le cadre de cette question, c'est ce qui se passe en cas d'accès non autorisé.
35:53Le représentant du Premier ministre nous explique qu'en théorie, chacun n'a accès qu'à les informations strictement nécessaires aux professionnels.
36:09On le trouve dans le cadre de l'équipe de soins, mais je ne trouve pas cette précision dans les dispositions que nous critiquons et c'est bien l'une des difficultés.
36:23D'ailleurs, il a fini par dire que cela ressort de l'arrêté de la matrice d'habilitation, donc ce n'est pas dans la loi.
36:29On a concrètement une matrice d'habilitation qui ne permet pas d'assurer, a priori, que chacun n'a accès qu'aux informations strictement nécessaires.
36:40Pour les professionnels de santé, on n'arrive pas, c'est une difficulté pratique mais qui a des conséquences très concrètes, à définir de façon assez fine
36:50quelles peuvent être les catégories médico-sociales.
36:57Pour les professionnels de santé, on a des ordres, des diplômes, etc., des choses assez précises.
37:02Dans le domaine social et médico-social, on met un peu des catégories fourre-tout et comme on peut trouver des personnes très différentes dedans,
37:11on préfère leur donner accès plutôt à trop d'informations que pas assez.
37:14Voilà, c'est ce qui se passe concrètement.
37:18Donc, si on a accès à des informations auxquelles on n'a pas normalement accès, c'est très difficile de le savoir.
37:32Et ce n'est pas impossible, en tout cas pour les médecins, puisque je pense que vous savez qu'il y a eu plusieurs cas pendant la pandémie
37:41de personnels de santé qui ont été curieux d'aller consulter le certificat de vaccination du président de la République, son QR code,
37:50qui se trouvait dans ce DMP et il y a des poursuites disciplinaires contre un certain nombre de médecins à ce jour
37:56parce qu'ils ont réussi techniquement à aller le consulter.
38:00Je ne dis pas que c'est possible pour tout le monde, mais le système n'est pas infaillible.
38:06Et alors, pour le président de la République, je ne sais pas qui a été constaté ses accès.
38:12Pour tout un chacun, il faut aller.
38:15Il n'y a pas de signalement.
38:17J'ai posé la question.
38:19Il n'y a pas de signalement, même auprès de l'assurance maladie, d'un accès qui serait non autorisé,
38:24parce que le mécanisme informatique ne sait pas qui est autorisé ou qui ne l'est pas a priori.
38:30Donc il faut que le patient aille sur son dossier médical partagé, sur son espace numérique de santé.
38:37Il n'y en a que 20% qui l'ont fait à ce jour.
38:41Qu'il regarde qui a eu accès à quoi.
38:44Qu'il identifie les professionnels et qu'il se demande est-ce que c'est normal ?
38:48Est-ce que lui, je le connais ?
38:50Quand vous êtes dans une équipe de soins, vous ne connaissez pas nécessairement tout le monde.
38:53Et c'est à lui de faire un signalement, sachant qu'il n'y a pas non plus, ou alors on ne l'a pas trouvé.
38:59Que ce soit, je ne sais pas, monsieur le conseiller, si vous avez cherché.
39:03Je n'ai pas trouvé de petit bouton pour dire j'ai un signalement à faire.
39:06Vous voyez, une démarche très simple.
39:08Donc il faut, on ne sait pas à qui signaler, on ne sait pas comment.
39:11C'est au patient de faire tout ce travail.
39:14Voilà, il n'y a pas plus de garantie que cela à ce jour, à ma connaissance.
39:18Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions ?
39:20Oui, monsieur le conseiller Juppé.
39:22Oui, pendant une question un peu basique à laquelle il a peut-être été déjà répondu.
39:25Mais si j'ai bien compris, plusieurs d'entre nous ont eu accès à leur dossier musical parce qu'ils ont eu connaissance de la QPC.
39:33Et donc ma question se pose, pour les insurés sociaux qui n'ont pas eu connaissance de cette QPC,
39:38comment sont-ils informés du fait qu'un espace numérique va être ouvert à leur nom et qu'ils peuvent s'y opposer ?
39:46La deuxième catégorie étant plus grande que la première.
39:49Monsieur Canguilhem.
39:52Alors, initialement, à la création, nous sommes censés, tous dans cette salle, d'avoir reçu par courriel ou par courrier,
40:05l'information sur laquelle nous avions le choix de nous opposer ou pas.
40:12Une fois ceci fait, et cette création plus ou moins consciente,
40:16selon la diligence que chacun avait à regarder son courrier ou ses courriels,
40:21il y a a posteriori un autre moment où, une fois qu'il existe, on peut en prendre connaissance.
40:28C'est justement quand il s'y passe quelque chose, ou quand il y a une demande de consentement,
40:38là, de prendre conscience qu'il existe ce DMP.
40:42Mais initialement, nous avons tous reçu un courrier ou un courriel.
40:46Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions ? Non ?
40:49Très bien, alors nous allons réfléchir à tout cela et nous rendrons notre décision...