Affaire n° 2023-1064-QPC

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Conditions d’exécution des mesures de garde à vue


Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231064QPC.htm
Transcript
00:00 ...
00:24 -Alors, nous allons maintenant
00:28 examiner la seconde question
00:32 sous le numéro 2023-1064,
00:38 qui porte sur un sujet alors tout à fait différent.
00:41 Ce sont les articles 62-3, 63, 63-5,
00:46 154 et 706-88
00:50 du Code de procédure pénale.
00:52 Mme Lagriffière.
00:54 -Merci, M. le Président.
00:57 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 juillet 2023
01:00 par une décision du Conseil d'Etat
01:02 d'une question prioritaire de constitutionnalité
01:05 posée par l'Association des avocats pénalistes
01:08 portant sur la conformité aux droits et libertés
01:10 que la Constitution garantit des articles 62-3, 63,
01:15 63-5, 154 et 706-88
01:20 du Code de procédure pénale.
01:21 Cette question relative aux conditions d'exécution
01:24 des mesures de garde à vue
01:25 a été enregistrée au secrétariat général
01:27 du Conseil constitutionnel
01:29 sous le numéro 2023-1064 QPC.
01:32 La SCP Spinozi a produit des observations
01:35 dans l'intérêt de la partie requérante
01:37 les 2 et 16 août 2023.
01:40 La Première ministre a produit des observations
01:42 le 2 août 2023.
01:43 La SCP Pinnica et Molinier,
01:45 dans l'intérêt du Conseil national des barreaux,
01:48 a demandé à intervenir
01:49 et a produit des observations à cette fin
01:51 les 2 et 16 août 2023.
01:54 La SCP Anne Seveau et Paul Matonnet,
01:56 dans l'intérêt du syndicat des avocats de France,
01:59 a demandé à intervenir
02:00 et a produit des observations à cette fin
02:02 le 2 août 2023.
02:04 Seront entendus aujourd'hui
02:05 l'avocat de la partie requérante,
02:07 les avocats des parties intervenantes
02:09 et le représentant de la Première ministre.
02:11 -Merci, madame. Alors nous allons d'abord écouter
02:14 maître Spinozi, qui est avocat au Conseil,
02:17 qui représente l'Association des avocats pénalistes
02:21 partie requérante. Maître.
02:24 -M. le président,
02:25 mesdames, messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
02:28 quelle garantie effective et concrète
02:33 votre Conseil veut-il assurer
02:35 au principe fondamental
02:37 de la dignité de la personne humaine ?
02:40 Cette interrogation, elle est au coeur
02:43 de la QPC qui vous saisit
02:45 et dont l'Association des avocats pénalistes
02:49 a voulu que vous puissiez la trancher.
02:52 Ce n'est pas un hasard si cette association
02:54 a saisi votre Conseil.
02:56 Mieux que quiconque,
02:57 ces avocats spécialisés
02:59 peuvent témoigner devant vous
03:01 de la sordide réalité.
03:04 En France, les conditions de détention
03:08 dans les locaux de garde à vue
03:10 sont purement et simplement abjectes.
03:14 Les rapports du contrôleur général
03:16 des lieux de privation de liberté
03:18 qui sont intervenus suite à de nombreuses inspections
03:22 sur l'ensemble du territoire français
03:25 a commencé depuis maintenant plus de 3 ans
03:28 et est proprement édifiant.
03:31 A de très rares exceptions près,
03:34 la contrôleuse a constaté, je la cite,
03:36 "la totale indignité des conditions d'accueil
03:39 dans les locaux de garde à vue
03:41 et de dégrisement de la police nationale".
03:45 La lecture de ces documents accablants
03:48 égrène ce que tout avocat pénaliste
03:52 sait, hélas, déjà intimement
03:54 pour l'avoir trop souvent vécu
03:57 à son corps défendant.
03:59 Chaque page est consternante.
04:01 On passe de la suroccupation de cellules bondées
04:05 jusqu'à 6 personnes dans 5 mètres carrés
04:08 dans des conditions d'hygiène absolument épouvantables
04:12 à la description de matelas
04:14 partagés entre plusieurs personnes
04:17 quasiment jamais nettoyées,
04:20 assorties en général d'une couverture maculée
04:23 utilisée pendant plusieurs semaines
04:26 quand ce n'est pas la description
04:28 de l'état des toilettes régulièrement bouchées,
04:31 dès qu'elle se dégage en général
04:34 une odeur pestinentielle
04:36 quand elle ne s'accompagne pas de la présence d'excréments,
04:39 que ce soit sur le sol ou sur les murs.
04:43 Cette indignité structurelle
04:46 est pourtant sue et connue
04:49 de tous les acteurs de la chaîne policière
04:52 comme judiciaire.
04:53 Elle est d'ailleurs dénoncée depuis de nombreuses années
04:56 par l'ensemble des organismes et autorités
05:00 attachés à la défense des droits humains.
05:03 Pour autant, rien n'y fait.
05:06 Les recommandations générales ou individuelles
05:08 du contrôleur général des lieux de privation de liberté
05:11 restent sans effet.
05:13 En désespoir de cause, elle est elle-même forcée
05:15 de constater, je la cite,
05:17 "la majorité des constats effectués lors des visites précédentes
05:21 avaient été actés par les autorités
05:24 qui s'étaient engagées à des travaux
05:26 qui n'ont pas été mis en œuvre."
05:28 Un cri dans le désert, donc,
05:30 et il en va de même, d'ailleurs, des différentes tentatives
05:34 de saisine des juridictions administratives
05:37 en référé qui n'offrent en réalité
05:39 qu'une solution très partielle
05:41 et très limitée à ce problème.
05:45 La récente décision qui a été rendue
05:47 par le juge des référés de Nîmes du 28 juillet 2023,
05:51 dont vous avez certainement eu à connaître,
05:53 illustre bien cette ambivalence.
05:54 D'un côté, le tribunal administratif
05:57 qui est saisi par l'ordre des avocats locales
05:59 montre qu'il est parfaitement conscient des enjeux,
06:03 qu'il veut s'emparer du sujet
06:05 et il va jusqu'à procéder à des visites sur les lieux,
06:09 ce qui est, vous le savez, parfaitement exceptionnel.
06:11 Mais pour autant, son action
06:14 est nécessairement légalement bridée
06:17 et les injonctions qu'il impose
06:19 ne peuvent avoir qu'un effet très restreint,
06:22 pour ne pas dire dérisoire,
06:24 en considération de l'office très limité
06:27 du juge administratif
06:28 et ce, encore plus, en référé.
06:32 Et c'est bien précisément ce qui va pousser
06:35 l'Association des avocats pénalistes
06:37 à saisir d'abord le Conseil d'État,
06:40 puis maintenant votre Conseil,
06:42 afin d'aller chercher à la source
06:45 des exigences constitutionnelles l'aiguillon
06:48 qui est nécessaire pour pousser,
06:50 enfin, le gouvernement à la réaction.
06:54 Les dispositions légales qui sont critiquées par la QPC
06:58 sont celles qui, globalement, organisent
07:00 le régime de la garde à vue.
07:02 La DAP, comme l'ensemble des intervenants
07:05 qui se présentent à cette audience,
07:07 vous demande de les censurer
07:10 pour incompétence négative faute pour ces dispositions
07:14 de prévoir une garantie légale effective
07:18 qui impose d'interdire le placement en garde à vue
07:22 d'une personne dans des conditions
07:24 qui sont susceptibles de porter atteinte à sa dignité.
07:29 Concrètement, ce que sollicite
07:32 l'Association des avocats pénalistes,
07:34 ce n'est ni plus ni moins
07:37 que l'application aux mesures de garde à vue
07:40 de la solution que vous avez d'ores et déjà consacrée
07:43 dans votre jurisprudence
07:45 pour, d'abord, les personnes
07:47 qui sont placées en détention provisoire,
07:50 c'est votre décision du 2 octobre 2020,
07:53 la QPC 2020 258-259,
07:56 mais aussi pour les personnes condamnées,
07:59 c'est votre décision du 16 avril 2021,
08:02 donc la QPC 2021-898.
08:06 Par ces deux décisions,
08:08 vous avez à chaque fois censuré
08:10 les dispositions légales françaises
08:13 qui ne prévoyaient aucun moyen
08:16 pour une personne incarcérée
08:18 dans des conditions indignes
08:20 de pouvoir imposer
08:22 qu'il y soit effectivement mis fin.
08:26 Vous avez alors posé en principe
08:29 que la loi française
08:31 ne pouvait pas rester spectatrice, passive,
08:35 face à un traitement inhumain et dégradant
08:38 d'une personne privée de liberté.
08:40 Eh bien, mutatis, mutandis,
08:43 c'est exactement la même chose
08:46 qu'il vous est demandé de retenir aujourd'hui.
08:49 Rien de plus, mais rien de moins.
08:52 L'impératif de dignité ne peut être satisfait
08:55 qu'à la condition que des garanties effectives,
08:58 concrètes, existent,
09:00 non pas seulement pour réparer les éventuelles atteintes
09:04 qui peuvent lui être portées,
09:06 mais aussi et surtout pour les prévenir
09:09 et y mettre immédiatement fin.
09:12 Or, de telles garanties,
09:14 ces garanties effectives,
09:16 seul le législateur est compétent pour les édicter
09:19 et seul votre Conseil
09:21 est compétent pour les lui imposer.
09:24 Car en matière de liberté, il ne faut pas être naïf.
09:29 Vous croyez vraiment que sans vos décisions d'abrogation
09:32 de 2020 et de 2021,
09:34 le gouvernement aurait jamais envisagé
09:37 de modifier les textes relatifs à la décision
09:40 et de prévoir la mise en œuvre d'une voie de recours
09:43 qui permettait de donner une réalité concrète
09:46 et palpable au droit à la dignité ?
09:48 La décision que vous allez rendre à l'issue de cette audience
09:52 est dans ces conditions la seule chance
09:55 pour notre législation d'évoluer
09:58 et de faire cesser l'indignité structurelle
10:01 qui est aujourd'hui imposée à toute personne
10:04 qui est gardée à vue en France
10:06 et le Conseil d'État l'a bien compris.
10:08 En vous renvoyant cette question,
10:11 il vous offre une occasion unique
10:14 de pousser le législateur à introduire dans notre législation
10:17 une soupape de sécurité, de liberté,
10:21 garantissant effectivement la dignité
10:24 qui, pour l'instant, n'existe pas dans notre droit.
10:28 Alors évidemment, assez logiquement,
10:31 le Premier ministre essaie de vous convaincre du contraire.
10:35 Pour ce faire, elle met en exergue le rôle joué
10:39 par le ministère public
10:41 comme garant de la dignité des droits
10:44 des personnes gardées à vue.
10:46 Le rôle est certainement le bon terme
10:49 tant on croirait un théâtre d'ombre
10:52 quand on lit sous la plume du secrétariat général du gouvernement
10:56 la description des missions qui sont dévolues
10:59 au ministère public.
11:01 Au prix d'une lecture pour le moins constructive
11:04 des textes applicables,
11:06 les services de la Première ministre prétendent
11:09 investir ce magistrat d'une double mission.
11:12 Première mission, il lui appartiendrait
11:15 de s'assurer de la dignité
11:17 des conditions matérielles de garde à vue
11:20 à travers une sorte de pouvoir de contrôle général
11:23 des locaux de garde à vue
11:25 et c'est à ce titre qu'il lui serait nécessaire
11:28 d'apporter les autorités compétentes.
11:30 Cette présentation du procureur de la République
11:33 est hélas aussi éloignée de la réalité juridique
11:37 qu'elle l'est de la réalité matérielle.
11:40 Excusez-moi de revenir un instant
11:43 au texte de la loi
11:45 mais l'article 41 du code de procédure pénale
11:48 qui instaure cette prétendue obligation générale
11:51 au bénéfice du ministère public
11:53 ne prévoit en réalité qu'une seule conséquence
11:56 aux visites en garde à vue du procureur.
11:59 C'est celle d'adresser un rapport au procureur général
12:02 rapport d'ailleurs purement déclaratoire
12:05 et qui n'entraîne aucune conséquence légale obligatoire.
12:09 Tout au plus, ce rapport peut être transmis
12:12 au garde des Sceaux, lequel est invité par le législateur
12:15 je cite "à rendre compte de l'ensemble
12:18 des informations ainsi recueillies
12:20 dans un rapport annuel rendu public".
12:23 Eh bien, on peine à voir là
12:27 une garantie effective du droit à la dignité
12:30 qui permette de faire cesser sans délai
12:33 le constat d'un traitement inhumain et dégradant.
12:36 L'invocation par la Première Ministre
12:38 d'un document administratif ou de plusieurs documents administratifs
12:41 tels la trame du contrôle des gardes à vue
12:43 ou encore l'instruction du 28 juin 2020
12:46 de la directrice des Affaires civiles et du Sceau
12:48 qui sont citées à la procédure écrite
12:50 n'y change absolument rien.
12:52 Constater l'indignité, ce n'est pas la résoudre
12:56 et pour cause.
12:57 Depuis plus de trois ans
12:59 que le contrôleur général des lieux de privation d'inverté
13:01 dénonce en l'étayant régulièrement
13:04 l'état inacceptable des locaux de garde à vue en France,
13:07 elle n'a jamais, jamais noté
13:10 que le parquet, le ministre de la Justice
13:13 ou bien la direction des Affaires civiles et du Sceau
13:16 ne soit jamais intervenu
13:18 pour mettre fin à, de façon concrète,
13:22 et effective, à une situation d'indignité.
13:25 Tout au contraire, je vous l'ai dit,
13:27 elle relève que les difficultés
13:30 sur lesquelles elle a spécifiquement attiré l'attention de l'administration
13:34 persistent dans le temps, malgré ses avis
13:37 et d'ailleurs contrairement aux promesses
13:40 qui lui sont faites ou les assurances qui lui sont données.
13:44 Alors ce n'est pas tout.
13:46 À suivre encore le secrétaire général du gouvernement,
13:48 le procureur de la République exercerait en plus un contrôle,
13:51 je cite particulier, de l'exécution de chaque mesure
13:55 liée à la garde à vue.
13:57 On vous prétend ici que le ministère public
13:59 pourrait refuser de prolonger une garde à vue
14:02 voire de placer une personne sous cette contrainte
14:05 en considération de l'état d'indignité des locaux
14:07 où elle s'exercerait.
14:09 Le rôle de surveillance général
14:13 du procureur de la République
14:15 de la dignité des locaux de garde à vue
14:17 relevait déjà, on l'a vu, de l'illusion.
14:19 Celui de son contrôle particulier
14:21 du respect de la dignité pour chaque mesure individuelle
14:24 tient lui carrément du fantasme.
14:27 Suffit de relire l'article 62-3
14:31 auquel le secrétaire général du gouvernement
14:33 fait référence pour s'en convaincre.
14:35 Que vous dit ce texte ?
14:36 Il prévoit que le procureur de la République
14:38 apprécie si le maintien de la personne en garde à vue
14:40 est le cas échéant.
14:42 La prolongation de cette mesure, je cite le texte,
14:44 sont nécessaires à l'enquête
14:46 et proportionnées à la gravité des faits
14:49 que la personne est soupçonnée d'avoir commis
14:52 ou tentée de commettre.
14:54 Il n'existe dans cette disposition légale
14:57 aucune référence à la dignité de la mesure.
15:01 Cette question est légalement parfaitement inopérante
15:05 et d'ailleurs en pratique elle n'a aucune incidence.
15:08 C'est d'ailleurs tout le problème.
15:10 Avec le placement, le maintien ou la prolongation
15:13 d'une personne en garde à vue par le parquet
15:16 lesquels sont décidés par ce magistrat
15:20 au seul motif des nécessités de l'enquête
15:23 et de la répression, comme le lui demande
15:25 le texte de l'article 62-3.
15:28 Et si vous ne me croyez pas,
15:30 eh bien j'attends la contradiction
15:33 des services du Premier ministre.
15:35 Je serais curieux d'entendre sa réponse
15:38 si vous l'interrogez sur le nombre d'hypothèses concrètes
15:41 de refus de prolongation ou voire de main levée
15:44 de mesures de garde à vue prises en considération
15:47 de l'état d'insalubrité des locaux
15:50 et du risque d'une atteinte
15:53 qui soit portée à la dignité de la personne retenue.
15:57 Devant l'ensemble de mes confrères
16:00 qui prendront la parole devant moi,
16:02 je pense que je peux, sans prendre trop de risques,
16:05 vous assurer que chacun vous dira
16:08 que de telles mesures n'existent pas.
16:12 En définitive, et pour conclure,
16:15 il n'y a en réalité guère d'échappatoire.
16:18 Soit vous souhaitez jouer à plein
16:21 le rôle qui vous est imparti par la Constitution
16:24 et donner l'impulsion nécessaire
16:27 pour que le législateur prenne enfin concrètement
16:30 en considération la question de la dignité
16:33 de la détention des personnes gardées à vue.
16:36 Et en ce cas, il n'y a pas d'autre choix
16:39 que de censurer les dispositions qui vous sont déferées.
16:43 Soit, comme tant d'autres,
16:46 vous préférez détourner pudiquement,
16:49 pour ne pas dire lâchement,
16:51 le regard de cette honte de notre République
16:55 et alors vous pourrez toujours donner corps
16:58 à la fiction du ministère public
17:02 comme super gardien de la dignité
17:05 que l'on vient opportunément jouer devant vous.
17:09 En abrogeant, avec un effet évidemment différé dans le temps
17:12 et en donnant un temps suffisant aux législateurs
17:15 pour intervenir, ces dispositions
17:18 vous inciteraient évidemment à la réforme
17:21 mais vous l'inciterez aussi et surtout à la réflexion.
17:24 Car il existe de nombreuses pistes
17:27 et de nombreuses solutions.
17:29 Par exemple, un dispositif législatif
17:32 pourrait contraindre l'autorité judiciaire
17:35 d'être tenue de mettre fin à une situation d'indignité
17:38 lorsqu'elle est constatée.
17:40 Pour prendre un exemple concret,
17:42 prenons l'article 62-3 dont on vient de parler
17:45 sur les pouvoirs du procureur
17:47 et qu'on pourrait largement compléter
17:49 en précisant qu'il appartient précisément à ce magistrat
17:52 de faire respecter la dignité des personnes gardées à vue
17:55 et d'interdire qu'une telle mesure puisse se maintenir
17:58 ou se prolonger dans ces conditions.
18:00 Mais ce n'est qu'une des voies possibles.
18:02 Le législateur pourrait tout aussi bien instaurer une garantie légale
18:05 qui permette à l'administration chargée de l'organisation
18:08 publique de la justice de devoir satisfaire à son obligation
18:12 de garantir en toutes circonstances
18:14 l'impératif de dignité des personnes.
18:17 Autorité judiciaire ou autorité administrative,
18:20 les choix sont variés.
18:22 L'abrogation n'est pas une impasse ni un piège,
18:25 seulement une opportunité.
18:28 Le droit à la dignité ne se négocie pas
18:32 ou en tout cas il ne se négocie plus.
18:35 Vous n'avez pas hésité en 2020
18:38 pour les détenus provisoirement,
18:41 vous n'avez pas hésité en 2021
18:43 pour les personnes condamnées.
18:45 Alors pourquoi le feriez-vous aujourd'hui
18:48 pour les personnes gardées à vue ?
18:50 Merci.
18:54 Nous allons maintenant écouter Maître Pivnica
18:57 qui est avocat au Conseil,
18:59 qui représente le Conseil national des barreaux
19:02 au parti intervenant.
19:04 Maître.
19:05 Merci M. le Président.
19:08 M. le Président,
19:10 Mesdames et Messieurs les membres
19:12 du Conseil constitutionnel,
19:14 un droit constitutionnel
19:17 ne peut pas demeurer théorique ou illusoire.
19:22 Il ne suffit pas que le législateur
19:25 en apparence respecte vos décisions
19:29 pour estimer que la Constitution
19:32 serait respectée par le Conseil constitutionnel.
19:36 C'est un droit respecté,
19:38 alors qu'on sait pertinemment
19:40 que dans les faits,
19:42 il n'y a rien de changé.
19:44 C'est pourtant ce qui s'est passé ici
19:47 en matière de détention en garde à vue.
19:50 La détention ne doit pas porter atteinte
19:54 à la dignité humaine.
19:56 On doit respecter le principe de sauvegarde
19:59 de la dignité humaine.
20:01 Vous l'avez décidé notamment
20:04 dans votre importante décision du 30 juillet 2010.
20:08 Vous avez également rappelé ultérieurement
20:13 qu'un recours doit pouvoir être exercé
20:15 permettant à toute personne détenue
20:17 de se plaindre des conditions de sa détention
20:22 si elle porte atteinte à cette dignité.
20:25 Vous avez invité le législateur
20:27 à se préoccuper de ces points.
20:29 Il a prétendument modifié les choses
20:34 et les textes,
20:35 sans que la réalité ne soit affectée
20:38 par des dispositions qui restent lettres mortes.
20:41 Je m'en tiendrai à deux remarques.
20:44 La première concerne la situation de fait.
20:47 La seconde concerne la particularité en droit
20:53 que constitue la privation de liberté
20:55 en garde à vue.
20:57 Quant à la situation de fait,
21:00 votre décision du 30 juillet 2010,
21:03 vous l'avez déjà parlé,
21:04 avait constaté à l'époque
21:06 l'augmentation absolument considérable
21:08 du nombre de garde à vue.
21:10 Comment ça s'est passé ?
21:12 On se rappelle ce que le premier contrôleur
21:14 des mesures privatives de liberté
21:16 avait dit dans son rapport à l'époque
21:19 sur l'indignité du nombre de détentions
21:22 en garde à vue.
21:24 Les choses ont-elles changé ?
21:26 Non.
21:28 Ça vient de vous être dit,
21:31 mais elles sont faites par la contrôleuse
21:32 des mesures privatives de liberté.
21:35 Elles sont faites également par les bâtonniers,
21:38 avec certaines difficultés d'ailleurs.
21:40 Peu importe.
21:42 Je m'en tiendrai à trois exemples.
21:44 Un commissariat à Paris, 8 personnes gardées à vue
21:46 dans 9,3 m².
21:49 Roubaix, 10 matelas, 25 personnes.
21:52 Orléans, une saleté extrême, je n'insiste pas.
21:55 On vous a parlé du tribunal administratif de Nîmes,
21:58 du juge des référés.
22:00 On a parlé de la cause à Nice.
22:02 Je crois que je n'ai pas besoin de continuer cet inventaire.
22:04 Tout le monde est parfaitement conscient
22:06 du fait que cette situation n'est pas tolérable.
22:08 En réalité, elle est tout simplement indigne.
22:11 Bref, on est très loin des mesures
22:14 qui sont exigées tout simplement
22:16 par votre jurisprudence.
22:19 Le Premier ministre vous dit
22:21 que votre jurisprudence exige un contrôle.
22:23 Il est exercé par le parquet.
22:26 Manifestement, les exemples que je viens de donner,
22:29 les exemples qui vous sont donnés
22:31 par les rapports de la contrôleuse
22:33 des lieux de détention,
22:35 démontrent que ce contrôle,
22:37 quels que soient les efforts faits par le parquet,
22:39 est manifestement insuffisant
22:41 pour assurer la dignité
22:44 des personnes gardées à vue.
22:46 Il y a aussi le recours autonome.
22:48 Mais sur ce point, au moins, je dirais,
22:50 c'est peut-être le seul où je suis d'accord
22:52 avec la Première ministre.
22:54 Il ne peut évidemment pas être exercé
22:56 lorsqu'il s'agit de personnes gardées à vue.
23:00 Alors, et c'est mon second et dernier point,
23:03 que faire dans cette situation ?
23:06 Est-ce qu'on peut se satisfaire
23:09 de ces pétitions de principe de législateurs ?
23:12 Ou est-ce qu'il ne faut pas, en réalité,
23:14 pour assurer de manière concrète et effective
23:18 le droit à la dignité,
23:21 à la sauvegarde de la dignité,
23:23 prévoir autre chose qu'une simple proclamation ?
23:26 Et cette autre chose paraît relativement simple à envisager
23:29 c'est que simplement que l'autorité
23:32 qui va décider de prononcer une garde à vue,
23:36 de placer une personne en garde à vue,
23:38 s'assure, avant le placement de cette personne en garde à vue,
23:42 que la dignité de cette personne
23:45 ne sera pas altérée,
23:47 ne sera pas atteinte par cette mesure.
23:50 La mesure est une mesure attentatoire à la liberté.
23:53 Ce n'est pas une mesure qui est destinée
23:55 à porter atteinte à la dignité de cette personne.
23:58 C'est à l'autorité qui prononce cette garde à vue
24:01 de s'en soucier au Premier chef.
24:03 C'est évidemment, et ça a déjà été dit à l'administration,
24:05 de veiller à ce que les mesures
24:07 puissent être prises à cet effet.
24:09 C'est la raison pour laquelle je vous demande,
24:11 M. le Président, Mesdames et Messieurs,
24:13 les membres du Conseil constitutionnel,
24:15 constatant que cette mesure, à l'heure actuelle,
24:17 n'existe pas dans la loi,
24:19 de bien vouloir déclarer les dispositions contestées
24:22 contraires à la Constitution.
24:24 -Merci, maître.
24:26 Nous écoutons maintenant maître Mattenet,
24:29 qui est avocat au Conseil
24:31 et qui représente le syndicat des avocats de France,
24:34 partie intervallante. Maître.
24:36 -Merci, M. le Président.
24:38 Mesdames et Messieurs les conseillers,
24:40 la présente intervention s'inscrit
24:42 dans une mobilisation de tous les avocats,
24:44 avocats à titre individuel,
24:46 dans la défense de leurs clients,
24:48 organisation représentative des avocats,
24:50 notamment le CNB, les ordres, les barreaux, les bâtonniers,
24:53 associations, organisations syndicales,
24:55 comme le syndicat des avocats de France,
24:57 que j'ai l'honneur de représenter ici, devant vous.
25:00 La profession est unanime
25:02 parce que le constat est unanime.
25:04 Ce constat, cela vous a été...
25:07 Les faits vous ont été décrits.
25:09 C'est d'abord qu'il y a en France,
25:11 de manière récurrente,
25:13 des violations du principe de sauvegarde
25:15 de la dignité humaine qui sont intenses,
25:18 et je précise à cet égard qu'elles ne sont pas neutres
25:21 sur l'exercice d'autres droits,
25:23 notamment des droits de la défense,
25:25 mais qui sont systémiques.
25:27 C'est bien ce qu'a constaté le juge des référés
25:30 du Conseil d'État le 22 novembre 2021,
25:33 et qui sont persistantes,
25:35 puisque dans les deux années qui se sont écoulées
25:38 depuis cette décision,
25:40 aucune évolution de la situation,
25:42 ni sur le plan matériel, ni sur le plan juridique,
25:45 n'a eu lieu.
25:47 Pourtant, je souhaiterais souligner
25:49 qu'il y a quand même désormais un consensus,
25:52 grâce à vos décisions 2020-2021
25:55 sur les conditions de détention,
25:56 sur le caractère absolu du principe
25:58 de la sauvegarde de la dignité humaine.
26:00 Le débat qui a pu avoir lieu en 2020 devant vous
26:03 et derrière nous, lorsque vous avez jugé
26:05 qu'il appartenait au législateur
26:07 de mettre en place des garanties
26:09 afin qu'un détenu qui se plaint
26:11 des conditions indignes de détention
26:13 puisse avoir accès à un juge
26:15 qui mette fin à celle-ci,
26:17 autant dire fin aux conditions indignes
26:19 ou alors fin à la détention,
26:21 avec des mesures alternatives,
26:24 que, quand bien même pourrait être atteint
26:25 l'objectif à valeur constitutionnelle
26:27 de sauvegarde de l'ordre public
26:29 et de prévention et de recherche
26:31 des auteurs des infractions pénales,
26:33 il n'y a pas à négocier
26:35 lorsque quelqu'un est dans une situation indigne,
26:38 car il ne s'agit pas uniquement
26:40 du principe général de sauvegarde
26:42 de la dignité humaine qui est ici en question,
26:44 mais d'une déclinaison qui n'est rien d'autre
26:46 que l'interdiction des traitements inhumains
26:48 et dégradants, dont la consécration
26:52 en droit européen, accompagnée de la précision
26:54 qu'il s'agit de droits intangibles.
26:56 Donc il ne devrait pas y avoir de discussion.
26:59 Le constat est unanime
27:01 et le droit, vous l'avez dessiné,
27:03 il faut absolument trouver une solution
27:05 pour que des personnes ne soient pas placées
27:07 dans telle situation et lorsqu'elles le sont
27:09 qu'elles en soient extraites.
27:11 Alors, comment en sommes-nous arrivés là ?
27:14 Évidemment, certainement,
27:16 des questions d'ordre administratif,
27:18 de mauvaise volonté ou de dysfonctionnement,
27:21 d'ordre budgétaire, matériel.
27:22 Également une difficulté qui tient
27:24 à l'organisation de notre système juridique
27:27 avec cette chaîne de déresponsabilité
27:30 qui consiste à ce que celui qui décide
27:33 du placement en garde à vue de son contrôle
27:35 n'a pas les mains sur les conditions matérielles,
27:37 alors que celui qui a la main
27:39 sur les conditions matérielles,
27:41 mais qui malheureusement ne peut pas les changer
27:43 du jour au lendemain, ne peut pas refuser
27:45 d'accueillir une personne et moins encore
27:47 l'extrait de cette situation.
27:50 Et puis, il y a une inadéquation
27:52 des voies de recours qui sont habituellement exercées,
27:56 inadéquation de recours au juge déréféré,
27:59 du contenu de l'indemnisation,
28:01 plus encore de la voie pénale,
28:03 qui n'aurait pas de toute façon été une très bonne solution
28:05 et qui ne peut pas être pratiquable
28:07 puisqu'il n'y a pas de délit applicable.
28:09 Et s'agissant du juge déréféré,
28:11 il y a l'obstacle que l'on connaît déjà
28:14 qui est l'incapacité de ce dernier
28:16 de prononcer des mesures lorsqu'il est confronté
28:18 à des difficultés d'ordre structurelles,
28:21 mais également une difficulté qui tient
28:23 à la brièveté de la mesure de garde à vue,
28:25 qui fait que la mobilisation d'un avocat
28:27 est quelquefois insusceptible de porter des fruits
28:30 tant la mesure sera achevée
28:32 lorsque un juge sera saisi.
28:35 Devant ce constat, donc, de l'inaptitude
28:38 de toutes les garanties qui peuvent exister.
28:41 Il y a la nécessité, selon nous,
28:43 et c'est le vœu unanime de la profession,
28:46 que vous enjoignez le législateur
28:48 à prévoir une garantie.
28:50 Certes, ce n'est pas la loi,
28:52 ni par son contenu, ni par ses conséquences,
28:55 qui produit les atteintes à la sauvegarde
28:57 de l'entité humaine,
28:58 mais lorsque nous sommes en présence
29:00 d'un phénomène factuel récurrent
29:02 qui est l'existence de ces atteintes,
29:04 le juge constitutionnel, à mon sens,
29:07 ne peut pas rester passif
29:09 et ne pas exiger de la part du législateur
29:11 qu'il mette en place des garanties légales.
29:14 Se pose alors la question de savoir,
29:16 non pas quelles seraient ces garanties,
29:18 parce que je ne pense pas que c'est la discussion
29:20 qui doit avoir lieu ici,
29:22 c'est au législateur d'exercer son pouvoir,
29:25 d'exercer d'abord son appréciation
29:27 et d'en débattre,
29:28 mais la question est de savoir,
29:30 là, immédiatement,
29:31 est-ce que ces garanties existent déjà
29:33 au regard de ce qui vous est opposé
29:35 par madame le Premier ministre ?
29:37 Beaucoup de choses ont été dites,
29:39 d'abord sur le caractère totalement ineffectif
29:43 des garanties qui vous sont proposées,
29:45 que ce soit le contrôle d'ordre général
29:47 qu'exerce le procureur de la République
29:49 sur les conditions de garde à vue
29:51 et le contrôle particulier qu'il propose.
29:53 Nous sommes quand même là face à une défense
29:55 du Premier ministre qui consiste à se prévaloir
29:57 de prérogatives législatives
29:59 sans être jamais en mesure
30:01 de mentionner une quelconque application
30:04 de ces mesures.
30:05 Cela vous a été dit,
30:07 ce qui est proposé, en tout cas,
30:09 ce qui vous est présenté en défense
30:11 est parfaitement éloigné de la réalité.
30:13 Vous n'êtes pas là pour juger
30:15 de l'applicabilité de la loi.
30:17 Vous êtes là pour juger de son contenu
30:19 et de son aptitude, autrement dit,
30:21 du caractère adéquat de la garantie.
30:24 Or, ce qui vous est présenté comme garantie
30:27 au titre du contrôle particulier exercé
30:29 par le procureur de la République
30:31 est parfaitement inadéquat,
30:32 et ce, pour plusieurs raisons.
30:33 Premièrement, l'intervention du procureur
30:35 de la République ne porte pas
30:37 sur le placement en garde à vue
30:39 qui résulte d'une compétence exclusive
30:41 de l'officier de police judiciaire.
30:43 Donc la solution ne consiste pas
30:45 à prévenir des placements en garde à vue
30:47 dans les conditions indignes,
30:48 mais uniquement d'essayer de les remédier.
30:50 Deuxièmement, cela vous a été dit,
30:52 le procureur de la République n'a pas le pouvoir,
30:55 en tout cas les critères qui sont ceux
30:57 qui guident sa décision sur la prolongation,
31:00 ne contiennent pas la possibilité pour lui,
31:03 si les nécessités de l'enquête exigent la prolongation,
31:05 de pouvoir faire obstacle
31:07 à ces nécessités de l'enquête
31:09 au nom de la dignité de la personne humaine.
31:11 Troisièmement, à supposer
31:13 que ce soit le cas, le signalement
31:16 qui serait porté à la connaissance
31:18 du ministère public dans les 24 premières heures
31:21 ne fait l'objet d'aucun encadrement.
31:23 Donc il n'y a aucune garantie,
31:25 pour le moins qu'on puisse dire,
31:27 que si le procureur de la République
31:29 était saisi d'une situation donnée,
31:31 il ne reporte pas tout simplement son examen
31:33 quelques heures plus tard,
31:35 c'est-à-dire au moment de la prolongation.
31:37 Et enfin, nous retombons toujours
31:39 sur cette difficulté qui est
31:41 cette chaîne de déresponsabilisation
31:43 qui, pour le ministre de la République,
31:44 n'a pas les informations en temps réel
31:46 sur les situations matérielles de garde à vue
31:48 et lorsqu'il aurait à statuer son assignement,
31:50 on ne voit pas très bien
31:52 comment on ne pourrait concilier
31:54 l'exigence d'une intervention extrêmement rapide
31:56 que commenterait le principe de la sauvegarde de l'hôpital
31:59 et le recueil de ces informations
32:01 auprès de celui qui serait le principal intéressé,
32:03 c'est-à-dire l'officier de police judiciaire
32:05 qui serait lui-même directement intéressé
32:07 à ce que la garde à vue soit maintenue.
32:09 Sans parler du fait
32:12 que nous nous confrontons
32:13 en présence d'un dispositif
32:15 qui repose sur le procureur de la République
32:17 à une difficulté en termes d'impartialité
32:19 puisqu'il est le directeur d'enquête
32:21 et c'est lui qui a vocation
32:23 à décider par la suite des poursuites
32:25 et à l'absence de recours
32:27 pour contrebalancer cette difficulté
32:29 puisque les décisions du procureur de la République
32:31 sont insusceptibles de recours
32:33 et y aurait-il un recours
32:35 que je ne pense pas qu'il présenterait de l'intérêt
32:37 compte tenu de ce que la garde à vue
32:39 aurait déjà pris fin.
32:41 Donc je crois qu'il ne fait aucun doute
32:43 que ce qui vous est présenté
32:45 au titre des garanties prévues par la loi
32:47 non seulement est totalement inappliqué
32:50 sauf à ce que nous démontre le contraire
32:52 mais surtout est par le contenu
32:54 et l'articulation avec les autres règles de droit
32:57 parfaitement inadéquat.
32:59 Donc nous avons besoin
33:01 d'une garantie légale
33:03 de la sauvegarde de la dignité humaine
33:05 dans un contexte où il ne fait aucun doute
33:07 que si la loi ne produit pas ces atteintes
33:09 ces dernières existent
33:11 et doivent être évidemment prévenues
33:13 réparées et réprimées.
33:15 C'est la demande qui vous est faite
33:17 sans préjudice de la décision
33:19 qui serait prise pour corriger la situation.
33:22 Tout ce qui compte à mon sens
33:24 c'est que vous ayez à l'esprit
33:26 que des solutions sont possibles
33:28 qu'il ne s'agit pas de demander
33:30 des garanties légales qui seraient artificielles
33:32 qui conduiraient le législateur
33:34 à constater une impasse.
33:36 Bien au contraire, elles vous sont proposées
33:38 par les requérants.
33:40 D'autres sont certainement envisageables.
33:42 Ce qui compte, c'est que vous rappelez
33:44 uniquement le droit, c'est-à-dire
33:46 qu'une exigence constitutionnelle
33:48 ne peut pas survivre sans garantie légale.
33:51 -Merci, maître.
33:53 Alors, pour la Première ministre,
33:55 M. le candidat.
33:57 -Merci, M. le Président,
34:01 Mesdames et Messieurs les membres
34:03 du Conseil constitutionnel.
34:05 Une décision de placement au garde-à-vue
34:07 est un des 6 objectifs fixés par l'article 62-2
34:09 du Code de procédure pénale
34:11 et poursuit l'objectif de valeur constitutionnelle
34:13 de sauvegarde de l'ordre public
34:15 et des recherches à d'auteurs d'infractions.
34:17 Les dispositions qui vous sont soumises aujourd'hui
34:19 fixent le régime de la garde-à-vue
34:21 tel qu'il est issu, notamment,
34:23 de la loi du 14 avril 2011.
34:25 Ses grands principes en sont connus.
34:27 La garde-à-vue décidée par un officier de police judiciaire
34:29 s'exerce sous le contrôle du procureur de la République
34:31 pour une durée de 24 heures
34:33 et doit, c'est le coeur de la discussion de ce matin,
34:35 s'exécuter dans des conditions
34:37 assurant le respect de la dignité de la personne humaine.
34:39 Article 63-5 du Code de procédure pénale.
34:42 Il appartient ainsi à l'autorité judiciaire
34:44 de contrôler les modalités de mise en oeuvre
34:47 de la garde-à-vue
34:49 et de prévenir et réprimer les agissements
34:51 portant atteinte à la dignité de la personne gardée à vue.
34:55 Cela résulte des termes même de votre jurisprudence
34:58 et des décisions qui ont déjà été citées.
35:00 Et il appartient au ministère de l'Intérieur
35:02 et en particulier à chaque chef de service
35:04 responsable de l'eau-côte-garde-à-vue
35:06 de s'assurer des conditions matérielles
35:08 de réalisation de ces mesures.
35:10 La présente question prioritaire de constitutionnalité
35:14 apparaît comme une contestation en creux de ce régime.
35:17 Il est en effet soutenu que le régime de la garde-à-vue
35:20 méconnaît le principe constitutionnel de dignité humaine
35:23 faute de subordonner la décision de placement
35:26 à des conditions relatives aux capacités d'accueil
35:29 et aux conditions matérielles au sein des locaux
35:32 et faute de permettre à l'administration
35:34 chargée du service public de la justice
35:36 de faire obstacle à l'exécution d'une décision de placement
35:38 en garde-à-vue lorsque les conditions de celle-ci
35:40 portent attente à la dignité humaine.
35:42 La présente QPC repose donc
35:45 sur un grief tiré de l'incompétence négative.
35:48 Or, si vous avez déjà accepté d'examiner
35:50 le grief tiré de l'incompétence négative
35:52 au regard du principe de dignité de la personne humaine,
35:55 il n'en demeure pas moins que les règles classiques
35:57 d'opérance de ce grief doivent trouver à s'appliquer.
36:00 Et au terme de votre jurisprudence en la matière,
36:04 la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence
36:07 ne peut être invoquée à l'accus d'une question prioritaire
36:09 de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance
36:12 affecte par elle-même un droit ou une liberté
36:15 que la Constitution garantit.
36:17 Et en l'espèce, la carence ad legae
36:19 ne porte pas en elle-même
36:22 atteinte au principe de dignité de la personne humaine.
36:25 Vous avez vous-même jugé,
36:27 dans votre décision du 30 juillet 2010
36:29 relative à la garde-à-vue,
36:31 que la méconnaissance éventuelle
36:33 de l'exigence de respect de la dignité humaine
36:35 pendant la garde-à-vue n'a pas en elle-même
36:38 pour effet d'entacher ces dispositions d'unconstitutionnalité.
36:43 Vous voyez votre décision 1422Q.
36:45 P.C.R. son considérant numéro 20.
36:47 La teneur des écritures et des pièces produites,
36:51 notamment les rapports de visite de la bâtonnière de Paris
36:54 ou les références nombreuses faites aux recommandations
36:57 de la contrôleur générale des lieux de privation de liberté
36:59 témoignent que ce qui est contesté par la présente question
37:02 est une réalité matérielle.
37:04 Or, le cadre légal de la garde-à-vue,
37:07 qui est aujourd'hui soumis à votre contrôle,
37:10 n'est pas la cause de cette réalité matérielle.
37:13 Cela a même été reconnu de l'autre côté de la barre.
37:16 Et la règle que les auteurs de la question
37:19 auraient voulu voir adoptée par le législateur
37:21 ces garanties légales qui sont réclamées
37:25 ne changerait par elle-même rien à cette situation matérielle.
37:31 En lui-même, le régime de la garde-à-vue,
37:34 en ne prévoyant pas expressément
37:36 que des conditions matérielles portant atteinte à la dignité humaine
37:39 soient un motif pour empêcher la garde-à-vue,
37:42 ne porte pas atteinte au principe constitutionnel de dignité.
37:45 Par ailleurs, l'association requérante
37:49 ne peut utilement se prévaloir de votre décision 859-QPC
37:53 par laquelle vous avez jugé qu'il incombe au législateur
37:56 de garantir aux personnes placées en détention provisoire
37:59 la possibilité de saisir le juge de condition de détention
38:02 contraire à la dignité de la personne humaine et qu'il y soit mis fin.
38:05 En effet, la brièveté de la garde-à-vue
38:08 interdit la comparaison avec le régime de la détention provisoire
38:11 et la possibilité même d'une voie de recours juridictionnel
38:15 pour faire cesser l'atteinte à la dignité au cours de la garde-à-vue.
38:19 Le grief tiré de l'incompétence négative du législateur,
38:23 grief unique, pourra donc être écarté comme inopérant.
38:28 Au surplus, et cela a été longuement contesté,
38:33 il convient de souligner que le régime légal présente
38:37 certains éléments permettant le contrôle
38:43 de la dignité dans les conditions de garde-à-vue.
38:47 La condition de leur applicabilité, de leur effectivité
38:50 est encore une fois une autre question que celle de leur existence
38:54 et s'appliquerait d'ailleurs à toute garantie légale,
38:56 celle dont la reconnaissance est demandée devant vous.
39:00 Ce contrôle, il incombe effectivement un rôle,
39:05 peut-être imparfait dans les faits, mais qui existe légalement,
39:09 il incombe au procureur de la République,
39:14 et ce à deux niveaux, un niveau général et un niveau particulier.
39:17 Rapidement, en premier lieu, au terme du quatrième alinéa
39:21 de l'article 41 du Code de procédure pénale,
39:23 le procureur de la République contrôle les mesures de garde-à-vue,
39:27 le principe est clairement affirmé par le législateur,
39:30 il contrôle les mesures de garde-à-vue
39:32 et en visite les lieux autant qu'il l'estime nécessaire
39:35 et au moins une fois par an.
39:38 La trame des contrôles des locaux de la garde-à-vue
39:40 que nous avons soumises et que le procureur remplit
39:43 à chaque visite témoigne de ce que les exigences
39:47 liées à la dignité des personnes en garde-à-vue
39:49 sont au cœur de l'exercice de ce contrôle.
39:51 Une grille précise relative notamment à des questions d'hygiène,
39:54 d'équipement, de chauffage, de sécurité
39:57 doit être renseignée par le procureur
40:00 et aboutit à trois propositions,
40:02 la fermeture immédiate,
40:04 la nécessité de la réalisation de travaux
40:06 ou la possibilité d'utiliser les cellules en l'état.
40:10 En second lieu, le procureur de la République,
40:15 en application de l'article 62-3 du Code de procédure pénale,
40:17 peut ordonner à tout moment
40:19 que la personne gardée à vue soit remise en liberté.
40:23 Et à cette occasion,
40:25 le constat de conditions indignes de garde-à-vue
40:27 peut amener le procureur
40:29 à mettre fin à cette garde-à-vue
40:31 ou à aménager les conditions de cette vie.
40:35 Contrairement à ce qui est soutenu par les auteurs de la question
40:37 et par les intervenants,
40:39 l'abstention du législateur à prévoir expressément
40:42 que l'atteinte à la dignité humaine
40:45 puisse être un motif de cessation de la garde-à-vue
40:48 ne signifie pas pour autant
40:50 que le procureur ne peut en tenir compte,
40:54 encore une fois,
40:55 pour où y mettre fin
40:56 ou aménager en ordonnant, par exemple,
41:00 au regard de la situation de la personne
41:03 de fournir un équipement particulier.
41:06 On peut penser par exemple à une femme enceinte,
41:08 enfin une femme ayant récemment accouchée en garde-à-vue
41:12 à qui on imposerait
41:15 au gestionnaire du Code de garde-à-vue
41:17 de lui fournir un tirelet ou des exemples concrets
41:20 d'éléments remontants
41:22 au cours de la garde-à-vue au procureur
41:25 et d'adaptation pour le respect du principe de dignité.
41:29 Car en pratique, au cours de la garde-à-vue,
41:32 les avocats peuvent,
41:33 alors certes, pas à l'édition,
41:35 mais relativement rapidement,
41:37 assez vite au cours de la garde-à-vue,
41:39 alerter le procureur
41:41 sur les conditions matérielles de celle-ci
41:44 et leur caractère indigne.
41:48 Alors, la demande statistique
41:51 est ce matin faite de l'autre côté de la barre,
41:53 donc j'y réponds d'ores et maintenant.
41:57 Évidemment, cette statistique
42:00 du nombre de cas dans lesquels un procureur
42:03 met très fin pour ce motif à une garde-à-vue
42:05 n'existe pas et elle ne peut pas exister
42:07 pour deux séries de raisons.
42:09 D'une part, parce qu'il n'existe pas de statistique générale
42:11 pour savoir dans combien de cas
42:13 le procureur met fin à une garde-à-vue.
42:16 C'est pluri-quotidien
42:18 dans tous les parquets de France
42:20 et quand bien même cette statistique existerait,
42:23 du nombre général,
42:25 il serait impossible de déterminer
42:27 si le motif est celui-t-il de la dignité
42:30 parce que ces décisions ne sont pas motives.
42:33 Il existe donc des éléments,
42:36 des garanties légales
42:39 et rappelons à ce titre
42:41 que l'article 63-5 du Code de procédure pénale
42:44 le redit quand même expressément,
42:46 c'est en soi une garantie
42:49 et normalement on doit se conformer à la loi.
42:54 Article 63-5 du Code de procédure pénale,
42:56 la garde-à-vue doit s'exécuter
42:58 dans des conditions assurant le respect
43:00 de la dignité de la personne humaine.
43:03 Le grief soulevé par le requérant
43:05 ne tient en définitive pas en la méconnaissance
43:07 par les dispositions contestées
43:09 du principe de dignité
43:11 mais au décalage
43:13 entre les principes législatifs,
43:15 les garanties légales
43:16 et la réalité matérielle,
43:17 décalage qui,
43:18 au terme de votre jurisprudence,
43:20 n'est pas un motif d'inconstitutionnalité.
43:23 Aucune exigence constitutionnelle
43:24 n'ayant été méconnue.
43:25 Je vous invite à déclarer
43:26 les dispositions des articles 63, 63-5, 154
43:30 et 706-88 du Code de procédure pénale
43:33 conformes à la Constitution.
43:35 Merci M. Corbière.
43:37 Alors, questions ?
43:39 M. le conseiller Juppé.
43:41 M. Canguilhem, pouvez-vous,
43:42 aujourd'hui ou par une note en délibéré,
43:44 nous faire le point
43:45 des mesures prises par le gouvernement
43:48 pour remédier à l'état
43:50 des locaux de garde à vue ?
43:52 Existe-t-il un programme de travaux ?
43:54 Peut-on nous faire le point
43:56 sur son état d'avancement ?
43:58 Des précisions concrètes
44:00 seraient utiles,
44:02 un type d'information sur ce point ?
44:04 Alors, de manière législative,
44:10 général, et je poursuivrai évidemment
44:12 par une note en délibéré
44:13 de manière plus précise,
44:15 oui, il existe un programme
44:17 notamment consécutif à l'injonction
44:19 qui avait été faite par le juge des référés
44:21 du Conseil d'État.
44:22 Et d'ailleurs, dans le cadre
44:24 de la procédure au fond
44:26 dans le Conseil d'État,
44:27 il a été fait état
44:30 d'un programme général
44:32 et d'exemples précis.
44:33 Et je pourrais vous en faire part
44:35 pour partir dans une note en délibéré.
44:37 Merci.
44:38 Autre question ?
44:40 Non ?
44:41 Très bien.
44:42 Écoutez, nous allons réfléchir
44:44 à tout cela,
44:45 comme nous le faisons toujours,
44:47 et rendrons notre décision
44:49 dans 10 jours,
44:51 le 6 octobre.
44:52 L'Odor s'est levée.
44:53 Bonne journée à toutes et à tous.
44:55 Merci.
44:57 Sous-titrage ST' 501
45:00 [SILENCE]