Affaire n° 2024-1106 QPC

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Code général des collectivités territoriales
Article L. 2123-34

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Transcription
00:00Bien, l'audience est ouverte. Nous avons deux questions prioritaires de constitutionnalité à notre ordre du jour.
00:19Nous allons commencer avec la QPC, puisque c'est comme ça qu'on l'appelle, numéro 2024-1106, qui porte sur l'article L2123-34 du Code général des collectivités territoriales.
00:34Madame la greffière, dites-nous où nous en sommes, s'il vous plaît.
00:37Merci, monsieur le Président. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juillet 2024 par une décision du Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité
00:46posée par la commune d'Ystres portant sur la conformité aux droits et libertés que la constitution garantit de l'article L2123-34 du Code général des collectivités territoriales,
00:57dans sa rédaction résultant de la loi numéro 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement de la vie locale et à la proximité de l'action publique.
01:07Cette question relative à la protection fonctionnelle du maire ou de l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation en cas de poursuite pénale
01:15a été enregistrée au Secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2024-1106 QPC.
01:22L'ASCP Bauer-Wiolas-Fechotte-Desbois-Sébag a produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante le 7 août 2024.
01:31Le Premier ministre a produit des observations le 2 août 2024.
01:35Maître Patrick Linjibé a demandé à intervenir dans l'intérêt de l'Association des communes et collectivités d'outre-mer et l'Association des maires de Guyane
01:43et a produit des observations à cette fin le 7 août 2024. Seul sera entendu aujourd'hui le représentant du Premier ministre.
01:50Merci Madame. Donc nous avons toute une série d'écritures. Maître Bauer-Wiolas représentant Istres, partie requérante,
02:01et Maître Linjibé représentant l'Association des communes et collectivités d'outre-mer et l'Association des maires de Guyane
02:07ont fait savoir qu'ils s'en remettaient précisément à leurs écritures. Donc nous allons entendre M. Canguilhem pour le Premier ministre.
02:15Merci M. le Président. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, à compter de la loi du 18 et 2000,
02:21le législateur a accordé aux élus locaux exerçant des fonctions exécutives une protection s'approchant de la protection fonctionnelle des agents publics.
02:28Le deuxième alinéa de l'article L21-23-35 du Code général des collectivités territoriales prévoit ainsi la protection de la commune aux maires
02:36ainsi qu'aux élus municipaux le suppléant ayant reçu délégation lorsque ceux-ci sont victimes de violences, menaces ou outrages
02:43à l'occasion ou du fait de leur fonction, la même protection est prévue en ce qui concerne les conseils départementaux L31-23-29 du même code
02:52et en ce qui concerne les conseils régionaux à l'article L41-35-29 du CGCT.
02:57Le deuxième alinéa de l'article L21-23-34 du Code général des collectivités territoriales, qui est l'objet de la présente QPC,
03:05prévoit que la commune accorde sa protection aux maires ainsi qu'à l'élu municipal le suppléant ayant reçu délégation lorsqu'il fait l'objet de poursuites pénales.
03:16Et là encore des dispositions symétriques existent pour les conseils départementaux et régionaux.
03:22Protection lorsque ces élus font l'objet de poursuites pénales et il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État la mieux établie
03:30depuis un arrêt de section du 19 novembre 1993 que l'expression poursuite pénale doit s'entendre de la mise en mouvement de l'action publique.
03:38La protection est donc due aux élus précités dès lors que l'action publique a été mise en œuvre à leur encombre.
03:45Le champ de cette protection est donc moins large que celui qui est offert aux agents publics autrefois par l'article 11 de la loi du 13 juillet 83,
03:55aujourd'hui par l'article L134-4 du code général de la fonction publique.
04:01Cet article prévoyant que la protection est due par l'administration à l'agent lorsque celui-ci est entendu en qualité de témoin assisté,
04:11qu'il est placé en garde à vue ou lorsqu'il se voit proposer une mesure de composition pénale,
04:15liste à laquelle le législateur devra ajouter avant le 1er juillet prochain le cas de l'agent entendu sous l'origine de l'audition libre
04:22pour tenir compte de la censure que vous avez prononcée dans votre décision 1098-QPC du 4 juillet dernier.
04:29L'objet de la présente QPC est donc de contester cette différence du champ de la protection dans la sphère pénale
04:37entre les agents publics et les élus visés par l'article L21-23-34 du code général des collectivités territoriales.
04:44Au premier lieu, il est soutenu que cette limitation de la protection offerte à ces élus méconnaîtrait le principe fondamental reconnu
04:51par les lois de la République selon lequel les autorités administratives sont tenues d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle
04:57à leurs agents lorsque ceux-ci sont mis en cause à raison de l'exercice de leurs fonctions pour des faits qui ne présentent pas le caractère de faute détachable.
05:06Ce principe n'a jamais été érigé par votre jurisprudence en principe fondamental reconnu par les lois de la République
05:13et malgré l'invitation qui vous est faite par leur occurrence, ce ne sera pas davantage le cas aujourd'hui.
05:18Les trois critères d'identification des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République sont connus, vous les répétez de manière régulière.
05:25Le principe doit trouver son fondement textuel dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946.
05:32Il doit énoncer une règle suffisamment importante qui n'a pas connu d'exception et de dérogation.
05:40Pour voir la première condition remplie, la Commune de Rue 40 se prévaut d'un certain nombre de textes.
05:45Citons seulement parmi d'autres les articles 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse
05:51qui réprime les diffamations et injures commises notamment en fonction de la qualité des fonctionnaires
05:56ou encore la loi des 16 et 24 août 1790.
05:59Mais aucun de ces textes ne crée d'obligation de protection à la charge d'une autorité administrative vis-à-vis de ses agents.
06:06La Commune de Rue 40 évoque ensuite l'article 15 de la loi du 19 octobre 1946
06:11qui prévoit la protection des fonctionnaires contre les menaces, outrages, injures ou diffamations.
06:16Cette loi est antérieure à la promulgation de la Constitution de la IVe République, 8 jours plus tard, le 27 octobre 1946,
06:25mais elle est postérieure au référendum du 13 octobre par lequel le peuple français a réaffirmé solennellement
06:31les principes fondamentaux reconnus par la Loi de la République dans le premier alinéa du préambule.
06:35Il est donc possible de s'interroger sur le fait de savoir si le critère d'antériorité à 1946
06:40que vous rappelez régulièrement tant dans votre jurisprudence que dans les commentaires de vos décisions est bien rempli en l'espèce.
06:47Mais surtout, cette loi ne pose aucun principe général de protection.
06:53Outre son article 15, précité son article 14 prévoit que la collectivité publique doit couvrir le fonctionnaire
06:59des condamnations civiles prononcées contre lui à trois conditions dans le cas où il a été poursuivi par un tiers
07:04pour une faute de service et où le conflit d'attribution n'a pas été élevé.
07:09Et à aucun moment, il n'est question de protection contre les poursuites pénales et pour cause,
07:15celle-ci ne sera consacrée pour les agents publics que par la loi du 16 décembre 1996, soit bien postérieurement à la Constitution de 1946.
07:24Donc dès la loi du 19 octobre 1946, la protection fonctionnelle apparaît donc comme étant fragmentée, sectorisée,
07:32assortie d'un certain nombre de conditions et n'accède donc pas au degré de généralité que votre jurisprudence exige
07:39pour dégager un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
07:42Vous voyez par exemple le considérant numéro 7 de votre décision 605.
07:46Vous ne dégagerez donc pas par votre décision à venir de douzième principe fondamental reconnu par les lois de la République
07:52et vous pourrez écarter ce grief comme étant infondé.
07:56Mais en tout état de cause, si vous deviez tout de même dégager ce principe et l'ériger en principe fondamental reconnu par les lois de la République,
08:03vous pourrez écarter le grief tiré de sa méconnaissance comme inopérant.
08:07En effet, ce principe, principe dont la reconnaissance vous est demandée, ne vise que les agents publics
08:12et ne pourrait donc fonder une déclaration d'inconstitutionnalité d'une disposition législative applicable aux seuls élus locaux.
08:18Le deuxième grief est tiré de la méconnaissance du principe d'égalité.
08:23Les dispositions contestées engendrent deux séries de différences de traitement.
08:28La première n'est pas l'objet directement de cette publicité mais fait écho à la question qui vous sera posée dans quelques minutes dans la seconde.
08:37Il s'agit de la différence de traitement entre élus d'une même assemblée délibérante.
08:42En effet, seuls les maires suppléants et délégués peuvent bénéficier de la protection en cas de poursuite pénale à l'exclusion des autres élus.
08:50Encore une fois, ce n'est pas l'argument des requérants dans cette QPC mais, disons-le, déjà nous le développerons par la suite,
08:56cette différence de traitement repose sur une différence de situation en lien avec l'objet de la loi
09:00et n'est pas constitutive d'une méconnaissance du principe d'égalité.
09:04Ce qui est visé par cette QPC présentée par la Comministre, c'est la seconde différence de traitement qui est induite par ces dispositions
09:13et qui est là la différence de traitement entre les élus précités, listés par cet article 21-34 et les agents publics.
09:25Et notamment le fait que ces élus ne peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle s'ils sont placés en garde à vue
09:34ou, à l'avenir, s'ils seront entendus sous le régime de l'auditionné.
09:38Mais cette différence de traitement n'est pas davantage constitutive d'une méconnaissance du principe d'égalité.
09:43D'une part, et à l'évidence, les élus locaux se trouvent dans une situation différente de celle des agents publics,
09:52notamment eu égard aux devoirs et à l'autorité hiérarchique auxquels ces derniers sont soumis.
09:57L'agent est soumis à l'autorité hiérarchique pour l'accomplissement de ses missions de services publics
10:01tandis que l'élu a, lui, au terme de la loi, pour mission d'administrer librement les collectivités territoriales.
10:07Et la nature des fonctions diffère et, en conséquence, les droits et obligations qui s'y attachent.
10:13Également, les élus locaux, en raison de la nature de leurs fonctions, sont soumis à un contrôle de nature politique
10:20auquel les agents publics, pour les mêmes raisons, en raison de la nature des fonctions qu'ils ont à assumer, sont soustraits à un tel contrôle.
10:27La protection fonctionnelle, qui est liée à l'origine au seul statut de l'agent public,
10:34auquel, encore une fois, l'élu local, par définition, n'est pas soumis,
10:38le législateur pouvait ainsi, sans méconnaître les exigences du principe d'égalité,
10:42prévoir des conditions d'octroi de la protection fonctionnelle différentes selon le rôle qu'il a respectivement dévolu aux agents et à certains élus.
10:49Aucune exigence fonctionnelle n'ayant été méconnue.
10:51Je vous invite à déclarer les dispositions de l'article L2133-34 du Code général des collectivités territoriales conformes à la Constitution.
10:59Merci, M. Canguilhem.
11:01Alors, nous avons lu les arguments des retirants, nous avons entendu M. Canguilhem.
11:08Est-ce que tel ou tel membre du Conseil souhaite poser une question ?
11:13M. le conseiller Mézard.
11:17Deux questions à M. Canguilhem.
11:20Une par rapport aux commissions permanentes dans les départements.
11:24Maintenant, il y a des commissions permanentes avec des représentants de l'exécutif et aussi des représentants qui ne sont pas de l'exécutif,
11:34mais avec dans la commission permanente des responsabilités et des fonctions et des pouvoirs particuliers.
11:43Donc vous considérez, je pense aujourd'hui, qu'il y a deux cas différents
11:50selon que les membres de la commission permanente sont membres de l'opposition ou de la majorité.
11:55Première question.
11:56Deuxièmement, qu'en est-il lorsqu'il y a des représentations,
12:01puisque, en particulier dans les collectivités importantes,
12:05des conseillers départementaux, régionaux ou des conseillers municipaux
12:11peuvent représenter leur collectivité dans un certain nombre d'établissements,
12:16dans un certain nombre de commissions extérieures,
12:19où là ils ne sont pas représentants de la majorité ou de l'opposition,
12:24ils sont représentants de la collectivité.
12:26C'est-à-dire que s'ils ont des poursuites pénales,
12:29ils pourront bénéficier aujourd'hui de l'assistance s'ils sont membres de l'exécutif dans le cadre de ces fonctions
12:36et ils ne pourront pas bénéficier de cette même assistance s'ils sont simplement membres de l'opposition
12:44alors qu'ils représentent la collectivité.
12:46Merci.
12:48Monsieur Canguilhem.
12:50Alors, sur les deux cas que vous soulignez,
12:56sauf erreur de ma part, ne sont pas prévus par le champ des dispositions qui sont contestés
13:02et si vous en êtes d'accord, j'y répondrai de manière étayée par une notant délibérée.
13:06Autre question ?
13:09Non ? Vous êtes éclairé ?
13:12Très bien.
13:14Donc, nous lirons avec intérêt votre note
13:18et nous délibérons.
13:22Nous sommes aujourd'hui le 1er octobre.
13:25Nous rendrons notre décision publique le 11 octobre, dans dix jours.

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