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Affaire n° 2023-1076 QPC
Absence d’obligation légale d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé en cas de défèrement
Date de rendu de la décision : 18 janvier 2024

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Transcription
00:00 Alors nous allons passer maintenant à la deuxième question en laissant ceux qui veulent se retirer se retirer.
00:09 Bien. Donc cette seconde QPC,
00:39 porte le numéro 2023-1076 et elle concerne l'article 706-113 du code de procédure pénale.
00:50 Madame la greffière. Merci monsieur le président.
00:53 Le conseil constitutionnel a été saisi le 18 octobre 2023 par une décision de la cour de
00:59 cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par monsieur
01:03 Moussa Hammoudi relative à la conformité aux droits et libertés que la constitution garantit
01:07 de l'article 706-113 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi numéro
01:13 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Cette question
01:20 relative à l'absence d'obligation légale d'aviser le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé en
01:26 cas de déferment a été enregistrée au secrétariat général du conseil constitutionnel sous le numéro
01:31 2023-1076 QPC. La stp Lyon-Camp et Thiriez dans l'intérêt de monsieur Moussa Hammoudi,
01:38 partie requérante et la première ministre ont produit des observations le 8 novembre 2023.
01:43 Seront entendus aujourd'hui l'avocat de la partie requérante et le représentant de la
01:47 première ministre. Merci madame. Alors nous allons procéder comme vous l'avez indiqué donc
01:52 nous allons d'abord écouter maître Antoine Lyon-Camp qui est avocat au conseil qui représente
01:56 monsieur Moussa Hammoudi, partie requérante. Maître. Monsieur le président, mesdames et
02:09 messieurs les membres du conseil, c'est un sujet que votre conseil connaît bien qui est celui de
02:20 la protection assurée aux majeurs protégés donc sous tutelle ou sous curatelle au cours
02:31 d'une procédure pénale. Pourquoi connaissez-vous bien ce sujet ? Parce que devant la paresse du
02:42 législateur pénal français depuis quelques années, vous l'avez rappelé à l'ordre,
02:49 à cinq reprises, ce qui est très rare, trois fois sévèrement en censurant les dispositions du code
03:02 de procédure pénale, deux fois par interprétation constructive des dispositions auxquelles vous
03:11 avez donné un effet utile pour que la protection des majeurs protégés soit assurée. Initialement,
03:25 je fais juste ce petit rappel historique, c'est à la suite d'une condamnation de la France par la
03:33 Cour européenne des droits de l'homme en 2001 qui ont été introduites dans le code de procédure
03:40 pénale des dispositions qui tiennent compte, je cite, de l'insuffisant discernement ou de
03:52 l'altération des facultés mentales ou corporelles des majeurs pour que dans les procédures pénales,
04:01 le curateur ou le tuteur soit informé de tous les actes importants qui peuvent porter atteinte
04:16 à la liberté de ce majeur protégé. Comme le législateur pénal n'a pas pris le temps de
04:29 réfléchir vraiment à l'ensemble du spectre de la procédure pénale, vous avez dû, comme je l'ai
04:38 indiqué, intervenir à cinq reprises pour obliger le législateur ou interpréter l'oeuvre du
04:49 législateur de telle sorte que cette protection soit assurée. Par exemple, le législateur avait
04:58 omis dans le code de procédure pénale d'indiquer que le curateur ou le tuteur était informé en cas
05:11 de garde à vue. C'est très important évidemment que le curateur ou le tuteur soit informé pour
05:22 qu'il puisse offrir son assistance, c'est ça la raison d'être de la protection, aux majeurs
05:31 protégés. Ou encore, le législateur avait omis de prévoir l'information du tuteur ou du curateur
05:42 par le juge de l'application des peines. Lorsque l'aménagement des peines était envisagé,
05:51 par le juge qui a cette fonction, la loi n'avait pas prévu que le curateur ou le tuteur soit
06:04 informé et puisse apporter son assistance. La dernière intervention, qui est la vôtre,
06:13 concernait les perquisitions effectuées dans le domicile du majeur protégé. Vous avez dû censurer
06:25 la loi qui ne prévoyait pas, c'est un cas typique d'incompétence négative liée en l'occurrence à la
06:35 protection du domicile, c'est ce que vous avez présenté comme argumentation. Le législateur
06:44 avait donc omis de prévoir l'information du tuteur ou du curateur en cas de perquisition
06:51 dans le domicile du majeur protégé. L'article qui est soumis à votre censure, l'article 716,
07:04 je regarde parce que c'est très difficile de donner de manière précise les textes du code
07:12 de procédure pénale dans cette partie-là, la septième partie, l'article 716-113 porte la trace
07:22 de toutes ces censures et de toutes ces lacunes. Aujourd'hui, c'est le déferment qui est soumis
07:33 à votre examen. Pourquoi ? Parce que ce texte, que je ne répète pas, n'a pas prévu l'information
07:42 du curateur ou du tuteur en cas de déferment et la chambre criminelle, dans un arrêt très sage,
07:51 vous transmet la question de savoir si ce texte dans cette abstention, dans ce silence, n'a pas
08:03 porté atteinte aux droits de la défense, à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme
08:11 et du citoyen. C'est très important le déferment qui est un acte très courant puisque c'est un acte
08:21 qui entraîne en général une privation de liberté et c'est un point que vous avez examiné vous-même
08:30 lorsque le déferment a été de nouveau réglementé, puisqu'il est prévu en cas de déferment,
08:40 par exemple au procureur en vue d'une comparution immédiate ou un déferment au juge d'instruction,
08:48 il est prévu dans le Code de procédure pénale que 20 heures de privation de liberté peuvent
08:55 être ordonnées à cause de l'encombrement du cabinet du procureur de la République ou du
09:06 cabinet d'instruction. La loi a organisé les droits de la personne pendant cette période,
09:14 il a le droit de s'alimenter, il a le droit de faire prévenir un proche, il a le droit de
09:20 consulter un avocat, en fait il ne peut pas facilement le faire s'il est majeur protégé,
09:27 pourquoi ? Parce qu'il n'est pas prévu justement que son curateur ou son tuteur est informé et
09:36 seule cette assistance peut assurer l'effectivité des droits de la personne qui sont garantis
09:44 pendant cette période. Donc le législateur a omis d'assurer une protection spécifique au
09:51 bénéfice des majeurs protégés, cette protection spécifique c'est l'information. Le droit d'être
10:03 informé existe en amont, garde à vue, il existe en aval, poursuite, mais il n'existe pas dans
10:13 cette phase clé qui est le déferment. Vous censurez donc la disposition qui est frappée
10:24 d'une incompétence négative qui conduit à une méconnaissance de l'article 16 de la déclaration
10:31 des droits de l'homme et du citoyen. J'insiste sur un point, le déferment et cette période
10:42 de 20 heures sont capitales puisque c'est les périodes pendant laquelle normalement le déféré
10:50 doit préparer ses premières déclarations au procureur ou au juge d'instruction. Il doit donc
11:01 pouvoir éventuellement consulter un avocat et sans l'aide de son curateur ou de son tuteur,
11:10 je l'ai dit, ces droits sont de papier, sont formels. Je crois que madame la première ministre
11:21 partage cette critique à l'endroit de ce texte et vous aurez à vous prononcer, et c'est le point le
11:32 plus important en réalité, le plus discuté entre la première ministre et le demandeur au pourvoi,
11:42 vous aurez à vous prononcer sur les faits ou les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité.
11:50 Dans les précédentes censures, vous avez reporté les effets. En général, vous avez donné un an
12:03 aux législateurs pour intervenir et vous avez donc reporté à la fin de la première année
12:13 l'entrée en vigueur de votre censure et je pense que vous avez raison de donner un délai. Pourquoi ?
12:24 Parce que vous l'avez vous-même souligné, il y aurait un effet pervers à l'entrée en vigueur
12:32 immédiate de la déclaration d'inconstitutionnalité puisque cette abrogation immédiate aurait
12:41 notamment pour effet de supprimer pour la garde à vue ou pour les poursuites l'obligation d'informer
12:51 le tuteur et le curateur si vous abrogiez le texte dans son entier avec effet immédiat. Mais la
13:02 question n'est pas tellement de ce délai, je pense que la sagesse vous conduira à donner ce délai,
13:10 c'est plutôt la question des instances en cours que vous allez devoir de nouveau aborder,
13:20 sujet qui vous préoccupe depuis trois ou quatre ans de manière beaucoup plus précise. Pourquoi ?
13:27 Parce que dans la revue titre 7 a été publiée une très belle étude de l'institut Oryou, des
13:39 professeurs de l'université de Toulouse qui signalait la nécessité dans certains cas pour
13:49 votre haut conseil de laisser le juge à cause se prononcer in concreto sur l'effet de la déclaration
14:05 d'un constitutionnalité dans les instances en cours. Et vous avez tenté de prolonger cette idée
14:15 déjà dans une série de décisions notamment celle qui concerne la purge des nullités en matière
14:24 pénale, la décision 2023-1062 QPC qui est une décision toute récente mais qui n'est pas votre
14:34 premier essai puisque en 2021 vous aviez tenté aussi d'écarter la brogation immédiate mais de
14:45 laisser le juge à cause se prononcer dans les instances en cours sur l'effet de la déclaration
14:55 d'un constitutionnalité. Il pourrait donc être prolongé votre essai tenté depuis 2021 et vous
15:08 devriez laisser, là en l'occurrence au procureur de la république, au juge d'instruction le soin
15:18 d'apprécier si le vice a porté atteinte effectivement au droit du majeur protégé et
15:29 vous lui laisseriez tirer les conséquences au regard de la procédure suivie de la déclaration
15:39 d'un constitutionnalité que vous auriez prononcée. Je souhaiterais donc que vous reteniez l'inconstitution
15:48 du texte que vous reportiez la date d'entrée en vigueur de votre déclaration d'un constitutionnalité
15:55 mais que vous laissiez au juge à cause le soin d'apprécier dans les instances en cours simplement
16:03 les effets que votre déclaration d'un constitutionnalité pourrait avoir. Merci maître.
16:10 Pour le premier ministre, le monsieur Van Guylen.
16:16 Merci monsieur le président. Mesdames et messieurs les membres du conseil constitutionnel,
16:22 le titre 27 du livre 4 du code de procédure pénale a été créé par la loi du 5 mars 2007,
16:28 cela a été dit pour faire suite à une condamnation par la cour européenne des droits de l'homme et
16:32 accordent des garanties spécifiques au cours de la procédure pénale au majeur protégé. Au sein de
16:37 ce titre, l'article 706-113 prévoit que lorsque le majeur protégé fait l'objet de poursuites,
16:42 le procureur de la république ou le juge d'instruction en avise le curateur ou le tuteur
16:46 ainsi que le juge des tutelles. Il s'agit ainsi par ses dispositions de permettre au tuteur ou au
16:51 curateur d'assister effectivement le majeur protégé lorsqu'il est entendu au cours de l'instruction ou
16:56 lors de l'audience. Pour le respect des exigences de l'article 16 de la déclaration de 1789, votre
17:03 jurisprudence impose que le tuteur ou le curateur soit en mesure d'assister effectivement le majeur
17:10 protégé et ainsi pour se conformer à vos décisions de censure numéro 730 et 873 QPC, le législateur a
17:17 prévu l'information du tuteur ou du curateur lorsque le majeur protégé fait l'objet d'une
17:21 mesure de garde à vue, lorsqu'il est entendu librement et lorsqu'il fait l'objet d'une
17:26 perquisition. Il est reproché aux dispositions de l'article 706-113 du code de procédure pénale
17:33 qui sont seuls l'objet de la présente QPC de ne pas prévoir que le procureur de la république
17:38 ou le juge d'instruction est tenu d'aviser le tuteur ou le curateur lorsqu'un majeur protégé
17:42 fait l'objet d'un déferment à l'issue de la garde à vue. Il sera rappelé qu'il résulte de
17:49 l'article 803-2 du code de procédure pénale que la personne ayant fait l'objet d'un déferment à
17:54 l'issue de sa garde à vue doit comparaître le jour même par dérogation à ce principe et en cas
17:58 de nécessité, l'article 803-3 du code de procédure pénale cité par la question mais qui n'en est pas
18:04 l'objet prévoit que la personne peut ne comparaitre que le jour suivant et dans un délai maximal de
18:11 20 heures et pour être à cette fin être retenu dans les locaux spécialement aménagés de la
18:14 juridiction. Le grief invoqué cela a été dit se rapporte à une incompétence négative reproché
18:20 aux législateurs et ne vise donc que le premier alinéa de l'article 706-113 du code de procédure
18:25 pénale en ce qui ne prévoit pas cette information. Comme cela a été indiqué dans les observations
18:31 écrites le gouvernement s'en remet à la sagesse du conseil constitutionnel pour l'appréciation de
18:35 la conformité à la constitution des dispositions contestées. Toutefois si vous deviez déclarer
18:40 ces dispositions contraires à la constitution il serait alors nécessaire d'en reporter les effets
18:46 dans le temps. Une abrogation immédiate de ces dispositions entraînerait des conséquences
18:50 manifestement excessives car elle supprimerait cette obligation d'information par le procureur
18:55 au tuteur ou au curateur et vous aviez d'ailleurs jugé ces conséquences comme manifestement
19:01 excessives au point 12 de vos décisions 730 et 873 du PC. Il y aurait ici de la même manière
19:09 lieu de reporter l'abrogation de ces dispositions et d'accorder aux législateurs un délai suffisant
19:14 lui permettant de remédier à l'inconstitutionnalité constatée et pour le principal nous nous en
19:20 remettons à votre sagesse. Merci monsieur le congrès alors y a t-il des questions ? Non
19:26 ça vous paraît assez clair très bien donc nous allons regarder tout cela et là aussi rendre
19:34 notre décision publique le 18 janvier dans neuf jours l'audience est levée et je vous renouvelle
19:41 tout au vu.
19:42 Merci.
19:44 Merci.
19:44 [SILENCE]