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Code de l'environnement dans sa version en vigueur depuis le 25 août 2021
Article L. 216-13
Date de rendu de la décision : jeudi 14 novembre 2024

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01:01Bonjour à tous, l'audience est ouverte.
01:04Nous avons aujourd'hui, à notre ordre du jour,
01:06une question prioritaire de constitutionnalité
01:10sous le numéro 2024-1111
01:14qui porte sur l'article L216-13 du Code de l'environnement.
01:19Madame Lagréfière, expliquez-nous les stades de la procédure d'instruction.
01:25Merci, M. le Président.
01:27Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 septembre 2024
01:30par un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation
01:33d'une question prioritaire de constitutionnalité
01:35posée par le Syndicat d'aménagement de la Vallée de l'Indre
01:38portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit
01:41de l'article L216-13 du Code de l'environnement
01:45dans sa rédaction résultant de la loi numéro 2021-1104 du 22 août 2021
01:51portant lutte contre le dérèglement climatique
01:54et le renforcement de la résilience face à ses effets.
01:57Cette question relative à l'information de la personne entendue
02:00par le juge des libertés et de la détention
02:02dans le cadre du référé pénal environnemental
02:04du droit qu'elle a de se taire a été enregistrée
02:07au Secrétariat général du Conseil constitutionnel
02:10sous le numéro 2024-1111 QPC.
02:13La SCP Vaquer Farge Hazan a produit des observations
02:16dans l'intérêt de la partie requérante
02:18les 25 et 30 septembre et 8 octobre 2024.
02:22Le Premier ministre a produit des observations
02:24les 25 septembre et 9 octobre 2024.
02:26France Nature Environnement a demandé à intervenir
02:29et a produit des observations à cette fin
02:31les 25 septembre et 9 octobre 2024.
02:34Seront entendues aujourd'hui l'avocat de la partie requérante,
02:36l'avocat de la partie intervenante
02:38et le représentant du Premier ministre.
02:40Merci madame.
02:41Alors, nous allons commencer avec Maître Philippe Narcy
02:46qui est avocat bord de Paris
02:48qui représente le syndicat d'aménagement
02:50de la vallée de l'Indre,
02:52sa vie partie requérante. Maître.
02:59Monsieur le Président,
03:00mesdames et messieurs les membres du Conseil,
03:02vous êtes donc saisi des dispositions
03:04de l'article L216.13 du Code de l'environnement
03:07qui sont relatives à la procédure
03:09dite de référé pénal environnemental
03:11et qui donne au juge pénal le pouvoir de prononcer
03:13dans le cadre d'une procédure pénale
03:15des mesures conservatoires.
03:17Selon ce texte donc, lorsque la méconnaissance
03:19de certaines prescriptions en matière environnementale
03:21donne lieu à l'ouverture d'une procédure pénale,
03:23le procureur peut saisir le JLD
03:25ou le juge d'instruction,
03:27selon qu'on se trouve au stade de l'enquête
03:29ou de l'instruction, d'une demande
03:31afin qu'il prononce à titre conservatoire
03:33toute mesure utile pour faire cesser
03:35la pollution en cause, ou du moins l'atténuer,
03:37en allant jusqu'à la suspension
03:39ou à l'interdiction des opérations en cause.
03:41La loi, le troisième alinéa de ce texte,
03:45prévoit que la décision est prise
03:47par l'audition de la personne concernée
03:49sans toutefois que la notification
03:51de son droit de se taire ne soit prévue.
03:53Et c'est cette omission du législateur
03:55qui a conduit la Cour de cassation
03:57à vous interroger sur la constitutionnalité
03:59de ce texte.
04:01Vous jugez depuis 2016
04:03qu'il résulte de l'article 9
04:05de la déclaration de 1789
04:07le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser
04:09dont découle le droit de se taire.
04:11Et vous avez établi le champ d'application
04:13de ce droit de se taire
04:15qui s'impose sur trois critères.
04:17Le premier, vous tenez d'abord compte
04:19de l'office du juge
04:21qui peut porter, précisément,
04:23une appréciation
04:25sur les faits retenus à titre de charge.
04:27Deuxièmement, vous appréciez
04:29les modalités de l'audition et son objet.
04:31Notamment, est-ce que la personne
04:33sera interrogée sur les faits
04:35et sera susceptible
04:37de faire des déclarations autant incriminantes.
04:39Enfin, troisièmement,
04:41vous tenez compte de ce que ces déclarations
04:43sont susceptibles d'être portées, in fine,
04:45à connaissance d'une juridiction de jugement.
04:49Le premier ministre ne conteste
04:51que la première de ces conditions,
04:53à savoir l'office du juge et le cadre répressif
04:55de cette procédure. Et c'est donc sur cette
04:57première condition que j'insisterai
04:59plus particulièrement.
05:01L'objectif poursuivi par le législateur
05:03a été de créer une procédure urgente,
05:05accessoire à une procédure pénale
05:07dans les hypothèses où l'infraction
05:09cause une pollution.
05:11Le recours à ce référé pénal
05:13permet donc de faire cesser la pollution,
05:15ou en tout cas de l'atténuer, sans attendre,
05:17parfois longtemps, une déclaration de culpabilité
05:19et une condamnation assortie de mesures
05:21de remise en état.
05:23Et c'est donc une procédure qui est nécessairement
05:25accessoire à la procédure pénale principale
05:27et qui suppose l'ouverture
05:29au préalable d'une enquête ou d'une instruction.
05:31Et j'insiste sur ce point
05:33parce que le premier ministre le conteste.
05:35Il faut qu'une procédure pénale
05:37soit en cours.
05:39La Cour de cassation a rendu aujourd'hui
05:41un seul arrêt sur le fondement de l'article L216-13
05:43et elle a pris le soin
05:45de préciser dans cet arrêt
05:47que ce texte donne compétence au JLD
05:49pour en donner toute mesure utile
05:51dans le cadre d'une enquête pénale
05:53diligentée pour non-respect des prescriptions
05:55indictées au titre des dispositions du Code de l'environnement.
05:57Il y a donc toujours
05:59une enquête ou une instruction en cours
06:01qui porte sur le non-respect
06:03de certaines prescriptions.
06:05Et le JLD, précisément,
06:07doit se prononcer, dans le cadre de ce référé pénal,
06:09sur la caractérisation
06:11de ces faits pour prononcer
06:13ensuite des mesures conservatoires.
06:15Son rôle est précisément de caractériser
06:17une infraction à la loi pénale
06:19à l'origine d'une pollution
06:21pour ensuite prescrire
06:23les mesures utiles pour la faire cesser
06:25ou l'atténuer.
06:27En d'autres termes, le juge du référé pénal
06:29porte une appréciation sur les faits
06:31qui sont retenus à titre de charge
06:33dans le cadre de la procédure pénale
06:35et qui font précisément l'objet de l'enquête.
06:37Alors certes,
06:39il n'a pas à caractériser une faute de nature
06:41à engager la responsabilité pénale
06:43de la personne concernée,
06:45mais il doit, en tout état de cause,
06:47apprécier si l'élément matériel de l'infraction,
06:49c'est-à-dire si le non-respect
06:51des prescriptions, est ou non caractérisé.
06:55Il s'agit donc
06:57d'une procédure toujours accessoire
06:59à une procédure pénale,
07:01qui relève des mêmes juges
07:03de la procédure pénale, à savoir
07:05le procureur à l'origine de la saisine
07:07et ensuite le JLD ou le juge d'instruction
07:09qui y statue.
07:11Et ces mêmes juges sont amenés
07:13à dire si l'infraction qui fait l'objet des poursuites
07:15est ou non caractérisée.
07:17Le référé pénal
07:19environnemental, qui est
07:21objet de votre analyse aujourd'hui,
07:23s'insère bien dans un cadre répressif
07:25qui conduit le JLD à apprécier
07:27le bien fondé des charges.
07:29Les deux autres conditions
07:31que vous exigez sont également remplies.
07:33La personne concernée est nécessairement entendue
07:35et elle est entendue
07:37en ce qui concerne son rôle dans la pollution
07:39et les possibilités qu'elle a de la faire cesser.
07:41Donc ses déclarations dans ce cadre
07:43sont susceptibles d'être autant incriminantes
07:45puisqu'elle va se prononcer
07:47et potentiellement révéler sa responsabilité
07:49dans la pollution qui fait l'objet de l'enquête.
07:51Et enfin, le PV de cette audition
07:53sera versé au dossier de la procédure,
07:55ce qui fait que les déclarations ainsi faites
07:57dans le cadre du référé
07:59ont l'objectif de porter à la connaissance
08:01dans un second temps de la juridiction,
08:03de jugement.
08:05Les trois conditions imposées
08:07par votre jurisprudence sont réunies
08:09de sorte que le droit de se taire doit être notifié
08:11à la personne concernée par le référé pénal
08:13environnemental.
08:15L'article L216.13 du code de l'environnement
08:17qui ne prévoit pas cette notification
08:19méconnaît en cela
08:21l'article 9 de la déclaration 1789
08:23et vous en déclarerez donc
08:25l'inconstitutionnalité.
08:27Je traiterai maintenant
08:29très brièvement les effets
08:31de cette déclaration d'inconstitutionnalité,
08:33ses effets dans le temps,
08:35puisqu'encore une fois,
08:37et je me référerai ici à mes écritures,
08:39il n'y a aucun intérêt public qui justifie
08:41une abrogation différée.
08:43C'est un texte qui existe depuis
08:451992, qui est très peu mis en oeuvre.
08:47A ce jour,
08:49la Chambre criminelle de la Cour de question s'est prononcée
08:51une fois sur son fondement et
08:53d'autres procédures existent, notamment la saisine
08:55du juge civil des référés et du juge administratif
08:57des référés. Donc une abrogation
08:59immédiate ne porterait pas
09:01attente à l'objectif constitutionnel
09:03de protection de l'environnement, puisque
09:05d'autres mesures existent.
09:07Et en tout état de cause,
09:09vous pourriez assortir votre décision, si vous décidiez
09:11d'une abrogation différée,
09:13vous pourriez assortir votre décision d'une réserve transitoire
09:15en prévoyant que votre décision
09:17pourrait être invoquée dans les instances en cours.
09:19C'est ce que vous avez fait dans vos décisions
09:21des 4 octobre et 18 octobre derniers,
09:23relative au droit de se taire.
09:25Et vous pourrez le faire également dans cette affaire,
09:27en donnant ainsi un effet utile à votre décision.
09:29Je vous remercie.
09:31Merci, Maître.
09:33Maintenant, nous allons écouter
09:35Maître Alexandre Faraud,
09:37qui est avocat barreau de Paris,
09:39qui représente France Nature Environnement,
09:41parti intervenant. Maître.
09:47Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs
09:49les conseillers, quelques brèves
09:51observations dans l'intérêt de France Nature Environnement,
09:53une association de protection de l'environnement,
09:55ou plutôt une fédération d'associations
09:57de protection de l'environnement,
09:59que votre conseil connaît, puisqu'il a déjà
10:01fait de nombreuses procédures ici.
10:03Quel est l'objet, en fait,
10:05de l'intervention de France Nature Environnement ?
10:07Évidemment pas de servir de perroquet,
10:09de venir répéter, en fait, ce que vient de dire
10:11mon confrère au sujet
10:13de cette carence du texte
10:15en ce qu'elle ne prévoit pas,
10:17que la partie mise en cause
10:19doit se voir notifiée, ses droits de se taire.
10:21Cela va de soi, mais ça n'a pas
10:23d'intérêt que je vienne ici répéter cela.
10:25L'intérêt de
10:27l'intervention de France Nature Environnement
10:29est plutôt de profiter de la
10:31révision que vous allez exercer sur ce texte
10:33pour en
10:35rectifier, disons,
10:37les caractéristiques qui ne nous
10:39paraissent pas conformes à la Constitution.
10:41Et force est de constater
10:43qu'elles sont nombreuses.
10:45Ce que prévoit, en fait, ce texte,
10:47j'y reviens très rapidement,
10:49c'est la possibilité, effectivement, de prendre des mesures
10:51conservatoires. C'est un pouvoir
10:53énorme, d'ailleurs, qui est donné au juge, puisqu'en réalité
10:55ce pouvoir-là, la plupart du temps,
10:57en matière de pollution, environnement,
10:59installation classée, est un pouvoir
11:01qui relève de la compétence exclusive
11:03du préfet. Lui seul peut
11:05autoriser, lui seul peut, si j'ose dire,
11:07interdire ou
11:09suspendre, en tout cas.
11:11Là, en l'occurrence, ce texte
11:13permet au juge
11:15des libertés de la détention
11:17de s'approprier une partie de ces
11:19pouvoirs qui relèvent normalement
11:21du préfet pour, y compris,
11:23suspendre ou
11:25interdire.
11:27Avant d'ir droit, si j'ose dire,
11:29puisqu'on est bien d'accord, c'est une mesure
11:31conservatoire et donc elle intervient avant
11:33toute reconnaissance de culpabilité.
11:35Ce que l'association
11:37France Nature Environnement
11:39relève dans ce texte,
11:41c'est qu'il prévoit, en fait,
11:43un mécanisme
11:45qui s'applique dans l'hypothèse
11:47où les poursuites
11:49sont engagées devant le tribunal correctionnel,
11:51on est en enquête préliminaire, donc là c'est la saisine
11:53du juge des libertés de la détention,
11:55ou dans l'hypothèse où une instruction est
11:57en cours et auquel cas ces pouvoirs-là
11:59sont dévolus au juge d'instruction.
12:03La linéa 2 de ce texte
12:05dit clairement que les
12:07pouvoirs de ces deux autorités
12:09sont les mêmes, on regarde les finalités
12:11de ce texte, mais la réalité,
12:13quand vous le lisez, est toute contraire.
12:15C'est-à-dire qu'en réalité, il y a des disparités
12:17à plein de niveaux
12:19dans ce texte
12:21puisque les parties ne sont pas
12:23traitées sur un pied d'égalité
12:25par rapport notamment aux
12:27voies de recours, ce qui
12:29appelle donc l'intervention
12:31de France Nature Environnement et qui relève
12:33la violation des articles 6 et 16
12:35de la déclaration des droits de l'homme
12:37et du citoyen
12:39de 1789 en ce qu'il y a une rupture
12:41au principe du
12:43procès équitable, l'égalité entre
12:45les parties et le droit au recours effectif.
12:47Et j'en viens très rapidement maintenant
12:49au grief
12:51s'agissant
12:53de la personne mise en cause
12:55donc qui n'est pas encore reconnue
12:57coupable, c'est-à-dire que c'est à elle
12:59qu'on va demander
13:01de suspendre l'origine de la pollution
13:03par exemple.
13:05Le texte prévoit
13:07qu'il a la possibilité, donc le mis
13:09en cause, d'obtenir la
13:11suspension de l'ordonnance
13:13du juge
13:15d'instruction
13:17qui lui impose des mesures conservatoires
13:19et la possibilité d'obtenir
13:21la suspension dans les 24 heures en saisissant
13:23le président de la chambre d'actes.
13:25En revanche,
13:27le texte ne prévoit pas
13:29qu'il a la possibilité de faire appel
13:31de cette ordonnance. Vous voyez, c'est quand même particulier.
13:33C'est-à-dire que la personne mise en cause
13:35peut demander la suspension
13:37dans un délai très court.
13:39En revanche,
13:41il ne peut pas
13:43soulever
13:45ou en tout cas,
13:47corréler la décision du juge d'instruction.
13:49Ce n'est pas prévu par le texte et ce n'est pas prévu
13:51par le code de procédure pénale.
13:53Donc il n'y a aucune disposition. Que fait le mis en cause
13:55dans ce cas-là ? Il peut demander
13:57la suspension et rien d'autre.
13:59Le texte
14:01prévoit également,
14:03je ne sais plus dans quel alinéa, enfin peu importe,
14:05que seul le procureur de la République
14:07et la partie civile peuvent faire appel
14:09à l'ordonnance du juge d'instruction,
14:11pas la partie mise en cause.
14:13Donc là, il y a manifestement
14:15une rupture d'égalité
14:17devant la justice.
14:19S'agissant maintenant de la victime,
14:23cette fois-ci,
14:25on est procédure devant le juge
14:27de la liberté et de la détention.
14:29Le cinquième alinéa de l'article qui nous intéresse
14:31permet
14:33au procureur de la République et
14:35aux mis en cause de faire appel
14:37de l'ordonnance du juge de la liberté
14:39et de la détention.
14:41En revanche,
14:43ce texte ne prévoit pas
14:45la possibilité pour les victimes,
14:47les parties civiles,
14:49les associations de protection
14:51d'environnement, par exemple,
14:53de faire appel d'une ordonnance de refus
14:55de prendre des mesures conservatoires. Rien n'est prévu.
14:57Donc là aussi, rupture d'égalité
14:59devant la justice.
15:07Les disparités sont nombreuses,
15:09je ne vais pas toutes les énumérer,
15:11elles sont dans mes écritures,
15:13donc je vous renvoie à mes écritures pour le surplus.
15:15Mais
15:19il y en a une autre
15:21qui a été relevée,
15:23c'est la première de celles qui sont relevées
15:25par France Nature Environnement dans son mémoire,
15:27c'est la rupture d'égalité.
15:29Elle concerne le fait aussi que toutes les parties
15:31ne sont pas traitées de la même manière.
15:33C'est-à-dire que le texte prévoit
15:35que
15:37les parties peuvent
15:39faire des observations devant
15:41le juge de la liberté et de la détention
15:43à condition d'avoir été convoquées.
15:45Seules ne seront convoquées devant ce juge
15:47que les parties
15:49qui en auront fait la demande.
15:51Et il faut se replacer dans le contexte.
15:53En faire la demande, ça signifie quoi ?
15:55Ça signifie qu'il faut le faire
15:57de manière préventive.
15:59C'est-à-dire qu'il faut avoir à l'esprit
16:01et ça ne concerne pas simplement les parties civiles,
16:03ça concerne l'administration,
16:05toutes les parties qui ont un intérêt à agir dans la procédure.
16:07Au moment du dépôt de la plainte,
16:09il faut envisager la possibilité qu'un jour
16:11un de ces juges,
16:13le juge de la liberté ou le juge d'instruction,
16:15soit appelé à prendre des mesures conservatoires
16:17et à ce moment-là faire valoir,
16:19puisque c'est le seul moment où on peut faire valoir
16:21le droit à être convoqué,
16:23on peut faire valoir par précaution
16:25le fait d'être convoqué.
16:27Là aussi, ça crée une rupture d'égalité
16:29puisque que se passe-t-il de ceux
16:31qui peuvent être amenés à intervenir ultérieurement ?
16:33Les victimes ne sont pas traitées sur le même plan d'égalité.
16:35Les victimes qui n'auraient pas fait la demande
16:37se trouveraient de facto
16:39exclues de cette procédure.
16:41Elles ne seraient pas convoquées,
16:43elles ne pourraient pas faire valoir leurs droits.
16:45Voilà.
16:47Dernier élément,
16:49mais il y en a d'autres.
16:51Le texte, franchement, qui mérite d'être revu
16:53au regard de la constitutionnalité.
16:55Il est prévu, par exemple,
16:57que le juge de la liberté et de la détention
16:59puisse mettre fin aux mesures conservatoires,
17:01parce que ces mesures conservatoires,
17:03et c'est prévu par le texte,
17:05ont une durée de vie limitée.
17:07C'est un an maximum.
17:09Le juge de la liberté et de la détention,
17:11et c'est prévu dans le texte,
17:13peut y mettre fin, par une nouvelle ordonnance,
17:15dans ce délai d'un an, à tout moment.
17:17Le juge d'instruction, ce n'est pas prévu.
17:19Voilà.
17:21Je ne vais pas tous les énumérer,
17:23il y en a d'autres dans mes écritures,
17:25mais voilà un texte qui est mal conçu,
17:27raison pour laquelle je vous demande,
17:29ou je profite de l'occasion,
17:31de le censurer.
17:33Merci, maître.
17:35Nous allons maintenant écouter,
17:37pour le Premier ministre,
17:39M. Canguilhem.
17:43Merci, M. le Président.
17:45Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
17:47la question de la notification du droit de se taire
17:49se présente aujourd'hui devant vous
17:51sous un angle différent
17:53de celui qui a prévalu
17:55dans vos récentes décisions de censure
17:57qui étaient relatives à des procédures disciplinaires.
17:59Il s'agit ici,
18:01pour ce qui nous intéresse ce matin,
18:03de la procédure, comme il nous en a appelé,
18:05de référé pénal environnemental
18:07qui trouve son origine dans l'article 30
18:09de la loi du 3 janvier 1992,
18:11et aujourd'hui codifiée à l'article L216-13
18:13du Code de l'environnement,
18:15dans une version issue de la loi climat et résilience
18:17du 22 août 2021.
18:19Cette procédure a pour objet
18:21de mettre très rapidement un terme
18:23à une pollution constatée ou à en limiter
18:25l'ampleur afin de prévenir
18:27et ou de réparer les atteintes
18:29à l'environnement dans des délais
18:31très courts. Elle se déroule,
18:33cela a déjà été dit par
18:35les autres parties à la procédure,
18:37devant le juge des libertés et de la détention,
18:39qui peut être saisi par le procureur de la République
18:41ou par l'autorité administrative, par la victime
18:43de l'association agréée de protection
18:45de l'environnement, en cas d'ouverture
18:47d'une information. Cette procédure, dans les mêmes conditions,
18:49se déroule devant le juge
18:51d'instruction.
18:53Cette procédure, qu'elle est-elle ? Après une audience
18:55contradictoire, au cours de laquelle la personne
18:57intéressée est entendue librement,
18:59le juge des libertés et de la détention peut ordonner
19:01et seulement pour une durée maximale
19:03d'un an, toute mesure conservatoire
19:05permettant de mettre un terme
19:07à une atteinte à l'environnement.
19:09Alors, toutes les atteintes à l'environnement
19:11ne peuvent pas
19:13faire l'objet de ce référé pénal environnemental.
19:15Les cas sont limitativement
19:17énumérés au premier alnéa de cet article
19:19L216-13.
19:21De quoi s'agit-il en résumé ?
19:23Ses manquements, il peut s'agir
19:25de la méconnaissance des prescriptions fixées
19:27dans l'autorisation environnementale
19:29prévue à l'article L181-12
19:31du Code de l'Environnement.
19:33Il peut aussi s'agir, pour l'essentiel, de méconnaissance
19:35des règles relatives à la préservation de la qualité
19:37de l'eau, ainsi que de celles visant à assurer
19:39une gestion équilibrée et durable
19:41de la ressource en eau. On voit là bien
19:43l'origine de ce référé pénal environnemental
19:45en 1992
19:47dans la loi sur eau.
19:49Il est reproché
19:51à ses dispositions une incompétence
19:53négative. Il est reproché au législateur
19:55de ne pas avoir prévu
19:57au troisième alnéa de l'article L216-13
19:59le troisième alnéa,
20:01seul objet de la présente QPC,
20:03de ne pas avoir prévu
20:05que la convocation à comparaitre
20:07une personne intéressée
20:09notifie à cette personne le droit
20:11qu'elle a de conserver le silence.
20:13Alors les exigences du principe
20:15selon lequel nul n'est tenu de s'accuser
20:17et ses évolutions récentes sont connues,
20:19mais il convient seulement de rappeler
20:21que le cadre
20:23que vous avez tracé, y compris
20:25dans ces très récentes
20:27et dernières évolutions, est circonscrit
20:29aux procédures qui peuvent
20:31aboutir aux prononcées d'une sanction
20:33ayant le caractère d'une punition.
20:35Or tel n'est pas le cas
20:37de la procédure prévue à l'article
20:39L216-13 du
20:41Code de l'Environnement. En dépit, certes,
20:43de son insertion dans une sous-section 3
20:45intitulée « Sanction pénale »,
20:47il ne s'agit en aucun cas
20:49d'une procédure répressive.
20:51L'office du
20:53juge de liberté de la détention n'est pas
20:55de porter une appréciation sur le bien fondé d'une accusation
20:57en matière pénale.
20:59Les mesures uniquement conservatoires
21:01qu'il peut être amené
21:03à ordonner ne visent pas
21:05à sanctionner, mais uniquement
21:07à préserver l'environnement en limitant
21:09ou en faisant cesser les atteintes
21:11qui y sont portées.
21:13Trois éléments viennent corroborer
21:15l'absence de caractère punitif
21:17de ces dispositifs.
21:19En premier lieu, dans ces
21:21dispositions, le législateur n'a à aucun
21:23moment fait référence
21:25à des poursuites ou à quelconque
21:27statut pénal de la personne qui fait l'objet des
21:29mesures concernées. Il n'est fait référence
21:31au premier alinéa qu'aux personnes
21:33concernées, et
21:35le troisième alinéa, encore une fois
21:37l'objet de l'AQPC,
21:39fait référence à la personne intéressée.
21:41En deuxième lieu,
21:43le champ de cette procédure de référé n'est pas
21:45limité, contrairement à ce qui est soutenu
21:47à des comportements qui seraient tous
21:49constitutifs d'une infraction
21:51pénale, si par exemple du non-respect
21:53déjà évoqué, des
21:55prescriptions imposées dans le
21:57cadre de l'autorisation environnementale.
22:01Enfin, la Cour de Cassation, qui
22:03effectivement a eu plus que rarement l'occasion
22:05de se prononcer sur ce référé
22:07pénal environnemental, a
22:09toutefois saisi l'occasion
22:11qui lui était offerte
22:13pour préciser que la procédure
22:15instituée par l'article L216-13
22:17du Code de l'Environnement
22:19peut s'exercer même en l'absence
22:21d'une faute de nature engagée à la
22:23responsabilité pénale de la personne
22:25concernée. La Chambre criminelle avait alors
22:27relevé, dans cet arrêt de janvier 2020,
22:29que les mesures dont le seul but
22:31n'est pas de punir mais de préserver
22:33l'environnement
22:35avaient pour objet
22:37et visaient
22:39la personne chargée d'empêcher la poursuite
22:41de cette pollution et n'avaient pas pour objet
22:43de déterminer une
22:45culpabilité. La procédure
22:47prévue par les dispositions contestées
22:49ne poursuivant aucun but répressif,
22:51elle n'entre pas dans le champ d'application
22:53de l'exigence de notification
22:55du droit de conserver le silence.
22:57Il est toutefois soutenu
22:59et c'était le cœur de l'argumentation
23:01au cours de
23:03la procédure écrite
23:05qui était soulevée par le syndicat
23:07que le droit de se taire doit être
23:09notifié, nous citons, dès lors que les
23:11déclarations de l'intéressé sont susceptibles
23:13d'être portées à la connaissance de la juridiction de jugement.
23:15Je vous ai donc
23:17demandé de vous fonder, pour exiger
23:19du législateur qu'il prévoit expressément
23:21la notification du droit de se taire,
23:23de vous fonder sur la seule
23:25circonstance selon laquelle
23:27des déclarations peuvent être portées
23:29à la connaissance de la juridiction de jugement.
23:31Or, cela n'est pas
23:33du tout ni l'équilibre ni le sens
23:35de votre jurisprudence.
23:37Cela a été rappelé par le requérant,
23:39les commentaires de vos décisions
23:41rendues en la matière,
23:43y compris les plus récents,
23:45insistent sur le fait que vous vous fondez
23:47sur trois éléments et non pas un seul.
23:49Parmi ces trois éléments,
23:51bien sûr, le fait que
23:53les éléments recueillis peuvent être portés
23:55à la connaissance de la juridiction de jugement.
23:57Mais il est
23:59systématiquement rappelé que vous vous fondez
24:01également sur les conditions
24:03dans lesquelles la personne mise en cause
24:05est entendue, ainsi que sur l'office
24:07du juge qui peut le conduire à porter
24:09une appréciation sur l'effet retenu
24:11à titre de charge.
24:13Mais en l'espèce, ces deux conditions font défaut.
24:15Il n'y a ni charge
24:17ni personne mise en cause
24:19dans le cadre de la procédure
24:21de référé.
24:23Le pas qu'il vous est demandé
24:25de franchir en ne retenant
24:27qu'une seule des trois conditions
24:29habituellement imposées par votre jurisprudence
24:31pour imposer cette notification
24:33du droit de se taire est en réalité
24:35assez considérable.
24:37Cela reviendrait à exiger
24:39que dès lors que ce qui a pu être dit
24:41au cours d'une procédure non répressive
24:43pourrait être utilisé par la suite
24:45dans le cadre d'une autre procédure
24:47qui, elle, pourrait aboutir
24:49au prononcé d'une sanction,
24:51alors il conviendrait de notifier
24:53le droit de se taire
24:55au cours de cette procédure non répressive.
24:57Si l'on pousse la logique
24:59jusqu'à son terme et que l'on quitte
25:01le seul cas du référé pénal
25:03environnemental,
25:05cela signifierait que le droit de se taire
25:07devrait être notifié partout,
25:09tout le temps, dans toute la procédure,
25:11dans le cas où, peut-être, un jour,
25:13une juridiction
25:15ou une instance disciplinaire
25:17serait à connaître de ces éléments.
25:19Ce n'est évidemment pas
25:21le cadre qu'a posé
25:23votre jurisprudence
25:25et qui impose la notification du droit de se taire
25:27que dans les procédures qui peuvent
25:29donner lieu à une sanction et en caractère
25:31d'une punition et qui circonscrivent
25:33cette exigence à ce cadre précis.
25:35Vous pourrez donc écarter le grief
25:37tiré de la méconnaissance
25:39de l'article 9 de la déclaration
25:41de 1789 comme inopérant.
25:43Vous pourrez également rejeter
25:45très rapidement les griefs
25:47soulevés par la partie intervenante
25:49qui ne peut, comme elle le souhaite,
25:51profiter de cette question prioritaire
25:53de constitutionnalité pour rectifier
25:55l'intégralité de l'article L216-13
25:57du code de l'environnement.
25:59En effet,
26:01les griefs qui viennent d'être
26:03développés sont relatifs
26:05en substance aux possibilités
26:07de contestation des décisions qui sont prises
26:09dans ce cadre et aux droits au recours
26:11effectifs. Ces griefs se rattachent donc
26:13aux cinquièmes et sixièmes alinéas
26:15de l'article L216-13 du code
26:17de l'environnement. La QPC,
26:19telle que vous a été transmise par la Chambre criminelle,
26:21ne porte que sur le troisième alinéa
26:23de cet article. Les interventions ne pouvant,
26:25par leur conclusion, modifier
26:27l'objet de la question soumise,
26:29vous pourrez égarter ces griefs
26:31comme irrecevables. Aucune exigence constitutionnelle
26:33n'a été méconnue. Je vous invite à déclarer
26:35les dispositions du troisième alinéa de l'article L216-13
26:37du code de l'environnement, conformes
26:39à la constitution.
26:41Merci, M. Ganguilhem. Alors, nous avons
26:43entendu des thèses diverses
26:45et contradictoires. Est-ce que
26:47un membre du Conseil a une question
26:49à poser ?
26:51Oui ? Madame la conseillère Malbec.
26:53Merci, M. le président. C'est uniquement
26:55à titre informatif et pour M.
26:57Ganguilhem. Est-ce qu'on a une idée du nombre
26:59de référés qui sont
27:01tous les ans prononcés ?
27:03Alors, encore plus difficile avec
27:05la répartition
27:07entre JLD et juges d'instruction.
27:09Alors, tous les ans, non, parce que
27:11ce serait inférieur à zéro.
27:13Effectivement,
27:15ça a été dit, la procédure existe depuis longtemps.
27:17Je crois que la Cour de cassation
27:19effectivement, une fois, et pour l'intégralité
27:21des informations qui ont pu être
27:23recueillies au niveau de la DACG,
27:25je crois que ça n'excède pas les doigts d'une main.
27:27D'accord.
27:29Donc, sur une moyenne annuelle faible.
27:31Très bien. D'autres questions ?
27:33Oui, M. le conseiller Seners.
27:35Merci, M. le président. Une question complémentaire
27:37à celle de Mme Malbec.
27:39Sur ce très faible nombre
27:41de cas, est-il possible
27:43d'avoir une idée du nombre
27:45de cas dans lesquels il y a
27:47à la fois
27:49une personne concernée,
27:51comme le texte prévoit,
27:53et une personne mise en cause.
27:55Autrement dit, dans quelle proportion
27:57des rares affaires
27:59qui donnent lieu à la mise en cause, à la mise en oeuvre
28:01de cette procédure, constate-t-on
28:03que la personne concernée,
28:05qui fait l'objet de cette audition,
28:07est par ailleurs
28:09mise en cause au titre
28:11d'une procédure pénale ?
28:13M. Canguilhem ?
28:17Alors, j'essaierai...
28:19Je ne vous promets pas de m'autant délibérer
28:21parce que je pense qu'en réalité,
28:23il n'est pas possible
28:25d'en dire plus que ce que je peux vous dire
28:27d'ores et déjà.
28:29À ma connaissance, je verrai si je peux
28:31m'auto-démentir, mais je ne pense pas.
28:33Dans les rares cas qui existent,
28:35cette distinction qui,
28:37théoriquement, peut exister, ne s'est pas révélée.
28:39Par contre, ce que l'on peut voir
28:41dans l'arrêt de janvier 2020,
28:43ce qui est intéressant
28:45de voir,
28:47c'est que, finalement,
28:49on voit bien là que l'objet
28:51du référé
28:53est uniquement la question
28:55de la mesure, en disant
28:57il faut faire...
28:59Il s'agissait du déversement d'eau
29:01dans un cours d'eau d'une station d'épuration
29:03et à aucun moment,
29:05la Cour de cassation,
29:07ni avant le JLD,
29:09ne s'est vraiment intéressée
29:11à la question de savoir qui de l'exploitant
29:13ou du propriétaire
29:15devait être visé. Et à chaque fois,
29:17il prend tout le monde, si j'ose dire,
29:19en disant l'exploitant
29:21ou le propriétaire, autrement dit,
29:23ce qui compte, c'est qu'il soit mis fin
29:25au déversement
29:27de l'eau, peu importe
29:29entre guillemets, pardonnez-moi l'expression,
29:31débrouillez-vous entre l'exploitant
29:33et le propriétaire. Ce n'est pas mon objet.
29:35L'objet, c'est que le déversement
29:37s'arrête.
29:39Maître, vous vouliez dire quelque chose, non ?
29:41Là-dessus ?
29:43Merci. Je voudrais simplement préciser
29:45que dans cette affaire de 2020 dans la chambre criminelle,
29:47la personne était parfaitement
29:49identifiée, c'était l'exploitant d'une station
29:51d'épuration, tandis que la pollution était
29:53produite par un autre opérateur
29:55en amont. Donc il n'y avait pas du tout de confusion
29:57entre les différents opérateurs et
29:59le JLD, quand il prononce des mesures,
30:01il les prononce à l'encontre d'une personne.
30:03Donc il ne renvoie pas ensuite
30:05aux personnes concernées le fait
30:07de se débrouiller et de décider
30:09entre elles qui doit faire quoi.
30:11Je préciserai
30:13ensuite simplement, je redondirai une seconde
30:15sur ce que disait
30:17le représentant du Premier ministre.
30:19Il n'est pas exact de dire que
30:21votre jurisprudence sur le droit de se taire s'applique uniquement lorsque
30:23le juge se prononce sur le bien fondé d'une accusation
30:25en matière pénale, puisque vous appliquez le droit de se taire
30:27notamment devant le JLD lorsqu'il se
30:29prononce sur les détentions provisoires,
30:31donc il ne se prononce pas sur une accusation,
30:33ou encore à l'audition d'un mineur par
30:35les services de protection de la jeunesse. Donc des hypothèses
30:37où, au sens strict, le juge pénal ne se
30:39prononce pas sur le bien fondé d'une accusation.
30:41Je vous remercie.
30:43D'autres questions ? Il n'y en a point.
30:45Donc nous sommes aujourd'hui
30:47le 5 novembre,
30:49nous allons
30:51délibérer et nous rendrons public
30:53notre décision le 14
30:55novembre prochain.
30:57L'audience est levée. Bonne journée à tous.

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