• le mois dernier
Code de la santé publique, Article L. 3222-5-1, sauf les deux premières phrases du paragraphe I
Date de rendu de la décision : 7 mars 2025

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Nous allons passer à la seconde QPC qui n'a absolument rien à voir, en vous laissant la possibilité de vous retirer.
00:30Très bien, donc nous examinons la seconde question prioritaire de constitutionnalité sous le numéro 2024-11-27.
00:50Elle porte sur la conformité aux droits et libertés de la Constitution garantie de certaines dispositions de l'article L 3222-5-1 du Code de la Santé Publique.
01:00Madame la Gréfière.
01:02Merci M. le Président.
01:04Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 décembre 2024 par un arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation.
01:10Une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Nicolas Robin,
01:15porte sur la conformité aux droits et libertés de la Constitution garantie de l'article L 3222-5-1 du Code de la Santé Publique,
01:24à l'exception des deux premières phrases du premier alinéa de son paragraphe 1 dans sa rédaction résultant de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022,
01:35renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la Santé Publique.
01:41Cette question relative à l'absence d'obligation légale d'informer la personne chargée d'une mesure de protection juridique,
01:47de la mesure d'isolement ou de contention dont la personne protégée fait l'objet,
01:51a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2024-1127 QPC.
01:59La SAS, Gribi et Texi a produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante les 2 et 16 janvier 2025.
02:07Le Premier ministre a produit des observations le 2 janvier 2025.
02:10Maître Cécile Robert a demandé à intervenir dans l'intérêt de l'ordre des avocats du barreau de Versailles et a produit à cette fin des observations le 2 janvier 2025.
02:19Seront entendues aujourd'hui l'avocat de la partie requérante, l'avocate de la partie intervenante et le représentant du Premier ministre.
02:25Merci Madame. Alors d'abord Maître Stéphane Laurent-Texier, vous êtes avocat au Conseil.
02:31Vous représentez Monsieur Nicolas Robin qui est partie requérante. Nous vous écoutons.
02:37Merci. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
02:42ce n'est pas la première fois que vous avez à connaître de la question de la constitutionnalité de l'article L3222-5-1 du Code de la santé publique.
02:50Vous l'avez même déjà censuré par deux fois au cours des 5 dernières années.
02:55Ce n'est pas non plus la première fois que se pose à vous l'obligation d'informer la personne chargée de la protection juridique d'un majeur des mesures prises à l'encontre de celui-ci.
03:03Votre jurisprudence en ce sens, je ne m'y attarde pas, est abondante en matière pénale.
03:08C'est en revanche la première fois, me semble-t-il, que vous êtes amené à vous interroger sur cette obligation d'information en dehors de la sphère pénale
03:15et plus spécifiquement à la confronter au principe que vous avez dégagé en matière d'hospitalisation sans consentement.
03:23L'article L3222-5-1 du Code de la santé publique prévoit notamment en son grand deux, en cas de mesure d'isolement ou de contention,
03:31l'information sur le site d'au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint,
03:36le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin,
03:40ou, si c'est alternatif et donc facultatif, une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée.
03:48S'il prévoit ainsi qu'un membre au moins de l'entourage de la personne hospitalisée soit prévenu,
03:53il n'exige cependant pas, lorsque cette personne est un majeur protégé, que la personne en charge de cette protection en soit systématiquement informée.
04:01Alors certes, en la matière, le Code civil prévoit un mécanisme de priorité familiale en vertu duquel le curateur ou le tuteur est désigné,
04:09autant que possible, parmi les membres de la famille.
04:12Avec un peu de chance donc, l'information prévue par la loi va réussir à atteindre celui des membres de la famille qui est en charge de la protection du patient.
04:20Mais le contentieux des majeurs protégés le démontre, le juge est souvent contraint de désigner un tiers extérieur à la famille en qualité de curateur ou de tuteur,
04:28parce qu'aucun membre de la famille n'est véritablement en mesure d'assurer la protection des intérêts du majeur concerné.
04:35Dans une telle situation, on le comprend, informer un membre de la famille de la mesure d'isolement ne permet pas du tout d'assurer une protection suffisante,
04:42pour ne pas dire une protection tout court, des intérêts de la personne hospitalisée sans son consentement.
04:47C'est pourtant cette protection des intérêts du majeur protégé qui vous a guidé, et qui vous guide toujours,
04:53dans l'élaboration de votre jurisprudence relative à l'information de la personne en charge de la mesure de protection en matière pénale.
05:00Je ne vous apprends rien.
05:01Le majeur protégé est celui qui souffre d'une altération médicalement constatée, de ses facultés mentales ou corporelles, de nature à empêcher l'expression de sa volonté.
05:09C'est-à-dire que le majeur ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts.
05:13Il peut même, vous le reconnaissez vous-même, opérer des choix qui sont contraires à ses intérêts.
05:19Cette considération primordiale, qui sous-tend l'ensemble de votre construction jurisprudentielle,
05:24disparaît-elle par le seul fait que l'on se situe désormais en dehors de la sphère pénale ? Je ne le crois pas.
05:30J'ai bien en tête votre décision du 31 mars 2023, au terme de laquelle vous avez écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense,
05:39faute, pour les mesures d'isolement, de constituer une sanction ou de participer à la recherche d'infraction.
05:44Mais contrairement à ce que laisse entendre le Premier ministre dans ses écritures, je n'avoque pas ici une quelconque méconnaissance des droits de la défense.
05:51Il me semblait que mes écritures étaient claires, mais que l'on se comprenne, si j'invoque l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
05:57c'est bien sous l'angle général de la garantie des droits, et notamment du droit à recours juridictionnel effectif, qui en est une composante.
06:04Et ces principes, vous le savez mieux que moi, s'appliquent aussi bien à la matière civile qu'à la matière pénale.
06:11La circonstance que l'hospitalisation d'office est une mesure de soin n'est pas davantage déterminante.
06:16D'abord parce que, pour protecter ce qu'elle a vocation à être, l'hospitalisation sous contrainte et la décision d'isolement en particulier
06:22restent des mesures privatives de liberté, des mesures qui portent atteinte à la liberté individuelle garantie à chacun par l'article 66 de la Constitution,
06:31celui-là même qui a servi de fondement à vos précédentes censures du texte qui est en cause aujourd'hui.
06:36Ensuite, parce que l'hospitalisation d'office vise des personnes qui, en raison de leur état de santé mentale,
06:42sont, et le Premier ministre en convient, dans un état de vulnérabilité particulier, y compris lorsque ces personnes ne font pas l'objet de mesures de protection.
06:52N'est-ce pas plus vrai encore alors lorsque la personne, désormais atteinte de troubles mentaux justifiant une hospitalisation sans consentement,
06:59est un majeur protégé dont l'altération des facultés mentales ou corporelles le rendait déjà vulnérable.
07:06Une personne particulièrement vulnérable, placée dans un état de particulière vulnérabilité,
07:10je ne vois pas ce qu'il vous faudrait de plus pour accorder un minimum de protection spécifique au majeur protégé dans ce domaine.
07:17L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen constitue le fondement naturel en ce qu'il assure la garantie des droits.
07:24Cette garantie des droits implique que tout justiciable a le droit à un recours effectif devant un juge,
07:28et s'il implique également en amont, que toute personne puisse effectivement exercer les droits que la loi lui octroie.
07:35On le sait, la personne hospitalisée sans consentement dispose de plusieurs droits,
07:39communiquer avec les autorités chargées de visiter périodiquement l'établissement assurant les soins psychiatriques sans consentement,
07:44saisir la commission départementale de soins psychiatriques ou encore prendre le conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix.
07:50Elle peut aussi former un recours contre la décision de placement à l'isolement ou la décision de renouvellement de cette mesure.
07:56Et à tout moment, le patient, ainsi que les personnes susceptibles d'agir dans son intérêt,
08:01peuvent également saisir le juge des libertés et de détention d'une demande de main levée,
08:06idem en cas de renouvellement de ces mesures.
08:10Mais on l'a dit, même informé de ses droits, un majeur protégé peut prendre une décision contraire à ses intérêts.
08:17Et pour cette raison déjà, il est nécessaire qu'il puisse être accompagné par la personne chargée de sa protection,
08:22ce qui implique que celle-ci soit informée de la mesure d'isolement et ou de contention.
08:27Par ailleurs, si les membres de la famille peuvent agir, encore faut-il garder à l'esprit que lorsque le curateur ou le tuteur est un tiers à la famille,
08:37c'est précisément parce qu'aucun des membres de la famille ne peut pourvoir à la protection des intérêts de leurs proches.
08:43Se tourner vers ses proches ne garantit absolument pas que les intérêts du majeur protégé hospitalisé sans son consentement
08:49puissent être portés devant le juge compétent.
08:52Et à supposer que la personne chargée de la protection du majeur puisse également intervenir,
08:57en tant que personne au sens du texte susceptible d'agir dans l'intérêt du patient hospitalisé,
09:02cela suppose évidemment qu'elle en ait été préalablement informée et justement le texte ne l'impose jamais.
09:09Aucune déconsidération vous ayant conduit à écarter le grief tiré de la méconnaissance du droit à courbe joue électionnelle
09:14effectif dans votre décision du 31 mars 2023 ne se retrouve ici.
09:19Vous abrogerez donc l'article L3222-5 du Code de la santé publique dans la limite de votre saisine bien entendu.
09:26J'en reviens à mes dernières remarques.
09:29Il va de soi que dès lors que ce texte fixe un certain nombre de garanties, malgré tout,
09:34entourant les mesures d'isolement et de contention,
09:38vous devrez différer dans le temps les effets de cette abrogation afin de préserver ce qu'il y a à préserver de ce texte.
09:45Pour autant et afin de faire cesser immédiatement l'inconstitutionnalité qui l'entache,
09:48vous jugerez que jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi,
09:51la personne chargée d'une mesure de protection doit être systématiquement informée des demandes de renouvellement
09:56des mesures d'isolement concernant le majeur dont il a sur la protection
09:59et dans cette mesure vous permettrez à tout intéressé de se prévaloir de votre déclaration d'inconstitutionnalité
10:04dans les instances introduites à la date de la publication de votre décision et non jugée définitivement.
10:09Je vous remercie.
10:10Merci maître.
10:12Maintenant nous allons écouter maître Cécile Robert qui est avocate au barreau de Versailles
10:17qui représente l'Ordre des avocats du barreau de Versailles. Maître.
10:21Merci.
10:22Monsieur le Président, mesdames et messieurs du Conseil constitutionnel,
10:25effectivement comme l'a rappelé mon confrère,
10:28ce texte vient aujourd'hui pour la quatrième fois au titre d'une question prioritaire de constitutionnalité
10:34devant votre Conseil, ce qui est assez exceptionnel.
10:37Mais cette fois, votre décision va intervenir dans un contexte un peu particulier
10:42puisque la santé mentale, comme vous le savez, a été déclarée grande cause nationale en cette année 2025.
10:48Vous le savez donc, pour avoir examiné précédemment cette question en 2020, 2021 et 2023,
10:55les mesures d'isolement et plus encore de contention sont des atteintes majeures aux droits fondamentaux.
11:01Elles constituent la privation de liberté la plus extrême pour des personnes qui sont déjà vulnérables.
11:07Alors avant d'en venir plus précisément aux deux points qui, selon moi, devront vous amener
11:13à à nouveau déclarer ce texte contraire à la constitution,
11:17en tout cas dans les termes où il vous est présenté, pour les parties où ils vous sont présentés,
11:22j'aimerais partager avec vous un extrait d'un article qui a été publié dans le journal Le Monde le 12 janvier dernier
11:29à l'issue d'une grande enquête sur la psychiatrie en France et qui illustre la réalité de ces pratiques.
11:35Je cite « C'est la loterie du malheur dans le malheur.
11:39Celle qui conduit un patient à une chambre d'isolement, puis à cet instant où des infirmiers et des aides-soignants
11:44l'immobilisent, lui administre un sédatif puissant et l'attache sur un lit avec des sangles de contention
11:52pour quelques heures, parfois quelques jours, voire plusieurs mois.
11:57Une loterie, car la probabilité de finir attachée varie considérablement d'un hôpital à l'autre. »
12:06Aujourd'hui, le texte de l'article L3225-1 du Code de la santé publique
12:13ne peut à nouveau être analysé sans avoir à l'esprit la dureté de ces pratiques
12:18et les séquelles qu'elles laissent pour les personnes qui en font l'objet.
12:21L'intervention de votre Conseil a déjà produit des effets bénéfiques.
12:25Concernant les juridictions du ressort du barreau de Versailles qui couvre 7 établissements hospitaliers
12:30avec par an 1 400 ordonnances rendues en première instance sur cette question,
12:35le contrôle judiciaire instauré a conduit à une levée de ces mesures dans 27% des cas.
12:40Certains hôpitaux ont même cessé pratiquement de recourir à la contention.
12:44Pourtant, d'autres établissements maintiennent un taux de recours,
12:47notamment à l'isolement, très élevé et largement supérieur à la moyenne nationale.
12:51Un établissement de ce ressort, par exemple, applique un taux d'isolement
12:56là où la moyenne nationale n'est que de 30%.
12:59Aujourd'hui, votre intervention est donc, au titre de cette question prioritaire de constitutionnalité,
13:04toujours aussi essentielle.
13:07J'en viens aux deux points pour lesquels l'article L3222-5-1 de la Code de la santé publique
13:14devra être à nouveau censuré.
13:17Le premier point, c'est la question qui a été posée à la Cour de cassation.
13:21Peut-on se passer de l'information du tuteur ou du curateur
13:24lorsqu'une personne sous protection juridique est soumise à l'isolement et à la contention ?
13:29La réponse est négative.
13:32Pourquoi ? Parce que ces justiciables – et j'emploie volontairement le terme « justiciables »
13:37et non le terme de « patients » – sont placés sous curatel ou tutel
13:42car ils ne sont pas en mesure de pouvoir seuls à la défense de leurs droits.
13:47C'est le fondement même de l'article 425 du Code civil.
13:51Leurs représentants légaux doivent être informés des décisions
13:54qui touchent à leur santé et à leur liberté.
13:57Et ce, au nom du principe d'égalité qui est consacré par l'article 1er
14:02de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
14:06Cette absence d'information maintient ces personnes dans une situation d'inégalité manifeste.
14:11Ceux qui ne peuvent pas défendre seuls leurs intérêts
14:15sont alors privés du soutien juridique essentiel que leur apporte tuteur ou curateur.
14:20Prenons un exemple concret qui est celui des personnes
14:24qui sont atteintes de troubles du spectre autistique.
14:28Faute de place, parfois dans des établissements spécialisés,
14:31elles sont souvent hospitalisées pendant de longues années
14:34et placées à l'isolement et la contention sur de longues périodes.
14:37Elles sont incapables d'agir par elles-mêmes.
14:40Si leur tuteur ou leur curateur n'est pas informé,
14:44qui assurera la protection de leurs droits ?
14:47Ce qui est justement le rôle de ces représentants.
14:51Ces représentants ont également un rôle clé
14:54puisqu'ils connaissent les antécédents médicaux de cette personne protégée
14:58et peuvent signaler d'éventuels dangers liés à l'isolement ou la contention.
15:02Ce point a déjà été évoqué lors des précédentes questions prioritaires de constitutionnalité
15:07et la Haute Autorité de la Santé l'a rappelé dans ses recommandations de février 2017.
15:12Il existe un nombre important de risques spécifiques
15:15que représente l'isolement et particulièrement la contention
15:19sur la santé des personnes qui en font l'objet.
15:25Informer le tuteur ou le curateur,
15:27c'est informer une personne en incapacité de faire valoir seules ses droits
15:32et c'est ce qui permet le rétablissement du principe d'égalité.
15:36Informer le tuteur ou le curateur,
15:38ce n'est pas une simple formalité administrative
15:41et il est nécessaire, contrairement à ce qu'indique le Premier ministre dans ses écritures,
15:47de distinguer selon que les justiciables font ou non l'objet d'une mesure de protection.
15:53C'est une garantie essentielle pour préserver leurs droits.
15:57Au-delà de cette garantie essentielle pour préserver leurs droits,
16:00c'est aussi un repère, comme l'a indiqué mon confrère.
16:03Régulièrement, le tuteur ou le curateur peut être un membre de la famille,
16:06mais parfois ce n'est pas le cas et ces personnes peuvent être isolées
16:10et ce tuteur ou ce curateur est un repère pour ces majeurs vulnérables.
16:15Je vous donnerai un exemple très concret d'une audience hier à l'hôpital de Saint-Germain
16:19où une jeune majeure était présente et sa curatrice était présente.
16:23Cette jeune majeure n'avait pas de famille.
16:25La présence de sa curatrice était pour elle un soulagement,
16:30ne serait-ce que pour faire valoir ses droits, mais également pour faire valoir sa parole.
16:35Le second point est, à mon sens, qui vous amènera également à censurer cet article,
16:43c'est que l'interrogation qui est portée à votre conseil est plus large.
16:47La Cour de cassation interroge plus généralement sur l'encadrement juridique de ces mesures.
16:52Aujourd'hui, le contrôle judiciaire des mesures d'isolement et de contention
16:55ne concerne que les patients hospitalisés sous contrainte.
16:58Mais ces pratiques ne se limitent pas à ces seuls établissements,
17:02elles existent ailleurs, dans des situations auxquelles nous pourrions être confrontés,
17:06mais également directement ou à travers nos proches.
17:10Et ces situations existent dans aucun cadre légal.
17:13Ce sont par exemple les situations dans les services d'urgence des hôpitaux généraux,
17:18où des personnes peuvent être attachées à leurs brancards,
17:20dans des EHPAD, où les pensionnaires peuvent être attachés à leur lit
17:25ou simplement enfermés, isolés dans des pièces de l'établissement,
17:29dans les foyers médicalisés.
17:31Et dans un autre exemple tout récent du 16 janvier 2025,
17:36la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté
17:41a publié un rapport sur l'établissement hospitalier de Saint-Ily, dans le Jura.
17:45Et ce rapport laisse ressortir que 300 personnes hospitalisées,
17:50certes dans des hôpitaux psychiatriques, mais en soins libres,
17:53font l'objet de mesures d'isolement et de contention, ce qui est interdit.
17:57Dans ces lieux, des personnes sont donc attachées ou isolées,
18:01sans texte de loi pour encadrer ces pratiques, sans aucun contrôle du juge
18:05et en violation donc des articles 34 et 66 de notre Constitution.
18:10En conséquence, le texte devra être déclaré contraire à la Constitution
18:17au regard des deux points que je vous ai soumis,
18:20mais à minima, il doit faire l'objet d'une réserve d'interprétation
18:25affirmant clairement que ce qui est encadré dans les soins psychiatriques
18:30sans consentement doit être interdit en dehors de ce cadre.
18:33J'en terminerai en indiquant que l'expérience des praticiens de cette matière
18:38nous apprend que si les patients hospitalisés qui subissent ces mesures
18:42se souviennent d'une chose, même plusieurs années après,
18:46c'est effectivement le fait que leur parole a pu être entendue
18:49et que leurs droits ont pu être pris en compte dans le cadre du contrôle de ces mesures.
18:54Je vous remercie.
18:56Merci Maître.
18:57Nous allons écouter maintenant pour le Premier ministre M. Canguilhem.
19:02Merci M. le Président.
19:03Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
19:06vous voilà donc pour la cinquième fois, la quatrième en QPC,
19:10saisi des dispositions de l'article L32-22-5-1 du Code de la santé publique.
19:15Sous un angle, cela a déjà été remarqué, toutefois un peu différent,
19:19différent des précédents et qui est relatif à l'information donnée
19:22aux tuteurs ou aux curateurs d'un matériel genre protégé
19:25faisant l'objet d'une mesure d'isolement ou de contention.
19:28Vous savez donc que dans le cas de l'hospitalisation sans consentement,
19:33le législateur a prévu la faculté de recourir en dernier recours
19:37à des pratiques d'isolement et de contention destinées
19:40à prévenir un dommage immédiat et imminent pour le patient et pour autrui
19:44et qui ne peuvent intervenir que sur la décision d'un psychiatre.
19:48Le recours à ces mesures est prévu par l'article L32-22-5-1 du Code de la santé publique
19:54dont la rédaction a fortement évolué sous l'influence de votre jurisprudence.
20:01Dans sa version applicable au litige, le texte est issu de la loi du 22 janvier 2022
20:07qui tirait les conséquences de votre décision d'abrogation du 4 juin 2021.
20:12Et par votre dernière décision jusqu'à ce jour, rendue sur ce texte du 31 mars 2023,
20:20vous avez déclaré, conforme à la Constitution, les deux premières phrases du grand 1 de cet article.
20:29L'encadrement temporel du recours aux pratiques d'isolement et de contention
20:32qui en résulte aujourd'hui et il est nécessaire brièvement de revenir sur cet encadrement
20:39qui participe de la garantie des droits qui est invoquée.
20:45Donc encadrement temporel en deux temps.
20:48Le recours initial à l'isolement et limité à une durée déterminée de 12 heures
20:52ne peut être renouvelé que dans la limite d'une durée totale de 48 heures.
20:56La mesure de contention est-elle prise pour une durée maximale de 6 heures
20:59et ne peut être renouvelée que dans une limite totale de 24 heures.
21:02Premier temps de l'encadrement temporel.
21:05Dans un second temps, si la durée de renouvellement maximale que nous venons d'évoquer est atteinte,
21:09le renouvellement peut être autorisé à titre exceptionnel sur le fondement du grand 2
21:13et sous le contrôle permanent, et c'est un point absolument essentiel,
21:17du juge des libertés et de la détention.
21:21Et lors du renouvellement à titre exceptionnel,
21:23le directeur de l'établissement informe sans délai le JLD
21:26et le médecin informe certains proches du patient de ce renouvellement.
21:31En l'espèce, il est particulièrement reproché aux dispositions contestées de ne pas prévoir
21:37expressément une information systématique de la personne chargée de la protection juridique
21:42d'un majeur.
21:44Et l'égard à ce grief, quant au champ de cette question prioritaire de constitutionnalité,
21:49elle ne porte pas sur l'ensemble des dispositions telles qu'elles nous ont été renvoyées
21:53par la Cour de cassation, mais uniquement sur les 2e et 3e alinéas du grand 1
21:57et sur les 2e et 4e phrases du 1er alinéa du grand 2.
22:02Le cadre étant posé, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences
22:07de l'article 16 de la déclaration de 1789, ni aucune autre exigence constitutionnelle.
22:14Par votre jurisprudence, vous exigez que l'information du tuteur ou du curateur
22:19s'impose afin d'éviter que le majeur protégé, je cite vos décisions en la matière,
22:24soit dans l'incapacité d'exercer ses droits, faute de discernement suffisant
22:29ou de possibilité d'exprimer sa volonté en raison de l'altération de ses facultés.
22:33Et vous avez ainsi censuré l'article 706-113 du code de procédure pénale
22:38en ce qui ne prévoyait pas une telle information, et ce afin de tenir compte
22:42de la vulnérabilité particulière du majeur protégé.
22:46Or le régime même de l'hospitalisation sous contrainte a pour objet de protéger
22:51la personne qui en fait l'objet. Celle-ci est en effet dans un état de vulnérabilité
22:56particulier en raison de son état de santé, sans qu'il soit alors besoin de distinguer
23:01selon que ces patients fassent ou non l'objet d'une mesure de protection.
23:06En ce qui concerne la décision initiale de placement à l'isolement ou de contention,
23:13donc le premier temps de l'encadrement temporel, vous avez jugé par votre décision
23:18précitée du 31 mars 2023 que le fait que le patient ne soit pas immédiatement
23:22informé de son droit de demander la main levée de cette décision n'était pas
23:26contraire à la Constitution. Par extension et pour les mêmes motifs, vous pourrez juger
23:31que l'absence d'information du tuteur et du curateur lors du recours initial à la
23:36mesure d'isolement, donc ce qui relève du 2e et 3e alignements du grand 1,
23:41ne méconnaît pas les exigences de l'article 16.
23:46En second lieu, vous pourrez juger que le législateur a assorti de garanties suffisantes
23:51le renouvellement exceptionnel de ces mesures d'isolement et de contentieux
23:55au grand 2 de l'article L32-22-5-1 du Code de la santé publique.
24:00En effet, lorsqu'un médecin décide d'un renouvellement à titre exceptionnel,
24:05la deuxième phrase du grand 2 dispose, nous citons, que le directeur de l'établissement
24:10informe sans délai le juge de liberté de la détention du renouvellement de ces mesures.
24:15Parallèlement, le médecin est tenu d'informer du renouvellement de ces mesures,
24:22je cite de nouveau l'article, au moins un membre de la famille du patient emprisonné de son conjoint,
24:27le partenaire lié à lui par un PAX ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir,
24:32dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.
24:37Dans le cas d'un majeur protégé faisant l'objet d'un renouvellement exceptionnel d'une mesure d'isolement,
24:43le tuteur ou le curateur pourra ainsi être prévenu en sa qualité de personne susceptible d'agir dans son intérêt.
24:51Le tuteur ou le curateur dispose également de la faculté de saisir le juge des libertés de la détention
24:57sur le fondement de l'article L32-11-12 du code de la santé publique.
25:01Il convient également de rappeler que la personne chargée de la protection juridique
25:05est informée de la décision d'admission en soins sans consentement en application,
25:09deuxièmement, du grand 2 de l'article L32-12-1 du code de la santé publique.
25:13Il y a donc bien une information initiale qui est donnée au tuteur ou au curateur.
25:18Il résume donc de l'ensemble de ces éléments que les personnes sous tutelle ou sous curatelle bénéficient,
25:22comme toutes les personnes d'hospitalisation sans consentement, de la possibilité de faire valoir leurs droits.
25:28Aucune exigence concernée n'a été méconnue. Je vous invite à déclarer les dispositions contestées conformes à la Constitution.
25:34Merci M. Corbière. Alors cet échange, est-ce que ça appelle des questions ? M. le conseiller Mézard.
25:41Une question sur la situation juridique du requérant. Quelle est sa situation exacte ?
25:52Je ne vous cache pas qu'à ce stade, je n'ai pas d'informations à vous donner à ce sujet.
25:57Vous nous avez dit que le tuteur ou le curateur pourrait être informé, mais il n'y a pas d'obligation de l'informer.
26:16Or le tuteur, lorsqu'il y a une mesure de tutelle, ce qui est quand même le cas de protection le plus lourd,
26:24c'est le tuteur qui représente. Il n'est donc pas obligatoirement informé sur le renouvellement.
26:36Alors effectivement, le texte ne le prévoit pas expressément, mais si vous permettez quelques éléments généraux,
26:44déjà le tuteur ou le curateur étant informé de l'hospitalisation sans consentement a cette information.
26:52Le deuxième point, c'est qu'effectivement, dans la version antérieure du texte, il était fait renvoi à l'article L32.11-12
27:06qui prévoyait expressément le tuteur ou le curateur. Alors quand on lit les travaux parlementaires, on voit qu'il y a eu une volonté du législateur
27:18de modifier, enfin l'exigence de l'exhaustivité de cette liste est apparue moins forte au législateur à ce moment-là pour une raison très simple,
27:27c'est que les personnes prévenues, c'était justement pour assurer la garantie des droits et pour qu'elles puissent saisir le JLD.
27:36Cette saisine et l'information du JLD étant maintenant automatique, il est apparu, cela ressort des travaux préparatoires,
27:45que cela paraissait moins nécessaire. Et dernier point, en pratique, l'information ayant été donnée au tuteur ou au curateur au moment de l'hospitalisation
27:58sans consentement, les équipes médicales sont au courant de l'existence de ce tuteur ou de ce curateur et donc c'est effectivement connaissant l'existence
28:06de ce tuteur ou de ce curateur vers lui que l'information va être donnée, même si effectivement ce n'est pas expressément prévu par le test.
28:13Monsieur Mézard, est-ce que cela répond à votre question ?
28:16Oh, cela répond, oui.
28:18Autre question ? Il n'y en a pas ? Très bien. Alors nous allons regarder tout cela de très près, bien sûr, et rendrons notre décision publique la semaine prochaine,
28:31le 7 mars. Le temps s'est levé. Bonne journée à toutes et à tous.