Mars 2024, le Sénat adopte définitivement la loi « bien vieillir ». Un texte censé prévenir la perte d’autonomie, lutter contre l’isolement des personnes âgées, mieux signaler les maltraitances et faciliter le travail des aides à domicile. Des mesures pour répondre au défi du vieillissement de la population et à la nécessité d’accompagner d’avantage les séniors. Qu’est-il fait pour prévenir l’isolement ? Quelles structures sont à la disposition des plus âgés ? Meurt-on « plus mal » et « plus jeune » à la campagne ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :
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00:00Le dernier visiteur de Camille Ponsaing, film touchant et percutant.
00:04Merci d'ailleurs à toutes ces personnes d'avoir accepté la caméra, de nous avoir livré un peu de leur intimité
00:10et puis de venir aussi nous bousculer sur le sort des personnes âgées, notamment en milieu rural.
00:14L'État s'est-il complètement désengagé de certains territoires ?
00:18Parlons-en avec nos invités.
00:20Je voudrais d'abord vous présenter le héros de ce film qui a accepté de venir jusqu'à nous,
00:24Docteur Joseph Morin, merci.
00:25Bienvenue à vous sur ce plateau, médecin généraliste, on l'aura compris,
00:28au cœur des monts du Forest, dans la Loire.
00:31On voit et on entend votre dévouement, votre délicatesse tout au long de ce film.
00:36On avait envie d'en savoir plus sur vous, sur votre engagement, sur vos choix, votre choix de vie.
00:41On va y venir dans un instant.
00:43Bernard Bonne, le secteur du Docteur Morin, c'est chez vous.
00:46Vous avez été sénateur de la Loire de 2017 à 2023.
00:50Vous avez été président du conseil général puis départemental de la Loire,
00:54maire de Bourg-Argental pendant presque 20 ans.
00:58Et vous êtes médecin de profession, c'est une précision importante.
01:02Valentine Trépied, bienvenue à vous.
01:03Vous êtes sociologue, docteur à l'école des hautes études en sciences sociales,
01:06spécialiste de la vieillesse et du vieillissement.
01:09Vous avez publié de nombreux articles sur les liens sociaux, la solitude, la médicalisation en Ehpad.
01:14Vous avez réalisé une thèse sur l'accompagnement en Ehpad du point de vue des résidents.
01:18Et vous dites d'ailleurs qu'on donne rarement la parole aux personnes âgées.
01:21Et je crois que ça fait aussi partie des choses qui vous ont plu dans ce film
01:24puisqu'on les entend et c'est assez rare.
01:26Marianne Monchamp, bienvenue à vous également.
01:28Directrice générale de l'OSIRP, Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance.
01:32C'est un acteur de la protection sociale complémentaire.
01:35Évidemment, vous avez été secrétaire d'État à charger des solidarités et de la cohésion sociale
01:39entre 2010 et 2012 sous la présidence de Nicolas Sarkozy
01:42et député du Val-de-Marne pendant plus de six ans.
01:45Les présentations sont faites.
01:46Merci à tous les quatre d'être ici.
01:48Docteur Joseph Morin, je ne pouvais pas commencer cet échange en plateau
01:51sans parler de vous et de votre choix et de votre engagement.
01:54Comment on se retrouve dans un secteur aussi reculé,
01:58au chevet de ces personnes qu'on vient de découvrir dans le film ?
02:01Assez par hasard dans l'ensemble.
02:03C'est une conviction première qui correspond à mon début d'étude,
02:06c'est-à-dire que j'ai commencé mes études en me disant
02:08je serai médecin de campagne et au mieux d'ailleurs aussi dans un désert médical.
02:12Il fallait que ce soit un désert médical.
02:14C'était un peu ça mon ambition en fait depuis le départ.
02:16Qu'est-ce que vous y trouvez précisément ?
02:18Est-ce que vous y trouvez un lien humain que vous ne trouveriez pas ailleurs ?
02:22Non, parce que les liens humains, on les trouvera toujours où qu'on aille.
02:25De toute façon dans ce métier-là, grosso modo, on peut toujours les créer,
02:27que ce soit en ville, en milieu urbain ou en milieu rural,
02:29c'est toujours un peu la même chose.
02:31Par contre, oui, il y a une vie qui est différente en campagne.
02:36Le besoin aussi est différent et d'un point de vue purement médical,
02:41on va avoir une pratique qui est beaucoup plus large.
02:43On va gérer des enfants nourrissons jusqu'à des personnes très âgées
02:47en passant par les urgences, la gynéco.
02:49On fait vraiment de tout en médecine adulte aussi.
02:51C'est ça qui m'intéressait, parce qu'il n'y a pas de plateau technique.
02:54On a moins accès à l'hôpital, moins accès aux spécialistes.
02:56On a un peu reculé de tout.
02:57On a des gens qui, des fois, ne veulent pas trop se soigner non plus
02:59et qui demandent à ce qu'on les soigne à la maison.
03:01On le sent, on l'entend.
03:02On le voit dans le film d'ailleurs.
03:03Et ça, ça rend les choses très compliquées
03:05parce qu'on a nos propres limites aussi, on ne peut pas toujours tout faire.
03:08Mais je dirais que c'est dynamisant, c'est passionnant, c'est très prenant.
03:11Mais c'était un peu ça mon envie en fait.
03:14Est-ce qu'il y a quand même des situations de détresse
03:16qui peuvent vous alerter et vous mettre en colère aussi après la société ?
03:20Ou vous avez l'impression que ce sont des gens
03:22qui ont quand même été mis de côté, abandonnés ?
03:26Oui et non.
03:27La colère, on l'a peut-être un peu au départ.
03:29Et puis après, on s'y habitue à ce phénomène-là de toute façon.
03:31Je pense qu'on s'y habitue au fait que de toute façon,
03:34on fait avec ce qu'on a, quoi qu'il en soit,
03:36et on essaye d'améliorer les choses et le quotidien.
03:38Moi, j'agis que dans le but de faire de la médecine
03:40et d'améliorer la santé des gens, qu'elles soient physiques ou morales.
03:43De toute façon, c'est ça le but du jeu.
03:46Les gens sont abandonnés où ?
03:48Oui et non.
03:49Les campagnes sont abandonnées de toute façon.
03:52Le monde rural est quand même assez abandonné de manière générale.
03:55Je trouve que l'écart entre la ville et le monde rural
03:59est en train de grandir de plus en plus.
04:02C'est mon sentiment, en tout cas.
04:04Et donc, le monde rural est oublié.
04:06Les personnes qui vont faire fusible, ce sont toujours les plus fragiles.
04:09Donc, les personnes âgées.
04:10Donc, principalement, c'est celles qu'on voit dans le film
04:12parce que c'est les plus fragiles.
04:13C'est celles que je visite le plus souvent.
04:15Les personnes jeunes viennent me voir au cabinet de toute façon.
04:17Donc, elles sont oubliées, oui et non.
04:20Elles se sont isolées aussi.
04:21Il y a tout un ensemble de choses, oui.
04:23Marianne Manchand, je parlais d'un film percutant, bouleversant,
04:27qui vient un peu nous bousculer aussi.
04:29Moi, je n'ai pas pu m'empêcher de me dire
04:31ou de me demander si le monde moderne n'avait pas mis de côté
04:33des milliers de personnes et notamment ces personnes
04:35qui sont dans des territoires reculés.
04:37Est-ce qu'on les a abandonnées, ces gens ?
04:39Est-ce que la société moderne les abandonne ?
04:41Un acte d'abandon est un acte volontaire,
04:45j'oserais dire militant.
04:47On décide d'eux.
04:49J'ai l'impression de quelque chose qui procède
04:51d'une forme d'éloignement et d'une difficulté
04:55de conception des politiques publiques, pour tout dire.
04:58Cette espèce de propension qu'on a pu avoir
05:01à faire ce que moi j'appelle la politique publique vue d'avion,
05:04qui consiste à dire qu'on va trouver des solutions générales
05:06qui s'appliquent à tous de manière indifférenciée
05:09et qui, comme ça, vont résoudre des problèmes
05:11parce qu'il y a des gens très capés, très sachants
05:14qui sont capables d'aller détecter les complexités
05:17et d'apporter des réponses, ça je pense que c'est un gros risque
05:20et c'est un gros fiasco.
05:22Je pense qu'il faut questionner nos référentiels
05:25et ce qui m'a touchée moi dans ce film,
05:28dans ce documentaire, mais je dis film à dessin,
05:31c'est qu'il n'y a pas d'idéologie,
05:34il y a une volonté de précision méticuleuse
05:38de justesse de ce que sont ces instants de vie
05:41et dans une représentation qui n'induit pas de hiérarchie,
05:46le médecin n'est pas le chef, il n'a pas une autorité,
05:52il est dans une concertation, un dialogue, une négociation,
05:56d'ailleurs il s'assoit souvent comme on le recommande,
06:00mais on n'est pas dans la posture ou dans les recommandations
06:04et donc de ce fait, il nous apporte, je trouve,
06:07un éclairage saisissant sur cette disqualification
06:12de politique publique généraliste vue d'avion
06:15qui prétend apporter des solutions qui ne peuvent,
06:18à dire vrai, n'émerger que dans le très fin,
06:21le très subtil, le très progressif.
06:24– Bernard Bonne, vous avez la double casquette de médecin
06:27que vous avez été aussi dans ce secteur,
06:29mais aussi de responsable politique,
06:31que vous avez été également pour ce secteur,
06:33est-ce que, alors peut-être que le mot abandon est trop fort,
06:36mais est-ce qu'effectivement ce sont des gens
06:39qu'on a mis de côté par des politiques
06:41qui ne pensaient pas à la particularité de leur situation ?
06:46– Je ne crois pas qu'on les ait mis de côté,
06:48d'abord certainement pas volontairement,
06:50mais on n'a pas pris de décision effectivement,
06:53alors sur le plan un peu national,
06:55qui permettrait d'aider sur le plan local,
06:57mais on n'a pas laissé aussi aux acteurs locaux
06:59la possibilité de se concerter, de se débrouiller,
07:02d'organiser quelque chose autour de la personne.
07:04– Qui n'a pas laissé ?
07:06– L'ensemble des politiques nationales,
07:08que ce soit au niveau des personnes âgées,
07:10que ce soit au niveau de la désertification médicale,
07:12au milieu rural, et pas qu'eux,
07:14et puis il n'y a pas eu justement,
07:17se laisser faire un peu qu'on aurait pu avoir
07:20au niveau de tous ces territoires,
07:22en se servant des acteurs locaux,
07:24en leur demandant eux-mêmes de s'organiser
07:26pour que personne ne soit mis de côté,
07:28alors c'est un rêve plus qu'autre chose,
07:30on n'arrivera pas…
07:32– Oui, on n'arrivera peut-être pas à régler
07:34tous les problèmes, on parlait tout à l'heure
07:36des personnes âgées à domicile, il y en a beaucoup
07:38qui ne veulent pas aller à l'hôpital,
07:40et qui même dans un état de dénutrition
07:42ou de saleté peut-être importante,
07:44ne veulent pas quitter leur chez eux,
07:46donc il faut qu'on trouve des solutions
07:48ensemble pour les accompagner,
07:50mais elles ne peuvent pas être décidées au niveau,
07:52comme disait Marianne Manchand,
07:54au niveau d'un survol d'avion,
07:56il faut les décider au niveau local,
07:58et que les politiques locales, autour d'un médecin,
08:00d'une maison de retraite,
08:02d'un EHPAD, puissent s'organiser
08:04et organiser l'ensemble
08:06de ce qui se trouve au niveau des personnes âgées,
08:08mais je crois qu'il ne faut pas oublier non plus
08:10qu'il n'y a pas que le milieu rural,
08:12il y a des personnes qui sont isolées,
08:14qui sont en grande difficulté, aussi en ville,
08:16dans les grandes villes, et qui sont quelques fois
08:18encore plus oubliées, laissées de côté.
08:20– Mais ce sont des situations que vous avez connues,
08:22vous, en tant que médecin, où vous sentez une évolution,
08:24en regardant ce documentaire, vous vous dites,
08:26je retrouve des situations que j'ai connues
08:28vous voyez que le fossé se creuse quand même ?
08:30– Non, le fossé ne s'est pas creusé,
08:32je crois qu'il y a des situations qui existaient,
08:34par contre, il n'a pas évolué.
08:36Je pense que les mêmes situations qu'on avait,
08:38et le docteur Morin a du reste vu
08:40comment ça se passait aussi dans mon secteur,
08:42c'est les mêmes conditions, c'est les mêmes difficultés,
08:44c'est les mêmes personnes qui sont complètement isolées,
08:46mais dont on a plaisir aussi à s'occuper,
08:48on a plaisir à aller les voir et à les soutenir,
08:50à les aider, à les soigner,
08:52mais je pense que la situation
08:54aurait dû évoluer beaucoup mieux,
08:56aurait dû permettre des organisations locales,
08:58on ne changera pas la façon de vivre des personnes,
09:00on ne le changera pas,
09:02ils voudront toujours rester tels qu'ils sont
09:04dans leur environnement habituel,
09:06mais je crois qu'il faut s'organiser autour d'eux
09:08pour leur permettre d'être mieux
09:10et de rester dans de meilleures conditions.
09:12– Valentine Trépied, en préparant cette émission,
09:14on a échangé, vous m'avez dit, attention,
09:16pas de misérabilisme,
09:18la solitude de ces gens,
09:20elle est peut-être recherchée, c'est peut-être eux qui ont envie,
09:22puis le vieillissement, la vieillesse,
09:24ça isole un peu du monde moderne,
09:26vous avez un discours intéressant aussi,
09:28pour peut-être contrebalancer cette détresse
09:30qu'on croit percevoir dans ce film.
09:32– Je crois qu'il faut déjà bien faire la distinction
09:34entre ce qu'on entend par le sentiment de solitude
09:36et l'isolement,
09:38ce sont des notions qui sont très différentes,
09:40l'isolement c'est une notion
09:42qui renvoie à une mesure statistique,
09:44c'est-à-dire le nombre de personnes,
09:46de contacts,
09:48qu'une personne reçoit par semaine,
09:50on comptabilise les visites,
09:52on comptabilise les visites de la personne.
09:54La solitude,
09:56ça la renvoie au sentiment d'être seule,
09:58c'est une notion très subjective,
10:00ce qui veut dire que
10:02dans les expériences de vie
10:04que l'on rencontre quand on fait des entretiens
10:06avec les personnes âgées,
10:08par exemple, on peut se dire
10:10qu'une personne est très isolée,
10:12et on le voit dans des personnes
10:14qui ont été filmées, très isolées,
10:16on a vu un monsieur
10:18qui n'a plus de famille,
10:20dont les frères et sœurs sont décédés,
10:22il vit seul,
10:24donc on peut se dire que ce monsieur
10:26se sent très très seul,
10:28mais au final, peut-être qu'il ne se sent pas
10:30si seul que ça, c'est-à-dire qu'on peut être
10:32isolé mais ne pas se sentir seul,
10:34et à l'inverse, on peut être très entouré,
10:36recevoir la visite de sa famille
10:38tous les jours, mais être dans des liens
10:40sociaux qui ne nous satisfont pas,
10:42et du coup ressentir ce sentiment de solitude.
10:44Donc,
10:46voilà, il faut faire attention.
10:48Voilà, attention
10:50à ces deux notions.
10:52On s'interroge, docteur Morin,
10:54sur parfois les liens familiaux, effectivement,
10:56on se demande comment il est possible
10:58que des personnes se retrouvent si seules,
11:00ou sont les enfants, ont-ils eu des enfants,
11:02est-ce qu'il n'y en a pas, est-ce que les enfants
11:04sont partis vivre en ville, et donc ça isole
11:06de fait ces personnes-là, c'est ce qui se passe ?
11:08Oui, mais pour revenir un peu sur cette idée
11:10de l'isolement ou de la solitude,
11:12et je reviendrai aussi sur ce que vous disiez
11:14tout à l'heure, c'est que je pense
11:16que ce sentiment peut être beaucoup plus important
11:18dans les milieux citadins, finalement.
11:20On a la chance, en fait, en milieu rural
11:22d'avoir quand même une solidarité qui, de manière
11:24globale, est assez, quand même, exceptionnelle.
11:26Vous voyez beaucoup de gens, en fait,
11:28on les voit parce que je suis tout seul avec eux,
11:30mais il faut imaginer quand même
11:32qu'il y a des gens qui surveillent, qui regardent,
11:34c'est pas grand-chose.
11:36Les voisins, les gens de la famille, ou simplement
11:38en passant en voiture, est-ce que le volet est ouvert,
11:40est-ce que la fumée sort de la cheminée ?
11:42C'est super ce que vous nous dites, ça rassure !
11:44Donc, il y a quand même
11:46cette solitude qui est là, malgré tout,
11:48il y a quand même aussi de l'isolement,
11:50mais il y aura toujours quelqu'un pour alerter,
11:52il y aura toujours quelqu'un pour aller
11:54s'assurer que tout va bien, etc.
11:56Pour la plupart. Il y en a certains qui le sont vraiment
11:58très isolé et qui n'ont pas beaucoup de passage,
12:00mais pour la plupart, on arrive quand même
12:02à avoir de la bienveillance autour,
12:04et ça, c'est riche. J'ai eu
12:06beaucoup de situations où, quand j'envoie
12:08des gens, justement,
12:10certains qu'on peut voir dans le film, à l'hôpital,
12:12j'ai beaucoup de gens qui me demandent des nouvelles.
12:14Et quand est-ce qu'il rentrera ? Comment il va rentrer ?
12:16Est-ce qu'on peut organiser quelque chose
12:18pour son retour ? Enfin, voilà.
12:19C'est quand même rassurant, d'autant plus que je lisais que la solitude
12:21pouvait augmenter le risque de décès prématuré
12:23jusqu'à 30%. Donc, finalement,
12:25le tableau n'est pas si sombre,
12:27vous n'êtes pas alarmiste, après un film comme celui-là,
12:29Marianne Montchalin ?
12:30Non, mais, enfin, moi, ce que je voulais dire
12:32à ce stade de notre échange,
12:34c'est que
12:36ce qu'il y a aussi de très marquant dans ce film,
12:38c'est que c'est une manière d'aborder
12:40la réalité de ce qu'est
12:42le vieillissement et l'avancée en âge.
12:44Je trouve que c'est dans un environnement particulier,
12:46les monts du Forest,
12:48un environnement rural,
12:50avec ces solidarités qu'on
12:52n'entend, qu'on ne voit pas,
12:54mais qu'on imagine aller au marché,
12:56pas aller au marché pour la jeune femme handicapée,
12:58etc.
13:00Mais qu'est-ce qu'on
13:02voit ? On voit qu'au fond,
13:04il y a des capacités
13:06qui évoluent.
13:08Marcher devient compliqué.
13:10Pouvoir se mouvoir
13:12ou se faire comprendre quand on est très sourd
13:14devient compliqué.
13:16Mais il n'y a rien d'anormal.
13:18Et au fond, dans la réponse que vous apportez,
13:20c'est faire que ça tienne.
13:22Et que ça tienne
13:24le mieux possible,
13:26sans s'imaginer qu'on va
13:28pouvoir créer le miracle absolu
13:30du rétablissement.
13:32Voilà.
13:34C'est simplement un accompagnement
13:36que l'on pourrait proportionner
13:38et attentif pour enlever
13:40ce qui, dans les empêchements de la vie
13:42quotidienne, devient alors là
13:44une souffrance. Et c'est pour ça qu'on a
13:46tellement de temps sur le mal aux jambes,
13:48le mal au genou, les soufflements...
13:50Oui, des maladies souvent liées à la sédentarité.
13:52Ça m'a frappée.
13:54Est-ce que c'est différent d'ailleurs ?
13:56Le vieillissement,
13:58avec toutes les conséquences.
14:00Alors aussi, peut-être qu'effectivement,
14:02les grandes idées de la prévention
14:04primaire du vieillissement
14:06et de la perte d'autonomie ne sont peut-être pas
14:08arrivées dans les monts du Forest,
14:10comme partout ailleurs en France d'ailleurs,
14:12jusqu'à nos concitoyens. Mais ça, c'est encore un autre schéma.
14:14Et c'est ce que je trouvais
14:16très intéressant, parce qu'au fond,
14:18ça n'est rien d'autre
14:20que cette représentation très précise,
14:22très attentive, bienveillante,
14:24de ce qu'est le vieillissement.
14:26Et je pense que nos sociétés ont intérêt
14:28à le comprendre vite.
14:30Parce que le vieillissement, c'est ça.
14:32Et tout au long de ce film,
14:34on vous voit, docteur, presque faire du sur-mesure
14:36pour chaque patient.
14:38Répétez calmement les choses,
14:40parfois dix fois s'il le faut,
14:42si c'est nécessaire quand la personne est un petit peu sourde.
14:44Et puis, bien sûr, chose rare
14:46dans notre monde moderne qui va un peu
14:48à cent à l'heure, on vous voit prendre le temps.
14:50Prendre le temps de questionner
14:52et d'écouter le patient.
14:54On va revoir un court extrait
14:56de ce film qui illustre bien
14:58votre patience. On va en parler après.
15:00Bon, à part ça, ça va comment,
15:02du coup ?
15:04À part ça, sinon ?
15:06Eh bien...
15:08À part ça, sinon ?
15:10Je disais, à part ça, sinon ?
15:14Ça va comment, sinon ?
15:20D'accord.
15:24L'appétit va bien ?
15:26Vous mangez bien ?
15:30Je mange, oui.
15:32Bon, impeccable.
15:34C'est histoire de dormir,
15:36je ne dors pas.
15:38Et pourtant, vous avez ce qu'il faut pour, mais...
15:40Je ne dors pas, je ne dors pas.
15:44On va prendre une petite tension, déjà, pour voir.
15:46D'accord ? On va prendre la tension.
15:48Ah oui.
15:50Voilà, c'est une des séquences,
15:52des nombreuses séquences extrêmement touchantes
15:54de ce film. Comment vous l'avez perçue, Bernard Baud ?
15:56Parce qu'on sent qu'il faut prendre le temps
15:58et que c'est difficile de les faire parler.
16:00C'est difficile souvent de prendre le temps
16:02parce que les médecins sont
16:04occupés énormément,
16:06et je me rappelle les tournées de visites qu'il fallait faire,
16:08il ne fallait pas traîner.
16:10Mais d'un autre côté, c'est important de prendre le temps
16:12et pour revenir au niveau des visites
16:14qui sont très importantes pour un médecin généraliste,
16:16aujourd'hui, la plupart des personnes
16:18se déplacent au cabinet.
16:20Or, le fait de les voir dans leur milieu,
16:22de pouvoir les accompagner,
16:24de voir dans quel état ils sont
16:26dans leur cuisine ou dans leur chambre,
16:28c'est important, mais il faut prendre le temps.
16:30Je crois que c'est important de les entendre, de les écouter,
16:32d'apprécier aussi leurs paroles
16:34parce qu'ils ne disent pas tout.
16:36Il faut savoir lire...
16:38On sent beaucoup de pudeur.
16:40Oui, beaucoup de pudeur,
16:42mais je retrouve exactement ce que j'ai vécu
16:44il y a pas mal d'années,
16:46et c'est passionnant.
16:48Par contre, c'est passionnant de s'en occuper,
16:50mais on se sent aussi, le médecin se sent
16:52quelquefois isolé,
16:54et il n'y a pas toujours l'accompagnement qu'il faudrait
16:56au niveau des ergothérapeutes,
16:58des kinésithérapeutes, des infirmières,
17:00des aides-soignants.
17:02Il n'y a pas assez d'accompagnement.
17:04C'est là où je parle d'organisation.
17:06Ce qu'on a essayé, dans tous les rapports
17:08qu'on a fait au niveau du Sénat,
17:10c'est de dire,
17:12laissons une organisation se faire
17:14autour de la personne âgée,
17:16qu'elle soit avec des allers-retours dans les EHPAD,
17:18qu'elle soit avec des lieux d'autonomie,
17:20des maisons pour l'autonomie,
17:22mais laissons un peu l'organisation se faire
17:24avec le médecin,
17:26c'est le médecin qui doit être un peu au centre
17:28de cet accompagnement, mais pas tout seul.
17:30C'est vrai qu'on se demande s'il y a bien
17:32tout ce qu'il faut sur place,
17:34s'il y a un maillage territoriel suffisamment riche.
17:36Il y a un maillage qui est particulier,
17:38qu'on ne voit pas dans le film,
17:40parce que Camille Ponsing, l'organisateur,
17:42voulait que ce soit centré sur moi
17:44et sur les visites qu'on faisait à domicile.
17:46Je suis le petit maillon d'une maison de santé
17:48qu'on a montée avec des collègues.
17:50On a des infirmières, des kinés,
17:52on est quatre médecins en tout sur le secteur.
17:54On a réussi à faire un maillage du territoire
17:56sur une maison de santé qui est
17:58sur plusieurs pôles.
18:00On a trois sites de consultation différents
18:02pour pouvoir s'étendre sur à peu près 40 km de montagne
18:04et assurer ce genre de soins
18:06à la fois du cabinet
18:08et à la fois du domicile aussi.
18:10Elles sont cruciales, ces aides ménagères
18:12dont on entend parler dans le film,
18:14ces EHPAD, ces établissements.
18:16C'est un inégal sur le territoire, Valentine Trépied ?
18:18Sur le territoire, on compte
18:207500 EHPAD,
18:22pour être précis.
18:24J'ai l'impression, en tout cas en regardant le reportage,
18:26que les aides à domicile sont plutôt
18:28présentes sur votre territoire.
18:30On entend des...
18:32Enfin, on observe, on écoute
18:34des personnes qui sont accompagnées
18:36par ces structures.
18:38Il y a une diversité d'aides
18:40que les personnes peuvent solliciter
18:42sur le territoire, avec bien sûr parfois
18:44des inégalités territoriales.
18:46Sur les aides à domicile, pardon,
18:48je me permets juste d'interagir avec ce que vous dites.
18:50Vous avez raison.
18:52Mais si on se réfère à notre film,
18:54on entend bien que
18:56parfois, elles sont malades
18:58ou que parfois, elles sont en vacances
19:00et que donc, on peut se retrouver sans aides à domicile.
19:02Et juste, pardon, mais le domicile
19:04sans les aides à domicile, ça ne passe pas.
19:06Ça ne tient pas.
19:08Et la particularité du modèle du domicile,
19:10c'est qu'en ville,
19:12il y a de la distance,
19:14et là, pour le coup, en campagne,
19:16la distance, elle rend le modèle
19:18de l'intervention à domicile
19:20pour l'aide à domicile extraordinairement compliqué.
19:22Et je pense que s'il y a un moment,
19:24il faut vraiment, alors là,
19:26en urgence, se poser la question
19:28du soutien à ce type d'intervenant,
19:30c'est sur le champ du domicile.
19:32Parce que sinon, je ne vois pas
19:34comment, sur les différentes personnes
19:36que nous avons vues, c'est opérable.
19:38Juste, ça ne l'est pas.
19:40En fait, on arrive à maintenir les gens à domicile
19:42et à garantir un peu leur santé au maximum,
19:44de toute façon, justement parce qu'il y a
19:46les acteurs pour le faire, en fait.
19:48Il y a quelques cas où, effectivement,
19:50on a des gens isolés qui acceptent peu de personnes.
19:52Il y en a dans le film, où il y a
19:54très peu d'intervenants, où peut-être il y aura l'infirmière
19:56et moi, grosso modo, mais pas plus.
19:58Mais si on veut réussir quelque chose,
20:00on a besoin de tout le monde. On a besoin de l'infirmière,
20:02du kiné, du médecin, de l'aide à domicile.
20:04Et ils viennent s'installer ?
20:06Ils sont comme vous ?
20:08Le secteur d'aide à domicile, il est présent.
20:10Il y a toujours des organisations,
20:12mais c'est un secteur qui est en souffrance terrible,
20:14parce que le métier est mal reconnu.
20:16Il n'y a pas assez de recrutement,
20:18il n'y a pas assez de rémunération.
20:20Il n'y a pas les lits budgétaires qui vont vers ce secteur.
20:22En campagne, il y a le problème des déplacements,
20:24c'est-à-dire que la rémunération sur les déplacements
20:26est très faible dans le secteur des aides à domicile.
20:28Et donc, en fait, elles font beaucoup de déplacements
20:30qui ne sont pas toujours bien complètement payés
20:32et pour des temps en plus de travail
20:34qui, des fois, ne sont pas forcément très longs.
20:36Si on est précis et concret,
20:38c'est-à-dire, ça rapporte combien, entre guillemets ?
20:40C'est financé par qui ?
20:42C'est financé par le département.
20:44C'est le département qui aide.
20:46Le département finance beaucoup de prestations à domicile,
20:48mais pas assez.
20:50On fait des plans d'aide à domicile
20:52qui sont souvent insuffisants
20:54et qui ne prennent pas, enfin, depuis peu de temps,
20:56qui prennent un peu en compte les déplacements,
20:58mais pas suffisamment.
21:00Et puis surtout, ce sont des horaires très décalés
21:02qui n'attirent pas les personnes
21:04pour venir travailler dans ces associations.
21:06Là, c'est pareil, c'est juste un mot
21:08par rapport aux indemnités kilométriques,
21:10qu'elles soient au niveau des aides à domicile
21:12ou des médecins,
21:14c'est totalement insuffisant.
21:16Quand un médecin reçoit en une heure
21:184 personnes ou 3 personnes au cabinet,
21:20il peut en voir peut-être qu'une à domicile
21:22et les indemnités kilométriques sont ridicules.
21:24Donc ça ne permet pas, c'est normalement
21:26un temps horaire qui est calculé,
21:28mais c'est insuffisant. Là aussi, il faudrait le revoir.
21:30Là aussi, pour inciter les médecins à aller à la campagne,
21:32il faudrait peut-être qu'on règle aussi ce problème.
21:34Bien sûr, c'est fondamental.
21:36Il faudrait le régler chez les aides à domicile d'ailleurs,
21:38qui à mon avis, c'est le pire des cas qui existent.
21:40Et encore, ça n'existe pas depuis très longtemps.
21:42En plus, oui, tout à fait.
21:44Après, j'entends effectivement
21:46le secteur des aides à domicile,
21:48des EHPAD est en très grande difficulté.
21:50Il ne faut pas oublier aussi les aidants,
21:52les proches, les membres de l'entourage,
21:54les familles, notamment les femmes
21:56dans les familles qui occupent ces fonctions.
21:58Ce qu'on voit dans les statistiques,
22:00c'est même quand il y a des aides
22:02formelles, assurées par des professionnels,
22:04les aidants informels,
22:06donc les proches,
22:08s'occupent aussi de leurs parents.
22:10Il y a des aides conjointes.
22:12Ce n'est pas parce qu'il y a des aides à domicile
22:14que les proches n'interviennent plus loin de là.
22:16C'est ça aussi qu'il faut...
22:18Avec un vrai problème de santé publique sur les aidants.
22:20Et de démographie des aidants qui vieillissent.
22:22Aujourd'hui, on constate que parfois,
22:24les aidants sont tellement fragilisés
22:26qu'il leur arrive de développer
22:28des pathologies, ou parfois même
22:30de mourir, avant
22:32l'hôpitalité, parce que
22:34c'est très lourd.
22:36Ça, c'est une de nos grosses préoccupations,
22:38nous, à l'OSSIAP, c'est qu'on essaie de...
22:40On est non lucratif, je m'empresse de le dire ici.
22:42C'est que nous essayons de développer
22:44effectivement des réponses pour que
22:46ce poids,
22:48qui est une charge mentale
22:50très forte, pèse
22:52moins sur ces aidants.
22:54Et c'est vrai qu'en milieu rural, souvent,
22:56les femmes, elles ont la charge
22:58d'exploitation agricole, et puis en plus,
23:00elles vont apporter un coup de main à leurs proches
23:02qui avancent en âge.
23:04Ce sont des situations difficiles.
23:06Essayons justement d'aborder la question des réponses
23:08politiques, parce qu'il y a des tentatives,
23:10en tout cas, vous allez me dire si elles sont satisfaisantes ou pas.
23:12Une loi a été adoptée récemment.
23:14Il s'agit de la loi du 8 avril 2024.
23:16C'est récent, portant mesure pour
23:18bâtir, je cite, la société du bien-vieillir
23:20et de l'autonomie. C'est la loi
23:22dite bien-vieillir. Je vous vois déjà faire la mouche,
23:24je vais vous faire réagir.
23:26Je vous cite quand même, ce qui est écrit sur le site du ministère.
23:28La loi comprend différentes mesures
23:30pour prévenir la perte d'autonomie,
23:32lutter contre l'isolement des personnes âgées ou handicapées,
23:34mieux signaler les maltraitances
23:36et faciliter le travail des aides à domicile.
23:38Est-ce que ça suscite,
23:40ne serait-ce qu'un peu d'espoir parmi vous ?
23:42Est-ce que cette loi, dont on a pas mal dit
23:44qu'elle était déjà insuffisante,
23:46suscite un peu d'espoir chez vous ?
23:48Non, je vous vois faire la mouche.
23:50Tout ce qui avance, tout ce qui est mieux est mieux.
23:52Je veux dire, réjouissons-nous.
23:54Cela dit, est-ce que c'est à la hauteur
23:56de la question qui nous est posée ?
23:58La question, elle est non.
24:00Pourquoi ? Qu'est-ce qui manque ?
24:02Je crois que nous devons,
24:04avec sérieux,
24:06intégrer le vieillissement
24:08comme une des caractéristiques
24:10de l'évolution de notre société
24:12et que dès lors, il faut accrocher
24:14bout à bout plusieurs politiques publiques
24:16qui doivent converger
24:18pour accompagner le vieillissement.
24:20C'est une politique de santé publique,
24:22c'est une politique de protection sociale,
24:24ce qui est encore un peu autre chose,
24:26une politique d'aménagement du territoire,
24:28une politique du transport.
24:30Bref, on va pas énumérer toutes les composantes,
24:32mais si on ne fait pas converger
24:34tous ces morceaux
24:36qui vont se retrouver chez la personne,
24:38c'est comment on fait livrer le repas,
24:40comment les courses arrivent,
24:42comment les médicaments sont là,
24:44comment l'aide à domicile advient,
24:46comment la personne peut se déplacer.
24:48Si on ne règle pas ce qui,
24:50je dirais, l'écosystème de la personne
24:52qui est un tout petit écosystème fragile,
24:54si on n'arrive pas à faire
24:56que ces politiques publiques convergent
24:58avec une vision moyen terme,
25:00parce que le vieillissement,
25:02c'est que le début.
25:04Les choses vont s'accentuer,
25:06les besoins vont grandir.
25:08L'idée, c'est qu'il faut sérieusement
25:10en faire un enjeu de politique publique
25:12avec une véritable volonté
25:14de programmation pluriel.
25:16Tout le monde est d'accord avec ça ?
25:18J'étais très déçu
25:20pendant les 6 années que j'ai passées.
25:22Au département, on s'organisait
25:24comme on pouvait avec les obligations
25:26qu'on avait, mais au niveau du Sénat,
25:28j'étais très déçu d'entendre parler
25:30d'une loi grand âge depuis que je suis arrivé.
25:32Je relisais un document tout à l'heure
25:34de 2018, où on enjoignait
25:36avec Dominique Libaud, de coordonner
25:38tout ce qui pouvait apporter
25:40une concertation, une organisation.
25:42Il y avait une prise de conscience et une ambition.
25:44Elle était là.
25:46On a parlé de tous les sujets,
25:48on a apporté des tas de réponses,
25:50mais on n'a pas mis les moyens en face
25:52pour essayer de s'organiser correctement.
25:54C'est ça qui a manqué, les moyens.
25:56On a parlé à tous les niveaux.
25:58Au niveau des études médicales,
26:00on a mis très longtemps pour remettre
26:02un nombre de médecins plus important.
26:04Au niveau de l'attractivité des métiers du soin,
26:06de l'aide à domicile,
26:08de l'organisation autour des EHPAD
26:10ou des maisons d'autonomie.
26:12On n'arrive pas
26:14à passer à la marche supérieure.
26:16On n'arrive pas à avancer,
26:18on n'arrive pas à s'organiser,
26:20alors que tout le monde a réfléchi sur tout.
26:22C'est dommage.
26:24C'est vrai qu'Emmanuel Macron avait promis
26:26une loi grand âge.
26:2821,3% des habitants
26:30avaient 65 ans ou plus en France
26:32au 1er janvier 2023.
26:34D'ici 2030, les plus de 65 ans
26:36seront plus nombreux que les moins de 15 ans.
26:38Il y a une véritable urgence.
26:40Je rejoins exactement
26:42les propos qui viennent d'être tenus.
26:44Il y a une multiplicité de rapports
26:46qui ont été écrits
26:48avec les plus grands experts.
26:50On connaît la situation,
26:52on la connaît très bien.
26:54Je pense que plus globalement,
26:56il s'agit aussi de changer les représentations
26:58sociales associées au vieillissement.
27:00C'est ça, pour moi, la clé.
27:02C'est-à-dire qu'on parle
27:04des personnes âgées
27:06dans notre société, mais comme si
27:08les inégalités sociales n'existent plus.
27:10C'est un tout homogène,
27:12alors qu'il y a une spécificité,
27:14une multiplicité du vieillissement
27:16de ces personnes.
27:18Je pense qu'il faut
27:20aussi revoir les dénominations.
27:22C'est-à-dire, mes confrères
27:24l'ont déjà dit depuis beaucoup d'années,
27:26mais sur cette dénomination de personne âgée
27:28dépendante, là encore,
27:30qui renvoie à un tout homogène,
27:32comme si tout le monde vivait
27:34avec des incapacités de la même façon.
27:36Et puis un peu humiliante, un peu rabaissante.
27:38Deux dépendants se renvoient
27:40bien sûr à des images
27:42qui sont liées à la soumission,
27:44à la domination de l'un sur l'autre.
27:46Donc c'est des étiquetages
27:48qui sont effectivement
27:50peu favorables pour donner
27:52une image plus positive du vieillissement
27:54dans les sociétés.
27:56J'ai même envie d'aller encore plus loin et de vous poser la question.
27:58Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a une invisibilisation
28:00du vieillissement et de la vieillesse ?
28:02Le mot est un peu à la mode, pardon.
28:04On invisibilise les personnes âgées,
28:06on a vraiment envie de les voir.
28:08Il y a une forme de déni autour du vieillissement qu'on ne veut pas voir ou pas ?
28:10En tout cas, ça fait peur.
28:12On est dans une société qui valorise
28:14l'autonomie, la responsabilité individuelle.
28:18Donc effectivement,
28:20le temps que les personnes âgées
28:22ont besoin
28:24ne correspond pas
28:26à nos valeurs, à nos normes actuelles.
28:28On le voit très bien dans le reportage.
28:30Le temps que vous passez
28:32à parler avec ces personnes,
28:34à parfois leur tenir la main...
28:36Le toucher.
28:38Le toucher est très important et on sait, pour ces personnes
28:40qui souffrent d'incapacité, à quel point le toucher
28:42est primordial.
28:44Donc effectivement, il y a toute une conception
28:46de notre rapport à la vieillesse
28:48à changer
28:50et qui, à l'heure actuelle, relègue
28:52ces personnes âgées au marge de la société.
28:54Pour Joseph Morin.
28:56Je pense qu'on a du mal à se positionner sur ce sujet-là,
28:58sur le sujet de la vieillesse.
29:00Je ne crois pas qu'il y ait un déni ou le fait qu'on ne le voit pas.
29:02Mais j'ai l'impression qu'on a du mal à se positionner
29:04puisqu'on arrive quand même
29:06d'une société ancestrale où, finalement,
29:08la pyramide des âges est respectée dans la famille,
29:10c'est-à-dire que tout le monde vit dans le même foyer.
29:12Donc, les jeunes vivent avec les plus vieux
29:14et avec les adultes, il y a des actifs, des moins actifs.
29:16Les enfants sont au milieu de tout ça
29:18et les grands-parents ou les arrière-grands-parents
29:20sont là-dedans. Et à l'heure d'aujourd'hui,
29:22on ne sait pas si on doit garder un schéma familial
29:24ou si on doit garder un schéma où on garde
29:26les jeunes actifs et on les valorise et
29:28on met les vieux de côté. Grosso modo, c'est un peu ça,
29:30c'est un peu trivial de lire comme ça. J'ai l'impression
29:32qu'on n'arrive pas à se positionner aussi sur ce côté-là.
29:34Et après, je rebondis aussi sur ce qu'on disait tout à l'heure,
29:36c'est que, oui,
29:38il y a la décision politique,
29:40il y a l'acte politique, il y a des choses à faire parce que
29:42c'est un verrou à chaque fois qu'il faut faire sauter
29:44pour qu'on puisse le mettre en œuvre sur le terrain.
29:46Mais je crois aussi qu'il y a beaucoup besoin
29:48de l'acte citoyen et que si on ne se bouge pas
29:50à la base pour faire quelque chose,
29:52on aura beau prendre des décisions politiques, il ne se passera jamais rien.
29:54C'est intéressant, vous vous en appelez aux citoyens,
29:56aux téléspectateurs qui nous regardent, à l'engagement personnel.
29:58En fait, on a toute notre responsabilité là-dedans, grosso modo.
30:00C'est que si on ne va pas,
30:02si on n'applique pas ce qui est proposé,
30:04si on ne se bouge pas pour le faire,
30:06même si ça prend plus d'énergie que prévu,
30:08même si c'est plus difficile que ce qu'on croyait,
30:10on n'y arrivera pas.
30:12Moi, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites.
30:14On a besoin du verrou politique.
30:16Les politiques de protection sociale,
30:18elles se sont toutes construites par des initiatives,
30:20j'ai envie de dire, citoyennes.
30:22Personnelles.
30:24Ce n'est pas un handicap, c'est un prototype.
30:26Ce sont les familles qui se sont organisées
30:28et qui ont fini par créer des organisations,
30:30des établissements, des choses comme cela.
30:32Et je crois profondément à ça.
30:34La décision publique ne doit pas contrevenir
30:36par une vision normative,
30:38abrupte,
30:40effectivement,
30:42et écraser ces initiatives.
30:44Parce que ce que disait Bernard Bohn tout à l'heure,
30:46c'est très important,
30:48c'est qu'il faut absolument respecter
30:50les spécificités des territoires,
30:52ces réalités parfois même infraterritoriales
30:54qui vont jusqu'à des écosystèmes
30:56tout petits et, encore une fois,
30:58très fragiles.
31:00Mais Marie-Hélène Lanchan,
31:02cette cinquième branche de la sécurité sociale,
31:04qui a été créée, elle existe,
31:06à quoi sert-elle ?
31:08Elle sert à plein de choses.
31:10Dans la sécurité sociale,
31:12on s'est dit une chose simple,
31:14il n'y a pas que la maladie,
31:16il n'y a pas que la famille,
31:18les accidents du travail,
31:20l'idée n'était pas de dire la vieillesse,
31:22l'idée était de dire le soutien
31:24à la vie autonome, ça veut dire quoi ?
31:26Au choix des gens,
31:28à la possibilité de s'exprimer comme un citoyen
31:30à part entière, quel que soit son niveau
31:32de fragilité. Et au fond,
31:34c'est ce que les échanges
31:36que vous montrez dans le film
31:38révèlent, c'est qu'il n'y en a pas
31:40un qui est un sous-citoyen et un autre qui est...
31:42D'ailleurs, ça se termine toujours bien,
31:44ça se termine par ça va, alors l'attention,
31:46c'est magique, parce que l'attention, ça va toujours.
31:48C'est la note,
31:50c'est le truc qui fait que ça va.
31:52Si je dis ça, c'est que c'est une avancée
31:54et j'ai l'impression, étonnamment,
31:56qu'on n'a pas su que faire
31:58de cette avancée incroyable
32:00de créer une branche de la sécu.
32:02On n'a pas mis les moyens, quand même.
32:04Alors, on en a mis un peu,
32:06mais pas complètement, mais on a raison.
32:08Si je dois vous demander à tous et à toutes un petit mot de conclusion,
32:10peut-être un appel à lancer
32:12sur cette question du sort des personnes
32:14âgées, du vieillissement, Joseph Morin.
32:16C'est ce que je viens de dire.
32:18Je pense qu'il y a un élan citoyen à avoir,
32:20que chacun a son rôle à jouer là-dedans,
32:22donc aussi bien politique que citoyen,
32:24et je pense que si tout le monde s'y met,
32:26on peut vraiment relever le défi.
32:28Et plus de médecins dans les déserts médicaux ?
32:30Eh bien, ça, c'est une problématique,
32:32oui, mais il faut voir déjà
32:34comment fonctionnent ces déserts médicaux.
32:36Là, on parle du monde rural, et dans les fantasmes,
32:38c'est toujours le monde rural qui est en désert médical,
32:40mais ce n'est pas vrai.
32:42La Seine-Saint-Denis est un désert médical.
32:44La question est un peu plus compliquée à répondre.
32:46Est-ce qu'il faut plus de médecins ?
32:48Est-ce qu'il faut mieux les répartir ?
32:50Là, c'est une décision que je ne peux pas répondre
32:52à cette question.
32:54Valentine Trépied ?
32:56Je dirais que c'est indispensable
32:58d'écouter ces personnes,
33:00même lorsqu'elles sont dans des situations
33:02de très grandes incapacités.
33:04Elles ont beaucoup de choses à nous apprendre
33:06sur la manière dont elles vieillissent
33:08et les marges de progression
33:10que chacun de nous peut avoir.
33:12C'est nous, demain, accessoirement.
33:14Marianne Manchand ?
33:16Quand on va sur ce terrain-là,
33:18comme vous le dites,
33:20dans cet espèce de partenariat
33:22entre le citoyen
33:24et le décideur public,
33:26on se donne des possibles incroyables
33:28parce que derrière la question
33:30de l'accompagnement de l'avancée en âge,
33:32se pose la question de l'évolution
33:34de nos politiques de santé.
33:36On a besoin de les transformer,
33:38de les rendre plus écosystémiques,
33:40et l'idée, c'est que la santé publique
33:42doit être articulée
33:44sur la préservation des chances
33:46et de la citoyenneté de chacun.
33:48Bernard Maud ?
33:50Pour conclure, je suis tout à fait d'accord.
33:52Je crois que le citoyen doit prendre sa part
33:54dans le suivi des personnes âgées,
33:56mais la famille surtout.
33:58Je pense que c'est surtout la famille
34:00qui doit jouer son rôle
34:02par rapport à la personne âgée
34:04parce que c'est indispensable.
34:06Je voudrais surtout qu'on n'oublie pas
34:08que dans les EHPAD,
34:10il y a un manque de moyens
34:12du personnel qui n'arrive plus
34:14à accompagner les personnes âgées
34:16qui sont complètement dépendantes.
34:18Je crois qu'il y a un effort à faire.
34:20C'est toute une chaîne sur laquelle
34:22il faut agir, à la fois à domicile,
34:24dans des établissements intermédiaires
34:26et dans les EHPAD.
34:28Plusieurs appels sont lancés.
34:30Si le film vous a plu,
34:32si ça vous a marqué,
34:34si ça vous a remué,
34:36je ne les vois pas comme des gens
34:38malheureux essentiellement,
34:40c'est qu'ils nous raccrochent
34:42à quelque chose d'essentiel.
34:44Ils ne sont pas sur les réseaux sociaux,
34:46ils ne sont pas dans la vie active
34:48et dans des vidéos qui durent quelques secondes.
34:50Ils nous raccrochent à quelque chose d'essentiel,
34:52à une vie beaucoup plus simple,
34:54beaucoup plus brute.
34:56Je crois que ça nous marque
34:58parce que ça fait partie de nos racines.
35:00On s'en éloigne et quand on voit ça,
35:02on s'en rapproche un peu.
35:04Que c'est beau.
35:06Merci beaucoup à tous les quatre
35:08pour cet échange si humain.
35:10Merci encore à vous d'avoir participé
35:12à ce film magnifique.
35:14Merci beaucoup.
35:16À très vite sur Public Sénat.
35:18Émission et documentaire à retrouver
35:20sur notre plateforme publicsenat.fr.
35:22Je vous le conseille vivement.
35:24À très vite sur Public Sénat.
35:26Merci.
35:34Sous-titrage Société Radio-Canada