Comment la croissance peut mener à la faillite: L'exemple de Nike

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00:00Salut à tous et bienvenue dans cette vidéo, vidéo qui m'a été inspirée par le livre
00:16« L'art de la victoire » de Phil Knight, donc c'est l'autobiographie du créateur
00:19de Nike.
00:20C'est vraiment passionnant, alors l'entreprise au départ ne s'appelle pas Nike, elle s'appelle
00:23Blue Ribbon, et ce livre va de la création de Blue Ribbon Sports en 1964, en passant
00:28par le changement de nom de Blue Ribbon Sports à Nike en 1971 et jusqu'à plus ou moins
00:33l'introduction en bourse de Nike en 1981, je vous passe les détails.
00:38Je ne veux pas trop vous spoiler le livre parce qu'il est passionnant, c'est un livre
00:41de business mais pas trop business, c'est vraiment plus une aventure entrepreneuriale,
00:45donc je vous le conseille.
00:46Et dans ce livre, on apprend que Nike est passé plusieurs fois très très proche de
00:52la faillite, c'est aussi ce qui rend ce bouquin passionnant.
00:55Et ce qui est dingue, c'est qu'il est passé très très proche de la faillite plusieurs
00:59fois, pourquoi ? À cause de sa forte croissance.
01:01Et c'est vrai que quelqu'un qui ne connaît pas trop la comptabilité peut se dire « mais
01:04comment est-ce qu'on peut passer aussi proche de la faillite avec une aussi belle croissance
01:08? » Puisque très souvent au début, mais même pendant assez longtemps, la croissance
01:12de Nike c'est de 100%, le chiffre d'affaires double tous les ans et pourtant ils ont toujours
01:16des problèmes de trésorerie, jusqu'à quand ? Jusqu'à l'introduction en bourse
01:20en 1980.
01:21Alors d'où vient ce problème ? D'où vient ce problème de trésorerie ?
01:24C'est tout simplement à cause du BFR.
01:26Le BFR, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire « besoin en fonds de roulement
01:31». Alors pour vous l'expliquer, je dois faire un petit rappel comptable, soyez patient,
01:34ça ne va pas durer longtemps.
01:35Et notamment au niveau du bilan de l'entreprise, parce que je vous rappelle que le bilan c'est
01:38une photo des actifs et passifs de l'entreprise à un moment donné.
01:42Donc le passif ce sont les ressources de l'entreprise, c'est son financement et les actifs c'est
01:47ce que l'entreprise possède, donc les usines, les stocks, les liquidités etc.
01:52Et que ce soit à l'actif comme au passif, on a du long terme et du court terme.
01:56Côté passif long terme, donc le financement à long terme, ce sont d'abord les capitaux
02:02propres, c'est-à-dire l'argent qui a été amené par les actionnaires ou gagné ensuite
02:05par l'entreprise et qui revient aux actionnaires, ou bien ce sont les dettes à long terme.
02:09En termes de vocabulaire, on parle parfois pour les dettes à long terme de « passif
02:13non courant ». Courant en langage comptable, ça veut dire qui sert pour le cycle de l'exploitation,
02:18qui sert pour l'année, qui sert pour la production en cours, et non courant c'est
02:22l'inverse, c'est tout ce qui sert pour plusieurs années.
02:24Et chez Nike à l'époque c'est bien simple, le financement à long terme il est très
02:28très très faible.
02:29Pourquoi ? Parce que Phil Knight il est tout jeune le fondateur et il n'a pas d'argent,
02:33et les banques ne lui prêtent pas à long terme, donc on le verra, ça pose de gros
02:37soucis.
02:38À l'actif, pour le long terme, on parle généralement d'immobilisation, c'est-à-dire les terrains,
02:43les usines, les machines etc.
02:46Donc pour reprendre le langage de tout à l'heure, on va parler d'actifs non courants, qui ne
02:50servent pas à l'exploitation, qui sont pour du long terme.
02:53Au début de Nike, très franchement il n'y a rien.
02:55Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont pas d'usines, ils n'ont pas de machines, c'est tout simplement
02:59un petit gars qui fait de l'import de chaussures japonaises pour Onitsuka, qui deviendra plus
03:04tard ASICS, au départ il est tout seul, puis ils sont deux, puis ils sont trois, mais il
03:07n'y a rien du tout.
03:08Ils mettent très longtemps avant d'avoir leurs propres locaux.
03:11Donc à l'actif long terme il n'y a pas grand chose, et au passif long terme il n'y a pas
03:15grand chose.
03:16En fait, chez Nike, au départ, tout se passe à court terme.
03:18Donc le court terme en comptant, je vous l'ai dit, c'est moins d'un an.
03:21On parle d'actifs et de passifs courants ou bien circulants.
03:24Donc au passif, on va trouver les dettes fournisseurs et puis les dettes fiscales.
03:29Donc en gros, vous avez reçu une facture d'électricité ou n'importe quelle facture
03:32de fournisseur ou bien un impôt à payer et vous avez un délai pour payer, donc pendant
03:37ce laps de temps là, c'est une dette fournisseur.
03:40A l'actif, donc toujours l'actif courant, court terme, on retrouve principalement les
03:45stocks, les créances clients, donc c'est l'inverse des créances fournisseurs, c'est-à-dire
03:48que vous avez livré un client et vous attendez le paiement et puis la trésorerie.
03:52Alors revenons à Nike, je vous l'ai dit, ils importent des chaussures, mais ils sont
03:57tout jeunes, ils sont tout petits, ils n'ont pas d'argent, donc leur fournisseur japonais
04:00ne leur fait pas confiance à cette petite entreprise américaine et ils demandent à
04:03être payés avant la livraison, c'est normal.
04:06Mais le problème, c'est que les chaussures arrivent souvent avec beaucoup de retard.
04:10Donc Phil Knight, il doit attendre longtemps la livraison, ensuite il les stocke et puis
04:14il doit les revendre petit à petit et c'est là où on retrouve notre BFR, notre besoin
04:19en fonds de roulement.
04:20Alors au niveau du calcul, c'est assez simple, c'est les stocks plus les créances clients
04:24moins les dettes fournisseurs fiscales et sociales.
04:27Alors les stocks, on comprend bien, c'est de l'argent qu'il a fallu sortir avant de
04:30vendre quoi que ce soit, c'est de l'argent qu'on a avancé, c'est un coût passé si
04:33vous voulez.
04:34Les créances clients, qu'est-ce que c'est ? C'est l'argent qu'on attend de recevoir
04:37des clients.
04:38Le BFR, finalement, c'est un peu comme un stock, c'est-à-dire que même si le produit
04:41a été vendu et livré, il n'est toujours pas payé.
04:44Donc c'est un revenu futur, donc tout ça, il faut le financer, que ce soit les stocks
04:48ou les créances clients, ça a besoin d'être financé à court terme.
04:51Donc on enlève les dettes fournisseurs ou les dettes fiscales puisque c'est de l'argent
04:55qu'on aurait dû payer à court terme, mais on a un petit délai.
04:58Le BFR, c'est donc l'argent nécessaire pour faire tourner l'exploitation de l'entreprise
05:04et c'est là où suivant les entreprises, on a des cas très différents.
05:06Il y a des cas où les clients doivent payer immédiatement.
05:09Ça, c'est le cas à peu près général dans tout ce qui est B2C, c'est-à-dire quand
05:13on vend à des clients particuliers, à du retail, quand on va acheter son pain, quand
05:17on va dans un supermarché, quand on achète un peu n'importe quoi finalement, en tant
05:20que particulier, on doit payer immédiatement.
05:22Quand c'est du B2B, quand c'est des entreprises qui se vendent entre elles, en général,
05:26il y a des délais de paiement, il y a 30 jours, 60 jours, etc.
05:29Au niveau des fournisseurs, c'est pareil.
05:31La norme, plus ou moins la norme, c'est qu'on peut payer un fournisseur à 30 jours, à
05:3560 jours.
05:36Mais on le voit, dans le cas de Nike, ce n'est pas du tout ça.
05:38Non seulement Nike doit payer au moment de l'achat, mais pire que ça, il doit payer
05:41avant la livraison, bien avant la livraison, puisque la marchandise vient du Japon et
05:45met beaucoup de temps à être livrée.
05:46Et enfin, il y a des stocks.
05:47On sait qu'il y a des entreprises qui ont besoin de beaucoup de stocks et des entreprises
05:50qui ont peu, voire même pas du tout de stocks.
05:53Donc, on imagine bien, suivant les secteurs, voire même suivant les entreprises, il y
05:57a des BFR qui sont extrêmement différents.
05:59Donc, si vous avez des clients qui payent directement au moment de l'achat et des fournisseurs
06:04qui sont payés, eux, à 30 ou 60 jours, donc on peut penser à certains cas dans la
06:07distribution ou dans les restaurants par exemple, si les stocks sont relativement faibles, alors
06:11vous avez un BFR qui peut être très faible, voire même négatif, c'est-à-dire que l'argent
06:15reçu des ventes permet de payer les achats.
06:17Donc, dans ces cas-là, vous n'avez pas besoin de financement à court terme si vous
06:21voulez.
06:22Les ventes financent les achats.
06:24Et chez Nike, malheureusement, c'est l'inverse, c'est-à-dire qu'il faut acheter une cargaison
06:28de chaussures, la payer directe, la payer comptant, ensuite attendre plusieurs semaines,
06:33des mois même, qu'elle soit livrée.
06:34Et comme je vous disais que Phil Knight n'a aucun financement à long terme, c'est compliqué
06:37pour lui de payer chaque commande.
06:39Donc, sa première commande de 1 000 $, il la paye avec l'argent de son père.
06:42Il tâne son père pendant longtemps, finalement, il obtient ses 1 000 $, mais dès la deuxième
06:46commande, c'est trop important, son père ne peut pas suivre, c'est une commande de
06:493 000 $.
06:50Donc là, il va devoir supplier la banque de lui prêter de l'argent.
06:53Finalement, la banque lui prête.
06:54Quelques semaines plus tard, la marchandise est reçue, devient un stock qui est vendu
06:58petit à petit.
06:59Alors là, c'est là où le livre est passionnant, il vend ça du coffre de sa voiture, il va
07:03à l'estade, etc. pour vendre.
07:04Donc, il le vend bien sûr avec une marge.
07:07Une fois qu'il a vendu toutes ses chaussures, sur le compte bancaire de l'entreprise, il
07:10y a le montant de la cargaison reçue plus la marge.
07:15Donc si ses 3 000 $ de chaussures, il les vend pour 4 000 $, il y a 4 000 $ sur le compte,
07:20il rembourse les 3 000 $ à la banque et il se retrouve donc avec sa marge, donc 1 000
07:24$ sur le compte.
07:25Bien, jusqu'ici, on peut penser que ça ne pose pas spécialement de problème, mais
07:28si, parce que le gros problème qu'a Phil Knight et son entreprise, donc Blue Ribbon
07:32à l'époque, c'est la croissance.
07:34Parce que Nike ne peut pas attendre que toutes ses chaussures soient vendues pour en racheter
07:38d'autres.
07:39Ils ont besoin de stock.
07:40En plus, on est dans la chaussure, donc il y a différents modèles, il y a différentes
07:43pointures, etc.
07:44Et comme je vous le disais, les livraisons mettent longtemps à arriver.
07:46Donc, quand il commence à écouler un peu trop de leur stock, ils doivent recommander
07:50une nouvelle cargaison.
07:51Et comme ils ont une croissance de 100 % par an, à chaque livraison, la commande est plus
07:55grosse.
07:56Donc, c'est du 3 000 $, 6 000 $, 10 000, 15 000, 20 000, etc.
07:59Et à chaque fois, Phil Knight est obligé d'emprunter plus.
08:01Et à chaque fois, c'est une négociation plus tendue avec la banque.
08:05Et à un moment, la banque lui dit, vous avez une croissance trop rapide par rapport à
08:07vos capitaux propres.
08:08La croissance sans capitaux propres est dangereuse.
08:11Et Phil Knight lui répond, la vie, c'est la croissance, le business, c'est la croissance,
08:16on croit ou on meurt.
08:17Et bien sûr, je comprends la vision de Phil Knight à cette époque, c'est un entrepreneur
08:22tout fou, il n'a qu'une envie, c'est de développer son entreprise.
08:25Mais le BFR, c'est une course en avant.
08:27Et le BFR avec la forte croissance, c'est vraiment quelque chose de compliqué.
08:31Et Phil Knight, c'est un ancien comptable, il le sait très bien tout ça.
08:35Parce que oui, sur le papier, si on regarde un an de business, de Blue Ribbon Sport devenu
08:41Nike, il y a plus d'argent qui rentre que d'argent qui sort.
08:44Ça, c'est bien, super.
08:46Mais le problème, c'est le timing, c'est qu'on doit engager de l'argent avant d'en
08:50toucher.
08:51C'est ça le BFR.
08:52Et chez Nike, ce BFR augmente fortement chaque année parce qu'on a une très forte croissance
08:56des ventes.
08:57Nike aurait pu faire faillite plusieurs fois.
08:58Imaginez des situations comme une cargaison qui se perd en mer, une cargaison qui arrive
09:03trop tard, une cargaison qui n'a pas les bons modèles, une cargaison qui est abîmée
09:07avec des chaussures invendables ou bien une forte baisse des ventes à un moment qui fait
09:11qu'ils se retrouvent avec un stock qui est compliqué à gérer.
09:14Nike aurait pu faire faillite des dizaines de fois.
09:17Et finalement, après, par fatigue, ils se forcent à introduire l'entreprise en bourse.
09:22Ils ne voulaient pas le faire, mais ils en ont marre.
09:25Ça fait des décennies qu'ils se battent avec ces problèmes de trésorerie.
09:28Ils ont envie que ça s'arrête et donc ils ont, en 1980, introduit Nike en bourse avec
09:33beaucoup de succès et ça a été la fin de leurs problèmes de trésorerie.
09:37Et c'est là où il y a un énorme paradoxe, c'est que Nike est passée proche de la faillite
09:41à cause de sa croissance.
09:43C'est pour ça que pour moi, comprendre le cycle d'exploitation d'une entreprise, c'est
09:47important.
09:48Et on se demande souvent, mais pourquoi la tech a autant de succès en bourse ? Pourquoi
09:51est-ce qu'ils trustent les premières places des entreprises mondiales ?
09:54Il y a plein de raisons à ça.
09:55On sait qu'ils ont une magnifique croissance, qu'ils ont des très grosses marges.
09:59Bon voilà, ils ont des coûts variables quasi zéros, il y a beaucoup de choses là-dedans,
10:03et notamment le fait qu'ils ont des BFR qui sont en général magnifiques tout simplement
10:07parce qu'ils n'ont pas de stock, ils ont des paiements qui sont contents, et puis de
10:12l'autre côté, ils ont peu de fournisseurs qui ont des marges énormes ou bien des fournisseurs
10:16qui peuvent payer avec du délai.
10:18Et pour prendre deux exemples qui pour moi sont relativement magiques dans ce domaine-là,
10:23vous prenez Airbnb et Booking, donc eux, qu'est-ce qu'ils font ? Ils encaissent l'argent
10:28des clients, des clients locataires, et beaucoup plus tard, ils versent cet argent, moins leur
10:33marge, évidemment, aux propriétaires, propriétaires d'hôtels, propriétaires d'appartements,
10:37de maisons.
10:38Et quand on regarde leurs besoins en fonds de roulement, je prends celui de Booking,
10:42et Booking a 17 milliards d'actifs circulants, on enlève les 13 milliards de trésorerie,
10:48il reste 4 milliards à financer.
10:50Et côté passifs circulants, cette fois-ci, on trouve 13 milliards de dollars, donc ils
10:55ont un BFR négatif de 9 milliards de dollars, donc chez eux, il n'y a aucun problème de
10:59trésorerie.
11:00En fait, leur business ne génère pas un besoin de fonds de roulement, c'est une capacité
11:05de trésorerie, c'est une avance de trésorerie qu'ils ont à chaque fois qu'ils font du business,
11:08en fait, ils sont payés avant de devoir débourser, c'est totalement l'inverse de Nike.
11:12Alors il y a évidemment des secteurs comme ça qui sont plus demandeurs que d'autres
11:16en termes de BFR.
11:17Du bon côté de la barrière, on retrouve le tourisme, on retrouve les logiciels, je
11:21l'ai dit, ou bien les services financiers qui, dans l'ensemble, ont des BFR qui sont
11:25très faibles, voire négatifs, on l'a vu.
11:27Et de l'autre côté, on va retrouver l'automobile, le secteur automobile, l'aéronautique ou
11:31même la pharmacie ou les équipements médicaux qui vont, en général, avoir des BFR beaucoup
11:36plus élevés.
11:37Alors ces BFR, si vous êtes investi dans des grosses entreprises, même s'il y a des
11:41gros besoins en fonds de roulement, parce que Nike a toujours un gros besoin en fonds
11:44de roulement actuellement, mais il est bien géré aujourd'hui, ils n'ont plus de problème
11:47de financement.
11:48Donc souvent, dans les grosses boîtes, il n'y a pas trop ce problème, déjà parce
11:51qu'elles sont souvent matures, donc il y a une croissance qui est plus faible, en tout
11:54cas qui est bien gérée, mais c'est du côté des petites entreprises qu'il faut regarder
11:59ça, et vous l'avez bien compris, des petites entreprises avec forte croissance, parce que
12:03souvent, elles pensent à leur croissance long terme au travers d'augmentation de capital
12:07ou d'obligations ou de prêts pour acheter, je ne sais pas, une usine, etc., des choses
12:12matérielles.
12:14Mais parfois, ils peuvent se faire surprendre par le BFR, et on le sait, ça peut causer
12:18la faillite, ça ne l'a pas fait pour Nike, mais c'est vraiment passé à deux doigts.
12:21Donc je vous le rappelle, l'art de la victoire de Phil Knight, c'est vraiment une lecture
12:24à faire, c'est dommage, je présente ça en septembre, c'est une lecture parfaite
12:29pour l'été, si vous l'avez lu, mettez-moi ça en commentaire, ou si vous êtes entrepreneur
12:33et que vous avez eu des belles histoires de trésorerie, de BFR, mettez-moi ça aussi
12:37en commentaire, ça m'intéresse.
12:38Merci à tous pour votre support, comme d'habitude, et à bientôt pour d'autres vidéos.

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