Le Nord en fanfare
Dans le nord de la France, de nombreux villages du bassin minier ont leur propre fanfare, chorale ou orchestre. Avec le début de l'enseignement musical dans les écoles au tournant du XIXème siècle, ces ensembles instrumentaux se multiplient dans la région, faisant de cette musique populaire un élément du quotidien pour les mineurs. Entraînant même la construction de salles des fêtes propices aux rassemblements, les fanfares créent un sentiment d'appartenance à une même communauté, qui perdure encore aujourd'hui.
À Mirecourt, une petite musique des Vosges
Depuis quatre siècles, Mirecourt vit au rythme du va-et-vient des archers. Des générations de luthiers ont appris à y tailler, sculpter, assembler l'instrument de toute une vie, le violon. De grands musiciens comme Yehudi Menuhin en ont même pincé les cordes. À Mirecourt, berceau de la lutherie française, ce savoir-faire presque unique en Europe ne se serait jamais développé sans la présence des ducs de Lorraine.
Année de Production :
Dans le nord de la France, de nombreux villages du bassin minier ont leur propre fanfare, chorale ou orchestre. Avec le début de l'enseignement musical dans les écoles au tournant du XIXème siècle, ces ensembles instrumentaux se multiplient dans la région, faisant de cette musique populaire un élément du quotidien pour les mineurs. Entraînant même la construction de salles des fêtes propices aux rassemblements, les fanfares créent un sentiment d'appartenance à une même communauté, qui perdure encore aujourd'hui.
À Mirecourt, une petite musique des Vosges
Depuis quatre siècles, Mirecourt vit au rythme du va-et-vient des archers. Des générations de luthiers ont appris à y tailler, sculpter, assembler l'instrument de toute une vie, le violon. De grands musiciens comme Yehudi Menuhin en ont même pincé les cordes. À Mirecourt, berceau de la lutherie française, ce savoir-faire presque unique en Europe ne se serait jamais développé sans la présence des ducs de Lorraine.
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00:00Sous-titrage ST' 501
00:30Dans le nord de la France, presque chaque village du bassin minier a sa fanfare, sa
00:42chorale ou son orchestre, appelé « harmonie ». Cette musique pour le peuple, interprétée
00:48par le peuple, trouve ses origines entre les terriles, les chevalements et les corons,
00:53où elle devient un instrument de contrôle et de prestige pour les patrons, mais surtout
00:57de sociabilité et d'intégration pour les mineurs.
01:00« Les harmonies, elles sont comme un socle en fait pour les habitants parce que c'est
01:12quelque chose de très collectif, ce qui unit, ça rejoint un peu aussi cette ambiance du
01:16nord où il y a une envie de partager. »
01:21Le nord et ses orchestres, un chapitre majeur de la musique populaire en France.
01:34Sur le carreau de cette ancienne fosse, située à Oigny, à côté de l'Anse, chaque année
01:40des fanfares et harmonies rendent hommage aux anciens mineurs.
01:44Dans le nord de la France, l'exploitation minière commence au XVIIIe siècle.
01:51Pour ne plus dépendre de la Belgique et de son charbon, les compagnies se multiplient
01:56et se révèlent très vite prospères.
01:58Les conditions de travail des ouvriers, elles, sont éprouvantes.
02:04« Les galeries sont très étroites et très pentues, donc il faut des fois se mettre dans
02:14des situations incroyables pour pouvoir l'extraire du charbon.
02:16Ce qui est compliqué aussi, c'est les conditions liées à l'humidité, à la chaleur.
02:22Il faut penser qu'un mineur, il peut arriver à trouver des températures de 30 à 40 degrés
02:26selon la profondeur dans les galeries.
02:29Les mineurs qui travaillent dans ces conditions-là ont besoin de retrouver, quand ils rentrent
02:36chez eux, une autre forme d'épanouissement. »
02:40La musique en premier lieu, qui fait déjà partie de leur quotidien.
02:46« Il y avait plusieurs traditions, soit des harmonies, soit des fanfares, des chorales aussi.
02:52Une fanfare, c'est composé surtout d'instruments à cuivre, avec des fois quelques percussions,
02:58tandis qu'une harmonie, c'est un ensemble qui est beaucoup plus complet, plus riche
03:02finalement, puisqu'on rajoute les bois, comme les clarinettes, au bois, etc. »
03:06Ces mineurs découvrent pour la plupart la musique à l'école.
03:13En France, au début du XIXe siècle, l'enseignement musical au primaire connaît ses balbutiements.
03:20Il s'agit d'inculquer des rudiments musicaux aux enfants et de développer ainsi une pratique
03:26populaire de la musique.
03:27Ce qui est intéressant, ou encore plus dans le bassin minier, c'est qu'il y a un parallèle
03:34à faire entre le développement industriel de la région et le développement de la musique.
03:38On a la maîtrise des matériaux, des métaux, et tout ça contribue au développement, au
03:42perfectionnement des instruments de musique, ce qui fait qu'ils sont plus accessibles
03:45à tous, plus faciles à utiliser, et que ça permet vraiment à la musique de se propager.
03:51Et en effet, ces orchestres et fanfares de mineurs se multiplient au début du XXe siècle,
04:02avec l'essor de l'industrie charbonnière, qui emploie alors des centaines de milliers
04:07de travailleurs, logés au sein de cités minières, comme ici, sur le site de Waller-Sarrenbert.
04:15Les compagnies minières avaient besoin de loger les ouvriers et leurs familles au plus
04:22près de la fosse.
04:23C'est un élément primordial pour pouvoir se différencier des autres compagnies, des
04:29autres fosses, qui elles aussi cherchent à recruter.
04:33Que m'offre, tout compte fait, mon potentiel employeur ? Il m'offre un logement, bien
04:38sûr, mais peut-il m'offrir aussi une école pour mes enfants ? Ça va être des éléments
04:43distinctifs qui vont permettre aux compagnies de mieux recruter, en tout cas, c'est leur
04:49volonté.
04:50Et certaines sociétés, constatant l'attrait des mineurs pour la musique, ont l'idée
04:58de faire construire des salles des fêtes.
05:00Cette salle des fêtes va étonner, elle va surprendre, parce qu'elle est au milieu
05:08de rien, et elle est très très belle, même si elle paraît modeste, mais elle va être
05:12plus grande que les maisons.
05:13La compagnie des mines dans un va faire appel aux meilleurs architectes, on va donc utiliser
05:18la faïence régionale, c'est la faïence de Dèvres.
05:21La brique va devenir un élément qu'on va pouvoir travailler pour décorer, avoir aussi
05:27donc deux cartouches où on va présenter deux grandes céramiques, des céramiques
05:34qui vont dire ce qu'est le lieu.
05:36On va montrer qu'ici, on rentre dans un bâtiment où la musique est reine.
05:43Et les répétitions se passent dans cette salle des fêtes et répondent aussi à une
05:57organisation très stricte.
05:58On fait l'appel, on fait l'appel des musiciens et on pointe.
06:02Et ceux qui ne sont pas là risquent une amende.
06:07On ne pouvait pas parler de politique, on ne pouvait pas parler évidemment de sujets
06:13liés au syndicat.
06:14L'autorité que l'on a au quotidien dans le travail, on la retrouve dans l'harmonie,
06:23dans la fanfare, voire même dans la chorale.
06:25Ce cadre très strict oblige aussi des contreparties.
06:32Participer à une harmonie, à une fanfare fait qu'on peut bénéficier de certains avantages.
06:39Avoir du charbon de meilleure qualité qui leur a été remis une fois par an, parfois
06:47même bénéficier d'un logement de meilleure qualité.
06:50Et pour les meilleurs d'entre eux, avoir un emploi protégé.
06:57Et avec aussi un élément important pour le mineur musicien, c'est qu'avec l'harmonie,
07:04avec la chorale, il va pouvoir sortir.
07:06Quand il y a un concours, quand il y a un festival qui se déroule à Valenciennes ou
07:14à Lille ou sur la côte, à Malolébin par exemple, c'est l'occasion de sortir de cette
07:23cité si cloisonnée.
07:25De nombreux mineurs musiciens vont voir la mer grâce à la musique.
07:32Les compagnies minières prennent tout en charge.
07:36Les frais de déplacement, mais aussi le prêt d'instruments et de costumes.
07:40Elles voient dans le développement de ces formations musicales un moyen de cohésion
07:45et de paix sociale autant que de promotion et de prestige de leur société.
07:50Au début du XXe siècle, la plupart des cités ouvrières possèdent au moins une fanfare,
07:55une harmonie ou une chorale.
07:57Après la Première Guerre mondiale, près de 220 000 Polonais immigrent dans le Nord-Pas-de-Calais
08:04pour travailler dans les mines.
08:05Ils se réunissent au sein de mêmes communes, comme à Oisier, où l'église Notre-Dame
08:11des mineurs témoigne encore de ce passé.
08:19Les Poilus sont morts à la guerre, en manque de main-d'œuvre.
08:33Le 3 septembre 1919, à Varsovie, la jeune Pologne qui n'a pas un an et la France signent
08:40une convention qui organise l'arrivée massive des Polonais.
08:43La plupart viennent donc ici, en France, dans l'industrie métallurgique, dans l'industrie
08:50souterraine.
08:51La tradition polonaise et la musique, c'est quelque chose, j'ai envie de dire, de centenaire
08:56mais millénaire.
08:57Donc ces émigrés qui arrivent ici aiment la musique, d'entrée de jeu, ils commencent
09:02à chanter, à se regrouper.
09:03Donc il y a une façon d'essaimer des chorales et des orchestres et des harmonies partout
09:09sur les bassins miniers.
09:10Parce que, un, ça fédère les gens, ça leur permet de se retrouver sur une activité
09:14culturelle saine et c'est dans les gènes.
09:17Le premier choix parle de la condition du mineur de fond, l'obscurité, la température,
09:38la difficulté.
09:39Et puis, en même temps, c'est la solidarité, c'est le lien.
09:42Parce qu'en fait, un mineur, quand il est au fond, qu'il soit français, polonais, marocain,
09:49algérien, italien, en fait, ils se ressemblaient tous.
09:51Donc ce chant-là, c'est vraiment emblématique des valeurs de ce chœur, puisqu'à la base,
10:00on vient des années 20, ce chœur-là, il y a presque 100 ans.
10:04Et les valeurs qu'on a encore aujourd'hui, elles nous viennent de cette époque-là.
10:09Comment on fait face à l'adversité ? La réponse est simple, c'est on est ensemble.
10:14Je n'ai pas connu mon grand-père, mais il jouait du bandoneon, comme beaucoup de Polonais
10:19à l'époque.
10:20Et en fait, ça ne s'est pas transmis.
10:22Donc nous, dans ma famille, personne n'est musicien jusqu'à mes 40 ans.
10:28J'étais à une messe de la Sainte-Barbe, c'est l'honneur des mineurs.
10:32J'étais au premier rang, et puis la chorale a commencé à chanter.
10:35Et là, je n'y ai que pleuré, j'ai pleuré, j'ai pleuré, j'ai pleuré, et je ne peux
10:40pas vous expliquer.
10:41J'étais transpercé.
10:42Et à l'époque, je ne savais pas l'histoire de la chorale, et j'ai reçu cet héritage
10:46des décennies, j'ai repris en pleine face.
10:49Ça m'a mis une émotion, puis après, je me suis dit « mais qu'est-ce que c'est
10:52beau ! ». Et en fait, de ce moment-là, je pense qu'une heure après, j'ai intégré
10:58la chorale en tant que choriste.
11:01C'est l'honneur des mineurs, c'est l'honneur des mineurs, c'est l'honneur des mineurs.
11:08Ces chorales, fanfares ou harmonies, témoignent aujourd'hui d'une vivacité remarquable,
11:14même après la fermeture des puits de mines.
11:16Car à partir des années 1970, les municipalités prennent le relais des compagnies minières,
11:24comme sur l'ancienne fosse d'Oigny, où un ovni, caractérisé par son architecture
11:29singulière, est sorti de terre en 2013.
11:32Le Métaphone, lieu d'accueil d'orchestres locaux.
11:36C'est à la fois une salle de concert, c'est également un instrument de musique.
11:43Le panneau instrumental, c'est un panneau d'instruments acoustiques, dotés de différents
11:49actionneurs mécaniques, pilotés par la régie.
11:53C'est un espèce de clin d'œil aux mécaniques du passé, aux mécaniques industrielles,
11:59et à toutes ces machines issues de l'extraction minière.
12:02Aujourd'hui, à l'heure de la reconversion du site, sous le signe de la musique et du
12:09patrimoine, ce panneau instrumental est là pour nous rappeler à ce passé, et en même
12:14temps signifier que la mécanique est mise au service de quelque chose d'autre, en
12:18l'occurrence du son et de la musique.
12:23Ces bruits de machines, mais aussi les sons des fanfares ont bercé l'enfance du musicien
12:38Thomas Henbik, natif du Pas-de-Calais.
12:41Son album « Nord noir » rend hommage aux traces laissées sur le territoire par l'industrie
12:47charbonnière.
12:48Non loin du métaphone, ce terril, l'une colline faite des restes du triage du charbon.
12:54À l'origine de cet album, je voulais raconter l'histoire de mon grand-père qui a travaillé
13:02dans les mines.
13:03Et au final, je me suis dit qu'il fallait aller plus loin que ça et d'essayer de raconter
13:10cette région, cet endroit.
13:12Le premier morceau qui s'appelle « Final silence », l'idée c'était d'imaginer
13:21ce que pouvait être cette région avant tout ça, avant toute cette exploitation minière,
13:25et faire arriver le bruit qui n'existait pas dans cette plaine agricole.
13:31Le bruit est né avec la révolution industrielle, je voulais que l'on sente ce passage du
13:42silence, du calme vers le bruit et que finalement ce bruit, il peut être mélodique de cette
13:49plaine agricole où on entend les oiseaux, la machine arrive et finalement la machine
13:52ça va être l'instrument musical, j'espère.
13:54Plus de 700 fanfares, harmonies et chorales poursuivent dans la joie leur mission, transmettre
14:03la mémoire ouvrière du bassin minier.
14:12Il est sacrément cristallin, il est beau.
14:31Depuis quatre siècles, Mircourt vit au rythme du va-et-vient des archers.
14:37Des générations de luthiers ont appris à y tailler, sculpter, assembler l'instrument
14:42de toute une vie, le violon.
14:44De grands musiciens comme Yehoudi Menouine en ont pincé les cordes.
14:49Mircourt est le berceau de la lutherie française.
14:54Ce n'est pas qu'une légende, parce qu'il y a des gens qui viennent de loin pour voir
14:59Mircourt et puis il y a toute cette nouvelle génération de luthiers qui ont appris à
15:04lire Mircourt, qui sont un peu installés partout dans le monde et qui transmettent
15:08ça en fait.
15:09C'est une espèce d'immense toile d'araignée et c'est assez impressionnant.
15:12Ce savoir-faire presque unique en Europe ne se serait jamais développé sans la présence
15:21des ducs de Lorraine au château de Lunéville, non loin de Mircourt.
15:27Jusqu'en 1766, la Lorraine est un état souverain, dont la capitale, Nancy, est très souvent
15:34envahie par les troupes du roi de France.
15:36Le duc qui gouverne le territoire se réfugie alors dans son château de Lunéville.
15:42Ici, Léopold Ier et la duchesse Élisabeth Charlotte vivent avec le faste qu'impose
15:49leur rang, entourés par une cour de 150 personnes.
15:57Au XVIIIe siècle, on vit un peu comme Louis XIV vivait à Versailles, c'est-à-dire devant
16:01les courtisans, messes en public, levées en public, toilettes en public aussi, pour
16:05la duchesse, et on trouve la musique qui rythme finalement à peu près toutes les périodes
16:11de la journée, aussi bien dans les grandes solennités publiques que même les moments
16:15d'intimité.
16:16On a des exemples assez cocasses de la présence de la musique, la duchesse Élisabeth Charlotte
16:20est passionnée de pêche à la ligne, sauf qu'elle y va accompagnée des trompettes
16:24des plaisirs, c'est-à-dire en fait des joueurs de trompettes qui vont, pendant qu'elles pêchent,
16:28jouer des grands airs très solennels, à la façon de Lully, et qui devaient poser quand
16:32même quelques soucis pour garantir le résultat de la pêche.
16:35Élisabeth Charlotte fait construire plusieurs salles d'opéra, organise de somptueuses fêtes
16:44dans les salles du château, disparues depuis un incendie en 2003.
16:49La duchesse partage son amour pour la musique avec ses enfants, elle glisse un violon dans
16:54les mains de son fils François, qui l'adopte avec passion.
16:58Dans la progéniture du cal, celui qui va être le plus réceptif effectivement à ce
17:04bout de la musique transmise par sa mère, c'est François, François de Lorraine, qui
17:07va devenir duc sous le nom de François III, puis empereur, une fois qu'il aura épousé
17:12Marie-Thérèse de Habsbourg, et lui, le violon va l'accompagner toute sa vie, au point d'ailleurs
17:17qu'on le voit encore souvent devenu empereur dans ces grands portraits d'apparats qui
17:20sont à Vienne, posés à côté d'un violon toujours mis en évidence.
17:23En 1729, il demande la création d'un petit appartement très modeste, une chambre, et
17:30ce qu'on appelle la chambre de la musique, donc une pièce voisine, où il se retire
17:34pour pratiquer le violon avec quelques-uns de ses amis.
17:37Alors ça lui a valu quand même quelques remarques assez désagréables, parce qu'on
17:40attendait de ce souverain qu'il vive en public, comme c'était l'usage partout en Europe,
17:44et lui avait un tempérament plus retiré, et notamment ce goût du violon, qu'il occupe
17:49pendant des après-midi et des soirées entières, fait qu'il va être critiqué, notamment
17:53par l'ambassadeur de France, qui trouve que c'est vraiment des enfantillages que
17:56de se retirer comme ça pour le seul plaisir de la musique.
18:00Mais François III montre l'exemple.
18:03Désormais, la pratique de la musique entre dans l'éducation des jeunes élites, et
18:09toute l'aristocratie achète des instruments, particulièrement ceux du quatuor, très
18:14en vogue dans la musique du XVIIIe.
18:17Violon, alto et violoncelle sont très demandés, ce qui fait les affaires des luthiers installés
18:23depuis les années 1620 dans la ville voisine de Mirkour.
18:27Mirkour est alors une ville très commerçante, riche et ouverte sur le monde, au carrefour
18:33des routes qui relient le Nord au Sud de l'Europe et l'Empire Germanique à Paris.
18:38C'est ainsi que le premier violon arrive d'Allemagne au tout début du XVIIe siècle.
18:44L'opportunité est trop belle, les premiers faiseurs de violon installent leurs ateliers.
18:50A Mirkour, il y avait des tanneries, donc résidus des tanneries, ça peut être de la colle.
18:55Même si le bois les Vosges n'est pas bon, il y avait quand même des forêts pas loin.
18:58La cour des Ducs de Lorraine induisait qu'il y avait des armuriers pour faire les outils,
19:04pour savoir tremper le métal.
19:05Donc on a eu tout, on a eu la colle, on a eu le bois, on a eu les outils facilement.
19:11Donc ça a pris.
19:13Et alors, Mirkour avait quelque chose en plus, c'était une ville commerçante.
19:16Dès l'instant où il y a eu un violon de trop, on imagine bien qu'on l'a donné
19:21à quelqu'un qui allait vendre du dentel ou du blé, qui était assez spécialisé
19:25dans le commerce international.
19:27Ce violon en surplus a dû se vendre tellement facilement, ils ont dû être persuadés
19:31qu'ils allaient faire fortune avec cette activité.
19:35Il faut une centaine d'heures d'un minutieux travail pour fabriquer un violon.
19:39L'érable et l'épicéa qui le composent sont découpés avec une grande précision
19:46et ajustés au millimètre près.
19:48Pour garantir la qualité et permettre à la profession de s'organiser en corporation,
19:54François III, devenu Duc de Lorraine, édicte la Charte des luthiers et faiseurs de violon
20:01en 1732.
20:02Les maîtres luthiers contrôlent le bois utilisé, garantissent la bonne formation
20:07des apprentis.
20:08Le nombre de luthiers augmente et Mircourt gagne en renommée.
20:12« Les artisans de Mircourt qui ont fait sa gloire et sa réputation de qualité sont
20:19ceux qui sont partis s'installer dans les grandes villes.
20:22Le plus ancien très connu c'est Lupo, qui était un peu considéré comme le Stradivarius
20:28français.
20:29Et puis ensuite c'est Jean-Baptiste Vuillaume.
20:31Jean-Baptiste Vuillaume est né en 1798, il est parti à 15 ans à Paris.
20:37Et il a été tellement connu et il a vendu tellement d'instruments venant de Mircourt
20:42que la fortune de Mircourt a été faite grâce aux marchands d'instruments.
20:47Alors les mircurtiens étaient très débrouillards, très entreprenants et on a beaucoup de mircurtiens
20:52qui ont pris le bateau, qui sont allés en Amérique dès que ça a été possible.
20:55Donc on a des luthiers français de Mircourt installés en Amérique très tôt aussi,
21:02et donc partout.
21:03On a quand même les plus anciens luthiers russes.
21:06Ils venaient d'ici.
21:13À la fin du 18e siècle, 120 luthiers travaillent à Mircourt, plus intensément à la belle
21:18saison, quand le jour est plus long et la luminosité optimale.
21:23Certains découpés à semble, d'autres polis et vernisses.
21:27Les violons se promènent dans les rues, ce qui donne lieu à un joyeux ballet.
21:36Entre la ville basse et la ville haute, et d'un atelier à l'autre, en fonction des
21:42spécificités de chacun, les instruments circulent.
21:45Donc on voit passer des violons en blanc, des violons terminés qui montent et qui
21:49descendent, en sachant que tous ces violons, pour la plupart, étaient aussi livrés ou
21:55transportés via la gare de Mircourt.
21:58Donc il y avait toute une effervescence artisanale dans cette ville, parce qu'effectivement,
22:03à côté de l'activité de lutherie, il y a eu aussi une très belle période de
22:07fabrication de dentelles et souvent les épouses des luthiers étaient elles-mêmes
22:11dentellières ou ensuite brodeuses.
22:15Tout Mircourt vit au rythme des livraisons qui s'accélèrent.
22:19Peu à peu, les maîtres luthiers accueillent leurs premiers employés venus des villages
22:24environnants. Les ateliers s'agrandissent et on invente les premières machines qui
22:29facilitent le travail.
22:31Nous sommes dans un atelier typique de Mircourt, un atelier familial où travaillaient
22:37cinq ou six personnes, un père et ses enfants, où, pour produire plus d'instruments et
22:42à moindre coût, on a mécanisé certaines phases de la production.
22:46Donc là, c'est tout à fait intéressant de voir de petites machines inventées par
22:51les luthiers de cette famille pour aller plus vite dans la fabrication.
22:55Au XIXe siècle, Mircourt est la ville de la facture instrumentale.
23:00On fabrique les instruments du quatuor, mais aussi des guitares, des mandolines, des
23:05orgues et surtout des archers d'excellente qualité.
23:10À côté de ces ateliers familiaux, où l'on continue d'élaborer de la lutherie haut
23:14de gamme, des fabriques s'installent pour produire des instruments moins coûteux.
23:19Avec la démocratie de Mircourt, l'économie de l'économie de Mircourt est
23:24plus forte. Avec la démocratisation de la pratique musicale, l'esprit d'entreprise
23:28des Mircourtiens s'exprime de nouveau.
23:32Il y a une demande d'instruments de plus en plus importante de par la montée de la
23:36classe bourgeoise, mais aussi la création des conservatoires, des écoles de musique.
23:40Donc, il faut trouver une solution pour produire des instruments en grand nombre et
23:45à moindre coût.
23:47Donc, une fabrique, elle peut réunir jusqu'à 200, 250 ouvriers.
23:52Et l'organisation du travail se fait par atelier.
23:55Les ouvriers sont spécialisés dans la préparation des moules, le montage des éclisses,
24:00après la fabrication des tables, des fonds, ensuite des manches, les sculptures de tête.
24:06Ensuite, on a des ouvriers qui sont là pour assembler toutes ces pièces.
24:10Ensuite, il y a des ouvriers qui vont polir les instruments.
24:14Parfois, ce sont des femmes qui font le polissage.
24:16Et puis, étape ultime, c'est le vernissage des instruments et les
24:21essais qu'on en fait.
24:23Il y avait donc une violoniste qui allait essayer tous les instruments une fois qu'ils
24:27étaient finis. Et à partir des essais qu'elle faisait, ils étaient classés en catégorie
24:32le bas de gamme, moyen de gamme, haut de gamme.
24:38Au début du 20e siècle, 1000 personnes de toute la région travaillent pour sortir
24:43200 000 instruments des fabriques chaque année.
24:47La ville bénéficie de cette intense activité et certains marchands s'enrichissent.
24:53Mais de nombreux luthiers ne reviennent pas des tranchées de la Première Guerre mondiale.
24:57La transmission du savoir se fait moins facilement.
25:02La crise économique de 1929 et la popularité de la musique enregistrée
25:07sonnent le glas de la musique jouée.
25:10Les commandes d'instruments diminuent.
25:12En 1966, le ministre de la Culture, André Malraux, lance une réforme de
25:17l'enseignement musical.
25:19C'est le bon moment pour les derniers luthiers de Mirecourt.
25:22Quatre ans plus tard, ils créent l'École nationale de lutherie.
25:42Attention, là, c'est près du bord, hein ?
25:46Au moment de l'ouverture de l'école, il y avait encore à Mirecourt
25:49deux ateliers en activité.
25:51Alors c'est peu, mais il restait encore un léger filet, on va dire,
25:55de pratiques classiques, traditionnelles françaises à Mirecourt.
26:01Il n'y a pas eu vraiment de coupure.
26:02La plupart des luthiers en France étaient très attachés à ce lieu
26:06qui représentait vraiment quelque chose pour eux.
26:09Donc, il y a tout un travail de fond qui est fait pour créer
26:13chose qui n'avait jamais existé, une école de lutherie
26:18encadrée par les anciens, qui ont d'ailleurs participé
26:22de façon tout à fait concrète en donnant l'unité
26:26à l'enseignement musical.
26:28Ils ont participé de façon tout à fait concrète en donnant
26:32l'un des outils, l'autre des accessoires, un établi, etc.
26:36pour équiper l'atelier de lutherie de l'école naissante à ce moment-là.
26:42Il faut marquer plus précisément, plus clairement le...
26:45Faut faire un trait comme ça et un petit trait comme ça ?
26:48Là, en fait, il y a le petit trait là et...
26:50Ah, d'accord, d'accord.
26:53Après trois ans de formation, une douzaine de luthiers et luthières
26:57sortent de l'école chaque année.
26:59Disséminés dans le monde entier, ils perpétuent les gestes précis
27:03mis au point et appris à mi-recours.
27:06Difficile pour eux de concurrencer la production chinoise,
27:09ils fabriqueront peu d'instruments neufs tout au long de leur carrière,
27:13mais ils sauront se rendre indispensables auprès des musiciens.
27:17Il faut toujours quelqu'un pour entretenir les instruments
27:20des musiciens, refaire un chevalet, régler une âme,
27:23reprendre une touche, etc.
27:26Un musicien sans luthier, il ne peut pas s'occuper de son instrument tout seul.
27:30Donc, c'est nécessaire, il faut qu'il y ait des gens compétents
27:34pour servir les musiciens dans leur pratique.
27:38Tant qu'il y aura des musiciens, il faudra des luthiers.
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