Christine Kelly et ses chroniqueurs débattent de l'actualité dans #Facealinfo
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00:0019h c'est l'heure, ravi de vous rencontrer. Alors certains se demandent mais jusqu'à
00:04quand la team sera là, l'équipe face à l'info. Toute cette semaine encore,
00:10promis, nous sommes là pour vous accompagner. Salut, comment ça va Adrien ?
00:19Non, je parlais à Adrien, téléspectateur, c'est pas vous, mais c'est pas grave, vous donnez l'info quand même, allez !
00:24Jordan Bardella rebondit déjà après la défaite du Rassemblement national au
00:29second tour des élections législatives. Le président du RN sera à la tête du nouveau
00:32groupe nationaliste Patriote pour l'Europe, initié par le hongrois Viktor Orbán au
00:36Parlement européen. Une formation de plus de 80 eurodéputés, dont 30 du Rassemblement national.
00:41Le résultat des élections législatives commentées jusqu'aux Etats-Unis, Joe Biden affirme que la
00:46France a rejeté l'extrémisme et que les démocrates le rejetteront aussi lors de l'élection présidentielle
00:50américaine. Le président des Etats-Unis qui en a profité pour tacler son adversaire.
00:55« Je n'ai pas connu de candidat au cours de ma vie qui ait été plus extrême que Donald Trump », fin de citation.
00:59Et puis au moins un 31 mort et plus d'une centaine de blessés après des frappes russes sur la
01:04plusieurs villes d'Ukraine. Les immeubles d'habitation et même un hôpital pour enfants ont été touchés.
01:08Le chef de la diplomatie européenne Joseph Borrell accuse la Russie de cibler sans pitié les civils ukrainiens.
01:13Merci mon cher Adrien Fontenot. Et au sommaire ce soir, la France est comme figée à l'instant
01:24même. Pas de clarification mais de la confusion. Qui a gagné ? Qui a perdu ? Beaucoup sont perdus.
01:30Des victoires cachent des défaites. Des défaites cachent des victoires. D'abord la coalition de
01:35gauche a surpris en arrivant en tête. Mais l'FI n'aurait que trois nouveaux députés. Les écolos
01:41que cinq nouveaux. Le PS lui aurait doublé son nombre d'élus. Comment expliquer cette poussée
01:46de la gauche ? Le RN de son côté a surpris en n'obtenant pas la majorité absolue mais il devient
01:52le premier parti de France en nombre de députés, en nombre de voix. Comment expliquer la contre-
01:57performance du RN ? L'édito de Mathieu Boccoté. Les français sont inquiets ce soir. Que va-t-il
02:04se passer maintenant ? Qui pour gouverner le pays ? Sommes-nous dans une crise institutionnelle majeure ?
02:10Alors que Gabriel Attal reste premier ministre jusqu'à nouvel ordre sur décision d'Emmanuel
02:15Macron. Que feraient les FI ou encore LR ou le PS ? La France pourra-t-elle avancer comme l'Allemagne,
02:21l'Italie, les Pays-Bas ? Une coalition est-elle possible ? L'analyse de Dimitri Pavlenko.
02:26La France se prépare à une paralysie politique. C'est la plus grande crise de la Ve République.
02:33Beaucoup s'accordent à dire que c'est la IVe République à l'intérieur de la Ve République.
02:36Alors comment a fonctionné cette IVe République ? Ce régime parlementaire ? Ce régime qui se
02:43caractérise par la prédominance du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif ? Ce régime
02:49de forte instabilité politique ? Marc Menand raconte.
02:53Et les FI se déclarent grands vainqueurs. Quelle est la réalité de cette victoire ? Avec à priori
03:00seulement trois députés de plus que la précédente Assemblée, que comprendre ? Comment expliquer la
03:04réélection avec des scores sans appel ? De députés, on peut dire, sulfureux ? Comme David Guiraud,
03:11Hercilia Soudé, Sébastien Delogu, Daniel Obono ou encore Louis Boyen, lorsque d'autres se font
03:16battre à plate couture comme Meyer Habib ? Comment expliquer l'élection du fichier S. Raphaël
03:21Arnault ? Comment expliquer ces élections sans appel ? Le décryptage de Charlotte Dornelas.
03:27Et puis LR. Ah, LR. A chaque élection, les commentateurs déclarent que LR est faiseur de
03:34roi. Est-ce plus que jamais le cas ? Quel rôle pourra jouer ce parti dans les jours et les
03:39mois qui viennent ? Aider la Macronie à gouverner dans une coalition ? Ou se replier en attendant
03:45de reprendre encore plus de pouvoir ? L'heure de LR est-elle venue ? L'édito de Mathieu Bocouti.
03:51Une heure pour entrer dans la bibliothèque de l'info. Avec une dimension sur l'info.
03:59Je ne sais pas quoi dire mais c'est parti.
04:01Comment allez-vous ce soir ? Je parle aux téléspectateurs, pas encore à vous. Ah bon, très bien.
04:18Ah oui, vous êtes faudnés, vous êtes fatigués, vous êtes inquiets. On comprend tout ça. On va
04:25essayer de décrypter tout ce qui se passe. Marc Meunon, vous allez bien ? Oui. Charlotte aussi.
04:30Vous êtes toujours en forme. Oui, enfin c'est la vie. Dimitri et Mathieu. Le bonheur est un choix.
04:38Choisissez le bonheur ce soir, d'autant plus que nous allons prendre un peu de hauteur sur
04:46l'actualité. C'était pour plusieurs une surprise hier soir. La gauche est arrivée première alors
04:52qu'on prédisait toute autre chose depuis la dissolution de l'Assemblée. Mathieu Bocouti,
04:56d'abord, comment comprendre ce résultat ? Que s'est-il passé ? Je pense que l'élément central
05:03qu'on doit avoir à l'esprit, c'est l'écart entre un certain récit à la fois d'espoir et
05:10d'inquiétude et les dynamiques électorales réelles. D'espoir et d'inquiétude, j'entends,
05:14depuis longtemps, la gauche redoute l'arrivée du RN au pouvoir. Elle guette toujours ce moment. Elle
05:23dit un jour ça va arriver, un jour ça va arriver, mais elle ne voyait pas venir ce moment. Or,
05:29que s'est-il passé depuis les européennes, et plus encore depuis le premier tour ? La gauche et le
05:34centre, pour des raisons différentes, ont eu peur vraiment. Pour la première fois, ils ne se sont
05:39pas contentés de jouer à la peur, ils ont eu peur vraiment d'une victoire du RN. Et de l'autre
05:46côté, je disais il y avait l'effroi de cette peur, il y a l'espoir des gens du RN qui y ont cru
05:52vraiment cette fois. Je pense que c'est la première fois qu'ils y ont cru en se disant c'est notre
05:57tour, on a passé tous les obstacles, on les a traversés, maintenant nous pouvons gagner selon
06:02les règles. Or, ce n'est pas du tout ce qui s'est passé. Revenons-y. À partir du moment où la peur
06:08est ressentie par le système, une peur profonde, premier élément qu'on a pu voir, c'est l'union
06:15des gauches. L'union des gauches qui réussit, quoi qu'on en dise, on y reviendra dans un instant,
06:19à se rassembler, malgré les divergences programmatiques souvent mentionnées, mais aucune
06:25de ces divergences n'était telle qu'elle les a empêchées de travailler ensemble autour d'un
06:29programme commun assumé. Premier élément qui est très important. Donc, l'union des gauches qui crée
06:35une dynamique, au même moment où la droite ne parvient pas à s'unir, où c'est la zizanie dans
06:40le village des droites. Donc, ça crée une dynamique dans un système médiatique, je reviendrai, qui est
06:46structurellement favorable à la gauche et qui, structurellement, n'aime rien tant que jouer la
06:52carte du « attention, le RN arrive ». Dans le deuxième temps, la stratégie des désistements.
06:58Et là, ce qui était très important dans cette séquence, c'est que c'est un révélateur de
07:02l'unité profonde du système. C'est-à-dire des gens qui, normalement, s'affrontent, des gens qui,
07:06normalement, sont dans les contraires, sont parfaitement capables de s'unir. On pourrait
07:11dire que les parties du système s'unissent contre ce qu'ils identifient tous comme le parti de
07:16l'antisystème. Donc, dès lors, vous pouvez être la gauche la plus radicale ou la droite la plus
07:22musclée, mais si vous n'êtes pas RN, j'entends, eh bien, vous trouvez le moyen de vous unir globalement
07:28dans une stratégie de désistement global. Je dirais que tout système a une capacité de survie. Tout
07:33système a une capacité de mobiliser l'ensemble de ses forces quand il se sent fragilisé. Et c'est
07:38ce qu'on a vu. Le régime, le système a mobilisé l'ensemble de ses forces devant la bête qui se
07:44présentait devant lui. D'autant qu'on a réactivé, ne l'oublions pas, le mythe antifasciste. Le mythe
07:51antifasciste qui s'accompagne de la diabolisation. Alors moi, ça fait des années que j'entends
07:55certains de mes collègues, certains de mes estimés collègues, des amis même, souvent nous dire « la
07:59diabolisation ne fonctionne plus, la diabolisation est un échec, la diabolisation c'est fini ». Mais
08:05c'est faux. On a eu la preuve que la diabolisation fonctionne encore et fonctionne même très bien.
08:09Que la diabolisation est une technique d'épouvante, une technique de contrôle du pouvoir, une technique
08:16de disqualification sociale et électorale d'une remarquable efficacité. Elle fonctionne de deux
08:22manières. Premier élément, ça crée un climat de terreur politique et intellectuelle et médiatique
08:28pendant une séquence en disant, on en parlait la semaine dernière, vous n'êtes pas seulement
08:32obligé de vous taire si vous êtes en désaccord, vous êtes obligé de vous prononcer. Le silence des uns et des
08:38autres sera perçu comme une dissidence. Donc prononcez-vous tous, tous, tous. Donc c'est un
08:44climat de terreur qui pousse à une forme d'intimidation sur le mode « alignez-vous, c'est
08:47important ». Et ensuite, la diabolisation, ça réactive des mécanismes mentaux, psychologiques qui
08:54sont liés à 40 ans de conditionnement mental d'une population qui a appris à fonctionner
08:59quelquefois sur le mode pavlovien. On dit « attention, extrême droite », immédiatement, on se mobilise,
09:05on a l'impression de voir les casques à poignes, comme on dit de manière un peu facile quelquefois,
09:09on a l'impression de voir les fachos arriver ou revenir. Donc tout ça favorise une dynamique
09:15qui permet au système de se mobiliser contre l'intrus. Vous notez, Marc en parlera pour la
09:22Quatrième République, à la fin, il était dans une situation semblable, un peu avec les communistes,
09:26avec les gaullistes, tout le monde était capable de s'entendre pour empêcher le retour éventuel du
09:31général de Gaulle. On sait que les circonstances ont donné autre chose ensuite, mais le système peut
09:34se défendre et peut se défendre longtemps. – Je fais une petite parenthèse, si vous
09:38permettez, à propos de la diabolisation. On voit qu'elle fonctionne lorsque, vous dites,
09:42le système se met en place pour ce front républicain, mais lorsqu'il y a eu les
09:47européennes et lorsqu'il y a eu le premier tour des législatives, la diabolisation n'a pas fonctionné.
09:52– Elle fonctionnait quand même dans la mesure ou dans le système médiatique. Encore une fois,
09:56je donne un exemple que je donnais hier soir. Imaginez pendant un instant si Mbappé avait
10:02dit « Mbappé se prononce ». Et là la question c'est « est-ce qu'il va se prononcer pour le
10:05RN ou contre le RN ? ». Est-ce que quelqu'un s'est dit « Mbappé va peut-être prendre pour le RN ? »
10:10Aïe, aïe, aïe, aïe, aïe. Tout le monde savait très bien que la seule position possible c'était
10:15celle-là. Qui s'est imaginé un instant une forme de rassemblement des recteurs d'universités pour
10:21dire « le temps du RN est venu ». Bien sûr que non. On est dans une séquence où ça fonctionnait,
10:25c'est juste que là, puisqu'on était dans une échéance électorale, il fallait en rajouter et
10:29en rajouter. Et puis quand on en rajoute, c'est plus efficace. J'ajoute qu'il y a un acteur
10:32supplémentaire là-dedans qui compte et c'est le rôle des médias qui dans ces circonstances-là ont
10:37une capacité d'amplir tout l'espace sonore, tout le débat public. Et c'était reconnu de
10:43manière assez amusante par un député tout juste élu, un ancien ministre macroniste Aurélien Rousseau
10:49qui a dit, je le cite, c'est un passage intéressant, élu député NFP, « ma gratitude à la presse,
10:55je pense en particulier à la presse quotidienne régionale, aux antennes de France Bleue et au
11:00journal Le Monde, mais aussi La Croix, Libé ou l'Humanité. Leur travail a été indispensable et
11:06à la hauteur de ce moment historique, une presse libre et de très haut niveau. » Une presse libre,
11:10c'est quand même drôle dans les circonstances. Donc la presse s'est mobilisée au service du
11:16front républicain, au service d'une idéologie qui consiste à mettre au banc de la société un tiers
11:21des français au moins, c'est ce qu'on appelle une presse libre. Je note avec amusement que
11:25quelqu'un avait commenté le tweet en disant « n'oubliez pas les services publics s'il vous
11:28plaît ». Et c'est vrai, il faut quand même reconnaître le travail méritoire du service
11:31public. Au final, à résultat des courses, la gauche est quand même première, c'est pas un
11:35détail. La macronie se maintient et quant à la droite nationale, elle parvient à percer,
11:40mais le récit de son avènement au pouvoir s'est dégonflé devant nous.
11:44Et comme quoi la gauche se maintient bien, la presse se maintient bien, malgré ces news et ces
11:49huit, ces news et ces huit qui ne font ni Jean-Marie Le Pen, ni Bardella, ni Zemmour. Peut-on
11:56s'attendre à ce que la gauche applique son programme ?
11:59Mais elle en a l'intention. Alors vous savez, moi j'entends beaucoup de gens nous dire en ce
12:02moment « regardez, ils ont été élus, mais ils appliqueront pas leur programme, ne vous inquiétez pas ».
12:06D'ailleurs c'est quelquefois quand on sert l'argument des gens de gauche, ils nous disent « mais ne
12:11vous fiez pas au programme, évidemment que ça ne s'appliquera pas ». Moi, excusez-moi, je pense
12:15que si vous l'avez écrit, si vous l'avez pensé, et si votre seul argument pour me dire de ne pas
12:18avoir peur, c'est de ne pas vous croire, c'est un peu étrange. Donc c'est parce que je dois supposer
12:23que votre programme est malhonnête, parce que vous n'avez pas l'intention de l'appliquer, que je ne
12:26dois pas m'inquiéter, je suis un homme de droite, c'est étonnant. Alors je reviens sur le point
12:30central, il y a des gens qui nous disent « la gauche ne s'unira pas ». Elle s'est unie. Il y a des gens
12:34qui nous ont dit « la gauche ne réussira pas à traverser les élections et arriver au premier ».
12:41Arriver au premier dans les résultats. Elle y est parvenue. Ces gens nous disent aujourd'hui « la gauche
12:45n'appliquera pas son programme ou ne parviendra pas à l'appliquer ». Je les invite à une certaine
12:49prudence. Parce que la gauche n'a pas la même logique que les forces démocratiques habituelles.
12:54Les forces démocratiques habituelles considèrent que mon programme a été validé par les électeurs,
12:59donc je peux l'appliquer. S'il n'a pas été validé par les électeurs, c'est que j'ai perdu et je suis
13:04dans une posture d'opposition. La gauche version Mélenchon, mais pas seulement Mélenchon, considère
13:10que son programme est valable en soi. Son programme doit être appliqué en tant que tel,
13:15quelles que soient les circonstances. Parce que sa légitimité ne dépend pas de l'appui des
13:20Français. Sa légitimité ne dépend pas du résultat des urnes. Sa légitimité dépend du fait qu'elle
13:25est de gauche et la gauche en elle-même est supérieure au processus démocratique. Donc
13:30hier, et elle le fait avec un certain culot, c'est une politique maximaliste. Et elle considère,
13:35la gauche je crois en ce moment, qu'elle est dans un contexte historique où elle peut foncer,
13:39où elle peut frapper, où elle ne doit pas se contenter de modération. C'était le sens du
13:44propos de Jean-Luc Mélenchon, avec qui les autres ont tous voulu s'allier, ne l'oublions pas.
13:48Qu'est-ce que ça veut dire concrètement? Ça veut dire que cette gauche, dans les circonstances,
13:52alors que son appui, vous l'avez mentionné, il n'y a pas tant de députés supplémentaires,
13:56par exemple de LFI, et globalement, la gauche aujourd'hui, c'est un bloc qui représente un tiers
14:03de la vie politique, elle porte, grâce au soutien des médias dont parlait Aurélien Rousseau,
14:08elle se présente comme ayant un élan majoritaire qui lui donne le droit aujourd'hui de dicter ses
14:14conditions, d'imposer ses conditions à tous, d'imposer sa vision de pouvoir, de s'emparer des
14:20circonstances et d'obliger tout le monde à se rallier. Donc, ce qui est certain, c'est qu'elle
14:25va faire pression. Imaginez si au bout de... Je pense que le commun des mortels, la gauche,
14:29peut tolérer la présence de Gabriel Attal le temps des Olympiques. Une fois que c'est terminé,
14:33ils vont... Pas sûr, jusqu'aux Olympiques, je ne sais pas. Je pense qu'on peut faire ce pari,
14:39peut-être. Ensuite, la question, si. Ensuite, ce qui est certain, c'est que si un premier
14:45ministre n'est pas nommé, qui vient de la gauche, ou la gauche radicale, gauche radicale, ça devient
14:49les pléonasmes et tout ça, n'est pas nommé par Emmanuel Macron, alors il y aura les manifestations,
14:55il y aura la rue, on est prêt à jouer la foule contre le résultat des urnes, car nous prétendons
15:01être majoritaires et vous devez croire notre mensonge, car nous sommes portés par le bien.
15:07Alors, autrement dit, même si la gauche est minoritaire, je le résume ainsi, ça ne la
15:11dérange pas du tout. Elle s'en fout. Elle s'en fout parce que dans son esprit, son heure est
15:15venue. Et puisque la gauche tient davantage à l'appui de l'histoire, le sens de l'histoire
15:19qu'elle nous porte, elle croit davantage aux avant-gardes qu'aux suffrages et qu'aux électeurs,
15:24eh bien, elle croit que son heure est venue. La réaction de la Macronie devant ça,
15:27quelle est la possibilité? Dimitri reviendra sur les différents scénarios possibles,
15:30mais je note une chose qui me semble assez importante ici, c'est qu'Emmanuel Macron est
15:34en droit de croire minimalement à ce qu'il nous disait il y a quelques temps, c'est-à-dire qu'il
15:38peut, à partir des institutions, faire barrage contre la gauche radicale. C'est-à-dire qu'il
15:43peut chercher à tailler un groupe parlementaire à partir des blocs aujourd'hui rassemblés.
15:47Il l'a dit très rapidement, avant même le deuxième programme, et ça s'appelait Front LFI.
15:52Oui, mais avec des gens qui sont alliés avec LFI. Je tiens à le rappeler. Donc, quand on voit ça,
15:57est-ce qu'il sera capable de faire barrage, à partir même des institutions, contre une gauche
16:03radicale qui a la tentation implicite d'une forme de semi-coup d'État, sur le mode « on a gagné à
16:08notre manière, on se donne le droit d'appliquer tout notre programme, mais taisez-vous si vous
16:12opposez à nous ». Donc, ayons cela à l'esprit. Elle joue sur le mode révolutionnaire, même si
16:17on ne s'en rend pas compte aujourd'hui. Parlons du RN. Le RN n'a-t-il pas une part
16:22de responsabilité dans ce qu'on peut appeler une défaite? Ce qu'on peut certainement appeler
16:27une défaite. Évidemment, en politique, tout le monde est responsable de son sort, au moins
16:32partiellement. Premier élément, le RN était victime d'auto-intoxication idéologique. Il a
16:37cru qu'il était dédiabolisé. Il y a vraiment cru. Il n'a pas compris que la diabolisation ne
16:42dépend pas du diabolisé, mais du diabolisateur. C'est-à-dire que la diabolisation dépend de
16:47celui qui veut vous diaboliser. Et s'il veut vous diaboliser, il va toujours trouver une raison.
16:51Donc, il y a eu un excès de confiance. Je pense que les gens du RN se sont dit « enfin, on est
16:55traités comme des gens normaux ». Mais je n'aimerais pas les rassurer, mais leur dire la vérité. Vous
17:00ne serez jamais traités comme des gens normaux tant que vous ne gagnerez pas. Quand vous allez
17:04gagner, ça va changer. Mais tant que vous ne gagnerez pas, vous serez toujours traités, lorsqu'il
17:08le faut, lorsque les circonstances l'exigent, comme des pestiférés et des galeux. Premier
17:13élément. Deuxième élément, une impréparation relative, pour ne pas dire, mais en fait, très
17:18évidente, à la fois sur le plan programmatique. Il y a quand même quelque chose de louche à voir
17:23le RN avoir réduit lui-même la question de l'immigration à la question des postes réservés
17:27aux binationaux dans l'administration. J'avais cru comprendre que même de son point de vue, la
17:32question migratoire était bien plus large que cet élément-là. Donc, ils se sont un peu, ils ont
17:37trébuché dans leurs propres jambes. Deuxième élément, les candidats, ce qu'on a appelé des
17:41fameuses brebis galeuses, je pense que le RN, de son point de vue, ne peut plus tolérer dans
17:47ses rangs des figures qui sont si facilement diabolisables que le système peut récupérer à
17:52son avantage et qui, quelquefois, ont un véritable passif idéologique. Il y a une espèce de dernière
17:57opération de tri nécessaire pour être capable de passer le stade du parti potentiellement
18:01gouvernemental. Ensuite, un élément important, je crois, les limites et la force du phénomène
18:07Bardella. Bardella est une force indéniable pour mener campagne entre les élections. Mais ce qu'on
18:11voit, c'est que la stratégie politique, communication, TikTok, et ainsi de suite, qui n'est pas inutile
18:16pour être capable de gagner les électeurs, lorsque vient le temps du choc électoral avec d'autres
18:20partis à temps plein, cette stratégie est plus faible qu'il ne le croyait. Et de cette séquence,
18:26si Jordan Bardella ressort affaibli, Marine Le Pen ressort renforcée, je crois. Dans ce jeu,
18:32dans le jeu d'équilibre interne au RN, elle me semble sortir renforcée. Dernier élément,
18:36tout simplement, j'aurais pu donner d'autres exemples, à quoi s'attendre? Une chose toute
18:41simple, le RN doit comprendre qu'il n'obtiendra jamais le pouvoir sur le mode « c'est votre
18:46tour, on vous accepte, vous êtes démocratique, c'est légitime, c'est votre tour ». Ça n'arrivera
18:50jamais. S'il gagne, c'est contre tout ce que je viens de décrire. Réflexion finale, par ailleurs,
18:56et ça je pense qu'il faut le mentionner, jamais le discours public et la classe politique et les
19:01politiques qui seront suivies, si la tendance se maintient, n'auront été aussi en contradiction
19:06avec les préférences populaires massives des Français. Le système électoral, c'est la démocratie
19:11contre elle-même, se retourne contre les préférences profondes de la population. Politique
19:16de gauche, désir de droite, les trois prochaines années, probablement. Merci beaucoup pour cette
19:21première analyse. Dans un instant, LR, faiseur de roi, on en bouscade, on en parle. On parle de
19:28défaite pour le RN, ils ont quand même 143 sièges, mais bon, c'est le premier bloc, le premier bloc,
19:35le premier parti, on va dire, avec plus de 10 millions de voix. Ce sont eux qui ont le plus
19:40de voix. Je voulais vous montrer le petit tableau que vous voyez ici, avec le comparatif, ce dont
19:45on parlait tout à l'heure, où on voit par exemple que LFI est passé, alors bien sûr, tout avec du
19:50conditionnel, parce que tout n'est pas encore fixé, 75 députés à 78, les PS de 31 à 69 députés,
19:57les écolos de 23 à 28 députés, par exemple, les Républicains de 62 à 65 députés, le RN de 89 à
20:05143 députés. Donc on voit un peu là, à la fois en nombre de voix, à la fois en nombre de sièges,
20:11qu'il y a plusieurs lectures de cette élection et on n'a pas fini d'en parler. D'ailleurs, que va-t-il
20:20se passer maintenant ? C'est la question qu'on se pose avec vous, Dimitri, aucun des trois blocs à
20:25l'Assemblée nationale n'a suffisamment de députés pour gouverner à l'aide d'une majorité absolue,
20:30289 si elle, c'est à priori la seule garantie pour un exécutif de pouvoir faire voter ses textes.
20:35Alors, que peut-il donc se passer ? Que dit la Constitution dans ces cas-là ? Comment diriger le
20:42pays en l'absence de majorité parlementaire ? Alors, on sort d'une majorité relative, là, la précédente
20:48mandature, celle qui s'est achevée avec la dissolution du 9 juin dernier, c'était ensemble,
20:53enfin, comment ça s'appelait d'ailleurs ? Je ne me rappelle plus, le groupe formé autour de les
20:57macronistes, on va dire, ça ne s'appelait pas ensemble. Non, non, ce n'est pas ensemble, c'est ce que vous aviez
21:01horizon, bref, l'alliance, on va dire, l'alliance présidentielle, la coalition présidentielle, 245 sièges.
21:06On est dans le futur. Oui, oui, non, mais voilà, ce que je voulais dire, c'est qu'il ne leur manquait que 45 sièges pour avoir la
21:12majorité absolue. A l'époque, on se dit 44 sièges, mais où est-ce qu'ils vont les trouver ? Et on a vu
21:16qu'Elisabeth Borne, d'ailleurs, l'a souvent revendiqué en disant, on peut bâtir des majorités de
21:20circonstances selon les textes, alors sur l'énergie, sur l'immigration, etc. Un coup avec des élus de
21:25gauche, un coup avec des élus de droite, en allant chercher des personnalités qui viennent servir de force
21:31d'appoint pour faire passer les textes. Mais comment on fait quand, effectivement, on a, comme on a là, dans
21:37l'Assemblée qui est sortie décembre dimanche, trois blocs à qui il manque au moins 100 députés ? Parce qu'effectivement,
21:43le Nouveau Front Populaire, il lui manque, ils sont à 182, donc 107 sièges, 107 députés pour avoir la majorité
21:50d'absolu, le RN, c'est plus de la moitié, 146, et ensemble, c'est à peu près 130. Alors, vous avez trois options face à ça.
22:00On peut gouverner la France dans cette situation-là, c'est pas impossible. La question, c'est comment on fait pour légiférer.
22:07Alors, trois options. La première, c'est peut-être la moins technique, mais moi, je la trouvais quand même extrêmement
22:11spectaculaire. C'est Jean-Luc Mélenchon, tout le monde s'est attardé hier sur le fait qu'il avait revendiqué
22:15Matignon en disant, c'est nous qu'on a gagné l'élection, c'est nous qu'on doit aller à Matignon.
22:18Il y a de quoi faire, quand même.
22:19Mais il a aussi dit quelque chose, rappelez-vous ce qu'il a dit à 20h05, il dit, j'interdis aux macronistes de voter avec le RN
22:28contre nous, contre la gauche, si nous allons à Matignon. Non, mais voyez l'intimidation morale, il leur dit, si vous faites ça,
22:34vous aussi, vous êtes des fachos. Et il leur ordonne de se taire. Silence, c'est entre le RN et la gauche que ça se joue.
22:41Vous êtes 163, mais vous allez vous taire. La seule chose que vous pouvez faire, c'est éventuellement voter avec nous.
22:45Non, mais vous vous rendez compte, quand même, ce coup de pression, c'est extrêmement violent. J'ai été frappé que les commentateurs
22:51relèvent assez peu cette phrase de Jean-Luc Mélenchon. Bon, dans ce cas-là, alors je dirais, si effectivement, imaginons que Jean-Luc Mélenchon
22:58ait un tel charisme qu'il arrive à faire taire 163 députés, ça peut marcher dans les situations de ce qu'on appelle majorité relative,
23:05c'est-à-dire, pour faire passer le texte, il faut la moitié des députés présents, qu'ils soient 10, qu'ils soient 100, qu'ils soient 500,
23:12plus une voix. Mais des fois, vous devez faire passer à la majorité absolue. Il vous faut vraiment 289 députés, le cas d'une motion de censure, par exemple.
23:19Des fois, il faut aussi les majorités qualifiées, c'est-à-dire 3 cinquièmes des voix, ou bien 2 tiers des voix pour les textes constitutionnels, par exemple.
23:26Bon, ben là, évidemment, avec 182 députés, vous pouvez rien faire. Vous êtes un pouvoir boiteux. C'est pour cela qu'il y a deux autres options,
23:32et on va voir celles et lesquelles dans un instant. — On verra effectivement les autres options. Gouverner par décret, par ordonnance,
23:37on verra avec vous la Quatrième République, comment est-ce qu'elle a fonctionné, comment le pays a été gouverné à ce moment-là.
23:42On verra avec Charlotte Dornelas comment les plus sulfureux des députés LFI ont bien leur siège à l'Assemblée nationale, parfois à la grande surprise de certains.
23:51Et puis on verra avec vous LR est-il faiseur de roi. Qu'est-ce qu'on pose, cette question-là, à chaque élection ? C'est pas grave.
23:59Bon, on la reposera ce soir. Peut-être qu'ils sont plus forts que d'habitude. On en parlera. On marque une pause. À tout de suite.
24:07— Retour sur le plateau de Face à l'info. J'ai une petite pépite, comme d'habitude. Une petite vidéo, quand même, de temps en temps. On va pas la rater.
24:13Ouais, quand même. — On va pas tout changer, donc. — On va pas tout changer, quand même. On va garder une petite vidéo pour vous.
24:18Alors il y en a qui m'ont dit, ah oui, arrêtez de dire que RN, c'est une défaite sur les réseaux sociaux. Ils ont quand même 143 sièges.
24:26— Oui. Faut voir le verre à moitié plein. — Le verre à moitié plein. — J'ai jamais dit aussi mal, c'est moi.
24:29— Comment ? C'est une défaite ou c'est pas une défaite ? — Mais c'est une défaite. — C'est une défaite ou c'est pas une défaite ?
24:33— C'est une défaite. — C'est une défaite ou c'est pas une défaite ? — C'est une défaite en fonction de l'attente, mais par rapport au nombre de sièges, c'est pas une défaite.
24:40— Oui. C'est une défaite ou c'est pas une défaite ? — Mais il y a une trajectoire ascendante, c'est vrai.
24:43— Il y a une trajectoire ascendante. — Si vous ne pouvez pas avoir la majorité absolue et je ne l'obtiens pas, je n'ai pas la majorité relative et vous êtes le 3e groupe,
24:48au final, ce n'est pas être pour ou contre les RN que de dire ça. C'est de nommer les choses sous le signe de la réalité, à moins que le 3...
24:54Les derniers seront les premiers. Mais ça, c'est pas vrai dans les élections.
24:57— Bon, c'est une victoire en nombre de voix, c'est une victoire en nombre de sièges, c'est une défaite par rapport à l'espoir qui était attendu.
25:06Dimitri, option n°2, comment la France peut-elle gouverner aujourd'hui ? Par ordonnance, par décret ? — Sans majorité absolue, oui.
25:13— On entend tout. Qu'est-ce qui est possible ? — Gouverner par décret, par ordonnance, si vous n'avez pas la majorité absolue...
25:19Alors Jean-Luc Mélenchon, que j'ai déjà cité, encore lui, il a aussi suggéré... Il dit pour augmenter le SMIC, pour abroger la réforme des retraites,
25:25on va procéder de la sorte. Décret, ordonnance. Alors sous-entendu, on peut diriger le pays sans passer par le Parlement.
25:32Et dans l'absolu, ça, c'est vrai. C'est pas parce que vous ne pouvez pas faire voter vos lois à l'Assemblée nationale que vous ne dirigez pas la France.
25:40Même sans majorité absolue, vous pouvez concrètement avoir une diplomatie, vous pouvez avoir une politique de sécurité, vous pouvez changer les programmes scolaires.
25:47Tout ça se fait par voie réglementaire. Il n'y a pas besoin de faire voter des textes, de faire voter des lois. Vous ne pouvez pas réformer si vous n'avez pas l'Assemblée,
25:54mais vous pouvez quand même gouverner. Vous saisissez donc la nuance. Alors pour un tout un tas de... — Vous changez les programmes scolaires ?
26:01— Eh oui, oui, oui. Ça se fait par voie réglementaire. Les cycles scolaires, dire par exemple... La scolarité, ça se fait du CP au CM2, puis ensuite,
26:08vous passez au collège. Ça se fait par voie réglementaire, tout simplement. Alors ça, attendez, peut-être pour les cycles scolaires, c'est peut-être que je dis une bêtise.
26:14Mais en tout cas, pour le contenu des programmes, ça, oui, ça se fait par voie réglementaire. Mais alors c'est là où je voulais en venir. C'est que pour tout un tas de matières,
26:22et notamment pour les plus importantes, là, vous êtes obligés – la Constitution le prévoit, article 44 de la Constitution – de passer par la loi et donc par le Parlement.
26:31C'est tout ce qu'on appelle le domaine de la loi. Et alors ça couvre les droits et les libertés publiques, la nationalité, la matière pénale, l'impôt, les règles électorales,
26:40les nationalisations, les principes fondamentaux de la défense nationale, les principes fondamentaux de l'enseignement, du droit du travail, etc. Donc très concrètement,
26:48je prends le problème de la gauche. Augmenter le SMIC, eh ben, c'est pas vrai. Vous pouvez pas le faire par décret. Ça doit passer par la loi. Ça doit passer par l'Assemblée nationale,
26:56par le Sénat, ça doit passer par le Parlement. Augmenter... – Et par une majorité. – Donc il vous faut une majorité. Augmenter les impôts, ça, ça se fait par le budget.
27:04Eh ben, de la même manière. Vous pouvez faire le 49-3. Mais dans ce cas-là, vous vous exposez à une motion de censure. Il vous manque 100 députés. Vous êtes quand même à la merci
27:11de voir votre gouvernement chuter. Désarmer la police, eh ben, pareil, ça passe par la loi. Changer les sanctions pénales, ça passe par la loi. Renoncer à l'arme nucléaire, etc., etc., etc.
27:21Donc vous voyez, sans le Parlement, sans la capacité de voter des textes, vous ne pouvez pas vraiment réformer la France. Alors, on a vu ce que représentait le fait d'avoir la loi.
27:33On dit, ben, il y a les ordonnances. Alors, c'est quoi, les ordonnances ? Parce qu'on dit toujours les ordonnances, c'est une mesure qui est prise par le gouvernement,
27:40alors, en effet, dans le domaine de la loi, mais c'est une procédure, en fait, de délégation législative par qui ? Qui délègue à l'exécutif, au gouvernement, le pouvoir de légiférer ?
27:50Le Parlement, l'Assemblée nationale et le Sénat, encore eux. Donc, encore une fois, si vous n'avez pas de majorité à l'Assemblée nationale, vous ne pouvez pas gouverner par ordonnance.
27:59Alors, ça permet de légiférer très rapidement. Rappelez-vous les ordonnances Pénicaud pour modifier le droit du travail. Rappelez-vous aussi la réforme de la SNCF. Emmanuel Macron avait procédé de la sorte.
28:08A l'époque, il avait combien ? 360 députés. Donc, il pouvait obtenir de son Parlement la délégation de ce pouvoir législatif. Ça passe par une loi d'habilitation.
28:18Et quand vous procédez par ordonnance, cette ordonnance, elle doit ensuite être ratifiée à nouveau par l'Assemblée nationale. Donc, la procédure d'entrée et de sortie des ordonnances,
28:27ça passe par le Parlement. Alors, enfin, vous avez les décrets. Alors oui, les décrets, c'est un domaine d'autonomie totale pour le pouvoir exécutif vis-à-vis de l'Assemblée nationale.
28:38Mais en réalité, c'est assez limité. Pourquoi ? Parce qu'un décret, dans la hiérarchie des normes, il n'est pas tout en bas, mais presque. Il est juste au-dessus de la circulaire et de l'arrêté.
28:47Mais il est sous la loi. Et donc, par décret, vous ne pouvez pas modifier une loi. Vous ne pouvez pas modifier l'esprit d'une loi. Donc, prenons par exemple l'exemple de la réforme des retraites.
28:56Le Nouveau Front Populaire nous dit, c'est simple, on va l'abroger par simple décret primo-ministériel. Ben, ça n'est pas vrai. Parce que d'abord, vous ne pouvez pas supprimer un décret existant par un autre décret.
29:07Vous pouvez le modifier, mais ce sera contrôlé par un juge administratif qui dira si, oui ou non, vous êtes conformes à l'esprit initial de la loi. Donc, vous voyez, c'est quand même fragile.
29:17Le plus simple, et vous voyez, en fait, on a fait un grand détour pour arriver au point de départ, c'est de, option numéro 3, c'est de trouver une coalition gouvernementale. On n'a pas le choix. On n'a pas le choix.
29:27— Alors, justement, on y est. Seulement, on entend beaucoup que ce n'est pas la culture politique française, une coalition. C'est toujours chacun dans son camp. On n'est pas des Allemands, on n'est pas des Italiens, on n'est pas des...
29:38— On n'est pas des Belges, on n'est pas des Espagnols, on n'est pas des Suédois, on n'est pas des Néerlandais, bref. Toute l'Europe gouverne par coalition. Et nous, les Français, on saurait pas le faire.
29:46Alors ça, c'est Benjamin Morel qui l'expliquait très bien dans le Figaro ce matin. Il disait... Non, non, JDD, pardonnez-moi. C'était hier. Charlotte, hommage.
29:53— Vous lisez trop. — Non, mais il disait... Sous la 4e République, on disait le régime présidentiel, un président fort, c'est pas du tout la culture politique française.
30:02Ben voyons. Et on a vu ce que ça a donné, la 5e République. On sait le faire. Pourquoi ne saurait-on pas bâtir une coalition de gouvernement à l'allemande, à l'espagnol, à ce que vous voulez, en France ?
30:12On peut tout à fait le faire. Et d'ailleurs, mercredi, jeudi dernier, 3-4 jours des élections, qui est-ce qu'on entendait parler de la coalition des raisonnables, des majorités de projet,
30:23comme dit Emmanuel Macron ? Xavier Bertrand, François Hollande, Éric Woerth, Manuel Valls, Raphaël Glucksmann, Clément Beaune, François Bayrou, Bernard Cazeneuve, Marine Tondelier,
30:32Édouard Philippe, tous ces gens sont prêts à travailler ensemble. Et vous voyez, ça, c'est le grand projet d'Emmanuel Macron, de dire on va aller piocher un coup à gauche, un coup à droite,
30:41les personnalités qui, en s'agrégeant autour de nos 163 députés macroniens, pourraient éventuellement se rapprocher de la majorité absolue. Pas besoin de l'atteindre.
30:50S'en rapprocher et gouverner comme Emmanuel Macron l'a fait de 2022 à 2024. Finalement, c'était pas si mal. Ça marchait. Elisabeth Borne a dit on a fait combien passer ?
30:58On a fait 40 ou 50 textes sur l'année 2022 et 2023. Chaque année.
31:02C'est assez vide. Les textes, c'est assez vide.
31:05Alors, coalition, oui, bien sûr.
31:06L'immigration, etc.
31:07Ah bah évidemment, évidemment. Et puis il faut composer. Et puis quand vous faites le budget, vous êtes quand même obligés de passer par 49-3. Mais vous pouvez éviter la censure si vous avez 250, 260 députés.
31:16Si vous en avez 180, c'est même pas la peine. Vous allez tomber. Alors, maintenant, c'est quelle coalition ?
31:21C'est ça.
31:21Alors, la revue Le Grand Continent a mis en ligne un simulateur de coalition. C'est très marrant à faire. Vous ajoutez, vous enlevez les partis. Vous dites, allez, je vais mettre l'Europe Écologie, les Verts, les Socialistes, le Rassemblement National.
31:31Ça ferait combien de sièges ? Alors, on va prendre des scénarios plausibles. Celui de la grande coalition qui irait de, j'allais dire Fabien Roussel, mais bon, il n'est pas député, des communistes, on va dire, jusqu'aux Républicains, mais sans LFI et sans le Rassemblement National.
31:46Tout le Parlement sans LFI et sans le Rassemblement National. Ah, vous faites 360 sièges. Là, ça marcherait bien.
31:51Après, il va falloir faire marcher tout le monde ensemble, ce n'est pas évident. Plus plausible, une coalition, on va dire, sociale-libérale, c'est-à-dire la gauche, mais sans le Parti Communiste, sans la FI, plus la Macronie élargie, c'est-à-dire le Modem, Horizon, Renaissance, les Centristes, quelques LR, etc.
32:08Là, vous faites 280 sièges. Et là, vous voyez mon scénario ? On n'est plus très loin de la majorité absolue. Mais finalement, c'est un peu les seuls scénarios possibles. Donc, c'est envisageable. Ça tracte, ça négocie beaucoup en ce moment.
32:20Alors, j'aurais quand même rassuré les gens, parce que cette coalition, c'est une hypothèse, ce n'est pas dit qu'elle aboutisse. Même sans majorité, je le redis, la France va continuer de tourner.
32:30Peut-être qu'un peu d'immobilisme législatif, finalement, ce n'est pas une si mauvaise chose. La réforme mi-taiguë, ça commence des fois à bien faire. Et puis, vous voyez, pour le budget, par exemple, ça, c'est la grande angoisse d'Emmanuel Macron, il y a des outils techniques qui existent.
32:43Sous la Troisième République, on avait ce qu'on appelait le douzième provisoire, c'est-à-dire que si on n'arrivait pas à voter le budget, de mois en mois, on prenait le budget de l'année précédente, on saucissonnait ça en 12 tranches, des tranches mensuelles, et chaque mois, on votait une simple loi de finances, une simple loi financière, pour continuer à financer les administrations, à payer les fonctionnaires, etc., de manière à éviter ce que les Américains nous font tous les ans, le psychodrame du shutdown, où il n'y a plus d'argent pour payer les fonctionnaires.
33:10Ça marche, on faisait ça pendant la quatrième, on faisait ça pendant la troisième République, donc la France va continuer à tourner, je pense que c'est quand même le message essentiel à délivrer ce soir.
33:18— Merci beaucoup. Je peux vous dire que je suis un petit peu déçue ? — Pourquoi ? — Parce que vous m'avez pas dit qui peut être Premier ministre.
33:23— Ah bah là, sur les noms ! Alors moi, j'ai lu dans le JDD encore, il disait Carole Delga, François Ruffin, François Bayrou, il y avait qui d'autre aussi ? Richard Ferrand.
33:32— Richard Ferrand. — Vous voyez, plus LR, plus PS, plus... — Non mais attendez, ils sont en train de négocier. Ça peut être un truc complètement baroque.
33:40À l'allemand, vous savez, une coalition NRJ, noir, rouge, jaune, avec des conservateurs, des socialistes et des libéraux, par exemple. Vous voyez, un truc un peu comme ça.
33:48Et des écologistes aussi. Tiens, c'est pas mal aussi. — Un nom pour un Premier ministre ? — Moi, je pense qu'ils le veulent tous. Ça sera pas facile.
33:56— Oui, il y a des candidats à ça. — Si le critère, c'est le désir, c'est Xavier Bertrand, c'est Carole Delga, c'est Marine Tondelier, mais le désir ne suffit pas de temps en temps en cette vie.
34:07— Je pense que ce sera quelqu'un qui n'est pas très connu, papa, mais qui a cette capacité à pouvoir incarner une modération et une image recevable pour la gauche.
34:20— On dirait Marine Tondelier, que vous définissez là. Pas mal. Merci. En tout cas, j'ai une petite pépite, juste avant de parler de la 4e République, parce qu'il nous a bien planté le décor, Dimitri.
34:29On a envie de savoir, effectivement, comment ça fonctionnait pendant la 4e République. Regardez ce qui s'est passé ce week-end. Chut !
34:50— Oh là là, tout le monde déteste les fachos. Oui, j'ai l'impression que c'est la même, non ? — La Aigra.
34:58— Non, qu'on avait vue la Aigra, oui, c'est vrai. Bon, en tout cas, elle est fidèle. Place de la République, rendez-vous tous les samedis, certainement, elle sera là.
35:07Comment s'est passée cette fameuse 4e République pleine d'instabilité avec les pleins pouvoirs au Parlement ? C'est ce vers quoi on s'acheminerait.
35:19— Oui, mais alors ne soyez pas tristes. Moi, j'aime beaucoup la fin de la chronique de mon camarade Dimitri. — Moi aussi, j'aime bien.
35:24— Parce que... Il y en a qui sont en train de faire les valises. Ils prennent des billets. Il faut surtout se carapater. N'ayez point peur.
35:33D'abord, quand vous lisez l'histoire, que de chaos, que de crises surmontées, et parfois douloureusement. Et n'oubliez pas dans quel contexte va apparaître
35:43cette 4e République. Il y a eu la guerre, il y a eu toutes ces atrocités, 600 000 morts, plus de 2 millions de gens qui ont été déportés.
35:55On est dans un chaos invraisemblable. La moitié de la Normandie a été détruite par les bombardements alliés pour pouvoir nous libérer.
36:04On a l'est de la France aussi, qui a énormément souffert. Il n'y a plus de travail. Il faut relancer l'ensemble. Il n'y a pas d'argent.
36:12On manque de tout. On crève la faim. Il n'y a plus de logements. — Nous sommes dans quelles années, là ?
36:16— Ben là, on est en 1945, mon petit bébé. — Oh, d'accord, mon cher.
36:20— Il y a le gouvernement provisoire avec le général de Gaulle, qui n'a qu'une hantise. C'est que le PCF, qui est là,
36:31qui espère bien prendre le pouvoir, bénéficier de son action dans la résistance. Alors comment les écarter ?
36:40Ça, c'est l'obsession du général de Gaulle, avec par ailleurs la crainte de voir l'Amérique qui prendrait le contrôle de la France.
36:47Vous voyez dans quel contexte nous sommes ? Et puis il y a Staline, qui, lui, ne veut pas voir poindre la force américaine sur le monde
36:55et qui espère bien conquérir une fraction de l'Europe. Dans tout ce monde-là, comment créer un gouvernement ?
37:05Alors il y a une première élection législative. En 13 mois, il y aura 3 élections législatives. Il y a un premier référendum
37:16pour adopter la constitution qui a été élaborée. Le référendum s'écroule. 53%, il faut repartir. Donc deuxième législative.
37:28On refait une constitution. Et là... — On a des images de mai 46, ici, à Lille.
37:33— Oui. Alors on vote, on vote, on vote. Parce que ce qui est extraordinaire, on va jusqu'à 79% de participation.
37:40C'est-à-dire que tout un chacun souffre tellement qu'il espère des élections. Et on est dans une sorte de dramatisation
37:50entre les uns et les autres. Alors on a cette constitution qui revient en quelque sorte à enteriner celle de la IIIe République,
38:01car on a un président de la République qui sera élu pour 7 ans, rééligible, les deux chambres. Et le président de la République
38:10est le seul à pouvoir dissoudre l'Assemblée et le gouvernement. Il y a un président du Conseil. Et c'est le président de la République
38:19qui le nomme. Il y aura uniquement deux présidents de la République, M. Hubert Auriol et ensuite René Coty, à partir de 1955.
38:32Mais 24 gouvernements ! Et le plus long, il dure, allez, 13 mois. Et certains... Le premier gouvernement des cafots
38:44dure 40 jours. Ils disent que c'est 40 jours de fièvre, 40 jours de rehaut et 4 kg pour moi de perdu, avec son petit C sur la langue,
38:55Edgar Ford. Et dans tout cela, eh bien le général de Gaulle préfère se retirer. Il souhaitait qu'il y ait une dissolution
39:03pour pouvoir affirmer les forces gaullistes. Ça lui a pas été accordé. Et c'est pour ça qu'il finira par se retirer,
39:12bien qu'en créant le mouvement, le fameux RPF, il obtient une réussite incroyable aux élections législatives. Alors on pourrait se dire
39:24comment gouverner dans ces circonstances ? Je vous ai déjà parlé de cette situation économique catastrophique. Mais 47-48, la France va plus loin
39:35que dans le déchirement. Les gilets jaunes, c'est même pas une agitation de premiers communiants. Vous allez avoir à Marseille, en 1947,
39:44une grève qui commence dans les trambouets. On va tirer sur les manifestants. Il y a un mort. Et de là, c'est le Nord qui s'enflamme,
39:55dans les mines. On a 29 000 grévistes. Plus personne ne veut descendre dans les puits. Les banques se joignent à la grève. On est dans la grève générale.
40:09Vous imaginez tout cela ? Alors qu'on est toujours dans le rationnement, que l'on a des pénuries, et pour autant, on va surmonter cela. En 48, ça recommence.
40:20Et à nouveau, on tire. Et qui fait front face à ces révoltes ? Eh bien les CRS. Qui a créé les CRS ? Le général de Gaulle, en 1944.
40:31Et quand ils ne sont pas assez, eh bien on fait lever les parachutistes, en particulier le 11e régiment. Et ça va plus loin que ça.
40:40On crée une loi pour pouvoir avoir des réservistes qui viennent éventuellement renforcer les forces de l'ordre. Vous imaginez ce véritable chaos ?
40:53Si on décrivait ça aujourd'hui, alors ceux qui se carapatent en ayant la pétoche par rapport à la situation... Réveillez-vous, mes enfants, relisez ce qui a été vécu durant toutes ces années-là.
41:07Et pour autant, il y aura la défaite de Bien Bien Phu. Mais la fin de la guerre d'Indochine. La paix est signée. On va préparer les différentes libérations des pays.
41:20Il y aura également des mesures qui permettront l'amorce de l'Europe, avec Robert Schuman. Robert Schuman qui crée d'abord la commission de l'acier et des charbonnages.
41:35Le charbon, on avait perdu un million de tonnes. Eh bien on repart, on conquiert, on conquiert. On aura les logements qui commenceront à s'initier.
41:47Il y aura également la création de l'OTAN, à laquelle on adhère. C'est un dynamisme invraisemblable, tout en étant dans le chaos de disputes invraisemblables à l'intérieur de l'Assemblée.
42:00Dans les grands personnages, j'ai cité Edgar Ford, il y a Robert Schuman. Il y a Mendes France. Mendes France, en 1954, c'est lui, alors qu'il y a eu cette défaite de Bien Bien Phu,
42:13qui va négocier la paix avec l'Indochine. Mendes France, qui lui, alors qu'on était otage des partis, c'est-à-dire qu'en général, le gouvernement était constitué
42:28selon la volonté des partis et leur représentation. Et lui, il décide de choisir des hommes. C'est pour ça qu'il fait venir au gouvernement Chabondel Masse, il fait venir au gouvernement
42:39François Mitterrand, il fait venir au gouvernement Edgar Ford. Ce sont des personnalités. Ils luttent contre l'alcoolisme, ils luttent contre nombre de phénomènes
42:50pour relancer la France, donner en quelque sorte un avenir. Et tout s'effondrera à cause de la guerre d'Algérie, et cette guerre d'Algérie où il y a une crispation.
43:03Et là, on peut le dire, Mathieu, il fait souvent référence, une sorte de coup d'État qui est monté par le général de Gaulle et qui conduit le président René Coty
43:13à appeler le général de Gaulle, d'abord comme président du Conseil, et puis ensuite, il prend le pouvoir. N'oublions pas Antoine Pinet, qui avait créé un appel au peuple
43:27pour le lever de l'argent, car on avait 770 milliards de déficit. – Oui, d'accord. En regardant tout ça, mon cher Marc, comment vous vous sentez, là, par rapport à l'actualité ?
43:39– Moi, je me sentirais, je me dis qu'on s'en sort toujours, parce qu'il y a la force des hommes au-delà des haines.
43:44– Je vais répondre à la question. – Oui.
43:45– Comment la France pourrait voir son actualité au regard de l'histoire ?
43:49– Eh bien, prenez la Troisième République, c'est le fameux gouvernement tel que Dimitri vient de l'énoncer, et c'est donc ceux qui sont dans cet esprit apaisé
44:02qu'ont le désir d'avancer, et on trouve toujours des mesures d'un gouvernement à l'autre pour avoir les réformes nécessaires au pays.
44:09– Tout va bien, madame la marquise. LFI se déclare... Merci beaucoup, mon cher Marc, pour votre analyse. Très intéressant.
44:17LFI se déclare grand vainqueur, Charlotte Dornelas. Quelle est la réalité de cette victoire, avec seulement, on va dire, à peu près,
44:2323 députés de plus que la présidente Assemblée ? Je le disais en titre, que comprendre, comment expliquer, par exemple, la réélection large, nette, sans appel,
44:33de députés qu'on peut qualifier de sulfureux, pendant, sous la présidente législature ? Que comprendre par rapport à tout ça ? Quelle leçon tirer ?
44:42– La première chose, c'est que c'est vrai qu'on se dit, c'est quand même le troisième secrétaire en peu de temps, et on se dit, mais qu'est-ce qui s'est passé ?
44:48Est-ce que le pays s'est retourné en trois semaines ? Non, évidemment, simplement les lectures ne se font pas de la même manière.
44:53Dans ces différents scrutins qu'on a eus précédemment. Bon, la question des Européennes, c'était un pourcentage national, vous avez une liste, un pourcentage,
45:00donc vous lisez qui arrive en tête à l'échelle du pays. Ensuite, vous avez l'annonce de la dissolution, les législatives, l'union de la gauche qui se met en place assez rapidement.
45:09Un premier scrutin qui, lui aussi, a été lu la semaine dernière avec des pourcentages nationaux. Et d'ailleurs, à ce moment-là, les instituts de sondage disaient
45:17attention, prudence, c'est très difficile d'imaginer en nombre de sièges, on va rester sur les pourcentages puisque ça dépendra des triangulaires, des éventuels désistements,
45:27et du comportement géographique qui n'est pas le même partout en France et qui ne se joue pas précisément, nécessairement au niveau national, mais beaucoup plus dans les circonscriptions au second tour.
45:38Et là, cette fois-ci, la lecture du scrutin, elle se fait par nombre de sièges. Donc vous additionnez des circonscriptions en faisant parfois des parallèles ou des comparaisons
45:46qui ne sont pas nécessairement pertinents au niveau national. Si vous regardez simplement sur la question des forces en présence, donc pas le nombre de députés,
45:56finalement, les tendances qu'on a eues ces deux dernières semaines se confirment. Hier, on a eu une progression, les seuls qui progressent réellement à l'Assemblée sont
46:05le Parti Socialiste, l'Europe Écologie Verte progresse un peu, mais le Parti Socialiste qui progresse beaucoup au sein du Nouveau Front Populaire et le Rassemblement National
46:14qui prend beaucoup de députés en plus, mais sur les grosses tendances, vous avez la même chose finalement que dans les élections précédentes. Donc c'est assez rassurant,
46:22c'est pas tout le monde a changé d'avis en une semaine, tout simplement. En revanche, et là le résultat est imparable, c'est ce qu'on a vu hier, en effet, si tout le monde a reconnu que les Français,
46:33je mets des guillemets, mais les Français hier n'ont pas voulu envoyer le Rassemblement National à Matignon, ils ont voulu envoyer personne d'autre non plus.
46:41C'est peut-être la donnée qui manquait un peu hier soir aussi, et c'est évidemment ce que vient de nous expliquer Dimitri. Ce qui invisibilise très largement, dans la lecture des résultats,
46:52les majorités d'idées qui se dégagent dans le pays et qui s'expriment par des pourcentages nationaux et qui brouillent le message que tout le monde redoutait la semaine dernière
47:02Et au moment des résultats des élections européennes, on les a énumérées, la demande de fermeté migratoire qui dépasse d'ailleurs les résultats électoraux, la question de la sécurité et l'inquiétude économique
47:13qui étaient les trois gros enjeux de cette élection. Mais cette élection, elle a fait plus, et j'en viens à votre question sur les différents profils, elle a fait encore plus que ça,
47:22elle a également brouillé la défense par certains de valeurs intangibles au nom desquelles elles ont expliqué leur comportement, notamment entre le premier et le second tour.
47:33C'est vrai du refus de la violence, de l'antisémitisme, de l'attachement à la démocratie, on en a parlé, à la France et même à la République plus particulièrement,
47:41ce sont des mots qu'on entend au moment de faire barrage. Ce barrage, il a fonctionné de manière abstraite, c'est-à-dire par rapport à une menace que l'on a retrouvée intacte par rapport à ces dernières années, le rassemblement national.
47:55Mais certains députés, sortant ou candidats à la députation, incarnaient cette menace-là quelques semaines, quelques mois plus tôt dans la bouche même de ceux qui ont décidé de s'allier pour ce barrage finalement envers le rassemblement national.
48:11Et c'est frappant parce que certains ont été vilipendés par ceux-là même qui parfois se sont désistés précisément sur ce terrain.
48:19Donc finalement le ressort du barrage a été beaucoup plus efficace que celui de la réalité des condamnations morales qu'on avait constatées même dans les mois qui précédaient simplement.
48:32Voilà sans doute pourquoi en effet certains députés qui étaient parfois taclés jusque parfois dans leur propre environnement politique, notamment à gauche, ont pu être réélus sans faire la une des journaux la semaine dernière.
48:48Oui, oui, et on dirait que la provocation Pec et tout ce qui était vraiment anti-républicain ont été élus largement du côté de LFI.
48:59Beaucoup ont évoqué par exemple, Charlotte Dornelas, la réélection de David Guiraud, par exemple l'élimination de Meyer Habib.
49:05On se rappelle de cet échange qui avait eu virulent au sein de l'Assemblée Nationale ou encore de l'élection des profils, comme je le disais, les plus radicaux de la France insoumise.
49:14Louis Bouillard, Daniel Obono, Raphaël Arnault qui a été élu pour la première fois, mais affiché S. Comment expliquer ces résultats selon vous ?
49:21Là, il y a plusieurs niveaux de lecture. Déjà, en effet, beaucoup ont comparé la victoire de David Guiraud et la défaite de Meyer Habib.
49:27Ils n'étaient pas dans la même circonscription. Ce n'était pas l'un contre l'autre avec David Guiraud qui l'emporte.
49:31Ça se joue sur... En plus, Meyer Habib était sur les Français de l'étranger.
49:35Ça se joue sur des sujets dans une circonscription qui ne sont pas l'un contre l'autre ou un projet contre un autre, en l'occurrence entre ces deux-là qui s'étaient en effet disputés dans les couloirs de l'Assemblée.
49:47Mais au-delà de ça, en effet, vous avez raison, je pense qu'il y a plusieurs niveaux de lecture.
49:51Il y a d'abord le niveau national. Les désistements qui se sont faits entre la majorité et le nouveau Front populaire.
49:58On nous a beaucoup parlé au début de la semaine de désistements au cas par cas.
50:01On a vu dans les faits que ce n'était pas aussi simple que ça.
50:03Le cas par cas se faisait surtout sur les chances de victoire, beaucoup plus que sur les profils.
50:08En réalité, on a vu, par exemple, je le fais dans un sens, mais LFI se désister pour Elisabeth Borne et Gérald Darmanin.
50:13Je pense qu'il n'y avait pas deux symboles plus anti-nouveau Front populaire que ces deux personnes par le biais des textes qu'elles avaient portés dans la précédente mandature.
50:25Donc vous voyez, c'est moins au cas par cas d'idées qu'au cas par cas de la possibilité de gagner ou non.
50:31Et comme il fallait faire... Donc l'analyse des profils n'a pas été tellement faite.
50:35Comme il fallait faire barrage au Rassemblement national, et c'est là où je vous parle de réflexe, il faut faire barrage au Rassemblement national.
50:41Pourquoi ? Et c'est la même raison depuis des années, pour lutter contre l'antisémitisme, pour lutter contre la violence, l'éventuelle violence,
50:48pour lutter contre le racisme et pour lutter contre la menace totalitaire, où vous pouvez développer, mais en général, c'est ça qui vient.
50:54Personne ne peut être pire que le repoussoir absolu chez qui c'est structurel.
51:00Voilà ce qu'on nous explique. Donc oui, il y a des personnes individuellement qui sont tout ça en même temps,
51:05qu'on a nous-mêmes dénoncées, qu'on continuera à dénoncer la semaine prochaine, parce que ça va recommencer dès le 18 juillet,
51:10qu'on continuera à dénoncer, mais personne n'est pire que le repoussoir que l'on a depuis des années.
51:16Donc peu importe que le terrain contredise cette analyse, elle revient comme un réflexe absolu.
51:21Donc on a une campagne avec une condamnation morale qui est absolument hémiplégique, largement abstraite,
51:28et les outrances de ces députés, qui étaient condamnés par les mêmes qui parfois se sont désistés,
51:34elles étaient rendues invisibles dans cette campagne parce qu'elles étaient relayées,
51:38et là je prends quelque chose dont on parle parfois, au rang de faits divers.
51:42C'est la différence entre le fait divers et le fait structurel dans un parti, ça n'était plus que du fait divers,
51:47peu importe ce qu'ils avaient pu dire ou défendre, c'est pas simplement une petite phrase,
51:51ou défendre, ça n'était pas pire que le repoussoir qui était choisi.
51:55Ensuite, la deuxième chose au niveau national, c'est la focalisation de toute la critique,
51:59au sein même de l'Union de la Gauche, sur la seule personne de Jean-Luc Mélenchon,
52:04comme s'il dépassait absolument, et en plus, ça se concentrait beaucoup sur des questions de gouvernance,
52:09moins sur des questions d'idées, comme si son parti, d'abord ne le suivait pas sur la question des idées,
52:14et comme si ses élus n'allaient pas parfois plus loin que lui, et je renvoie au nom que vous avez cité,
52:19et ensuite la traque, alors là c'est la conséquence logique, la traque des profils nuls, pas haut niveau,
52:25ou encombrants, était absolument hémiplégique là encore, et vous pouvez avoir des candidats qui...
52:30Et vous parliez de Raphaël Arnault, au-delà de la question de la fiche administrative,
52:34il est membre et fondateur d'un mouvement qui est violent, accusé pendant cette campagne d'antisémitisme pour certains de ses membres,
52:40avec une agression physique, de menace de mort, suivi en effet par les renseignements, qui a donné plusieurs identités,
52:47mais ça n'est qu'un fait divers dans le récit des forces en présence dans l'élection.
52:53Ensuite, au niveau local, et c'est le deuxième niveau de lecture, et qui est important évidemment dans ces élections,
52:59il y a, je pense, le ressort de ce qu'on a appelé l'électoralisme ces dernières années, qui n'a pas été pris au sérieux.
53:05Que veut dire ? On disait tout le temps, oui mais d'accord, ils disent ça, mais c'est un ressort électoraliste,
53:09mais qu'est-ce que ça veut dire ? Comme si c'était moins grave, mais un ressort électoraliste, ça veut dire que vous visez un électorat,
53:14l'électorat, en réalité, a parfaitement répondu, c'est les scores absolument incroyables, même parfois au premier tour,
53:20de certains des éléments les plus radicaux, qui ont été moralement poursuivis ces derniers temps,
53:26notamment dans certaines banlieues et dans certaines villes, et Jean-Luc Mélenchon lui-même a expliqué qu'il devait beaucoup,
53:33hier soir, à la nouvelle France, et même au reste, a-t-il dit. Donc, c'est même plus une question de vivre ensemble,
53:39qui était extrêmement portée par la gauche, c'est une France qui en précède une autre, et on l'a vu, une nouvelle France,
53:45qui parfois se rebelle déjà contre ses représentants, au sein de la France insoumise.
53:49Si je devais résumer, je dirais que finalement, on a eu, dans une première période, une alliance de la gauche,
53:54qui s'est assise sur ces désaccords, parfois moraux, entre elles. Ensuite, on a eu une alliance plus large de désistement,
54:01et sur le terrain électoral, au mépris des raisons pour lesquelles la gauche interdit à la droite, même une alliance électorale de circonstances.
54:11C'est ça qu'il faut voir, c'est qu'il y a certains profils qui ont été condamnés moralement, mais ça ne devient pas grave,
54:17donc, ni sur le passé, parce que le parti communiste a un passé, je pense, qui est à peu près aussi condamnable,
54:22et ni sur l'actualité, puisque certains profils ont absolument disparu pendant la campagne d'entre-deux-tours, au détriment du RN.
54:31Dernier mot en dix secondes ?
54:33Dernier mot, vous avez, par exemple, je vais vous prendre un seul exemple, Eric Coquerel, réélu au premier tour, donc LFI,
54:39qui participe à un rassemblement dans lequel un homme compare à Adama Traoré, vous saviez qu'il était mort lors d'une intervention,
54:45les gendarmes ont été relaxés par la justice, il compare à Adama Traoré au Gazaoui, en disant que toutes ces personnes sont victimes d'un état colonial.
54:57Dans un parti qui refuse par ailleurs d'expliquer que le Hamas est un groupe terroriste,
55:02je ne sais pas ce que ça veut dire exactement, mais j'aimerais bien que quelqu'un leur pose la question.
55:05Est-ce que, du coup, les actes de résistance, comme ils les ont appelés, sont légitimes également dans certaines banlieues françaises ?
55:12Merci beaucoup, Charlotte Dernelas.
55:15Mathieu Bocoté, dernière question.
55:16Si la gauche, hier soir, a triomphé, si le RN était un peu groggy, si la Macronie ne semblait pas insatisfaite,
55:24les LR, de leur côté, semblaient soulagés.
55:26Sont-ils en embuscade ?
55:28Alors, il y a une manière de raconter cette histoire.
55:30Imaginez que vous racontiez l'histoire du Titanic.
55:32Alors, c'est une histoire assez tragique, une histoire triste.
55:35Mais si vous racontiez l'histoire d'un canot de sauvetage dans le Titanic, d'un coup, c'est une histoire plutôt joyeuse, plutôt heureuse.
55:41Eh bien, les LR ont vu le film, hier soir, et ils se sont identifiés au canot de sauvetage.
55:45Certes, tout se décompose, certes, il y a peut-être un naufrage collectif,
55:49mais notre petit radeau, notre petit canot de sauvetage est là, on existe encore.
55:54Et vous savez, survivre, quand on était persuadé de presque mourir, même mourir pour le bon,
55:59mais survivre est une immense victoire.
56:02Et ils se disent « nous sommes encore là, donc, en tant que tel, fêtons ».
56:05Au point même, vous avez peut-être vu cette image qui a été tweetée aujourd'hui par les LR,
56:09avant d'être retirée, en disant « Jordan, Éric, nous avons très bien dormi ».
56:14Bon, autrement dit, c'est une bonne journée, ça s'est bien passé.
56:17Une fois que c'est dit, que souhaitent-ils ?
56:20Leur calcul, on le connaît, il est simple, ils se disent « la Macronie va se décomposer ».
56:25La Macronie se décomposant, l'aile droite de la Macronie va se rattacher aux LR,
56:30pour peu que les LR existent encore comme force politique.
56:33Ils se disent aussi « le RN a échoué, encore échoué, échouera toujours.
56:37Dès lors, ce sera notre chance, tout le monde nous a enterrés,
56:41mais nous pouvons renaître demain, on reprendra la place qui était la nôtre.
56:45Dans trois ans, c'est notre retour, le cadeau de sauvetage deviendra le prochain Titanic
56:49qui, lui, ne fera pas de naufrages. »
56:51Reste à voir.
56:52Mais à tout moment, voilà pourquoi ils se disent « c'est notre tour,
56:54nous sommes faiseurs de rois en ce moment, pour devenir rois demain ».
56:57Certains croient lors de Laurent Wauquiez venu, et beaucoup évoquent son nom.
57:02Alors, vous avez tout à fait raison, on l'entend beaucoup, c'est son retour.
57:04Il a décidé, il est candidat, il est député désormais.
57:06Il se dit « j'y suis, maintenant, je me prépare pour la prochaine séquence. »
57:11Il se voit président lui-même, il ne l'a jamais caché.
57:13Il ne faut jamais oublier que dans les LR, cette famille complexe est recomposée.
57:17Il y a Xavier Bertrand, il y a Valérie Pécresse qui ont déjà quitté LR à cause de la ligne Wauquiez.
57:21Et aujourd'hui, tous se retrouvent ensemble dans LR,
57:23sans qu'on ne sache exactement quelle est la ligne, sinon qu'ils sont heureux de survivre ensemble.
57:27C'est déjà ça.
57:28« Survivre ensemble », c'est leur slogan, je pense, soudainement.
57:30À tout le moins, c'est ce que je vais leur donner.
57:31Trois options pour Wauquiez.
57:33On a un mot.
57:33Il peut se dire « je vais gagner seul ».
57:36C'est le scénario que je disais plus tôt, c'est-à-dire la macronie se décompose,
57:39le RN échoue, je suis la figure qui a un programme idéologiquement compatible avec le RN,
57:45mais je suis sociologiquement compatible avec la macronie,
57:48je suis l'homme qui sauvera la situation.
57:50Certains y croient, d'autres non, peut-être lui y croit-il.
57:53Deuxième option, s'allier directement avec la macronie,
57:55il envoie le signal « non, ce ne sera pas le cas ».
57:58Troisième option, et ça c'est un scénario dont on parle depuis longtemps,
58:01est-ce qu'il pourrait faire au RN ce qu'a fait François Mitterrand
58:05à la fin des années 70 au Parti communiste ?
58:07Embrasser pour mieux étouffer, embrasser pour ensuite s'emparer de la personne.
58:13Ça impliquerait qu'avec le RN, ça impliquerait que Laurent Wauquiez embrasse le RN.
58:18Est-il prêt à embrasser le RN, embrasser les galeux ?
58:21Ça pose la question du cordon sanitaire.
58:23Retour au début de l'émission.
58:24Merci Mathieu.
58:26Dernier mot avec une pensée pour ce policier
58:29qui a été victime d'un cocktail molotov hier à Nantes
58:33avec ce tweet de Linda Kebab qui parle de ce CRS de la 82
58:37qui a été brûlé hier à Nantes.
58:41Merci à tous.
58:42Excellente suite de programme, Pascal Praud, l'heure des produits.