Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Le rôle d’un avocat réside avant tout dans la défense des intérêts de son client. Mais certains coupables sont parfois compliqués à assister… En avril 1911 à Paris, Edmond vit au crochet de sa mère. C’est un jeune homme de bonne famille. Sa mère, veuve, est très riche et, depuis toujours, elle gâte son fils et l'entretien. Quand elle lui avoue son mariage secret avec un banquier hongrois aux difficultés financières, le jeune Edmond ne peut l’accepter. Il a toujours eu un fort intérêt pour l’argent et ce “pauvre Hongrois” va les ruiner, il en est sûr ! Mais sa mère l’a décidé, elle veut faire sa vie avec cet homme qu’elle aime, quoi qu’en pensent ses enfants. Piqué au vif, Edmond retourne au domicile familial et assassine sa mère d’une balle dans la tête. Juridiquement, il s’agit d’un “meurtre avec préméditation”. Pour l’avocat d’Edmond, ce dossier est indéfendable. Mais le destin d’un homme est entre ses mains et défendre les pires crimes fait partie du métier. Il se doit alors de trouver des circonstances atténuantes à ce jeune assassin féru d’argent. Pour trouver des éléments, il va falloir chercher loin, et dans le détail… Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Le rôle d’un avocat réside avant tout dans la défense des intérêts de son client. Mais certains coupables sont parfois compliqués à assister… En avril 1911 à Paris, Edmond vit au crochet de sa mère. C’est un jeune homme de bonne famille. Sa mère, veuve, est très riche et, depuis toujours, elle gâte son fils et l'entretien. Quand elle lui avoue son mariage secret avec un banquier hongrois aux difficultés financières, le jeune Edmond ne peut l’accepter. Il a toujours eu un fort intérêt pour l’argent et ce “pauvre Hongrois” va les ruiner, il en est sûr ! Mais sa mère l’a décidé, elle veut faire sa vie avec cet homme qu’elle aime, quoi qu’en pensent ses enfants. Piqué au vif, Edmond retourne au domicile familial et assassine sa mère d’une balle dans la tête. Juridiquement, il s’agit d’un “meurtre avec préméditation”. Pour l’avocat d’Edmond, ce dossier est indéfendable. Mais le destin d’un homme est entre ses mains et défendre les pires crimes fait partie du métier. Il se doit alors de trouver des circonstances atténuantes à ce jeune assassin féru d’argent. Pour trouver des éléments, il va falloir chercher loin, et dans le détail… Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
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NewsTranscription
00:00 Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10 Vous vous souvenez peut-être d'un film de Sacha Guitry, La Poison.
00:14 La Poison, c'est une horrible mégère, une ivrogne, qui rend la vie impossible à son mari, un brave homme interprété par Michel Simon.
00:23 Celui-ci rend visite à un avocat célèbre, réputé pour obtenir l'acquittement de ses clients, même quand ils sont coupables.
00:32 Michel Simon, le mari excédé par son épouse, s'exprime maladroitement,
00:37 et l'avocat comprend non pas qu'il a l'intention de se débarrasser de sa femme et aimerait le faire sans courir trop de risques, mais qu'il l'a déjà tué.
00:47 Comment, lui demande-t-il?
00:49 Évidemment, le mari est incapable de répondre, puisque sa mégère est toujours vivante et que, n'ayant ni l'âme d'un assassin, ni même d'imagination, il n'a rien prévu.
00:58 Alors l'avocat précise ses questions.
01:01 « Quand vous êtes rentré chez vous le soir, votre femme était ivre.
01:06 Oui.
01:07 Elle vous a fait une scène.
01:09 Ah oui.
01:10 Vous a menacé.
01:11 Oui.
01:12 Les voisins ont entendu ses cris, les injures qu'elle proférait à votre égard.
01:15 Oui.
01:16 La table a été mise pour le souper.
01:18 Oui.
01:19 Il y avait un couteau sur la table.
01:20 Couteau à pain.
01:21 Oui.
01:22 Etc. etc. »
01:23 Et finalement, sans s'en rendre compte, cet avocat bavard explique à son client comment réaliser un crime sans préméditation en état de légitime défense avec toutes les circonstances atténuantes possibles.
01:36 Je ne vous raconterai pas le film, d'autant que vous l'avez peut-être vu à la télévision.
01:40 Vous savez alors qu'ayant retenu la leçon de l'avocat, Michel Simon réussira à tuer sa femme et à être acquitté à un dénouement moral.
01:50 Pourtant, celle-ci se préparait à l'empoisonner.
01:53 Ce que montre Sacha Guitry avec humour dans cette comédie, c'est la manière de se servir d'un avocat.
01:59 C'est aussi la nécessité, quand on est coupable, d'en choisir un bon, et même quand on est innocent, car l'avocat de l'accusation peut avoir plus de talent que le vôtre, celui qui assure votre défense.
02:09 Le talent, eh oui.
02:12 N'est-ce pas à la fois merveilleux et inquiétant de penser que le talent d'un homme peut faire tomber une tête ou la sauver ?
02:20 Quant à moi, je préfère qu'il s'agisse toujours, quelles que soient les circonstances, d'un sauvetage.
02:25 [Musique]
02:43 L'avocat des noms de V paraissait très ennuyé.
02:48 « Mais cette affaire est indéfendable ! »
02:50 « Pardon, maître, » dit son secrétaire en reprenant le dossier que son patron lui tendait, « c'est à moi que vous parlez. »
02:56 « Non, non, non, non, je réfléchissais tout haut. »
03:00 « Classez-moi ces paperasses pour l'instant. »
03:03 « Nous abandonnons. »
03:04 « Je n'ai pas dit ça. »
03:06 « Il faut trouver autre chose. »
03:09 « Quelque chose sur quoi s'appuyer. »
03:13 « Y'a rien là-dedans. »
03:15 Le dossier.
03:18 Tout est contre nous.
03:20 Edmond de V, jeune homme de bonne famille, dévoyé,
03:25 assassin de sa mère, une veuve très riche qui l'entretenait, le gâtait, le pourrissait même.
03:31 Edmond de V, qui n'en avait jamais assez, puisqu'il a tué par intérêt pour de l'argent.
03:37 Edmond de V est perdu.
03:40 Quand les jurés entendront l'avocat général s'écrier « Le fils qui lève la main sur sa mère est dénaturé ! »
03:48 « Le fils qui la frappe est déjà criminel ! »
03:50 « Celui qui la tue est un monstre ! »
03:53 Quand, en poursuivant son inquisitoire, ce procureur essaiera d'émouvoir les jurés en parlant de la bonne vieille maman
04:00 qui a bercé, élevé, son enfant, l'a choyé, caressé, a nourri sa fainéantise et son incapacité,
04:07 il aura bonne mine, Edmond de V.
04:09 Il pourra dénouer sa cravate pour mieux respirer un instant avant de préparer son coup à la guillotine.
04:17 À moins que...
04:19 Eh oui, à moins que son avocat trouve le grain de sable capable d'enrayer la machine infernale.
04:25 N'importe quoi, un détail, mais significatif, qui retournerait la situation à sa faveur.
04:33 Une photo suffit quelquefois, avoua un jour maître Floriot.
04:38 De si la photo est bonne, comme dit la chanson, à condition d'être capable de s'en servir,
04:43 et au bon moment, ce que le célèbre avocat savait admirablement faire.
04:48 Le défenseur d'Edmond de V n'est pas moins habile.
04:50 C'est une des vedettes du barreau d'avant-guerre.
04:53 Je parle de la guerre de 14, peu importe son nom.
04:56 Son orgueil le pousse à accepter de s'occuper de causes perdues d'avance et de gagner néanmoins,
05:01 ce qui augmente sa réputation et le montant de ses honorés.
05:05 Or, justement, je vous l'ai dit, Edmond de V est très riche.
05:09 Plus exactement, sa mère était très riche, et il en hérite.
05:16 Voilà pour son avocat une seconde raison, la première, la plus noble,
05:19 étant la difficulté de le défendre, d'accepter de le faire.
05:23 Le secrétaire de l'avocat ouvre une chemise et y range le dossier, tout en en prenant connaissance,
05:28 car il se doute bien que son patron n'a pas dit son dernier mot.
05:32 Un de ces quatre matins, il va lui demander quelques renseignements sur l'affaire.
05:36 Voici les faits. Au mois d'avril 1911, un lundi vers midi,
05:42 Edmond de V quitte sa garcenière dont les fenêtres donnent sur les jardins du Trocadéro.
05:47 Il fait beau, c'est le printemps à Paris, avec sa légèreté, ses lumières au ton de pastel.
05:54 Profitant de l'agrément de la saison, Edmond prend à pied l'avenue Henri Martin,
05:59 faisant tournoyer sa canne. Il est de bonne humeur.
06:03 Il vient d'ouvrir un garage, grâce au capitaux de sa maman, pariant sur l'avenir de l'automobile.
06:08 Il espère réaliser de meilleures affaires qu'à Madagascar, où il a laissé sa culotte
06:13 en voulant y organiser les transports maritimes, mais sans y aller, par personne interposée.
06:18 Comment se priverait-il de souper chez Maxime, de champagne et de fave ?
06:23 Aurait-il traversé lui-même les océans d'ailleurs que cela n'aurait rien changé ?
06:27 Il n'a pas l'esprit commerçant. Il méprise trop ces gens-là.
06:32 Il n'avait choisi Madagascar que par snobisme, depuis que Galieni,
06:36 un mille-arène ralavalot à genoux et l'exilé en Algérie, ne disait-on pas au cercle
06:40 qu'on s'enrichissait facilement dans ce pays de sauvages.
06:44 Au milieu de l'avenue Henri Martin, des cavaliers galopent, s'en allant au bois ou en revenant.
06:51 Edmond Devey arrive chez sa mère, avec l'intention d'y déjeuner comme chaque jour.
06:56 — Tu déjeuneras seule, mon chéri, lui dit-elle. Je sors.
07:00 — Vous sortez ? Cela surprend Edmond, qui ajoute,
07:04 — Eh bien, nous nous retrouverons pour dîner.
07:07 — Je ne serai pas là non plus. Je rentrerai très tard. Enfin, si je rentre.
07:12 — Vous dites ?
07:14 — Nous nous verrons demain. Ou après-demain. Voilà tout.
07:19 Jamais, au grand jamais, Mme Devey n'a tenu pareil langage.
07:24 Si elle avait trente ou quarante ans, on comprendrait. Elle vit seule, elle est veuve.
07:28 Mais à cinquante-huit ans, autant dire soixante, non, ce n'est pas sérieux.
07:33 Cela demande une explication.
07:35 — En gros, c'est très simple, mon chéri, précise-t-elle avec un charmant sourire.
07:40 Je viens de me marier.
07:43 — Tu devines avec qui ?
07:46 — Vous n'avez pas épousé M.… M.…
07:51 — Si !
07:53 — Enfin, mère, c'est impossible. Vous plaisantez, j'espère.
07:56 — Et parle-moi du monde. Ce ne serait pas drôle, je l'avoue.
08:00 Ce monsieur…
08:03 — Enfin, ce banquier, vous savez bien, est dans une situation financière détestable.
08:07 — Mais pas plus que la tienne. Plutôt moins. Beaucoup moins.
08:13 — Enfin, vous n'avez pas pu l'épouser. Vous n'avez pas fait cette folie.
08:18 Je l'aurais su, vous me l'auriez dit. Pourquoi ?
08:22 — Parce que toi, tes frères et sœurs aussi, vous étiez contre ce mariage.
08:26 Vous avez tout fait pour éloigner Mathias de moi, lui rendant la vie odieuse, invivable.
08:34 — Ah, parce que vous l'appelez Mathias, maintenant. Mais c'est mon mari.
08:38 — Comment veux-tu que je l'appelle ?
08:41 Et Mme Devey, qui, tout en parlant, a mis son manteau et son chapeau,
08:47 achève d'arranger sa voilette, donne à son fils un baiser sur le front et s'empresse de sortir.
08:56 Comme si elle avait dix-huit ans en pensée de menthe. C'est une honte.
09:03 Il regarde dans le salon les meubles anciens, au mur l'étoile de maître, la tapisserie d'Aubusson,
09:12 dans une vitrine la collection de bibelots chinois de l'époque Ming,
09:17 ces petits riens qui témoignent de la fortune d'une famille.
09:21 Une fortune qui ne date pas d'hier.
09:24 — Non, non, se répète-t-il, nous n'allons pas nous laisser manger la laine sur le dos par ce sale type.
09:30 Un Hongrois, en plus. Non. Non, ma mère s'est moquée de moi.
09:34 Elle me fait marcher, elle s'est entichée de ce banquier, mais elle ne l'a pas épousée.
09:38 On ne se marie pas comme ça avec un Hongrois qui sort d'on ne sait où.
09:41 Un paysan du Danube.
09:43 On ne s'en rend même pas compte.
09:45 Ils lui tournent autour uniquement pour ses gros sous.
09:48 N'empêche, il va falloir inventer quelque chose pour les séparer.
09:53 Edmond de Vey décide d'aller consulter sa soeur Françoise, épouse d'un haut fonctionnaire.
09:59 C'est presque déjà un conseil de famille.
10:02 — Ce banquier est un aventurier. Ah, il a bien joué son jeu.
10:05 Il s'est même servi de ses deux petites filles pour amadouer maman.
10:09 Ah, parce qu'il a des enfants, en plus.
10:11 Mais il est veuf, paraît-il.
10:13 Il a une villa sur le lac d'Anguin. Il m'a invité.
10:16 Vous pensez que si j'ai refusé, maman a accepté.
10:19 J'aurais dû me méfier.
10:20 Mais il fallait y aller toi aussi.
10:22 Mais vous êtes drôlez-vous. Qu'est-ce que vous avez fait, hein ?
10:25 Rien.
10:26 Le haut fonctionnaire écoutait cette conversation entre le frère et la soeur sans parler.
10:31 Il faudrait, dit-il, quand même vérifier si ce soi-disant mariage a eu lieu ou non.
10:36 Mais jamais, s'écriait Edmond. N'a pas eu lieu, voyons.
10:39 Mais enfin, vous ne connaissez pas ma mère, ajoute Francoise. Elle n'est pas folle.
10:43 Mais je ne la connais que trop.
10:46 Elle a toujours dit qu'elle se remarierait un jour quand vous seriez tous casés.
10:51 Mais c'est pour rire. Pas du tout.
10:54 Et maintenant que vous, Edmond, vous avez votre garage...
11:00 Le notaire de la famille est alors aussitôt alerté.
11:04 Il confirme la nouvelle.
11:07 Un contrat de mariage a bien été établi entre madame Devey, le banquier, on croit.
11:13 Et quel contrat ?
11:14 Ah ! ce n'est pas à moi de vous le dire, répond le notaire.
11:17 Je pensais que vous étiez au courant.
11:21 Consternation chez les enfants.
11:24 Si on peut encore appeler ainsi les adultes installés dans la vie, tous mariés, sauf Edmond.
11:30 Edmond qui erre de bar en bar,
11:33 noyant dans l'alcool son désespoir.
11:36 Un banquier ! Quel banquier ! Un hongrois !
11:41 Va nous ruiner, c'est sûr !
11:43 Qu'est-ce que nous deviendrons ?
11:47 Le lendemain dans la soirée,
11:50 Edmond se rend à nouveau à Venue Henri Martin.
11:54 Une scène violente l'oppose à sa mère.
11:58 Celle-ci finit par lui dire
12:01 « Si tu n'es pas content, tu peux prendre la porte et t'en aller. »
12:07 Edmond dira
12:09 « J'ai cru qu'elle me chassait pour toujours, qu'elle m'abandonnait. »
12:13 Il sort un revolver de sa poche,
12:17 vise à la tête et fait feu.
12:21 Madame Devey s'écroule mortellement blessée.
12:25 Voilà le dossier.
12:27 On comprend que l'avocat du fils assassin juge sa cause difficile à défendre.
12:33 Edmond est venu chez sa mère avec un revolver.
12:37 C'est la préméditation.
12:41 Quand il s'agit d'argent et d'argent seulement,
12:44 il n'y a pas de circonstances atténuantes.
12:47 Et dans ce cas,
12:50 il n'y a qu'un verdict.
12:54 La mort.
12:57 À moins que...
13:00 Un mariage secret, cela se joue à l'opéra comique. C'est charmant.
13:12 On y chante les vertus de l'amour,
13:15 qui en général est un bel homme, un ténor, avec un carquois et des flèches,
13:19 la victime au théâtre, touchée droite au cœur, et soprano.
13:23 Si parfois elle n'a pas la taille très mince,
13:27 elle possède en tout cas une jolie voix, et elle est censée avoir toujours vingt ans.
13:32 Dans l'affaire Edmond Devey, c'est différent.
13:35 Les charmes de la victime sont usés.
13:37 C'est une femme de cinquante-huit ans qui a décidé,
13:40 après avoir élevé ses enfants et perdu son mari,
13:42 de vivre enfin sa vie, d'être heureuse.
13:45 Elle a rencontré un étranger de son âge, un veuf, lui aussi moins fortuné, il est vrai,
13:50 mais n'est-elle pas assez riche pour deux?
13:53 Pourquoi un couple ne connaîtrait-il pas le bonheur à soixante ans?
13:58 Cette idée banale aujourd'hui paraît en 1911 irréalisable et même un peu obscène.
14:04 C'est la rencontre de Stranger in the Night, la chanson de Sinatra,
14:08 et de La vieille dame indigne, un beau film,
14:11 mais une histoire inconcevable au début de ce siècle.
14:14 Qui est le vieil amoureux, le banquier hongrois?
14:18 On le soupçonne de tous les vices.
14:21 S'il possède, malgré ses cheveux gris, la séduction des tziganes,
14:25 pourquoi n'a-t-il pas jeté son dévolu sur une jeune femme?
14:29 Il ne peut être qu'intéressé, voire escroc.
14:33 D'ailleurs, s'il a accepté de se marier en secret sans prévenir les enfants de sa future épouse,
14:38 c'est bien qu'il avait quelque chose à se reprocher.
14:42 La famille Devey, après le crime, fait éplucher les comptes du banquier.
14:47 Les experts n'y trouvent rien d'anormal.
14:50 Seulement quelques mystères.
14:53 La banque a changé de nom.
14:55 Le banquier a changé plusieurs fois de domicile.
14:58 Il y a aussi l'affaire du savon, un savon liquide,
15:01 un produit nouveau financé par la banque.
15:04 Les capitaux engagés dans cette affaire ont fondu avec le savon.
15:07 Quand il s'est agi de rembourser,
15:09 l'inventeur du savon a déposé une plainte en escroquerie.
15:13 La plainte a été classée sans suite.
15:16 Ah, l'argent de Mme Devey, enfin!
15:19 Celle-ci avait déposé à la Banque du Hongrois une somme très importante,
15:23 plusieurs millions actuelles.
15:25 Mais dès que le banquier a appris son décès,
15:28 bien qu'il fût le mari, entre guillemets,
15:30 il a aussitôt fait virer les fonds chez le notaire chargé de la succession.
15:34 Tout ce qu'on peut lui reprocher,
15:36 c'est peut-être cet empressement à se désaisir de l'argent.
15:40 « Non, » pense l'avocat d'Edmond Devey,
15:42 « il n'y a rien, rien dans tout cela qui permet d'inculper cet homme de quoi que ce soit. »
15:46 Il appelle son secrétaire.
15:48 « Dites-moi, je pense à une chose.
15:50 Vous avez un moment, cet après-midi? »
15:52 « Oui, maître. »
15:53 « Je dois mettre au propre les notes que vous m'avez données, vous savez, sur l'affaire Devey et le banquier hongrois. »
15:58 « Cet hongrois est naturalisé français, je vous signale. »
16:01 « C'est même un bon français. »
16:03 « Vous verrez vous-même. »
16:04 « Mais ce n'est pas pressé. »
16:06 « Allez donc d'abord à l'agence de la Madeleine. »
16:09 « Vous me réserverez un sleeping vendredi pour Budapest. »
16:13 « Vous partez en week-end ? »
16:15 « Je resterai peut-être un peu plus longtemps. »
16:18 « J'ai envie de voir s'il est vrai que le danube bleu est gris. »
16:23 De retour une semaine plus tard,
16:26 l'avocat ne parle à personne de son voyage,
16:29 comme si les grands espaces de la Hongrie réservent d'animaux sauvages
16:32 qui séduisaient tant la péradrice Sissi.
16:35 La Vélésée lui juriste sévère indifférent.
16:39 Au mois de novembre,
16:41 une mont de veille compare devant les assises de la Seine.
16:45 Le réquisitoire de l'avocat général est encore plus terrible,
16:48 plus impitoyable que prévu.
16:51 Il se termine dans un grand mouvement d'audience.
16:55 « Messieurs, je livre ce misérable à votre justice. »
17:01 « Il a tué sa mère. »
17:03 « Aucun forfait ne surpasse celui-là. »
17:06 « C'est le crime que la loi déclare sans excuse. »
17:11 « L'homme qui a tué sa mère a du même coup tué toute indulgence et toute pitié. »
17:18 Dans sa plaidoirie,
17:20 l'avocat des demands de veille reprend point par point les termes de l'accusation
17:25 sans les discuter,
17:27 en reconnaissant leur bien-fondé avec quelques nuances, cependant.
17:32 « Oui. »
17:34 Une mont de veille a réfléchi toute une nuit et une journée avant de commettre son crime.
17:39 « Oui. »
17:40 Il est venu seul à 9 heures du soir chez sa mère, armé d'un revolver,
17:45 mais c'était son habitude d'être armé, car il fréquentait le mauvais lieu.
17:48 « Oui. »
17:50 Il était exaspéré que sa mère lui ait caché son mariage,
17:54 et s'est dans un désir de la protéger contre elle-même.
17:58 N'était-ce pas son rôle à lui, son fils préféré,
18:00 qu'il s'est permis de lui adresser les reproches ?
18:03 « Oui. »
18:04 Son père est mort, c'est lui et non seul enfant resté célibataire qui le remplaçait.
18:09 « Oui. »
18:10 La fortune de sa mère était considérable,
18:13 et il a réalisé malheureusement quelques mauvaises affaires, raison de plus,
18:17 pour ne pas prendre de nouveaux risques.
18:19 « Oui. »
18:20 Madame Devey désirait se remarier pour ne pas terminer sa vie seule
18:23 et avait rencontré un homme, seul lui aussi.
18:26 « Oui. »
18:27 Il s'était marié en secret pour éviter de stériles discussions de famille.
18:31 « Oui. »
18:32 Le banquier hongrois a des difficultés d'argent,
18:34 et la fortune de sa nouvelle femme doit l'aider à les surmonter,
18:37 mais il n'a jamais réalisé en France d'affaires frauduleuses.
18:40 « Et Hongrie ? »
18:43 « Oui. »
18:44 Hongrie, son pays d'origine.
18:48 Pourquoi cet homme honnête a-t-il quitté la Hongrie ?
18:52 Pourquoi est-il venu s'installer à Paris ?
18:54 Pourquoi a-t-il demandé et obtenu la nationalité française ?
19:00 L'avocat révèle alors qu'il s'est rendu à Budapest
19:03 afin de trouver une réponse à ces questions.
19:07 « Eh bien, la réponse, messieurs les jurés.
19:11 Je vais vous la donner.
19:14 Je l'ai trouvée dans les archives de la police hongroise. »
19:20 L'avocat ouvre alors un dossier en sort à papier
19:22 et, le tenant à bout de bras afin que chacun le voit,
19:26 s'engage dans le prétoire.
19:28 Il s'approche du tribunal.
19:31 « Voici, monsieur le président, messieurs,
19:35 la preuve de l'inquiétude que cet étranger réfugié chez nous à Paris
19:39 pouvait susciter dans une honorable famille,
19:42 allant jusqu'à faire perdre la raison à l'un de ses enfants. »
19:47 Le papier passe de main en main.
19:50 L'effet d'audience est réussi.
19:52 Un véritable coup de théâtre qui retourne l'opinion,
19:55 jusque-là défavorable à Edmond Devey.
19:59 Son avocat continue.
20:02 Edmond Devey, messieurs les jurés,
20:05 le terrible soir où il a dû affronter sa pauvre mère,
20:09 se trouvait dans la situation d'un homme
20:12 non pas bassement intéressé par des questions matérielles,
20:17 mais voulant sauver l'honneur d'une famille, une grande famille,
20:21 compromise par une alliance malheureuse.
20:24 Une alliance avec un homme dont le passé pouvait permettre de craindre le pire.
20:28 Lisez-vous-même !
20:31 Que dit donc ce papier ?
20:33 Eh bien, c'est un simple rapport de police rédigé
20:36 comme tous les rapports austron-hongrois de l'époque,
20:39 désignant les opposants à l'autocratisme du vieil empereur François-Joseph.
20:43 Un police autrichien qui désignait déjà le grand poète Byron
20:47 comme un individu extrêmement dangereux,
20:51 parce qu'il admirait l'Amérique.
20:54 Le banquier, lui aussi, est qualifié d'extrêmement dangereux.
20:58 Opposant au régime, il s'était exilé avant de recommencer sa vie à zéro,
21:02 après bien des difficultés.
21:05 Mais ce jour-là, ce que retient la cour,
21:08 ce n'est pas la personnalité de l'émigré,
21:11 c'est son caractère maudit, hors la loi.
21:14 Personne parmi les jurés, non personne, n'en voudrait dans sa famille.
21:18 Bien sûr, aux yeux des honnêtes gens qui siègent aux assises,
21:21 cela n'excuse pas le geste des demandes de vée,
21:24 mais cela l'explique.
21:28 Il a suffi du génie d'un avocat pour trouver cette explication,
21:32 une explication plausible à un geste meurtrier impardonnable.
21:37 Le verdict tombe, dix ans de prison,
21:41 Edmond Devey restera vivant et un jour sera libre.
21:45 Edmond se jette en larmes dans les bras de son avocat.
21:49 Faut-il joindre nos congratulations au leur ?
21:53 Je vous laisse libre de votre jugement,
21:56 à chacun sa vérité.
21:59 [Musique]
22:17 Vous venez d'écouter "Les Récits Extraordinaires de Pierre Belmar",
22:21 un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
22:26 Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
22:30 Production, Sébastien Guyot.
22:33 Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
22:38 Remerciements à Roselyne Belmar.
22:41 Les Récits Extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
22:46 Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.