100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:10 Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle édition 100% Sénat.
00:00:14 Aujourd'hui, nous suivons une table ronde de la Commission des affaires européennes du Sénat,
00:00:18 le thème "Réformes et élargissement de l'Union européenne".
00:00:22 Organisée le mois dernier, cette table ronde réunissait notamment Édouard Balladur
00:00:27 ou encore l'ancien ministre Alain Lamassoure.
00:00:29 On écoute ses échanges.
00:00:31 Je suis très honoré que l'on me demande de m'exprimer sur le sujet qui est peut-être le plus important aujourd'hui
00:00:39 en matière de politique étrangère pour la France.
00:00:45 Vous me permettrez de ne pas prendre trop de précautions en m'adressant à vous de façon que vous trouverez peut-être parfois
00:00:53 un peu sommaire ou un peu brutale, mais nous n'avons pas tellement de temps.
00:00:58 Et je préfère la sincérité en la matière à toute autre attitude.
00:01:04 Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler mes convictions de base en la matière.
00:01:09 Tout d'abord, l'Europe est mal organisée.
00:01:11 Tout le monde le sait et tout le monde le dit.
00:01:15 Et son avenir, c'est qu'elle doit ou bien se réformer ou bien qu'elle éclatera, qu'il y ait un élargissement ou qu'il n'y en ait pas, d'ailleurs.
00:01:26 Deuxième conviction qui est la mienne, c'est qu'il ne faut pas opposer l'Europe et la France.
00:01:32 Les deux ont leur place et ont leur rôle.
00:01:36 Et ce n'est pas tout l'un ou tout l'autre.
00:01:40 Je dis cela parce que chaque fois que l'on parle des droits que doivent conserver des États et les nations au sein de l'Europe,
00:01:49 on a le sentiment que l'on veut porter atteinte à l'Europe.
00:01:51 Ce n'est pas de ça qu'il s'agit.
00:01:53 Il faut apprendre à travailler ensemble.
00:01:56 Et pour la plupart des problèmes auxquels nous sommes confrontés, nous avons besoin et d'une réponse nationale et d'une réponse européenne.
00:02:06 Ma troisième observation, c'est que je crois qu'on ne peut pas élargir l'Europe tout de suite.
00:02:14 Ça poserait beaucoup trop de problèmes.
00:02:17 Et vous avez bien voulu rappeler, M. le Président, que j'avais proposé il y a de ça maintenant, ça fait presque 30 ans,
00:02:26 d'appliquer en Europe ce qu'elle fait déjà, d'ailleurs, la théorie des cercles, c'est-à-dire que tout le monde ne fait pas en même temps la même chose et au même moment.
00:02:37 Et d'ailleurs, ça existe déjà.
00:02:40 Il y a l'Europe, si je puis dire, pure de ceux qui sont dans tous les organismes européens, dans tous les États.
00:02:47 Je veux dire dans toutes les États, si vous voulez.
00:02:50 Il y a ceux qui ne sont pas dans la monnaie commune ou qui ne sont pas dans Schengen.
00:02:56 Et puis il y a ceux qui sont candidats et qui, en tant que tels, ont des droits.
00:03:02 Et puis il y a ceux qui ont envie d'être candidats.
00:03:05 Et puis il y a ceux qui sont associés et avec lesquels on signe des contrats.
00:03:09 Bref, on a développé depuis des dizaines d'années une série de méthodes qui permettent de répondre à toutes les difficultés sans esprit de système poussé trop loin.
00:03:22 Enfin, il faut prendre garde qu'élargir l'Europe aujourd'hui risque de multiplier les conflits avec nos voisins.
00:03:35 Soyons clairs et éventuellement brutales, ça veut dire avec la Russie.
00:03:40 Ça veut dire aussi qu'il ne faut pas ne rien faire pour ne pas déplaire aux Russes.
00:03:45 Mais il faut prendre des précautions pour que les risques de conflits ne soient pas aggravés.
00:03:54 Alors, à ce moment de mon exposé très rapide, je voudrais vous dire ma déception de voir que l'on paraît ne tenir aucune leçon de l'histoire.
00:04:09 Nous avons été entraînés dans la Deuxième Guerre mondiale par le corridor de dancing.
00:04:15 C'était peut-être le prétexte, mais enfin, ça a été l'une des causes.
00:04:20 Et on n'a rien trouvé de mieux, lorsque l'Empire soviétique s'est effondré, que de créer un autre corridor.
00:04:27 Cette fois, c'est le corridor de le couloir de Kaliningrad, qui est une sorte de résurrection un peu plus à l'est du corridor de dancing
00:04:37 et qui est générateur, à mon avis, de risques considérables pour l'Union européenne.
00:04:46 Alors, ayant fait cette observation, ces observations un peu générales, je voudrais maintenant en venir à des points plus précis et les soumettre à votre attention.
00:04:59 D'abord, première question, est-ce que l'Europe fonctionne bien ? J'ai dit non tout à l'heure.
00:05:05 Et la cause fondamentale me paraît être l'inégalité de traitement entre les pays européens,
00:05:13 selon leur population, selon leur importance, selon leur production.
00:05:18 C'est pourquoi je considère que la réforme du traité de Lisbonne pour notamment la répartition ou l'attribution des postes de commissaires européens a été une profonde erreur.
00:05:33 Jusque-là, les États les plus importants avaient deux commissaires. Désormais, ils n'en ont plus qu'un.
00:05:39 Alors, je soumets à votre attention ce calcul sommaire. Il y a trois grands pays européens, la France, l'Allemagne et l'Italie.
00:05:49 Il y en a d'autres, mais enfin, ces trois-là totalisent plus de 200 millions d'habitants. Ils ont trois commissaires.
00:06:00 Et puis, il y a les Pays-Baltes, qui totalisent à trois 5 millions d'habitants et qui ont également trois commissaires.
00:06:09 Et puis, il est question d'élargir l'Europe au Kosovo, à la Bosnie et à l'Albanie. 8 millions d'habitants.
00:06:16 Qui, joint aux 5 des Baltes, représenterait 13 millions d'habitants. Ils auraient six commissaires.
00:06:24 Et pendant ce temps, l'Allemagne, la France et l'Italie auraient trois commissaires, qui ne voient qu'il y a là une profonde absurdité et une profonde injustice.
00:06:38 Et qu'il ne s'agit pas d'attribuer des pouvoirs prédominants aux États les plus importants, mais il s'agit de se fonder sur des réalités.
00:06:46 Et la puissance économique et démographique, c'est une réalité. Alors, tout ce que je viens de vous dire se répercute à tous les étages de la construction européenne.
00:06:58 Qu'il s'agit des droits de vote au Parlement, des droits de vote dans les différents comités qui peuvent exister.
00:07:06 Donc il y a là une réforme qu'il faut faire. Deuxième point, il y a quand même une grande confusion dans la répartition des compétences au sein de l'Europe.
00:07:17 Entre la présidence du Conseil européen et puis la présidence qui change tous les six mois. Oui, c'est bien ça.
00:07:26 Il y a des confusions, il y a des interprétations qui varient selon les circonstances.
00:07:35 Et quant au rôle de la Commission, je ne veux pas reprendre – ce serait très banal – un certain nombre de constatations qui ont été faites récemment,
00:07:45 notamment lors de la crise agricole que comptent traverser beaucoup de pays européens.
00:07:51 On peut dire que la Commission européenne a quand même une tendance permanente à outrepasser ses pouvoirs.
00:08:00 Et je voudrais en prendre un ou deux exemples. Je ne sois pas persuadé qu'il lui revienne de décider si, oui ou non,
00:08:07 les personnes âgées – je vous signale que je ne conduis plus depuis 20 ans – doivent être soumises à un examen pour être autorisées à conduire encore.
00:08:16 Est-ce que c'est vraiment dans les compétences de la Commission européenne ? Et est-ce qu'il appartient à la Commission européenne de recommander
00:08:23 que l'on enseigne davantage l'histoire de l'Europe que l'histoire des nations qui la composent ?
00:08:29 Je trouve ça extraordinairement maladroit, pour ne rien vous cacher. Enfin, j'ai longuement étudié ce problème dans le document auquel,
00:08:40 M. le Président, vous avez bien voulu vous référer. Il y a une tentation constante des juges à outrepasser leurs pouvoirs et à interpréter,
00:08:49 comme ils l'entendent, les traités des juges nationaux français, Conseil d'État, Conseil constitutionnel, mais des juges européens aussi,
00:09:00 et notamment s'agissant de la Cour européenne des droits de l'homme. Alors vous me permettrez de vous soumettre une réflexion.
00:09:10 La Cour européenne des droits de l'homme est un organisme qui est l'émanation de la Convention européenne des droits de l'homme.
00:09:17 A mon souvenir, ça comporte à peu près 45 États, me semble-t-il, dont notamment la plupart des États en Asie sont issus de l'ancienne Union soviétique.
00:09:33 Et voilà que cette Cour européenne des droits de l'homme, de la Convention des droits de l'homme, nous fait la leçon en matière de respect des droits de l'homme et des libertés.
00:09:44 Je ne savais pas que les républiques ex-soviétiques d'Asie étaient habilitées à donner des leçons en matière de respect des libertés publiques
00:09:54 et à censurer donc les décisions que peuvent prendre des organismes européens. Alors après avoir fait ces quelques réflexions, j'en ai été conduit à une conclusion.
00:10:10 C'est qu'il me paraîtrait extraordinairement aventureux d'élargir l'Europe avant d'avoir réglé ces problèmes. Et comment les régler ?
00:10:21 Eh bien, il faut élaborer un Code européen clair et lisible par tous et se mettre d'abord d'accord à 27 pour savoir ce qu'on veut faire.
00:10:33 Et en attendant d'avoir élaboré ce Code européen, eh bien sursoir à tout élargissement pour qu'on y voit clair et pour que chacun sache ce qu'il aura à faire et dans quelles circonstances.
00:10:48 Alors on m'a dit oui, mais il faudrait fixer une limite de temps. Ça ne peut pas durer éternellement. C'est tout à fait mon avis.
00:10:55 Ça ne peut pas durer éternellement, mais si on élargit sans y voir clair, on peut être sûr qu'on est en train de bâtir une crise de l'Europe future.
00:11:05 Alors j'en viens à des problèmes qui sont plus compliqués peut-être aussi. À qui faut-il élargir ? Alors on trouve là l'éternel problème de ce qu'est l'Europe.
00:11:18 Je me souviens qu'après que j'ai quitté Matignon, j'avais été invité par Mario Soares à Lisbonne à un colloque qui se passait sur les questions européennes.
00:11:29 Mario Soares avec lequel j'avais une excellente relation et qui était, comme vous en souvenez sans doute, un véritable Européen et un homme de gauche.
00:11:41 Et on avait évoqué, je ne sais trop qui, l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne.
00:11:50 Et Mario Soares avait répondu, c'est quand même assez cocasse si je puis dire, "c'est tout à fait impossible parce que l'Europe c'est d'abord une association de pays chrétiens".
00:12:06 Ce n'est pas moi qui ai fait cette réponse, c'est un socialiste militant. Vous me direz que c'était il y a 30 ans et que depuis les esprits ont évolué, c'est certain.
00:12:16 Mais il est évident qu'il y a tout de même une explication à la longue attente à laquelle est soumise la Turquie avant d'entrer dans l'Union Européenne
00:12:26 si tant est qu'elle y entre un jour, ce qui paraît, je dois le dire, de moins en moins vraisemblable.
00:12:33 Mais venons-en à des choses plus simples. Est-ce que tous les États européens ont vocation à entrer dans l'Europe ?
00:12:41 Et est-ce qu'il faut que la Russie soit, si je puis dire, bordée d'États qui sont des États membres de l'Union Européenne ?
00:12:52 Je n'ai pas de position à arrêter là-dessus. C'est un problème difficile.
00:12:57 Est-ce qu'il faut ou pas qu'il y ait une sorte de "no man's land", comme on dirait en bon français, entre les frontières de la Russie et les frontières de l'Union Européenne ?
00:13:07 Ou au contraire, faut-il que les frontières de l'Union Européenne aillent jusqu'aux frontières russes ?
00:13:15 C'est un débat essentiel. Il faut en débattre, à mon avis, avec les pays intéressés, bien sûr, mais également avec la Russie.
00:13:25 Il ne s'agit pas de conférer un veto à la Russie en la matière. Ça va de soi.
00:13:30 Mais je ne vous cacherai pas que je suis extraordinairement inquiet de l'évolution de la situation actuelle, que nous avons un devoir, c'est d'aider l'Ukraine,
00:13:44 car si l'Ukraine devait s'effondrer, l'Europe en ressentirait les conséquences de façon grave pour son avenir.
00:13:53 Nous sommes en train de le faire, et nous avons raison de le faire. Il faudra le faire davantage, peut-être, en fournissant des armes, notamment,
00:14:01 et en aidant l'Ukraine. Mais il faut que l'Ukraine cède elle-même, également. Il serait bon qu'elle fasse preuve de davantage d'ardeur pour lutter contre la corruption.
00:14:17 Et je ne suis pas du tout convaincu qu'on ait arrivé au terme des efforts indispensables en la matière.
00:14:25 Alors j'en viens maintenant aussi au problème de la défense. Il faut-il faire une Europe de la défense ?
00:14:33 Je suis en train de réfléchir, mais c'est très difficile, à la diffusion du pouvoir et à l'avenir du pouvoir nucléaire militaire.
00:14:44 Aujourd'hui, la situation est la suivante. La France est le seul pays européen à avoir une force militaire en matière nucléaire.
00:15:00 Est-ce qu'il faut développer ces forces ? Ça va se faire sans que nous le souhaitions, peut-être.
00:15:08 Actuellement, il y a cinq pays qui ont le droit d'avoir une force nucléaire. Et il y en a quatre qui l'ont et qui la conserveront.
00:15:18 Et puis voilà que d'autres deviennent candidats. La Turquie, l'Iran, l'Arabie saoudite, sans doute un jour le Brésil ou l'Afrique du Sud.
00:15:31 Alors au moment où ces forces nucléaires vont se développer, est-il le moment où la France devrait renoncer à ses capacités nucléaires ?
00:15:41 La réponse est non. Il y aurait quand même une grande absurdité à ce que trois nouveaux pays aux frontières est de l'Europe développent un armement nucléaire
00:15:51 au mépris du droit international, puisque maintenant c'est devenu relativement facile de construire une force nucléaire
00:15:58 sur le plan technique et financier. Chacun sait faire. Il suffit d'y être autorisé ou de ne pas y en être empêché.
00:16:07 Et ce n'est vraiment pas le moment pour la France de renoncer à sa capacité.
00:16:13 Alors donner une force nucléaire à l'Europe, c'est un raisonnement qui est développé souvent, notamment par certains de mes anciens collaborateurs,
00:16:21 en disant que de toute façon, dans les années qui viennent, l'Europe sera moins puissante sur le plan financier.
00:16:28 La France aussi sera moins puissante. Et dans ces conditions, il vaut mieux que ce soit au niveau de l'Europe.
00:16:36 Ça poserait beaucoup de questions. Cette force nucléaire européenne, qui la dirigerait ? Est-ce qu'il y aurait un tour ?
00:16:45 Oui, le Conseil européen. Ce serait tantôt à tel pays, tantôt tel autre pays, selon qu'il exercerait telle présidence ou pas.
00:16:57 Il faut savoir comment ça fonctionne, quand même, la force nucléaire. C'est un mécanisme extraordinairement complexe
00:17:04 qui nécessite des adaptations constantes, des relations constantes entre les diverses autorités nationales, d'ailleurs, également.
00:17:13 Je ne vois pas très bien comment ça pourrait être organisé au niveau européen. Et à l'inverse, il y aurait des problèmes de coordination.
00:17:21 Comment se coordonnerait cette force européenne avec la force française ? Avec qui la France titulaire de cette force nucléaire,
00:17:32 pour ce qui la concerne, devrait-elle parler ? Avec qui devrait-elle négocier ? Bref, nous ne sommes pas prêts à résoudre tous ces problèmes.
00:17:42 Donc nous avons une lourde tâche devant nous à l'avenir. Et je ne voudrais pas susciter de votre part un pessimisme trop grand.
00:17:52 Mais je crois qu'il faut que nous regardions sérieusement toutes ces questions.
00:17:57 Et j'en viens au dernier point. Faut-il ou non envoyer des soldats pour participer à la défense de l'Ukraine ?
00:18:06 Vous savez que c'est un débat qui a été à la mode. Je ne sais pas très bien qui a dit quoi et qui veut quoi.
00:18:12 C'est un débat un peu pas très clair, à mes yeux en tout cas. Et je vais vous dire ma conviction personnelle.
00:18:21 Aujourd'hui, elle peut évoluer, évidemment. Je pense que nous ne devrions pas envisager d'envoyer des soldats français combattre en Russie.
00:18:36 Mais je crois, d'après la presse, qui est pour l'essentiel mes sources d'information, qu'il y a sur le territoire de l'Ukraine,
00:18:43 pas seulement des Français mais des Anglais, des Allemands, des Italiens qui aident les militaires ukrainiens à se former,
00:18:59 à piloter tel type d'avion, à conduire tel type de char et que ce sont souvent des militaires.
00:19:08 Donc nous avons – soyons clairs – et puis les services secrets sont également présents sur place.
00:19:13 Donc il y a des éléments militaires venant de beaucoup de pays européens sur le territoire de l'Ukraine.
00:19:21 Et si d'aventure, les choses s'aggravant, les soldats russes devaient pénétrer sur le territoire de l'Ukraine,
00:19:30 qu'aurait à faire ces soldats relevant de diverses nations ? Faudrait-il qu'elles laissent leurs partenaires ukrainiens se battre seuls et périr seuls à leur côté ?
00:19:46 Nous serions alors engagés dans des conditions extraordinairement difficiles. Et je n'ai pas de solution à ce genre de problème. Ça va de soi.
00:19:54 Mais je veux dire que nous parlons d'affaires très sérieuses et très dangereuses pour l'avenir et que rien ne serait pire que d'avoir recours à une grande légèreté.
00:20:07 Alors finalement, il faut ramener les choses à l'essentiel. Est-ce que l'UE doit être une étape vers une fédération européenne
00:20:22 qui serait la souveraine des nations et qu'elle deviendrait une sorte d'émanation régionale de cette nation européenne qui cherchait à naître ?
00:20:35 Pour moi, ça n'est pas réaliste. Les nations demeurent des réalités durables, fondées sur l'histoire et fondées sur le sentiment, en tout cas dans un avenir prévisible.
00:20:50 Alors je sais bien, rien n'est éternel dans aucun sens. Il y a des nations qui s'affaissent et qui disparaissent. Mais il y a aussi des fédérations qui explosent.
00:21:03 Ne soyons pas trop présomptueux. Réfléchissons et travaillons encore. Je vous remercie, M. le Président.
00:21:11 (Applaudissements)
00:21:17 — Merci, M. le Premier ministre, pour ce propos très éclairé, avec toute l'expérience que vous avez sur les épaules,
00:21:24 toutes les situations de crise que vous avez pu vivre et la façon dont vous abordez avec sérénité mais sérieux, comme vous le disiez, cette question internationale.
00:21:38 Strasbourg est à 1 400 km de Lviv, en Ukraine. C'est vraiment tout près. Et je pense qu'on a perdu, ici, en France, cette notion de la proximité du conflit.
00:21:53 Le conflit, on le vit au travers le numérique, au travers la télé et encore de moins en moins. Mais la proximité et le fait d'avoir une guerre à ses portes...
00:22:05 Et pour échanger souvent avec mes homologues des pays limitrophes à la guerre, croyez-moi, ils sont très impressionnés.
00:22:13 Vous avez parlé du couloir de Kaliningrad. J'échange très souvent avec les Lituaniens sur cette question, qui sont transigelés de peur de ce qui se passe,
00:22:25 finalement, sur leur territoire. Donc je pense qu'on doit prendre toutes ces questions avec grand sérieux, comme vous le disiez. En tout cas, merci beaucoup.
00:22:33 Nous allons à présent donner la parole à son Excellence M. Philippe Etienne, ambassadeur de France. M. l'ambassadeur, votre carrière de diplomate
00:22:41 vous a mené dans diverses capitales européennes – Belgrade, Bonne, Bruxelles, Moscou et Bucarest – où vous étiez ambassadeur de 2002 à 2005,
00:22:50 au moment où la Roumanie préparait son entrée dans l'UE. À compter de 2009, vous devenez pour 5 ans le représentant permanent de la France auprès de l'UE
00:22:59 avant de devenir ambassadeur de France en Allemagne. Nommé ensuite conseiller diplomatique puis sherpa du président Macron,
00:23:06 vous achevez votre riche parcours comme ambassadeur de France aux États-Unis de 2019 à 2023. Ces riches expériences accumulées vous donnent une légitimité évidente
00:23:17 pour nous éclairer aujourd'hui sur les enjeux de l'élargissement de l'UE, à la fois impératifs géopolitiques et défis aux citoyens et au Parlement.
00:23:26 Nous vous écoutons, monsieur l'ambassadeur. – Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis aussi chargé pour l'instant d'une mission
00:23:32 sur le 80e anniversaire de la libération de la France, des débarquements et de la victoire, ce qui d'une part motivera mon absence à partir de 10h.
00:23:42 Je vous prie de m'en excuser. J'ai une réunion à l'Élysée. Mais ce qui me donne aussi dans cette discussion que nous avons une certaine perspective historique,
00:23:49 parce que cela nous rappelle à l'heure où la guerre de haute intensité revient en Europe, d'où vient ce mouvement d'intégration européenne.
00:23:59 Et effectivement que j'ai vécu lors de trois passages à la représentation permanente, 13 ans au total. Et j'ai vécu bien sûr ce que l'ancien collaborateur du président du Conseil européen,
00:24:14 Herman Van Ambeuil, qui s'appelle Luc Van Middelhaar, qui a écrit des livres sur l'Europe. Son grand livre s'appelle « Le passage vers l'Europe ».
00:24:21 Et cette construction unique où, comme vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, cette combinaison entre les nations et une construction
00:24:35 où l'on partage les souverainetés affronte à chaque élargissement un certain nombre de défis. Mais bien sûr, aujourd'hui, les défis sont plus grands qu'ils n'ont jamais été.
00:24:45 Et je ne veux pas dire que les élargissements précédents ont été aussi périlleux que ce que nous affrontons aujourd'hui.
00:24:56 Mais je crois qu'il est quand même important, comme l'a dit le Premier ministre, de tirer des leçons du passé.
00:25:02 Avant cela, je voudrais dire combien je ressens cette rencontre au Sénat, une maison qui m'a toujours accueilli avec beaucoup de bienveillance
00:25:11 quand j'étais ambassadeur et que j'ai accueilli moi-même dans mes postes successifs avec beaucoup de plaisir.
00:25:16 C'est un très grand honneur pour moi d'être ici. Et c'est un très grand honneur de parler après vous, monsieur le Premier ministre.
00:25:22 Et c'est aussi un grand plaisir de te retrouver, cher Yoachim, car j'ai calculé, nous nous connaissons, je crois, depuis 40 ans,
00:25:31 quand j'étais jeune diplomate à Bonn, j'ai été accueilli avec beaucoup de bienveillance là aussi par Yoachim,
00:25:39 qui était à l'époque conseiller du chancelier Helmut Kohl. Alors ces élargissements précédents,
00:25:45 bon, moi, je trouve que c'est bien de rappeler, ce n'est pas une litanie, 1973, 1981, 1986, 1995, 2004, 2007, 2014,
00:25:55 l'UE a grandi en taille à travers toutes ces dates, mais avec chaque fois, rappelez-vous, la même problématique,
00:26:06 élargissement, approfondissement. Et ces élargissements, je crois, puisque c'est le sujet qu'en tant que diplomate,
00:26:13 vous me demandez, monsieur le président de traité, qui est la dimension géopolitique, la dimension de ce que vous appelez
00:26:20 un impératif géopolitique, donc moi, je vais plutôt donner le point de vue du diplomate, ce qui ne veut pas dire
00:26:26 que je ne parlerai pas des défis après et j'essaierai de donner quelques solutions. Mais il y a chaque fois eu, en fait,
00:26:32 un impératif géopolitique. Alors bien sûr, il y avait des considérations économiques, de puissance économique,
00:26:36 notamment en accueillant des pays prospères, les anciens pays de la LEE, l'association de libre-échange,
00:26:43 comme le Danemark, par exemple. Il y a eu aussi des impératifs particuliers à de nouvelles démocraties qui sortaient
00:26:53 de dictatures qui n'étaient pas liées au rideau de fer, la Grèce, l'Espagne, le Portugal. Mais tous ces éléments,
00:26:59 finalement, sont des facteurs géopolitiques parce que l'UE est bâtie comme une union de démocratie. Et ça, c'est quand même
00:27:09 extrêmement important de le rappeler aujourd'hui. Et chaque fois, donc, on s'est posé la question du couple
00:27:16 élargissement-approfondissement. On se souvient du lancement du marché unique, puis de l'union économique et monétaire
00:27:25 avec la vision de l'Espagne et du Portugal, puis la chute du mur de Berlin. Évidemment, il n'y a jamais eu un défi
00:27:33 et une impérative géopolitique aussi fort que lors de la chute du mur de Berlin. Et vous l'avez rappelé, M. le Président,
00:27:39 moi, j'étais à l'époque ambassadeur de France en Roumanie, quand la Roumanie a signé son traité d'adhésion.
00:27:44 Et je me permets des rappels personnels parce que cette période était évidemment très forte. Je ne sais pas si vous vous souvenez,
00:27:51 mais il y avait la guerre en Irak. Il y avait une brouille entre la France, l'Allemagne d'un côté et les États-Unis de l'autre,
00:27:57 où la Roumanie et d'autres pays d'Europe centrale étaient du côté américain. Parce que les États-Unis avaient exercé un genre de chantage
00:28:04 sur ces pays par rapport à l'adhésion à l'OTAN. Et les Roumains me disaient "mais je crois que ça valait pour l'Union européenne
00:28:09 comme pour l'OTAN". Vous savez, nous, c'est notre libération. Vous, vous avez vécu votre libération en 1945. Nous, aujourd'hui, c'est notre libération.
00:28:20 Et comme vous me disiez, M. le Président, à l'instant, en parlant des Pays baltes, je crois qu'il faut qu'en France,
00:28:25 et c'est un enjeu de communication à notre opinion publique, cela, il faut qu'on comprenne aussi pourquoi nos nations, à cause de leur géographie,
00:28:34 mais aussi encore plus de leur histoire, ne sont pas structurées mentalement de la même manière. Et je reprends l'exemple de la Roumanie.
00:28:41 On n'a pas vraiment, et pas seulement la population au sens large, mais même nos milieux diplomatiques et autres,
00:28:50 on n'a peut-être pas compris immédiatement la valeur stratégique que la Roumanie soit dans l'Union européenne ou la Bulgarie.
00:28:57 Parce qu'il y a un espace qui s'appelle la mer Noire. Et les Roumains nous ont dit très vite "la mer Noire, c'est très important pour l'Union européenne".
00:29:05 Aujourd'hui, on s'en aperçoit. Et d'ailleurs, c'est en Roumanie que, dans le cadre de l'OTAN, pas de l'Union européenne, mais encore une fois, les choses sont liées,
00:29:13 en voie des troupes, pour renforcer le front est, la sécurité du front est de l'Alliance atlantique.
00:29:19 Donc je pense que cette notion d'impératif géopolitique existe et n'est pas une notion en quelque sorte un peu dialectique.
00:29:29 Mais en même temps, c'est vrai qu'aujourd'hui, comme M. le Premier ministre, vous l'avez brillamment et dans des termes très politiques exposés,
00:29:40 ce couple entre l'avenir de l'Union européenne et de nos nations en tant que telles et la question géopolitique de l'élargissement dans cette nouvelle phase
00:29:49 se pose dans des termes quand même tout à fait nouveaux et extrêmement spectaculaires.
00:29:56 Alors en fait, aujourd'hui, il y a deux ensembles et je voudrais quand même les distinguer parmi les candidats.
00:30:06 Il y a d'abord la question des Balkans occidentaux. Rappelons quand même, et M. le Premier ministre, vous l'avez rappelé,
00:30:14 y compris à travers le pacte de stabilité que vous aviez fait signer en 1995, il y avait déjà eu une guerre en Europe dans les années 90.
00:30:22 C'était la guerre qui a suivi l'éclatement de l'Axe Yougoslavie. Moi, mon premier poste, c'était en Yougoslavie, à Belgrade.
00:30:28 Les Balkans occidentaux ont reçu ce qu'on appelle la perspective européenne, donc de devenir membre dès le Conseil européen de Thessalonique en 2003,
00:30:36 après le lancement d'un processus de stabilisation d'associations en 1999 qui avait été inspiré par le pacte de stabilité que le Premier ministre a mentionné
00:30:46 et qu'il a lui-même fait adopter quelques années auparavant. Donc c'était à l'issue de beaucoup d'années de guerre.
00:30:55 Et qu'est-ce qui s'est passé après ? Eh bien, prenons l'exemple de l'Albanie. L'Albanie a déposé sa demande d'adhésion en avril 2009 et n'a ouvert les négociations d'adhésion qu'en juillet 2022.
00:31:06 Il s'est passé 13 ans entre les deux. Évidemment, entre-temps, qu'est-ce qu'ont pensé les pays de cette région à qui on avait ouvert cette perspective d'adhésion
00:31:16 et par rapport auxquelles rien ne se passait ? On a vu une multitude d'influences extérieures se développer, notamment de la Chine et de la Russie.
00:31:24 C'est donc aussi aujourd'hui un peu un réveil que l'on a dans nos pays par rapport à l'importance géopolitique de stabiliser cette région,
00:31:39 mais de la stabiliser aussi en l'ancrant davantage dans l'Union européenne. Et jusqu'à présent, nous n'avons pas vraiment avancé.
00:31:46 Mais vous l'avez dit, M. le Président, ces jours-ci, le Conseil européen doit décider de l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Bosnie-Herzégovine.
00:31:55 Et ça, c'est forcément une décision géopolitique. Quand on sait combien ce pays est compliqué, c'est le résultat des accords de Dayton qui ont terminé la guerre dans l'ex-Yugoslavie.
00:32:05 Et notamment, comment la composante, la république azerbskaja, l'une des composantes de cette Bosnie-Herzégovine, peut jouer un rôle particulièrement problématique.
00:32:18 Et être notamment un élément pour l'influence de puissances extérieures dont je parlais.
00:32:27 Donc, sur ces balcons occidentaux, nous arrivons, à cause du nouveau contact géopolitique et de l'invasion de l'Ukraine, à une nouvelle période de prise en compte de leur candidature.
00:32:38 Et c'est la raison pour laquelle on parle de 35 États membres, puisqu'il y en a six, si mon compte est bon, dans cette catégorie.
00:32:47 Et puis il y a l'Ukraine et la Moldavie qui ont fait l'objet, M. le Président, vous l'avez rappelé, des conclusions historiques du 23 juin 2022,
00:32:55 qui, je le rappelle, suivaient la visite à Bucarest de quatre chefs d'État et de gouvernement de pays de l'Union, France, Allemagne, Italie et Roumanie.
00:33:04 Et puis la Commission prépare désormais le cadre de négociations pour l'ouverture des négociations d'adhésion avec l'Ukraine, vous l'avez rappelé également.
00:33:13 C'est évidemment la conséquence de l'agression russe contre l'Ukraine.
00:33:16 Mais alors que celle-ci se trouve en situation difficile sur le terrain et que des difficultés aussi apparaissent dans ces échanges économiques avec nos pays,
00:33:25 notamment sur les produits agricoles, la promesse de cet arrimage à l'Union européenne, dans le contexte difficile que nous connaissons et que l'Ukraine connaît aujourd'hui,
00:33:34 reste évidemment un élément extrêmement important.
00:33:38 Et on se souvient des drapeaux, d'ailleurs, de l'Union européenne que les Ukrainiens brandissaient.
00:33:44 Et notamment aux Balkans occidentaux et dans des conditions, évidemment, historiques très différentes avec l'invasion russe,
00:33:50 ce pays reste évidemment, est encore aujourd'hui devant une perspective d'adhésion à l'Union européenne qui est, je crois, extrêmement essentielle pour l'Ukraine.
00:34:01 Alors comment faire ? Parce qu'il y a ce défi. Il y a ce défi, en effet, démocratique, ce défi que vous nommez défi aux citoyens et au Parlement.
00:34:12 C'est bien le cas. Comment donner à nos populations, à nos citoyens, à nos concitoyens l'idée que ce processus est maîtrisé,
00:34:21 que ces adhésions sont maîtrisées pour l'Union européenne elle-même et son fonctionnement, comme vous l'avez dit, Monsieur le Premier ministre,
00:34:29 alors que nous avons déjà un fonctionnement compliqué ? Comment montrer à nos concitoyens que ce n'est pas une fuite en avant,
00:34:38 que nous avons des perspectives claires, que nous maîtrisons les risques et les dangers, par exemple en matière agricole, de cette adhésion ?
00:34:48 Et bien sûr, le défi démocratique. Comment l'Union européenne peut-elle rester ce projet démocratique d'union entre démocraties,
00:34:54 alors que même au sein de nos actuels membres, nous voyons un certain nombre de défis, et alors que nos parlements nationaux ont à débattre de cette problématique ?
00:35:05 Vous le savez mieux que personne ici au Sénat, pour guider les décisions de nos gouvernements et ensuite les décisions qui seront prises à Bruxelles.
00:35:14 Je pense que, pour terminer sur quelques pistes, on doit agir dans deux directions complémentaires.
00:35:23 D'abord, nous restons guidés par les fameux critères de Copenhague que vous avez évoqués, Monsieur le Président, dans votre introduction.
00:35:31 Je ne reviens pas dessus. C'est maintenant l'article 49 du traité. Donc ça, on doit le garder. Mais il faut l'appliquer sérieusement.
00:35:37 Et comme vous avez dit, Monsieur le Président, il n'y a pas que trois critères à appliquer aux États candidats, sur l'État de droit, l'économie de marché,
00:35:44 la capacité à reprendre l'acquis communautaire. Mais il y en a un quatrième. C'est la capacité de l'Union européenne à absorber ces nouveaux adhérents.
00:35:51 Et ça, il faut évidemment toujours rappeler que c'est aussi important, voire plus important que tout le reste, puisque même pour les nouveaux membres,
00:35:59 si l'Union européenne ne fonctionne pas ou éclate, comme le livre de Sylvie Boullard en indique le danger, ce n'est pas vraiment dans la terrain non plus des nouveaux adhérents.
00:36:11 Donc il faut garder ces critères, mais il faut les prendre au sérieux. Il faut les appliquer sérieusement.
00:36:17 Mais par ailleurs, je pense qu'il faut aussi réfléchir aux conditions pour qu'un nouvel élargissement aussi important et aussi stratégique par ses conséquences,
00:36:27 notamment vis-à-vis de la Russie, comme vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, n'empêche pas au minimum l'Union européenne de fonctionner.
00:36:34 Alors le problème, mais je parle devant d'anciens ministres des Affaires européennes qui ont eux-mêmes non seulement une longue réflexion,
00:36:43 mais une expérience politique de cette question, le problème, c'est toujours le changement de traité, le pas changement de traité.
00:36:49 Évidemment, c'est très compliqué de changer le traité. La Commission européenne, je crois, a publié hier ou publie aujourd'hui une communication sur ce sujet,
00:36:57 en rappelant qu'on peut généraliser la majorité qualifiée, notamment aux questions de fiscalité et de politique étrangère, sans changer de traité.
00:37:05 Parce que dans le traité actuel, il y a ce qu'on appelle des clauses passerelles. Alors vous me direz, ça revient au même, parce qu'il faut l'unanimité des pays pour abandonner l'unanimité.
00:37:13 Mais malgré tout, on n'a pas à passer par de nouveaux traités à ratifier partout. Est-ce que c'est possible politiquement ? Je ne sais pas.
00:37:18 Mais en tout cas, il faut essayer d'aller dans ce sens-là. Et puis, et là, je reviens à ce que vous disiez, monsieur le Premier ministre,
00:37:26 et ce que vous avez toujours dit, en fait. Il y a l'organisation générale de l'Europe. Tout le monde ne fait pas tout en même temps,
00:37:34 sans donner l'impression d'une Union européenne qui a plusieurs catégories de membres, parce que ça, ça ne marche pas.
00:37:42 Mais après tout, vous avez rappelé les exemples, monsieur le Premier ministre, on a déjà pas mal d'exemples dans des politiques fondamentales.
00:37:49 Lorsque j'étais au Portugal récemment, nous avions à conclave sur l'avenir de l'Union européenne. Le Premier ministre portugais de l'époque, monsieur Costa,
00:37:57 nous disait finalement qu'il faudrait construire une maison commune avec plusieurs objectifs. Il appelle ça en anglais "multi-purpose house".
00:38:09 C'est une construction où on a l'essentiel en commun, et notamment la démocratie, mais où on ne peut pas tous faire la même chose.
00:38:18 Et on peut s'appuyer sur des exemples comme la monnaie unique, bien sûr, ou Schengen, mais ça doit être effectivement une direction plus systématique.
00:38:28 Et pour finir, et ça c'est la deuxième orientation, je crois, importante, il faut continuer à réformer le processus d'élargissement,
00:38:34 à réformer la manière dont on accueille de nouveaux États membres. La première réforme a déjà été adoptée en mai 2021, notamment à l'initiative de la France.
00:38:43 Elle était liée aux Balkans occidentaux et à cette situation que j'ai rappelée, où on a énormément de temps qui passe sans que les pays membres de l'Union ou candidats voient des progrès.
00:38:56 Donc en fait, on a adopté une nouvelle méthode un peu plus dynamique, avec une certaine idée que les choses ne vont pas forcément toujours de l'avant,
00:39:04 qu'il peut y avoir des reculs et qu'il faut en prendre acte dans la réalité de la négociation, mais aussi en donner une claire priorité à la négociation des fameux chapitres 23 et 24.
00:39:14 Vous savez, sur les 33 chapitres de négociation dans un traité d'adhésion, ce sont les chapitres concernant l'État de droit et les affaires de sécurité, liberté et justice.
00:39:23 Et peut-être qu'une autre réforme est utile. J'ai lu dans la presse, car pour moi aussi, maintenant que je suis retraité, comme le Premier ministre l'a dit,
00:39:34 les sources ouvertes sont ma principale source d'information. Je comprends qu'on est en train aussi de réfléchir, là c'est plutôt lié à l'Ukraine et à la Moldavie,
00:39:43 à l'idée que finalement, plutôt que d'avoir un Big Bang où ces pays adhèrent à tout tout de suite, il faut peut-être imaginer des procédures où,
00:39:52 pour ne pas subir cette pression des deux côtés, on a différentes politiques qui sont mises en œuvre à différents moments avec les pays candidats.
00:40:03 Juridiquement, c'est compliqué, parce qu'il faut bien un moment où il y a l'adhésion qui existe. En plus, on pourra me dire qu'il y a déjà des stratégies de préadhésion qui existent déjà, qui sont en place.
00:40:15 Il s'agit d'aller un peu plus loin. Puis on ne peut pas accepter qu'un candidat ou un pays tiers puisse faire du « cherry picking », comme on dit en bon français,
00:40:23 puisse choisir ce qui l'intéresse et ne pas prendre le reste. Donc tout ça est compliqué. Mais en tout cas, on peut peut-être organiser ce processus d'adhésion.
00:40:32 Et je rappellerai quand même que, par ailleurs, depuis peu de temps, nous avons une autre organisation des pays européens, au-delà de l'UE.
00:40:40 C'est la Communauté politique européenne, qui n'est pas une façon de dire à certains pays qui sont candidats « Vous n'entrerez pas dans l'UE »,
00:40:49 mais qui permet quand même, au niveau de tous les pays européens concernés, y compris avec le Royaume-Uni et la Turquie, dont le Premier ministre a parlé, d'avoir une autre enceinte.
00:41:01 Et ça, je crois que c'est assez précieux. Cette Communauté politique européenne va tenir sa quatrième réunion, je crois, dans les mois qui viennent au Royaume-Uni,
00:41:09 qui augmente encore, si je puis dire, la palette des instruments que nous avons pour traiter cette vaste question et répondre à ces défis, M. le Président,
00:41:22 que j'ai essayés de traiter rapidement, mais encore trop longuement. Excusez-moi.
00:41:27 Non, sûrement pas trop longuement, mais en tout cas, grand intérêt à tout ce que vous avez pu dire. En plus, vos propos sont très complémentaires.
00:41:35 Donc merci beaucoup. Je propose maintenant à M. Yoarim Biterlich de prendre la parole.
00:41:42 Merci beaucoup, M. l'ambassadeur, d'avoir accepté notre invitation à venir au Sénat aujourd'hui.
00:41:54 Vous avez aussi exercé, au début de votre carrière, au sein de la représentation permanente allemande auprès des communautés européennes à Bruxelles,
00:42:02 avant de devenir conseiller du chancelier Kohl de 1987 à 1998, puis ambassadeur d'Allemagne auprès de l'OTAN et ensuite en Espagne.
00:42:13 Vous avez ensuite rejoint le monde des affaires, mais sans jamais cesser de publier abondamment sur des sujets clés de la politique européenne.
00:42:21 Votre enregard d'outre-Rhin est précieux pour nous ce matin, et nous sommes curieux d'entendre votre analyse du défi que l'élargissement représente pour l'Union comme pour ses citoyens.
00:42:31 C'est à vous.
00:42:34 Monsieur le Président, merci beaucoup pour votre invitation. J'avoue que j'étais surpris de recevoir cette invitation à parler devant la Commission des affaires européennes du Sénat.
00:42:46 Mais cette occasion m'a pensé que, déjà il y a quelques années, cette même maison a déjà entamé des réflexions, par exemple en particulier sur les Balkans.
00:42:57 Et vous avez fait à l'époque, dans cette maison, un hearing sur comment prendre les six pays du Balkan le mieux possible pour les arrimer et ensuite pour les faire entrer à l'Union européenne.
00:43:14 Monsieur le Président, je pense que le mot clé a été donné, c'est l'impératif stratégique.
00:43:21 Je le dis un petit peu autrement, je dis ce qui m'a préoccupé, ce qui me préoccupe jusqu'à présent, c'est un petit peu la naïveté stratégique d'une bonne partie des acteurs européens
00:43:35 qui ne semblent pas comprendre le véritable enjeu qui se trouve face à nous.
00:43:45 De l'autre côté, lorsque je parle de ce tandem classique européen, élargissement et approfondissement éternels, j'ai assisté à quatre élargissements, dans les quatre négociations, à la percée des négociations
00:44:03 et au blocage dans ma vie professionnelle antérieure, et nous nous trouvons de nouveau face à la même situation.
00:44:16 Ce nouvel élargissement, je vous le dis franchement, n'est pas mûr d'un côté.
00:44:23 C'est clair, lorsque je vois les pas vers une consolidation intérieure nécessaire de l'Union européenne, nous sommes au début d'un certain nombre de réflexions.
00:44:35 Je reviendrai brèvement.
00:44:37 Et de l'autre côté, comment traiter ce que j'appelle les dix candidats ? Pardonnez-moi, je ne regarde pas seulement les six, plus l'Ukraine et la Moldavie, je regarde les dix qui sont candidats.
00:44:52 Que faire ? De 27 à 37, comment faire ? Comment les traiter ? Et comment traiter le mieux possible ?
00:45:01 Et il est vrai, ce nouvel élargissement, que je vois un petit peu comme les élargissements du passé, où on n'a jamais été vraiment préparés,
00:45:13 où on est allé avec beaucoup de mal, par des compromis, par des échecs. On l'a fait, toujours, les réformes venaient après.
00:45:24 C'était ça, même pas parallèle. L'idéal aurait été évidemment ce que certains protagonistes nous disent, il faut d'abord faire les réformes et ensuite l'élargissement.
00:45:35 Oui, mais ça, on peut tout de suite dire que ça va retarder toute l'œuvre d'il y a quelques années, du moins le risque est là.
00:45:44 Il faut essayer de trouver une voie, je dirais, maîtrisée, crédible, pour y aller de manière parallèle.
00:45:55 Comment le faire ? Comment organiser de manière interne et externe les années devant nous, si vous voulez ?
00:46:06 Je pense qu'il serait souhaitable d'aller en parallèle tout d'abord vers ce que j'appelle les réformes, vers d'abord la consolidation et la préparation de l'Union européenne à l'élargissement.
00:46:25 Je pense à trois choses en tête. Un, un véritable programme de consolidation. J'ai essayé de le décrire au mois de décembre dernier dans un papier pour la fondation Schumann.
00:46:38 Mais 10 urgences franco-allemandes, mais on aurait pu aussi décrire des 10 urgences franco-italiennes ou germano-italiennes, si vous voulez, ou germano-franco-polognese, sans problème.
00:46:53 L'autre côté, ce sont les adaptations souhaitables allant au-delà de ce qui est déjà prévu par les traités de Lisbonne et de ce qui n'est pas encore utilisé,
00:47:06 y compris des alternatives possibles pour rendre cette Union européenne, je dirais, gouvernable dans un élargissement.
00:47:17 Et je pense, les rapports d'Henri Colletta et de Mario Draghi qui seront présentés au Conseil européen au mois d'avril, voire au mois de juillet prochain,
00:47:28 vont traiter également ce sujet-là, feront partie aussi des outils que nous aurons à notre disposition.
00:47:37 Je juge nécessaire à cet égard d'agir rapidement un mandat et de faire réfléchir un petit comité, un petit commando de chocs, si vous voulez, pour vraiment préparer l'Europe.
00:47:54 Moi, j'ai réfléchi trois sages, point d'interrogation, mais donner ça à un petit comité et ne pas laisser ça aux institutions classiques de l'Union européenne.
00:48:06 Lorsque je vois le duo Infernal à Bruxelles, je peux déjà prognostiquer les résultats. Je préférerais y aller de manière différente.
00:48:18 Évidemment, nous avons un bon nombre de sujets devant nous et sur lesquels il faudra réfléchir de manière interne, un petit peu de manière différente,
00:48:30 mais les rapports que j'ai lus ces dernières années ont prognostiqué quelque part. Par exemple, j'avertis de la généralisation simplement de la majorité qualifiée.
00:48:42 Or, le Premier ministre a bien indiqué les problèmes de fond, la pondération des voix, comment l'organiser au futur dans une Europe, déjà de problèmes à 27, dans une Europe à 35-37.
00:48:57 Comment l'organiser ? Comment le faire ? Point d'interrogation.
00:49:01 Moi, j'ai réfléchi longuement sur la pratique du compromis du Luxembourg, qui, dans mon expérience au Conseil, même au Conseil européen,
00:49:14 s'est pratiqué pendant 20 ans de manière beaucoup plus souvent qu'on en pense, mais on ne l'a jamais parlé.
00:49:21 Il me fallait une présidence habile à cet égard. Et je me souviens des certaines décisions graves de l'Union européenne qui ont été prises, en réalité, à une majorité simple.
00:49:32 Le reste s'est abstenu quelque part. On a trouvé des voies de solution, toujours.
00:49:39 Monsieur le Président, je réfléchis toujours sur un chapitre inachevé dans ce contexte. C'est la non-intégration des parlements nationaux dans l'intégration européenne.
00:49:57 C'est ma vieille réflexion de créer un Sénat européen comme deuxième chambre, composé par les parlementaires des parlements nationaux,
00:50:05 qui pourrait remplacer un jour, peut-être, les procédures de ratification. C'est une réflexion.
00:50:13 Évidemment, il y a l'Europe en cercle variable, ce que l'Europe est de toute façon. Regardez Schengen, regardez l'euro et regardez la défense.
00:50:24 Pour moi, une défense européenne est uniquement faisable si on suit la vieille recette qu'on a appliquée dans le cas de Schengen ou dans le cas de l'euro.
00:50:35 Ceux qui sont prêts et disposés à créer une défense européenne, ce que j'appelle séparable, mais pas séparé de l'OTAN, pour moi, c'est faisable.
00:50:45 Je travaille actuellement sur ce sujet. Et n'oubliez pas, il y a un sujet qui me préoccupe également, c'est la relation, revoir la relation entre Bruxelles et les États membres.
00:51:03 Par exemple, en politique étrangère. Je considère la politique étrangère commune comme un échec jusqu'aujourd'hui. Il faut la revoir d'urgence.
00:51:13 Un sujet après l'autre. Et j'aimerais bien voir une impulsion à cet égard par un petit groupe de choc qui oblige les chefs d'État et de gouvernement de regarder de près ce sujet.
00:51:29 Mais ça n'enlève pas du tout cette réflexion à faire avec ce qu'on appelle en bon français un "roadmap", un "timetable".
00:51:40 Ça va de soi d'aller regarder en pratique qu'est-ce que je fais avec l'élargissement devant nous.
00:51:50 La Turquie. Il faut le mentionner. Je regrette. Nous sommes... Ces négociations sont bloquées.
00:52:00 J'ai proposé depuis 2007 une alternative en allant vers une adhésion de la Turquie au marché intérieur européen.
00:52:09 Et voir après 20 ans, est-ce qu'on a réussi à familiariser la Turquie avec nos méthodes de travail et notre style ou non.
00:52:21 Du moins, nous avons un intérêt, je dirais vital, européen à arrimer davantage la Turquie à l'Europe.
00:52:30 Ça oui. Les Balkans. La réalité des six pays des Balkans nécessite un traitement différencié.
00:52:40 Il y a pour moi trois cas hautement critiques qui nécessitent des pas politiques supplémentaires.
00:52:48 C'est la Serbie, la Bosnie. Le premier, c'est une question d'adhésion politique au projet européen.
00:52:55 L'autre concerne l'existence de l'État, voire une éventuelle renégociation des accords de Dayton.
00:53:02 Et le troisième étant le Kosovo, qui n'est pas reconnu par tous les États membres.
00:53:10 De l'autre côté, je peux revenir à cette question, si vous voulez, dans le débat.
00:53:17 Et parce que j'ai discuté hier longuement avec le haut représentant à Sarajevo sur cette question qui est très préoccupée.
00:53:27 Surtout, il dit attention, nous avons une date d'anniversaire devant nous. Cette année, au mois de juin, c'est l'anniversaire des accords de Dayton.
00:53:36 Et il espère qu'on arrivera à discuter profondément entre nous sur le sujet.
00:53:43 Les autres trois, pour moi, le Monténégro pourrait adhérer rapidement.
00:53:52 Ça aussi, on pourrait, l'Albanie et la Macédoine du Nord pourraient accompagner le Monténégro,
00:54:01 même si leurs négociations sont ouvertes en 1922, ils pourraient former un avant-groupe.
00:54:08 Et là, ma réflexion est, je cherche une voie pratique, comment rendre possible cette adhésion sans la charger avec six processus de ratification.
00:54:21 Parce que la ratification, pour moi, c'est le risque aussi. On l'a vécu en France, on l'a vécu au Pays-Bas, on le voit ailleurs.
00:54:29 Attention, 27 ratifications, c'est ce que j'appelle une affaire à haut risque.
00:54:36 Et c'est pour ça que je cherche une voie pratique, comment faire adhérer les premiers trois,
00:54:42 par un allègement des procédures lourdes, et pourquoi pas les faire adhérer à partir de la parafe,
00:54:56 sous la signature du traité d'adhésion, de manière provisoire, d'une manière intérimaire, si vous voulez,
00:55:09 et les faire accompagner pendant trois, quatre ans, jusqu'à ce que les autres trois suivront,
00:55:17 par des parrains ou des marraines, c'est-à-dire un état membre qui intégrerait son fiole dans sa représentation au sein de l'Union Européenne,
00:55:27 où le fiole pourrait prendre évidemment la parole et défendre son point de vue.
00:55:32 Évidemment, où sa voix compterait.
00:55:35 J'ai même expliqué dans un petit papier des idées à cet égard, qui pourraient le faire, ou qui devraient le faire,
00:55:44 et avancer pendant ce temps par un mandat spécifique donné à un ministre des Affaires étrangères,
00:55:53 et aux représentants pour la Bosnie, pour résoudre les problèmes politiques sur la Serbie, sur la Bosnie et sur le Kosovo,
00:56:05 avant d'entamer des négociations d'adhésion définitive.
00:56:12 Monsieur le Président, s'il vous plaît, un mot sur l'Ukraine.
00:56:17 Je sais, vous allez peut-être être choqués, j'avoue, j'ai défendu encore deux semaines avant l'éclatement de l'invasion,
00:56:33 avant le lancement de l'invasion de la Russie, l'idée d'une association de l'Ukraine, sans perspective d'adhésion.
00:56:45 Et je pense que je suis, reste convaincu, lorsque je regarde le défi d'une adhésion éventuelle de l'Ukraine d'ici, je dirais, 5 à 10 ans,
00:56:57 avec la nécessité, par exemple, d'une réforme de fond de la politique agricole commune, qui est disposée, qui veut le faire, point d'interrogation, comment le faire,
00:57:09 comment moderniser ce pays dans un sens européen, point d'interrogation, et j'hésite pour ça devant l'idée d'aller vers une adhésion directe,
00:57:24 mais de dire, restons pour un certain nombre d'années en voie pour une association particulière, oui, vu la situation,
00:57:36 et réfléchissons sur une adhésion à un stade ultérieur, parce que ce cas, pour moi, n'est pas du tout, je dirais, prêt à être résolu.
00:57:48 Je m'arrête là. Je pense qu'il y a un certain impératif aux Européens, mais ne soyons pas aveugles, essayons de faire ce qui est faisable,
00:58:01 comme on l'a toujours fait, et soyons courageux à beaucoup d'égards. Merci.
00:58:09 Merci beaucoup, M. l'Ambassadeur. M. l'Ambassadeur, je rebondis sur trois points que vous avez évoqués, si vous me le permettez, avant qu'on laisse la parole à la salle.
00:58:21 Premier point, et peut-être le dernier que vous avez évoqué, c'est celui de cette association possible de l'Ukraine avant une adhésion,
00:58:30 mais ça existe déjà, et je pense que ça a été plus ou moins oublié, c'est le partenariat oriental,
00:58:35 qui devrait pouvoir avoir cette agilité, cette capacité d'adaptation pour permettre, justement, cette transition vers une adhésion,
00:58:45 en tout cas ce que vous avez déclaré comme ne pas être mûr. Donc je crois qu'on a une réflexion autour de ça à avoir de fait.
00:58:54 Le deuxième point concernait la majorité qualifiée. Alors c'est très intéressant aussi ce que vous avez dit,
00:59:00 et ce que d'ailleurs le Premier ministre avait dit aussi sur le fait que la majorité qualifiée, oui c'était entendable,
00:59:06 mais à quel moment, à quel niveau, et puis surtout avec quelle capacité de représentativité des États membres.
00:59:13 Et là, quand j'ai reçu les 27 ambassadeurs dans cette petite réception, on leur avait donné un exercice inhabituel pour les ambassadeurs,
00:59:21 c'est-à-dire qu'ils avaient deux minutes pour exprimer la position de leur pays sur l'élargissement.
00:59:25 Et d'ailleurs, tous m'ont remercié parce que pour eux, c'était un exercice d'école. Je leur ai dit « Vous voyez à quelle sauce les parlementaires sont voués ».
00:59:35 Et donc, son idée était simple. C'était de dire « Voilà, pourquoi pas à la Commission, sans faire une commission pléthorique, on pourrait avoir une commission tournante ».
00:59:45 Et il disait même « L'Allemagne est prête peut-être pendant une année ou deux à laisser son siège ».
00:59:51 Et puis le troisième point...
00:59:55 Monsieur le Président, ça me fait penser à un vieux débat. Non, je n'étais pas à l'arbitre. C'était mon patron qui était à l'arbitre, le chancelier Kohl.
01:00:05 C'était un débat entre le président Chirac et moi. Et on discutait sur la question « 12 commissaires, 10 ou 12, rotation ».
01:00:14 Et l'échec de tout le débat, c'est le chancelier qui était à l'arbitre, était au moment où le chancelier disait « Jacques, est-ce que tu es disposé à ce que la France renonce à son commissaire pendant une certaine période ? »
01:00:30 Non, bien sûr que non. Débat terminé.
01:00:34 Très bien d'imaginer finalement ce qui a été mis sur la table comme ça et qui peut-être nécessite réflexion.
01:00:42 Et puis le troisième point qui, à mon sens et à mes yeux, est très important, c'est celui de la relation des parlements nationaux avec les institutions européennes, telles que vous l'avez exprimé.
01:00:52 Sachez... Le problème, c'est quelle est la capacité d'acceptabilité des institutions sur le fait que les parlements nationaux se mêlent de leurs affaires.
01:01:01 Moi, j'en ai vécu l'expérience pendant la présidence française, puisque j'avais proposé qu'on fasse des groupes de travail associés ou non à la COSAC,
01:01:10 mais qui permettent d'avoir une réflexion sur le sujet. Et donc j'avais piloté pendant la présidence française, avec des parlementaires de tous les États membres, ce groupe de travail.
01:01:20 On a fait un rendu sur la capacité d'avoir une influence plus importante, un rendu de rapport.
01:01:27 Et finalement, tout ceci, je le pense, de la part du Parlement européen en particulier, il y a un veto assez fort,
01:01:37 peut-être moins de la Commission aujourd'hui, qui a compris que ça devenait peut-être important, mais de la part du Parlement européen,
01:01:43 il y a un veto assez fort en disant "Nous, on est des parlementaires européens, vous êtes des parlementaires nationaux, et on ne mélange pas les deux".
01:01:50 Donc, ce n'est pas mélanger, ce n'était pas l'intention, mais c'était de dire comment on peut avoir aujourd'hui un regard législatif peut-être plus porté,
01:02:00 une écoute plus forte qu'au-delà de celle de la subsidiarité ou du contrôle de nos propres gouvernements.
01:02:08 Donc je crois qu'il y a là des volontés qui ont été portées par de nombreux États membres, en tout cas parlementaires de chambres nationales d'États membres.
01:02:19 Et je l'ai vécu de près, puisque j'avais piloté ces travaux, mais c'est très très compliqué ensuite de l'intégrer dans la machine européenne.
01:02:30 Le coût de l'élargissement face au coût du non-élargissement, énoncé ainsi, pardonnez-moi, la question n'a pas de réponse.
01:02:40 Parce que l'enjeu politique de première grandeur domine complètement la dimension financière.
01:02:50 S'il s'agit en effet du coût budgétaire proprement dit, le fait que l'Ukraine, parce qu'en réalité le problème c'est l'Ukraine,
01:03:00 j'évoquerai rapidement les autres pays candidats sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres, il y aura qui, mais beaucoup plus compétents que moi,
01:03:10 le fait que l'Ukraine entre dans l'Union européenne et du coup bénéficie des politiques de l'Union, notamment des fonds de cohésion,
01:03:18 ou que le choix se porte sur une Ukraine restée hors l'Union, mais dont l'Union continuera de payer l'essentiel de la reconstruction
01:03:27 et fera bénéficier de la plupart des autres politiques communautaires, l'ordre de grandeur financier n'est pas différent, fondamentalement.
01:03:37 Et donc le coût dont on peut parler, le coût dont il faut parler, c'est le coût politique.
01:03:45 Quelles sont les conséquences politiques ? Il y en a sans doute de favorables, mais il y en a beaucoup de défavorables,
01:03:53 ou de problèmes très difficiles devant nous, de chacune de ces hypothèses. Car il faut prendre conscience du fait que nous avons changé d'époque.
01:04:03 Il y a encore deux ans, j'aurais pu reprendre à deux ou trois formules près, et je regrette évidemment son départ,
01:04:11 ça n'est pas très courtois de ma part de l'évoquer alors qu'il n'est plus là, j'aurais pu reprendre les propos du président Balladur,
01:04:19 à ma manière, c'est-à-dire moins éloquente et moins remarquable que lui. J'aurais plaidé contre l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne.
01:04:32 Et j'aurais plaidé avec force contre l'élaboration d'un nouveau traité européen. Exercice impossible et inutile.
01:04:43 Sauf que le 24 février 2022, nous avons changé de siècle, nous avons changé de monde, le sablier s'est renversé, ou la table s'est renversée.
01:04:55 Mais le sablier aussi, parce que l'urgence devient maintenant extrême. Il y a un coup d'accélérateur de l'histoire qui est considérable.
01:05:04 Jusqu'à présent, les crises très fortes que nous avons eu à affronter, et un sénateur disait tout à l'heure, finalement, à l'occasion de chacune de ces crises,
01:05:14 l'Europe, dans la douleur, a su trouver une solution. Mais ces crises avaient un point commun, que ça soit la crise financière mondiale ou la pandémie, etc.
01:05:27 C'est que l'on faisait en sorte de revenir le plus vite possible à l'état antérieur. Et on est revenu à peu près à l'état antérieur.
01:05:35 Mais cette fois-ci, on ne reviendra pas à l'état antérieur. Le 24 février 2022 a fait entrer l'Europe dans une guerre totale à l'est du continent.
01:05:47 Et ce que j'appellerais une drôle de non-guerre sur le reste du continent. Nous en parlons ici, à Paris, dans le confort du Palais du Luxembourg,
01:05:58 de manière assez détachée. Il faut réaliser que chaque jour, il y a une bonne millier de soldats ou de civils qui meurent à, vous le disiez, monsieur le Président,
01:06:12 quelques centaines de kilomètres de nous. Il faut comprendre qu'en décidant froidement d'envahir l'Ukraine, le président russe a déchiré tous les traités
01:06:25 sur lesquels repose l'ordre international et la sécurité de l'Europe. Avec une première conséquence aggravante, c'est que lorsqu'il y a eu un vote à l'ONU,
01:06:35 à l'Assemblée Générale, des dizaines de pays membres de l'ONU ont refusé de condamner cette violation majeure de la Charte Commune,
01:06:45 où sont pourtant inscrites les valeurs universelles qui ont fondé leur indépendance mondialement reconnue.
01:06:55 Et à partir de là, on a vu en Azerbaïdjan, on a vu les houttis au Yémen, on a vu le Hamas à Gaza propager l'incendie ou allumer ou rallumer d'autres incendies.
01:07:15 Et donc, nous avons été brutalement sortis de l'état de béatitude dans lequel nous étions entrés grâce à la construction européenne,
01:07:25 qui a permis ce miracle historique, sans précédent historique, la réconciliation entre nos peuples.
01:07:33 Et comme on ne menaçait plus personne à l'extérieur, quand on était réconciliés entre nous, pour nous, nous avions le sentiment d'être entrés dans la paix perpétuelle
01:07:43 dont rêvaient nos philosophes du 18e siècle.
01:07:47 Et soudain, nous étions devenus des agneaux, nous nous réveillons dans un monde de loups, et notre berger familier américain regarde ailleurs.
01:08:00 Notre espérance de vie en tant qu'état indépendant, libre de leur destin, est celle d'un troupeau de moutons dans un parc de loups.
01:08:11 D'où l'urgence. Et là, l'urgence s'adéquate.
01:08:16 Alors, vis-à-vis de l'élargissement, c'est-à-dire de l'Ukraine, il y a deux options possibles.
01:08:26 Première option, une unité de principe et un chacun pour soi de fait.
01:08:38 C'est, je dirais, l'option la plus vraisemblable, malheureusement.
01:08:46 Dans cette perspective-là, l'Union continue d'aider l'Ukraine, en argent et en matériel.
01:08:54 Elle parvient même à compenser une partie des promesses américaines non tenues, mais elle trouve facilement des prétextes à faire traîner les négociations d'élargissement avec l'Ukraine.
01:09:08 Naturellement, la corruption, l'inorganisation de l'administration, et donc on a promis, mais on diffère.
01:09:18 Chaque Etat membre n'hésite pas à jouer, plus ou moins discrètement, sa partition propre, tant vis-à-vis de Moscou que vis-à-vis de Washington.
01:09:30 Un cessez-le-feu à la coréenne intervient, à la coréenne c'est-à-dire à l'emplacement de la ligne de front,
01:09:39 c'est-à-dire on constate, en disant le contraire, une victoire militaire de Moscou, qui aura ainsi dans son côté une partie du territoire ukrainien.
01:09:53 Pendant que la réussite, finalement, de cette opération russe, avec un maniement habile de la menace nucléaire,
01:10:02 achève de convaincre les pays tiers dont parlait le Premier ministre ce matin, qui sont à la limite de ce qu'on appelle le seuil nucléaire,
01:10:13 de se doter de l'arme, il a donné la liste de ces pays, je n'y reviens pas.
01:10:19 Alors, si c'est cette option-là qui prévaut, la France et l'Allemagne, et là évidemment je me tourne vers Joachim qui ne partage peut-être pas cette analyse,
01:10:35 devront réinventer leur rôle dans la famille européenne.
01:10:41 La France est le mauvais élève de la zone euro depuis longtemps, et on est sûr qu'elle le restera pendant trois ans encore, jusqu'aux prochaines élections,
01:10:53 puisqu'elle n'a pas de majorité à l'Assemblée nationale pour rééquilibrer le budget.
01:10:59 La France reste incapable de penser l'utilisation de ses atouts diplomatiques et militaires uniques dans un cadre européen.
01:11:12 Je m'excuse, je fais taire ça.
01:11:15 C'est quelque chose de très curieux.
01:11:19 Tous les présidents qui se sont succédés à l'histoire de la Vème République, les huit présidents, ont tous plaidé pour une autonomie européenne stratégique
01:11:29 et une politique étrangère et de défense commune.
01:11:32 Aucun n'a fait des propositions concrètes ou n'a pris des initiatives pour donner l'exemple.
01:11:41 Nous avons un certain nombre d'atouts que n'ont pas les autres.
01:11:45 Un siège de membres permanents au Conseil de sécurité.
01:11:48 La force nucléaire de dissuasion.
01:11:51 La disponibilité aussi de trois véritables armées de terre, de mer et de l'air.
01:11:58 Et les moyens budgétaires organisés dans le cadre de lois de programmation militaire tous les cinq ans.
01:12:07 A aucun moment, aucun président français, aucun dirigeant français n'a envisagé que l'un de ces outils puisse être mis à la disposition ou contribué à une politique européenne commune.
01:12:24 Je cite un seul exemple.
01:12:27 Nos partenaires ont l'équivalent chez eux de lois de programmation sur plusieurs années pour financer leur équipement militaire d'avenir.
01:12:38 Personne en France n'a proposé, n'a même pensé un seul instant que nous aurions intérêt, avant d'adopter notre loi, de savoir ce que faisaient les pays voisins.
01:12:48 Moyennant quoi, si on lit la loi de programmation adoptée à la quasi unanimité par le Parlement français, on constatera qu'il est prévu plus de moyens pour des opérations outre-mer que pour la défense du continent européen.
01:13:07 Donc, si la France veut conserver ou plutôt retrouver une capacité d'entraînement, il faut qu'elle s'en montre capable politiquement et qu'elle en exprime la volonté politique.
01:13:23 Quant à l'Allemagne, la guerre a complètement bouleversé ses relations avec la Russie et la contrainte à couper les ponts, et je dirais couper le gazoduc avec la Russie.
01:13:48 Elle a réorienté tout son approvisionnement énergétique. L'Allemagne a découvert que la politique étrangère ne se limitait pas aux relations commerciales et économiques.
01:14:00 Elle s'est rendue compte, comme nous, que la garantie de l'OTAN n'était pas éternelle et dépendait de ce qui se passe à Washington, qui devient imprévisible.
01:14:09 Et l'Allemagne va se retrouver à la tête de la plus forte armée continentale, ce qui n'était pas arrivé depuis 1945, pendant que son industrie a pris du retard dans la transition numérique.
01:14:25 Et donc, j'ai le sentiment, et Joachim aura évidemment le dernier mot là-dessus, que c'est presque l'identité allemande qui est à reconstituer ou à mettre à jour.
01:14:39 Ça c'est première option, et on voit que cette option, qui est une option de "facilité relative", va quand même poser des problèmes gigantesques à l'Union européenne et à ceux de ces pays qui font partie des acteurs principaux.
01:15:00 Deuxième option, l'unité de fait, ancrée dans l'entrée de l'Ukraine au sein de l'Union. Et c'est évidemment l'option que, personnellement, je préfère.
01:15:13 Pourquoi ? Nous aidons l'Ukraine, mais les Ukrainiens sont seuls à mourir pour nos valeurs communes.
01:15:23 Si nous ne sommes même pas capables de manifester notre reconnaissance en les accueillant dans la famille, c'est toute l'aventure européenne qui perd son sens.
01:15:33 Nous avons accueilli les pays méditerranéens lorsqu'ils se sont débarrassés de leurs tyrans domestiques, puis les pays d'Europe centrale et orientale libérés du communisme.
01:15:43 Nous devons évidemment ouvrir les bras aux héros de la lutte contre la folle nostalgie impériale russe. Mais il faut en mesurer le coût politique.
01:15:58 Plus exactement, l'importance des choix à faire, le coût politique, c'est que nous devons être gouvernés par des hommes ou des femmes d'État de courage.
01:16:11 Y a-t-il un Churchill autour de la table ? Ou bien est-ce que nous avons autour de la table 27 Chamberlain ?
01:16:19 Je fais exprès de prendre des hommes d'État de nationalité extérieure à l'Union européenne.
01:16:27 Alors, quelques décisions héroïques à prendre, et à prendre vite.
01:16:37 Premièrement, des gens qui meurent, on ne va pas les faire patienter dans la salle d'attente.
01:16:44 Service d'urgence, l'entrée de l'Ukraine devra être aussi rapide que possible, autour de 2030, 6, 7, 8 ans. C'est-à-dire demain.
01:16:56 C'est-à-dire que c'est le Parlement européen que nous allons élire, le 9 juin, d'où l'importance du 9 juin, qui sera en charge, non pas de la décision, mais du débat.
01:17:08 Et la commission qui en sortira, qui aura les propositions à faire.
01:17:14 Alors, naturellement, il faudra bousculer un peu, ou interpréter différemment, les critères traditionnels de Copenhague.
01:17:21 Nous étions à Copenhague, Joachim Bitterli, chez moi, lorsqu'on a adopté ces critères.
01:17:26 Nous les connaissons bien, y compris le critère qu'on a rajouté de la capacité d'absorption.
01:17:32 Mais, ben, on le fera. C'est la guerre.
01:17:37 Deuxième décision forte qui se posera à nous, choix fort, il sera impossible de continuer de faire patienter les pays qui sont dans la salle d'attente depuis 20 ans.
01:17:50 Et là, à partir du moment où on fait entrer l'Ukraine, on ne peut pas dire à ceux qui sont là depuis 20 ans, ben vous, vous viendrez plus tard.
01:17:57 Il faut le justifier. Et donc là, je reprends ce qu'a dit Joachim.
01:18:03 Mais, cela doit nous conduire à ajouter un critère d'appartenance à l'Union.
01:18:11 C'est avoir réconcilié auparavant sa mémoire et ses relations avec les pays voisins.
01:18:21 Parce que grâce à la construction européenne, nous avons réalisé ce miracle de la réconciliation entre nos peuples.
01:18:27 Nous n'allons pas faire entrer dans l'Union les haines de peuples voisins qui vont entrer avec leur haine.
01:18:34 Ce n'est pas possible. Donc, c'est une condition qu'il faudra mettre.
01:18:38 J'ajoute que, mais je n'en reviens pas à ce qu'il a dit ou ce qu'a dit Philippe Etienne sur la Bosnie.
01:18:46 La Bosnie est quand même un pays qui n'a jamais existé dans le passé, qui n'existe pas aujourd'hui.
01:18:52 C'est une espèce de colonie, mais là aussi, tu reviens de Sarajevo, c'est une colonie de la communauté internationale.
01:18:58 Et le système mis en place à Dayton, qui a eu le mérite d'arrêter la guerre, n'a pas enclenché un processus de réconciliation
01:19:06 et a déresponsabilisé les élus locaux. Donc, la Bosnie, il va falloir repenser la Bosnie, peut-être soumettre un référendum
01:19:16 pour savoir si les Bosniaques veulent être un, deux ou trois pays. Si une partie veut être attachée d'un côté, l'autre partie de l'autre.
01:19:24 Problème absolument gigantesque, qu'on n'a pas pu régler depuis 20 ans, sur lequel nous allons être obligés de faire des choix rapides.
01:19:34 Troisième catégorie de choix, ou de problème, avec l'Ukraine, l'Union Européenne va admettre un grand pays, l'Ukraine avant la guerre,
01:19:48 avec 40 millions d'habitants, à peu près la taille de la Pologne, qui est engagé, malgré lui, dans un conflit grave avec la Russie.
01:19:58 Un conflit qui sera gelé, probablement, tant qu'il n'est pas gelé, on ne peut pas faire entrer l'Ukraine, c'est clair,
01:20:05 mais quand le jour il est gelé, la question se pose, mais ça veut dire qu'ils sont partis pour au moins un demi-siècle de situations très conflictuelles.
01:20:15 Et là, exception à la règle que je viens de dire, il ne faut faire entrer que des pays qui sont, dans le cas de l'Ukraine, évidemment,
01:20:23 elles restent en situation conflictuelle. Et du coup, nous serons, nous, la famille européenne qui a accepté l'Ukraine,
01:20:31 en situation, non pas de co-belligérance, mais de co-conflictualité avec la Russie, pour 50 ans ou 100 ans.
01:20:39 On ne peut pas faire autrement. Et ça veut dire que, de ce fait, automatiquement, l'Union européenne prend une dimension diplomatique, stratégique,
01:20:55 de défense militaire, que nous appelons, nous, Français de nouveau, depuis très longtemps, qu'elle n'a eu, jusqu'à ces derniers temps,
01:21:04 pour traiter de l'East-Bound que de manière tout à fait résiduelle et qu'elle a d'ailleurs, et je rechois ce que l'a dit Joachim,
01:21:09 plutôt mal utilisé, mais qui là va prendre, va revêtir une importance considérable. Ce qui veut dire, alors là, le nombre et la gravité
01:21:24 des questions à traiter considérable. D'abord, il va falloir, pour doter l'Europe des moyens d'une politique étrangère et de défense commune,
01:21:35 s'ajoutant aux politiques nationales, se coordonnant avec l'OTAN, etc. D'abord, il faut mettre la charrue avant les bœufs.
01:21:43 Parler d'Europe de la défense tant qu'il n'y a pas d'Europe de la politique étrangère, ça ne sert à rien.
01:21:48 C'est repartir dans la logique qui avait été celle de la CED, le fameux traité morné du 30 août 1954, la Communauté européenne de défense,
01:21:59 qui ne pouvait pas fonctionner, quand bien même on l'aurait ratifié, parce qu'il prévoyait une communauté de défense en communauté politique étrangère.
01:22:06 Politique étrangère d'abord. Or, les décisions de politique étrangère ne se prennent pas à l'unanimité, c'est clair,
01:22:13 quand on est trop nombreux, mais elles ne se prennent pas non plus à la majorité.
01:22:18 On ne fait pas voter l'Assemblée ou le Sénat avant de prendre une décision de politique étrangère.
01:22:27 Donc il faut concevoir un système de décision, peut-être mettre en place un organe comparable à ce qu'est l'organe de management de la Banque centrale européenne
01:22:35 ou le Conseil de sécurité de l'ONU. C'est à réfléchir, c'est à imaginer et à négocier.
01:22:42 En matière de défense, il y a un accord qui est pratiquement général dans les pays de l'Union, sauf l'Irlande et l'Autriche,
01:22:51 pour dépenser davantage compte tenu de la menace russe.
01:22:55 Mais ça veut dire que si l'on veut travailler ensemble, il faut d'abord s'entendre sur l'ennemi,
01:23:02 bon, l'ennemi nous a déclaré la guerre, si je puis dire, c'est assez facile,
01:23:05 s'entendre sur la planification, sur la nature des forces dont on a besoin, sur la répartition de ces forces et de leurs matériels entre nous,
01:23:14 sur le commandement de temps de paix et le commandement de temps de guerre et naturellement sur la commande des matériels et sur leur interopérabilité.
01:23:23 Le tout en précisant le rôle de l'OTAN à chacune de ces phases et en négociant avec les membres non européens de l'OTAN,
01:23:31 les Etats-Unis mais aussi le Canada, on vote sur le CETA aujourd'hui, et le Royaume-Uni quand même.
01:23:40 Quatrième difficulté, cette nouvelle dimension n'enlève rien aux priorités actuelles de l'Union,
01:23:47 la compétitivité de son économie et donc notamment l'efficacité de sa recherche,
01:23:55 l'industrie spatiale et la double transition numérique et écologique.
01:24:01 Avec ou sans Ukraine, dans la première ou dans la deuxième des options, l'heure de vérité est venue pour le budget européen.
01:24:11 Jusqu'à présent, un aspect passé presque inaperçu aussi bien des europhiles que des europhobes,
01:24:19 c'est la contradiction invraisemblable entre le pouvoir législatif normatif de l'Union européenne
01:24:27 et le caractère dérisoire de ses moyens financiers.
01:24:32 Nous prétendons conduire des politiques mondiales avec l'argent de pourboire ou d'aumône,
01:24:40 puisque le budget européen a été plafonné à 1% du produit intérieur brut,
01:24:50 alors que le budget national dépasse dans le cas de la France 50% du produit intérieur brut.
01:24:57 Et donc l'heure de vérité est venue, on a été obligé pour faire face aux conséquences de la pandémie
01:25:04 de permettre le lancement d'emprunts européens, et donc un emprunt important de près de 800 milliards d'euros a été lancé.
01:25:13 La question va se poser de savoir si on poursuit dans ce mode de financement ou si on en trouve d'autres.
01:25:24 Mais en tout cas, nous ne pourrons pas continuer à fonctionner avec un budget européen misérable
01:25:29 et financé pour l'essentiel par des contributions des budgets nationaux.
01:25:36 Enfin, dernière catégorie de sujet, et dont tout ça n'est pas facile,
01:25:46 l'entrée d'une demi-douzaine, voire d'une dizaine de pays nouveaux à brève échéance exigera un nouveau traité.
01:25:55 Et là, cette fois-ci, on ne peut plus y échapper. Et hélas, comme à chaque fois, on élargira avant de remettre de l'or dans la maison, avant d'approfondir.
01:26:04 Mais il faudra un nouveau traité, de la même manière que le Big Bang de l'année 2004, qui a vu entrer les pays d'Europe centrale, a enfanté le traité de Lisbonne.
01:26:14 Et alors là, il faudra un préalable. Et tel qu'on l'énonce, ça paraît totalement impossible.
01:26:22 Mais si ce préalable n'est pas rempli, il n'y aura pas de nouveau traité.
01:26:26 C'est qu'il faudra accepter que ce nouveau traité entre en vigueur dans les pays qui l'auront ratifié,
01:26:34 une fois que sera atteint la ratification dans X % - 70, 75, 80 % des pays - représentant X % ou Y % de la population de ces pays.
01:26:46 Parce que sinon, de toute façon, sur les 27, 30 ou 31, il y aura toujours un pays qui dira non.
01:26:54 Puisque aujourd'hui, sur le CETA qui s'applique depuis 7 ans, on court même le risque que le Sénat français dise non.
01:27:02 Donc il faudra accepter d'engager une négociation de ce type, revenant au fond à une image des cercles concentriques qu'évoquait le Premier ministre.
01:27:16 Dans les sujets à traiter, il y aura le nombre de commissaires. C'est un sujet qui passionne beaucoup en France.
01:27:24 Pour moi, ça n'a rigoureusement aucune importance. Ce qui est idiot, c'est qu'il y ait un seul commissaire par pays.
01:27:30 Ce n'est pas le nombre des commissaires qui est gênant. D'ailleurs, nous avons tous des gouvernements de 40 ministres.
01:27:37 On ne comprend pas pourquoi une commission de 40 membres serait plus inefficace qu'un gouvernement de 40 membres.
01:27:43 Par contre, ce qui est idiot, c'est qu'on limite et qu'on dise qu'il ne peut pas y avoir plus d'un commissaire par pays.
01:27:48 Ça, c'est assez facile à régler. Par contre, ce qui sera beaucoup plus difficile à régler, c'est les droits de vote, la répartition au sein du Parlement européen.
01:28:02 Puisqu'au sein du Parlement européen, depuis l'origine, les petits pays peu peuplés sont surreprésentés, les grands pays sont surreprésentés.
01:28:11 En Allemagne, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe s'en est rendue compte et a allumé un signal orange.
01:28:20 Il est clair que quand on va vouloir modifier les traités, on sera obligé de tousser à ce sujet qui est tout à fait explosif.
01:28:29 En attendant, une fois que j'ai fait la liste de tous ces choix à faire et donc de toutes ces difficultés,
01:28:36 et on a du mal à imaginer qu'en quelques années, nous soyons capables de les régler toutes, il faudra utiliser le traité de Lisbonne
01:28:46 qui, malgré tous ses défauts, s'est révélé une boîte à outils assez riche et comportait une souplesse d'interprétation
01:28:55 qui a permis de rejeter le Covid, la crise économique et qui peut permettre aussi peut-être de résister à la Russie. Je vous remercie.
01:29:07 Merci. Merci. Merci beaucoup, M. le ministre. Nous allons entendre maintenant Mme Noëlle Lenoir.
01:29:16 Vous avez débuté, Mme la ministre, votre carrière comme haut fonctionnaire, 10 ans d'abord au Sénat.
01:29:23 Vous êtes donc un peu chez vous ici, puis la Commission informatique et liberté.
01:29:28 Vous êtes la première femme nommée au Conseil constitutionnel en 1992.
01:29:32 Vous présidez parallèlement le Comité international de bioéthique et rejoignez le groupe européen d'éthique des sciences et des technologies nouvelles
01:29:38 qui conseille la Commission européenne pour légiférer en ces matières.
01:29:43 Après ce premier contact avec la sphère européenne, vous devenez en 2002 ministre chargé des affaires européennes et le restez deux ans,
01:29:51 ce qui vous a conduit à créer un think tank, le cercle des Européens que vous présidez toujours, même si vous exercez dorénavant comme avocate.
01:29:59 Votre action gouvernementale vous a amené à participer à de nombreuses négociations avec les pays d'Europe centrale et orientale
01:30:06 en voie d'accession à l'Union européenne ainsi qu'au suivi du traité constitutionnel.
01:30:11 A ce titre, nous vous proposons de nous présenter votre vision des craintes, espoirs et risques
01:30:16 que représenterait un nouvel élargissement au regard de l'élargissement advenu il y a 20 ans.
01:30:21 A vous la parole madame la ministre.
01:30:23 Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la sénatrice, cher Joachim, cher Jamy,
01:30:32 tous les jeunes qui sont ici à l'écoute ont la chance de bénéficier de ces points de vue très divers
01:30:42 parce que je pense que votre génération a en héritage un bien précieux qui s'appelle l'Europe
01:30:50 et tout ce dont nous parlons aujourd'hui c'est vous qui aurez à prendre les décisions politiques
01:30:56 par vos votes ou peut-être par vos participations plus étroites à la sphère politique nationale, européenne ou internationale.
01:31:04 Donc à vous de jouer pour l'avenir.
01:31:10 Puisque en ce qui me concerne, comme je l'ai dit tout à l'heure, sans révéler mon état civil qui est couvert par le RGPD,
01:31:16 je suis une enfant de la guerre ou plutôt de l'après-guerre.
01:31:19 Vous, vous êtes un peu des enfants, si je puis dire, ou des jeunes de la guerre présente et de l'évolution de cette guerre,
01:31:26 ce qui est extrêmement important et qui doit vous faire penser encore plus au rôle que vous avez à jouer au sein de l'Europe
01:31:34 et pas seulement en tant que Français ou résident en France.
01:31:39 Alors le sujet c'est les craintes sont-elles justifiées et est-ce que cet élargissement,
01:31:45 ou plutôt la relance du processus d'élargissement est une bonne chose ou pas ?
01:31:51 Et quelles sont les propositions qu'on peut faire ?
01:31:54 Alors d'emblée je voudrais dire d'abord que je m'exprime en mon nom tout à fait personnel.
01:31:59 Et d'autre part, la solution de toute façon est dictée par l'histoire.
01:32:07 C'est-à-dire entre le non-élargissement et l'élargissement,
01:32:11 eh bien c'est l'élargissement qui est le destin de l'Europe.
01:32:19 Et de toute façon si la France s'y opposait, ce qui je crois comprendre n'est pas le cas,
01:32:25 eh bien ça n'aurait aucun effet.
01:32:28 D'abord parce que nous avons décidé, j'y étais au Conseil européen de Tessalonique en 2003,
01:32:34 c'est-à-dire il y a 20 ans jour pour jour,
01:32:38 que les pays des Balkans occidentaux seraient reconnus candidats et accéderaient à l'Europe
01:32:44 et que c'était un processus irréversible.
01:32:47 Donc il y a une parole donnée.
01:32:49 Et enfin, la relance de l'Europe, c'est évidemment la réaction en 4 mois sous présidence française
01:32:57 de reconnaître d'abord la candidature de l'Ukraine et de la Moldavie,
01:33:01 puis un an plus tard de la Géorgie.
01:33:05 C'est une des réponses face à cette guerre européenne,
01:33:10 comme vient de le souligner Alain Lamassoure,
01:33:12 puisque on ne peut pas imaginer, en dehors de l'aspect humanitaire, en dehors de l'aspect moral,
01:33:18 ou plutôt immoral, de la guerre lancée par Vladimir Poutine,
01:33:23 on ne peut pas imaginer la partition de l'Ukraine et la défaite de l'Ukraine.
01:33:28 J'indique pour reprendre ce qui a été dit tout à l'heure,
01:33:31 qu'on est face à une guerre qui ressemble un peu à la guerre de 14-18,
01:33:35 c'est-à-dire que vous n'avez pas, même comme dans les guerres du Moyen-Orient,
01:33:43 des hôpitaux, des hélicoptères et un soutien aux populations civiles. Non.
01:33:48 Là, vous avez des bombardements contre les populations civiles,
01:33:53 vous n'avez aucune installation hospitalière digne de ce nom,
01:33:57 il y a quelques hôpitaux de campagne créés d'ailleurs par la France et je suppose aussi par l'Allemagne,
01:34:03 mais en réalité, ce qu'on sait de cette guerre est absolument épouvantable.
01:34:07 C'est-à-dire que les jeunes soldats qui partent à la guerre sont opérés,
01:34:10 comme on l'était en 14, avec des amputations quotidiennes.
01:34:14 Donc, on ne peut accepter, nous, Européens, y compris pour notre rôle international,
01:34:21 la défaite de la guerre en Ukraine, du point de vue de l'Ukraine et de l'Europe.
01:34:26 Alors cela étant dit, qu'est-ce que c'est que cet élargissement
01:34:32 et quelles sont les craintes justifiées et comment est-ce qu'on peut le conduire au mieux,
01:34:38 à la fois de nos valeurs et aussi de nos intérêts ?
01:34:42 Je dirais d'abord qu'il y a deux élargissements qui posent des sujets différents.
01:34:48 Il y a l'élargissement des Balkans occidentaux, 20 millions d'habitants.
01:34:52 Je suppose que dans cette salle, vous ne connaissez pas tous par cœur les 6 pays concernés,
01:34:58 et peut-être même pas leur capital.
01:35:00 Surtout, ne m'interrogez pas sur tous les noms des capitales de ces pays,
01:35:04 parce que je m'humilierai en public.
01:35:08 Et puis, il y a l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie,
01:35:12 c'est-à-dire des pays qui sont soit en guerre, soit de toute façon occupés par des forces étrangères,
01:35:18 c'est-à-dire la Russie.
01:35:20 Pour ce qui est de la Géorgie, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie,
01:35:23 les soldats russes ne se sont jamais retirés, contrairement aux promesses et aux traités,
01:35:30 aux accords internationaux signés par Poutine, c'était du temps de Nicolas Sarkozy.
01:35:35 Et puis, pour ce qui est de la Moldavie, il y a ce conflit digelé qui a repris de la transnitrie,
01:35:43 avec des russophones qui sont plutôt du côté de Poutine,
01:35:47 et un grave risque de déstabilisation de ce petit pays.
01:35:52 Donc, vous avez d'un côté des pays en guerre ou quasiment en guerre, occupés par des forces étrangères,
01:35:58 et de l'autre côté, vous avez les six Balkans occidentaux.
01:36:02 Sur les six pays et la Turquie, je suis assez critique de la démarche européenne qui a été extrêmement chaotique.
01:36:12 D'abord, on a accueilli la Slovénie, qui s'était un peu dégagée prématurément de la guerre de Yougoslavie,
01:36:22 on l'a accueilli en 2004.
01:36:24 Ensuite, et la France a beaucoup poussé, et moi j'y étais très favorable,
01:36:29 on a accueilli la Roumanie, qui ne faisait pas partie de l'ex-Yougoslavie,
01:36:33 et la Bulgarie, ce qui a été une très bonne chose,
01:36:36 même si ces pays, il faut l'avouer, n'étaient pas totalement prêts,
01:36:39 et d'ailleurs, on ne l'est peut-être pas nous-mêmes, Français, au moment de l'accession, quand on regarde nos comptes.
01:36:46 Et puis après, on a accueilli la Croatie.
01:36:49 Alors ça, ça a été, à mon avis, un tout petit peu hypocrite.
01:36:52 Pourquoi ? Parce que la Croatie avait rendu service au tribunal pénal de l'ex-Yougoslavie,
01:37:00 qui avait été formé pour juger essentiellement Milosevic.
01:37:03 Ils ont livré un général, monsieur Gotovina, qui a été condamné par le tribunal à 24 ans de prison,
01:37:10 et puis ensuite, les Américains ont sifflé la fin de la récré,
01:37:14 comme ils l'ont fait d'ailleurs après la guerre, il faut le dire, la dernière guerre mondiale,
01:37:20 et monsieur Gotovina, un an plus tard, a été acquitté.
01:37:23 Mais enfin, la Croatie était rentrée en Europe.
01:37:25 Et on a laissé la Serbie.
01:37:27 Alors je ne défends pas la Serbie d'aujourd'hui.
01:37:30 J'ai assisté à l'enterrement du Premier ministre, très europhile, en 2003, qui a été assassiné à l'époque.
01:37:37 La Serbie est devenue un État ultra-nationaliste.
01:37:40 Mais quand même, on l'a totalement exclu du processus, parce qu'il devenait nationaliste,
01:37:45 mais enfin, le nationalisme, il est présent dans tous nos États, y compris démocratiques,
01:37:49 et on a transformé la Serbie en farouche partisan de Poutine.
01:37:55 Donc je pense que l'ostracisme, et je pense un peu la même chose vis-à-vis de la Hongrie aujourd'hui,
01:38:02 d'où je reviens d'ailleurs, on ne peut pas ostraciser et donner des leçons à tous les pays,
01:38:06 si on pense que ces pays sont européens.
01:38:09 Il faut faire autrement.
01:38:10 Donc pour l'instant, l'adhésion de la Serbie, c'est un tout petit peu hypothétique, au moins dans le court terme.
01:38:18 Bon, après, il y a l'indépendance du Kosovo.
01:38:21 Je ne vais pas être seulement critique, parce que j'ai une vision très positive de l'élargissement,
01:38:25 mais enfin, le Kosovo, le Kosovo indépendant.
01:38:28 Monsieur George Bush nous a demandé de reconnaître l'indépendance du Kosovo,
01:38:33 pour éviter, soit disant, une guerre des Balkans.
01:38:36 Donc on a créé un État quasi-islamique, qui n'a aucun moyen de s'autogouverner,
01:38:42 et dont l'indépendance n'a pas été reconnue par cinq États membres de l'Union européenne.
01:38:49 Je ne vois absolument pas pourquoi on a déclaré l'indépendance du Kosovo.
01:38:54 Alors je sais que Wilson a fait pire après la guerre de 1914,
01:38:57 mais enfin, ça n'avait aucun sens, ça n'a toujours aucun sens,
01:39:01 et maintenant, c'est le problème qui est entre les mains de l'Europe, qui est très divisé à cet égard.
01:39:07 La Bosnie, on en a parlé, c'était en fait l'Empire austro-hongrois pendant très longtemps.
01:39:12 C'est un pays aussi où l'islamisme radical est assez présent,
01:39:16 et qui est composé d'ailleurs d'un patchwork de populations, comme tous les autres pays.
01:39:20 Et puis il y a l'Albanie, qui est sortie du communisme d'un régime très autoritaire,
01:39:26 qui est aussi un patchwork de populations, mais qui a fait quand même des pas extrêmement importants.
01:39:33 Donc pour conclure, je considère que ça suffit maintenant,
01:39:39 en dehors du Kosovo et de la Surbie, qui pour des raisons différentes ne sont sans doute pas prêts,
01:39:44 ou pas acceptables pour le Kosovo, parce qu'on ne voit pas comment les 5 États qui ne reconnaissent pas l'État du Kosovo
01:39:49 vont l'accueillir au sein de l'Europe.
01:39:52 Je considère que ça suffit, et que les gens ont attendu 20 ans,
01:39:55 et il faut maintenant relancer le processus et les accueillir,
01:39:59 même s'ils ne sont pas totalement prêts, puisque aucun pays n'est totalement prêt,
01:40:04 et on n'est jamais sûr d'ailleurs qu'un pays démocratique, même un pays fondateur,
01:40:08 ne revienne pas en arrière à un régime autoritaire, voire davantage.
01:40:14 Donc sur ce point, je crois que la révision de tous doit être faite,
01:40:20 et moi ce que je souhaite c'est qu'il y ait beaucoup de relations entre les universités de ces pays et nous.
01:40:25 En franco-allemand, puisqu'on a cet office franco-européen de la jeunesse,
01:40:30 qui est très bien, qui a été un grand espoir, qui a très bien fonctionné,
01:40:35 qui a été un peu mis en sommeil, et je trouve que ce serait une très bonne chose
01:40:38 de reprendre des relations de cet office, qui a d'ailleurs élargi un peu son champ de vision géographique,
01:40:46 pour que les jeunes se rencontrent, faire une sorte d'érasmus
01:40:50 entre l'office franco-européen de la jeunesse et les pays accédants.
01:40:54 Alors je mets de côté la Turquie, moi quand j'étais au gouvernement,
01:40:58 le président Chirac poussait beaucoup à l'accession de la Turquie,
01:41:01 pour des raisons purement inavouables, et que je dirais quand même,
01:41:05 je pense que c'est un pays qui est très fortement influencé par les frères musulmans,
01:41:09 on n'est quand même pas prêt à accueillir ce régime,
01:41:13 puisque monsieur Erdogan a quand même un régime qui est très très autoritaire,
01:41:18 et très, pas théocratique, mais enfin il a renoncé complètement à la laïcité qui figurait dans sa constitution,
01:41:26 et d'autre part, comme on le voit à l'OTAN, dont la Turquie est membre depuis 1949,
01:41:31 ils sont extrêmement ambivalents, puisqu'ils viennent d'acheter des armes à la Russie,
01:41:35 et ils sont membres de l'OTAN, donc je crois que la Russie, qui ne souhaite plus d'ailleurs rejoindre l'Europe,
01:41:41 qui a totalement instrumentalisé de l'Europe pour solder la laïcité,
01:41:46 et solder son armée, pour prendre le pouvoir,
01:41:51 je pense qu'il faut oublier pour l'instant, enfin c'est mon avis, et je suis d'accord à 100% avec moi-même,
01:41:57 il faut oublier la Turquie.
01:42:01 En revanche, l'Ukraine, oui, dans les conditions qui ont été dites, avec le préalable, d'aider l'Ukraine,
01:42:07 alors l'Allemagne est le troisième ou le deuxième apporteur d'armes en Ukraine,
01:42:15 je pense que la Suisse devrait lever ses réserves,
01:42:18 et je pense que la France devrait aussi, puisqu'elle a une industrie de la défense extrêmement forte,
01:42:23 elle devrait aussi constituer des stocks, ce qui serait une bonne chose pour nous,
01:42:27 pour notre commerce international, et qui serait une bonne chose pour nous,
01:42:31 pour la sécurité européenne, et donc française.
01:42:34 Alors après les craintes, je vais être très bref, parce que je voudrais parler des craintes actuelles,
01:42:40 vis-à-vis d'un autre élargissement, mais qui sont surmontables,
01:42:44 je vais être très bref, et puis ensuite je viendrai plutôt aux anciennements globaux,
01:42:49 et pour la France, de l'élargissement qui vient d'être relancé l'an dernier.
01:42:54 Alors les craintes, on les connaît, l'agriculture et l'Ukraine, mais ça c'est gérable,
01:42:58 et d'ailleurs, élargissement ou pas élargissement, il y a des mesures qui sont prises,
01:43:02 au moment où la France vit une crise agricole très profonde,
01:43:06 il y a les différences culturelles et religieuses,
01:43:09 nous nous sommes un Etat laïque, d'autres Etats ne le sont pas,
01:43:14 et il faudra vivre une Europe avec une coexistence des religions,
01:43:19 c'est pourquoi moi je suis très favorable à la laïcité,
01:43:22 et je suis une repentie en ce qui concerne le refus d'introduire dans la charte des droits fondamentaux
01:43:32 les racines judéo-chrétiennes,
01:43:34 et aussi je suis un tout petit peu une repentie pour ce qui est, je dirais,
01:43:40 les raisons tout à l'heure de l'intégration de la charte,
01:43:43 j'étais enthousiaste au moment de l'intégration de la charte dans le traité,
01:43:49 et je ne le suis plus du tout, et je pense que ça a à voir aussi avec l'élargissement,
01:43:53 je vous dirai pourquoi.
01:43:55 Après, la question institutionnelle, oui, d'accord, l'Europe ne fonctionne pas très bien,
01:44:00 mais finalement elle fonctionne plutôt pas trop mal,
01:44:03 il faut oublier, me semble-t-il, j'ai un tout petit nuance d'opinion,
01:44:08 mais c'est normal puisqu'on est dans une démocratie avec mon ami Alain Lamassoure,
01:44:13 je pense qu'il faut oublier un traité,
01:44:15 franchement la France dirait non,
01:44:17 les référendums qui ne sont pas obligatoires, contrairement à l'Irlande par exemple,
01:44:21 pour ratifier des traités européens, en France ça ne marche pas,
01:44:25 les référendums ça marche pas.
01:44:27 On a initié la communauté européenne de défense,
01:44:30 et ensuite on a voté contre,
01:44:32 on a initié le traité avec l'Allemagne constitutionnelle européenne,
01:44:37 et après on a voté contre,
01:44:39 donc on trahit notre parole,
01:44:41 et par conséquent le référendum, en France, n'y est,
01:44:44 comme dirait notre voisin, ça ne marche pas.
01:44:47 Merci madame la ministre,
01:44:51 vous avez encore quelques éléments à apporter ?
01:44:54 Je voulais simplement dire deux points,
01:44:58 premièrement je pense que le mécanisme d'adhésion,
01:45:01 qui est un mécanisme de "state building",
01:45:04 c'est à dire on aide les pays à construire un état,
01:45:06 moi je pense que ça marche quand même très bien,
01:45:09 je pense que c'est une formation extraordinaire pour les administrations concernées,
01:45:13 et je ne me fais aucun souci sur la capacité,
01:45:16 même de la Bosnie, de s'adapter à ce nouveau cadre étatique,
01:45:21 même si elle ne sera pas tout à fait prête,
01:45:23 mais elle continuera sa préparation et son acculturation au sein de l'Europe.
01:45:27 Et ensuite, je finirai sur les changements,
01:45:30 je salue monsieur le président du Sénat,
01:45:33 qui nous fait l'honneur, le très grand honneur d'être parmi nous,
01:45:36 je voudrais juste dire un mot pour finir sur la France.
01:45:39 La France doit se réapproprier le sujet européen,
01:45:45 la classe politique française, dans ce contexte d'euroscepticisme,
01:45:50 doit se réapproprier l'Europe qu'elle a construite, qu'elle a voulu,
01:45:55 sans la France, l'Europe n'existerait pas.
01:45:57 Or, nous avons un système politique qui est totalement antinomique,
01:46:00 l'Europe est fédérale, nous ne le sommes pas,
01:46:03 l'Europe est fondée sur un système quasi parlementaire,
01:46:07 nous l'avons, mais nous ne l'avons pas comparativement aux autres Etats européens.
01:46:13 L'Europe, c'est le compromis, des compromis un peu, disons, bancaux,
01:46:18 et nous, on est un peu dans le conflictuel permanent.
01:46:22 L'Europe, c'est le libéralisme économique, on ne l'a toujours pas digéré,
01:46:26 nous sommes plus étatistes que véritablement libéraux,
01:46:29 et enfin, l'Europe ne connaît pas la laïcité,
01:46:33 et connaît, au contraire, le concept de minorité ethnique ou religieuse,
01:46:37 qui est totalement étranger à notre culture.
01:46:39 Et ce que je veux dire en terminant, c'est que c'est en comprenant
01:46:44 les pays qui vont devenir nos voisins ou qui le sont déjà aujourd'hui,
01:46:48 c'est en allant vers eux, en mettant de côté une certaine arrogance
01:46:53 que nos gouvernants ont parfois, en développant d'ailleurs la diplomatie parlementaire,
01:46:58 qui est une façon de nouer des liens entre sociétés civiles,
01:47:02 en dehors de tout impérium français.
01:47:05 Je pense que la France a une carte formidable à jouer,
01:47:09 elle a construit l'Europe, et elle doit refuser un certain déclin
01:47:14 de son influence au niveau de l'Europe,
01:47:16 parce que l'Europe ne se fera pas non plus sans la France.
01:47:19 Et donc, il faut gagner une guerre, il faut que la France se retrouve en Europe
01:47:23 et soit leader et pilote, je crois encore en franco-allemand,
01:47:27 pour accompagner ce futur élargissement,
01:47:31 et enfin, je dirais que tout ceci ne doit pas se faire
01:47:35 au détriment de notre identité nationale,
01:47:37 et on est ici, au cœur de notre identité nationale,
01:47:40 et on ne la perdra jamais.
01:47:42 Merci.
01:47:43 [Applaudissements]
01:47:47 Alors bien sûr, accueillons le président du Sénat,
01:47:50 mais néanmoins, je voudrais quand même laisser un petit peu la parole à la salle.
01:47:53 Martha Tsidrak va demander la parole.
01:47:56 Merci Président, et merci à nos intervenants, c'était passionnant.
01:48:00 J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt toutes les interventions depuis ce matin,
01:48:04 mais il me manque une dimension, et j'aurais souhaité vous poser la question
01:48:09 sur le volet démographique de ce que nous vivons aujourd'hui,
01:48:13 puisque autour de l'élargissement, Madame Lenoir, vous l'avez rappelé,
01:48:17 on parle aussi de nouveaux européens qui viendraient nous rejoindre.
01:48:22 Effectivement, si on raisonne les Balkans, on est autour de 18 millions d'habitants.
01:48:26 Si on inclut à ce chiffre-là l'Ukraine et la Moldavie,
01:48:30 on arrive à peu près à 65 millions d'habitants.
01:48:33 Le Brexit, des 67 européens qui nous ont quittés.
01:48:36 Donc il y a une masse démographique à laquelle il faut que nous soyons également sensibles,
01:48:41 d'autant plus que cette masse démographique en puissance économique,
01:48:45 ça représenterait l'équivalent de 10% de ce qu'était la puissance économique britannique
01:48:52 du Royaume lorsqu'ils nous ont quittés.
01:48:55 Mais au-delà de ça aussi, nous sortons d'un moment qui n'est pas tout à fait neutre,
01:49:00 c'est celui de la réélection de Poutine.
01:49:03 Et Poutine, parce qu'on part de la Russie, mais en réalité c'est surtout Poutine qui nous fait peur.
01:49:10 Moi je pense qu'il a entraîné la Russie dans quelque chose qui est inacceptable et innommable aujourd'hui,
01:49:17 cette guerre vis-à-vis de l'Ukraine.
01:49:19 Il faut que nous soyons parfaitement solidaires là-dessus.
01:49:22 Mais quand on regarde en réalité les États qui l'ont félicité,
01:49:27 les États qui se sont abstenus et les États qui l'ont critiqué.
01:49:31 Et si on regarde la masse démographique de ce que cela représente sur notre planète,
01:49:37 on voit qu'en réalité les États qui le critiquent, nous ne pesons qu'à peu près 16% de la population mondiale.
01:49:44 Donc je pense que moi ça m'interroge quand même un petit peu.
01:49:48 Bien évidemment si on met en balance cela avec ce que cela représente ces 16% en termes de PIB,
01:49:55 on voit qu'en fait on est quand même dans les 60% du PIB.
01:49:58 Ça pourrait nous rassurer.
01:50:00 Mais malgré tout cela suppose aussi des opinions, cela suppose des individus,
01:50:06 cela suppose des humains qui peut-être ne partagent pas,
01:50:10 on a beaucoup parlé de valeur ce matin, ne partagent pas forcément notre vision du monde.
01:50:17 Et j'aurais souhaité vous entendre également là-dessus,
01:50:20 d'autant plus que là je reprends l'échelle des Balkans à proprement parler.
01:50:24 On voit que les Balkans quand même se dépeuplent un petit peu,
01:50:27 on perd de la population parce que autant nous avions à un moment donné des départs des pays des Balkans
01:50:32 vers d'autres pays, de leur jeunesse notamment, qui revenaient.
01:50:36 Aujourd'hui on est dans un phénomène où ces jeunes s'implantent ailleurs et ne reviennent plus.
01:50:41 Donc je voulais vous poser la question, ce n'est pas simple,
01:50:45 mais au regard démographique et au regard de ce qui se passe,
01:50:49 parce qu'avec la guerre en Ukraine, ça nous interroge beaucoup,
01:50:53 comment voyez-vous vous les choses ? Je vous remercie.
01:50:57 Vous pouvez le faire à deux voix.
01:51:00 Alors, il y a le problème démographique, je pense, je suis un petit peu peut-être moins craintive,
01:51:08 alors si j'ai bien compris votre question qui est très intéressante,
01:51:11 je pense que 500 et quelques millions d'habitants, évidemment face à l'Inde ou à la Chine c'est peu,
01:51:17 mais c'est quand même une force démographique quand on voit que les Américains sont beaucoup moins
01:51:22 et les Russes ont une capacité de nuisance qui est décuplée par rapport à leur démographie et leur déclin démographique.
01:51:30 Moi je suis plutôt, alors peut-être parler d'un sujet un tout petit peu politiquement non correct,
01:51:36 mais le Sénat est aussi un lieu d'expression, je pense que la désagrégation de l'Europe,
01:51:41 elle viendra de l'absence de la maîtrise des flux migratoires,
01:51:45 plus que de la démographie insuffisante, je pense que l'Europe c'est un ensemble démocratique,
01:51:58 et donc ce sont des règles communes, et c'est nécessairement des règles communes
01:52:02 qui doivent transcender les différences nationales, les différences religieuses et les différences ethniques.
01:52:09 Et je pense que l'élargissement, qui peut être une aubaine, ou au contraire défavorable,
01:52:16 puisqu'on aura des frontières avec la Russie, directe, enfin on les a déjà, mais on va en avoir beaucoup plus,
01:52:23 avec l'Ukraine, je pense que l'Europe ne peut pas être le continent
01:52:28 où on vient chercher absolument le bonheur sans aucun moyen de s'intégrer.
01:52:33 Et au-delà, je pense que le mirage d'eux, on a besoin d'énormément d'apports extérieurs
01:52:41 pour maintenir notre force dans le monde, je pense que la force c'est d'abord l'armée,
01:52:47 et la capacité de mobiliser son armée, et je pense que c'est aussi le niveau technologique
01:52:56 et une certaine forme d'indépendance technologique qu'on s'arroge.
01:53:00 Et à cet égard, plus que la démographie, c'est ça qui fera notre force. Voilà. Je pense.
01:53:06 Oui, deux choses. C'est une excellente question, madame la sénatrice.
01:53:14 Deux choses. Un, les valeurs que nous pratiquons, que nous avons inscrites dans la charte des droits fondamentaux,
01:53:23 sont les valeurs universelles.
01:53:26 Elles figurent à la charte de l'ONU. Les 193 États qui existent aujourd'hui sur la planète
01:53:34 ont tous signé et ratifié la charte de l'ONU.
01:53:39 Alors, des pays tels que la Chine, telle que la Russie, telle que la Turquie,
01:53:45 de temps en temps disent "oui mais ça c'est les valeurs occidentales, c'est pas les nôtres",
01:53:49 mais ils ne proposent pas d'autres modèles.
01:53:53 Et personne ne rêve en dehors de la Turquie d'être turc.
01:53:57 Personne ne rêve en dehors de la Russie d'être russe.
01:53:59 Alors que pendant la guerre froide, il y avait une forte proportion de français
01:54:03 qui rêvaient d'être soumis à un régime aussi favorable que celui de l'Union soviétique.
01:54:09 Donc, soyons fiers de nos valeurs universelles.
01:54:15 Ce sont les seuls qui peuvent être acceptés, pas forcément par les gouvernements de pays tyranniques,
01:54:21 mais par les 8 milliards de personnes sur la planète.
01:54:25 Sur la démographie, et là je m'adresse plus particulièrement aux jeunes,
01:54:29 parce que ça sera votre grand défi.
01:54:33 Sur le long terme, le problème ce n'est pas du tout la Russie,
01:54:36 qui démographiquement est un pays en voie de disparition,
01:54:40 comme d'ailleurs la Chine, un peu plus tard.
01:54:45 Sur le long terme, la deuxième moitié du XXe siècle,
01:54:48 la démographie, elle sera en Inde et en Afrique.
01:54:52 Quand mon père est né, un être humain sur 5 était européen.
01:55:00 L'Europe était extraordinairement peuplée, relativement.
01:55:03 Un être humain sur 20 était africain.
01:55:07 Et selon les mœurs de l'époque, l'Europe a colonisé l'Afrique,
01:55:12 en trouvant ça tout à fait normal.
01:55:15 Quand mon fils est né, aura l'âge que j'ai aujourd'hui,
01:55:20 il a 25 ans de moins que moi,
01:55:23 un être humain sur 5 sera africain,
01:55:26 un être humain sur 20 sera européen.
01:55:31 Ce qui veut dire que pour éviter le risque qu'à juste titre évoque Noël Lenoir,
01:55:38 la responsabilité de votre génération sera de faire preuve d'autant d'imagination
01:55:45 et d'autant de courage politique qu'en ont eu les pères fondateurs
01:55:50 pour réconcilier les pays européens dans l'Union Européenne.
01:55:53 La grande tâche de votre génération sera de concevoir avec les Africains
01:55:58 un mode de coopération, une charte de vie en commun,
01:56:04 un système politique dans lequel nous pourrons nous apporter
01:56:09 la sagesse du vieux continent,
01:56:12 notre art de défendre des valeurs universelles,
01:56:16 notre système juridique,
01:56:18 notre art de réconcilier des peuples qui étaient irréconciliables
01:56:22 et dans lequel eux apporteront leur jeunesse, leur créativité,
01:56:26 leur inventivité,
01:56:29 en évitant bien entendu, ou en limitant les inconvénients que ces relations comporteront.
01:56:37 Monsieur l'ambassadeur Bitalish.
01:56:40 Merci monsieur le Président.
01:56:43 Deux remarques, une remarque et une question.
01:56:46 La remarque, ce sont les valeurs universelles,
01:56:53 cher Alain,
01:56:56 lorsqu'on examine cet aspect de manière plus profondément,
01:57:01 l'on constate qu'en réalité, nous avons différentes valeurs
01:57:07 et différentes compréhensions de ces valeurs en Europe.
01:57:13 Et Noël a mentionné l'aspect de la laïcité.
01:57:20 Or, je me demande, et elle a mentionné les frères musulmans en Turquie,
01:57:26 mais on a un phénomène de ce genre même en France,
01:57:31 où on sous-estime, pour moi, cet aspect.
01:57:35 Et je me demande toujours, quel est le bon régime pour nous tous ?
01:57:41 Voilà, c'est la fin de cette émission.
01:57:43 Merci à vous d'avoir suivi.
01:57:45 N'hésitez pas à voir les replays, à lire les décryptages sur notre site cpublicsenat.fr.
01:57:49 Très belle suite des programmes sur Public Sénat.
01:57:52 [Musique]