Tunisie _ Entre misère et dictature, le grand retour en arrière

  • il y a 6 mois
Treize ans après le Printemps arabe, après une décennie d'instabilité politique, une vague d'attentats terroristes et une crise économique sans précédent, la Tunisie se dirige tout droit vers la dictature. A part une minorité de privilégiés, la crise économique n'épargne personne.
Transcript
00:00 Au sud de la mer Méditerranée, la Tunisie.
00:04 C'est le plus petit pays du Maghreb, avec 12 millions d'habitants.
00:08 A l'origine, en 2011, d'une onde de choc planétaire.
00:13 - Des milliers de Tunisiens manifestent en ce moment devant le ministère de l'Intérieur à Tunis.
00:19 - Un événement extraordinaire a eu lieu en Tunisie.
00:23 Un acte d'un courage inouï.
00:26 Le soulèvement d'un peuple qui étouffe depuis des décennies
00:30 et qui veut faire tomber son dictateur pour goûter à la liberté.
00:34 - Je suis présent à ces derniers jours de Bénali.
00:38 Le 14 janvier 2011, après des semaines d'une mobilisation historique et une répression sanglante,
00:45 le dictateur prend la fuite.
00:47 - Le président Bénali vient de quitter le pouvoir.
00:51 C'est la fin de 23 ans d'un règne sans partage.
00:56 Nous sommes retournés 13 ans plus tard dans le pays.
01:00 - En Tunisie, il y a les riches au-dessus et les pauvres en bas.
01:04 Il n'y a plus de classe moyenne.
01:06 Et la révolution n'a fait qu'empirer les choses.
01:09 Dans toutes les strates de la société, la déception est immense.
01:14 Le pays est rongé par une crise économique sans précédent.
01:19 Ce café, il est devenu quasiment introuvable.
01:23 4 jeunes sur 10 sont au chômage.
01:27 - Je veux quitter le pays, moi aussi. Je veux tenter ma chance.
01:32 En 2019, le peuple a cru remettre son destin entre les mains d'un homme providentiel.
01:38 Qaïs Saïed, un président démocratiquement élu et qui se révèle être de plus en plus incontrôlable.
01:47 - Ce qui est en train de se passer, c'est que les gens sont en train de se faire enlever.
01:52 C'est quelque chose d'inimaginable.
01:55 Nous sommes allés à la rencontre des opposants politiques qui se réunissent dans la clandestinité.
02:00 - On était dans un processus vers la démocratie. Là, on est en plein transition totalitaire.
02:07 Bouc émissaire tout trouvé, les immigrants subsahariens en route vers l'Europe.
02:12 En Tunisie convergent toutes les misères du continent africain.
02:16 - Regarde, à droite, là, c'est plein de monde.
02:19 Avec le grand nombre de migrants, on n'est pas en sécurité.
02:23 Certains habitants ici parlent de colonisation.
02:26 - On va pas les laisser s'installer ici.
02:29 Le pays part à la dérive.
02:32 Ce que craignent les Tunisiens aujourd'hui, c'est un retour à la casse-dictature.
02:48 La Médina et ses ruelles sinueuses sont l'un des joyaux touristiques de la capitale tunisienne.
02:55 Construite au 7e siècle, cette merveille d'architecture abrite le souk.
03:04 Longtemps, les touristes s'y bousculaient à la recherche de couleurs locales et de bonnes affaires.
03:12 Aujourd'hui, les vacanciers sont moins nombreux et les commerçants sont les premiers à en faire les frais.
03:20 - A l'époque, cette rue-là, il y avait plein d'artisans.
03:24 Des cordonniers, des souliers, des sandales, tout, tout, hein.
03:29 Maintenant, c'est fermé. Maintenant, ça reste 2 ou 3 personnes.
03:33 - Et pourquoi ils sont fermés, moi, ouais ?
03:35 - Ils sont fermés, ça, c'est... Ils n'ont pas de travail. Pas de travail. Pas de travail.
03:42 - Tu peux me donner un peu de colle ?
03:46 Mohamed El-Sessi, 68 ans, est le dernier relieur de livres de la Médina.
03:53 - Je vais faire la couverture.
03:57 - C'est un passion, c'est une habitude. Je l'ai fait... Je travaille pendant 48 ans dans ce métier-là. Je veux pas faire autre chose.
04:10 Quand Mohamed monte son commerce dans les années 70, le contexte était alors propice.
04:16 La Tunisie s'ouvrait au tourisme et aux devises étrangères, jusqu'à devenir au milieu des années 2000 la destination préférée des Français.
04:27 - A l'époque, j'ai travaillé avec 5 personnes, 6 personnes avec moi.
04:34 Maintenant, j'ai une seule. Maintenant, on ne peut pas faire des économies, vous voyez ? On vit de jour au l'autre, c'est tout.
04:44 Les malheurs s'accumulent pour Mohamed.
04:49 Après la chute du tourisme, l'artisan doit maintenant faire face à l'envolée du prix de ses matériaux.
04:59 - Un paquet comme ça de 10 pots du chevreux tunisien, ça vaut maintenant à peu près 250 dinars.
05:09 75 euros les 10 pots, c'est 2 fois plus qu'il y a 5 ans.
05:16 Le carton, on l'achète maintenant presque le double du prix. Même le fil, le fil est augmenté.
05:26 C'est augmenté à presque 40%, de ce prix.
05:32 Et on a l'électricité qui est augmentée, l'eau qui est augmentée, le téléphone, tout.
05:40 Et maintenant, le téléphone portable, vous voyez ? Espérons bien qu'après, on verra des moments plus intéressants.
05:51 L'inflation sévit en Tunisie plus qu'ailleurs, car le pays importe toute son énergie et ses matières premières.
06:05 - Regarde-moi ça, ces gens qui font la queue le matin pour acheter du lait et du sucre.
06:10 La hausse récente des cours mondiaux a plongé de plus en plus de Tunisiens dans la misère.
06:17 - Il y a au moins 500 personnes.
06:20 Ils subissent maintenant des pénuries sur ces produits de base qui viennent de l'étranger.
06:26 Le blé, le sucre, le café.
06:29 Ici, on les voit se bousculer pour quelques briques de lait.
06:34 - C'est pas bon, là.
06:36 Au marché, les produits locaux n'échappent pas à cette flambée des prix.
06:45 Plus 18,5% pour les légumes l'an dernier.
06:50 Les viandes, les poissons sont devenus inaccessibles pour l'essentiel de la population.
06:59 Sur les pancartes, les prix sont à peine inférieurs à ceux pratiqués en France.
07:03 Sauf que les salaires, eux, sont bien plus bas.
07:07 Un Tunisien gagne en moyenne entre 250 et 300 euros par mois.
07:13 C'est le cas de Slim.
07:19 A 43 ans, il est agent de sécurité dans un grand hôtel du littoral.
07:26 Il travaille 50 heures par semaine pour seulement 260 euros par mois.
07:32 Slim habite dans la banlieue de Nabeul, une ville d'ortoire où logent beaucoup de ces petites mains du tourisme.
07:41 - Salut, ça va ? - Oui, ça va, merci.
07:55 Il vit avec sa femme Nawel dans ce petit 2 pièces.
07:59 - Qu'est-ce que tu as préparé ? Ah, des briques.
08:03 Nawel est sans emploi. Cela fait 6 mois qu'elle cherche du travail.
08:14 Après avoir payé le loyer, il reste au couple en moyenne 150 euros pour vivre par mois.
08:23 Et leur pouvoir d'achat est en chute libre.
08:26 Le concentré de tomates, c'est 2 euros la boîte.
08:49 Alors qu'avant, elle coûtait un tout petit peu plus qu'un euro.
08:53 Ça aussi, ça a plus que doublé.
08:56 - Avant, quand je faisais les courses avec 3 euros, j'arrivais à acheter tout un tas de fruits et de légumes.
09:04 Et il me restait même de la monnaie.
09:06 Maintenant, je n'achète plus que des produits de première nécessité.
09:11 Depuis quelques années, le couple vit dans l'angoisse du lendemain.
09:18 - Heureusement que la propriétaire du logement est compréhensive.
09:22 Elle me donne parfois un délai de quelques jours pour payer le loyer.
09:26 Slim n'est pourtant pas le plus à plaindre en Tunisie.
09:35 Il nous emmène dans sa région natale.
09:41 Un bassin minier sur le dégât de la terre.
09:46 Un bassin minier sur le déclin, en plein centre du pays.
09:49 - Ici, les gens souffrent.
09:54 Ils n'ont pas de quoi se nourrir.
09:56 Alors qu'au nord, sur la côte, il y a la mer, les usines.
10:02 Il y a beaucoup plus de chances de trouver un travail.
10:04 Tandis qu'au sud, ce n'est pas du tout le cas.
10:14 Slim est né à Gassa, une ville de 100 000 habitants parmi les plus pauvres.
10:19 - Salut, comment ça va, cousin ?
10:25 Il nous présente son cousin Mounir, qui tient un petit garage dans le centre.
10:30 - Tu sais, j'aime bien passer à l'improviste.
10:35 - Tu travailles sur quoi ? C'est une pièce de moteur, ça ?
10:42 Le quotidien de Mounir, c'est le système D.
10:45 Pour remettre en état cette bobine d'allumage,
10:49 il tente de récupérer du cuivre sur cette vieille turbine.
10:53 - Ma situation n'est vraiment pas enviable.
11:02 Mon activité tourne au ralenti.
11:04 J'ai investi beaucoup d'argent personnel dans cet atelier,
11:07 et je ne fais pas de profit.
11:10 Avant, on travaillait moitié moins et on gagnait mieux notre vie.
11:14 Cet avant auquel Mounir fait référence,
11:21 c'est l'époque avant la révolution, sous le régime de Ben Ali.
11:25 Dans ces régions reculées de la Tunisie,
11:30 le parti du dictateur faisait tout pour maintenir la paix sociale.
11:35 Il multipliait les subventions
11:38 et facilitait l'accès au crédit pour les agriculteurs.
11:42 Ali Awini est un petit éleveur de vaches laitières.
11:56 Pris à la gorge, il a dû se séparer des 3/4 de son troupeau.
12:01 Et les 4 vaches qui lui restent sont bien maigres.
12:05 Leur rendement est famélique.
12:08 - Cette vache ne donne que 5 litres de lait,
12:14 et seulement une fois par jour.
12:16 Si elle avait assez à manger, je pourrais la traire matin et soir.
12:21 L'éleveur subit de plein fouet la hausse du cours des matières premières,
12:26 notamment à cause de la guerre en Ukraine,
12:29 d'où vient l'essentiel du foin apporté en Tunisie.
12:32 - Le prix du fourrage a explosé.
12:38 - De combien ?
12:40 - Avant, le ballon était à 2 euros.
12:42 Et maintenant, il coûte 6 euros, voire plus.
12:45 On souffre vraiment.
12:47 Et je ne vois pas d'issue.
12:49 Soit je vends mes vaches,
12:51 soit elles mourront les unes après les autres.
12:54 - Je ne peux pas les garder.
12:56 - Pourquoi ?
12:58 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:01 - Pourquoi ?
13:03 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:06 - Pourquoi ?
13:08 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:11 - Pourquoi ?
13:13 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:16 - Pourquoi ?
13:18 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:21 - Pourquoi ?
13:23 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:26 - Pourquoi ?
13:28 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:31 - Pourquoi ?
13:33 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:36 - Pourquoi ?
13:38 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:41 - Pourquoi ?
13:43 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:46 - Pourquoi ?
13:48 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:50 - Pourquoi ?
13:52 - Parce que je ne peux pas les garder.
13:55 - Pourquoi ?
13:57 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:00 - Pourquoi ?
14:02 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:05 - Pourquoi ?
14:07 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:10 - Pourquoi ?
14:12 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:15 - Pourquoi ?
14:17 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:19 - Pourquoi ?
14:21 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:24 - Pourquoi ?
14:26 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:29 - Pourquoi ?
14:31 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:34 - Pourquoi ?
14:36 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:39 - Pourquoi ?
14:41 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:44 - Pourquoi ?
14:46 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:48 - Pourquoi ?
14:50 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:53 - Pourquoi ?
14:55 - Parce que je ne peux pas les garder.
14:58 - Pourquoi ?
15:00 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:03 - Pourquoi ?
15:05 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:08 - Pourquoi ?
15:10 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:13 - Pourquoi ?
15:15 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:17 - Pourquoi ?
15:19 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:22 - Pourquoi ?
15:24 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:27 - Pourquoi ?
15:29 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:32 - Pourquoi ?
15:34 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:37 - Pourquoi ?
15:39 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:42 - Pourquoi ?
15:44 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:46 - Pourquoi ?
15:48 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:51 - Pourquoi ?
15:53 - Parce que je ne peux pas les garder.
15:56 - Pourquoi ?
15:58 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:01 - Pourquoi ?
16:03 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:06 - Pourquoi ?
16:08 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:11 - Pourquoi ?
16:13 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:15 - Pourquoi ?
16:17 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:20 - Pourquoi ?
16:22 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:25 - Pourquoi ?
16:27 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:30 - Pourquoi ?
16:32 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:35 - Pourquoi ?
16:37 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:40 - Pourquoi ?
16:42 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:44 - Pourquoi ?
16:46 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:49 - Pourquoi ?
16:51 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:54 - Pourquoi ?
16:56 - Parce que je ne peux pas les garder.
16:59 - Pourquoi ?
17:01 - Parce que je ne peux pas les garder.
17:04 - Pourquoi ?
17:06 - Parce que je ne peux pas les garder.
17:09 - Pourquoi ?
17:11 - Parce que je ne peux pas les garder.
17:13 Le 14 janvier 2011, Ben Ali prend la fuite après 23 ans au pouvoir.
17:19 C'est le début d'une nouvelle ère pour la Tunisie,
17:40 l'apprentissage de la démocratie.
17:43 Quelques mois après, en octobre 2011 sont organisées les premières élections libres.
17:49 C'est le parti islamiste Enarda qui remporte le scrutin.
17:54 Interdit sous Ben Ali, ses membres n'ont pas d'expérience du pouvoir
17:58 et peinent à répondre aux revendications économiques et sociales des citoyens tunisiens.
18:04 Empêtrés dans des crises internes, accusés de corruption,
18:08 forcés de s'allier avec d'autres partis, Enarda ne convainc pas.
18:13 - Il n'y a plus rien à espérer d'Enarda. Ils ont dévalisé le pays.
18:18 Slim fait partie de ces millions de Tunisiens qui ont été déçus.
18:25 - Pendant cette décennie noire après la révolution,
18:31 personnellement, je connais beaucoup de gens qui ont fait fortune grâce à la politique.
18:36 D'un coup, certains ont engrangé des sommes considérables.
18:40 Ils ont acheté des voitures, des maisons.
18:42 Cet argent, ils l'ont volé au peuple tunisien.
18:45 Le parti au pouvoir Enarda va commettre une autre erreur.
18:50 Faire preuve de laxisme face à la menace terroriste djihadiste.
18:55 En 2015, le pays est touché en plein cœur.
19:04 Le 18 mars, deux kamikazes affiliés à l'Etat islamique
19:08 font irruption dans le musée national du Bardo.
19:12 Ils tuent 22 personnes.
19:16 3 mois après, le 26 juin, un autre terroriste islamiste
19:23 abat froidement 39 touristes sur une plage de Sousse.
19:30 Ces attentats traumatisent les Tunisiens.
19:34 Alors qu'en 2019, un homme se présente aux élections
19:41 avec la promesse de restaurer la sécurité
19:44 et de faire le ménage dans la classe politique corrompue,
19:47 son message fait un carton.
19:53 Kay Sayed, 61 ans, est élu triomphalement avec 72% des voix.
19:59 Ancien professeur de droit, il est surnommé Robocop
20:05 pour sa diction martiale et la brutalité de ses propos.
20:09 - Nous allons débarrasser la Tunisie des lobbys
20:13 et de tous ces corrompus.
20:16 L'homme va se montrer complotiste et même antisémite.
20:20 Concernant la tempête d'Agnel,
20:23 est-ce qu'on sait vraiment poser la question sur l'origine de ce nom ?
20:27 Le mouvement sioniste s'est infiltré,
20:30 laissant les esprits et toute réflexion
20:33 dans un coma intellectuel total.
20:36 - Au quotidien, beaucoup de Tunisiens ne pensent qu'à une seule chose,
20:41 quitter leur pays.
20:44 Depuis 2011, 400 000 d'entre eux, surtout des jeunes,
20:49 ont fui de manière clandestine.
20:52 100 000 autres ont émigré légalement.
20:58 Des diplômés, des ingénieurs, des médecins,
21:01 une main-d'oeuvre très qualifiée, convoitée dans le monde entier
21:05 et qui manque cruellement à la Tunisie aujourd'hui.
21:09 Pour ceux qui ont choisi de rester,
21:16 chaque jour est un combat.
21:19 - S'il vous plaît, sur le tableau, il faut corriger.
21:25 "Marémontis" avec un O.
21:28 Avant de l'écrire, je vous l'ai déjà dit, regardez sur Google.
21:32 - Allez, bon travail. Merci.
21:36 - Il m'a dit "on vérifie toujours sur Google", sauf aujourd'hui, bien sûr.
21:42 - Mouna Ben Halima a fait le choix de vivre et travailler en Tunisie,
21:46 par patriotisme.
21:49 Elle a créé cet hôtel de luxe à Hammamet,
21:53 la Badira, une exception
21:56 dans un secteur touristique surtout tourné vers le low cost.
22:00 Son 5 étoiles affichent un taux de remplissage
22:06 de plus de 85 % pendant l'été.
22:09 130 chambres, des nuits à plus de 1 000 euros
22:12 pour ses suites les plus spacieuses.
22:15 L'établissement emploie 280 personnes.
22:20 - Bonjour, les bestes.
22:25 Depuis la piscine, les clients profitent
22:30 d'une vue exceptionnelle sur le golfe d'Hammamet
22:33 et ses grands complexes hôteliers.
22:38 Le tourisme représente 11 % du PIB de la Tunisie,
22:42 un secteur vital qui a encore du mal à se relever
22:45 des attentats islamistes de la dernière décennie.
22:48 Mouna s'en souvient.
22:53 Elle venait tout juste d'inaugurer son hôtel.
22:56 - On a ouvert en janvier 2015 et on a eu les attentats en mars 2015.
23:00 Donc c'était un bon cadeau de bienvenue dans le secteur pour l'hôtel.
23:06 - C'est de l'ironie. - Oui, bien sûr.
23:09 - Bonjour.
23:12 Le principal souci de la patronne depuis quelques années,
23:16 c'est de trouver du personnel qualifié.
23:19 - C'est à quelle heure le recrutement ?
23:23 - 11 h.
23:25 On a quelques postes vacants parce qu'on a beaucoup de départs
23:29 ces dernières années, malheureusement.
23:32 Donc des jeunes qui partent vers les pays du Golfe
23:36 ou qui partent chez vous en France.
23:38 - En forme. - En forme, en forme.
23:40 Et ils partent. - Bonjour.
23:42 Mouna cherche une responsable pour encadrer ses femmes de chambre.
23:47 Ce matin, elle reçoit cette candidate au profil prometteur.
23:51 - D'accord. Le 1er choix que vous avez mis sur la feuille d'orientation,
23:55 c'est quoi ? - Anglais.
23:57 - C'est vrai ? Anglais des affaires ?
23:59 - Dédé, 24 ans, maîtrise couramment 3 langues,
24:03 l'arabe, le français et l'anglais.
24:06 Elle a effectué sa formation dans l'une des meilleures écoles hôtelières du pays.
24:11 - Dans ma classe de master, on est seulement 3 à être restés en Tunisie.
24:18 Les autres ont quitté le pays.
24:21 - 3 sur combien de personnes ?
24:23 La promo, qu'est-ce que je fais ?
24:25 - 3 sur 18.
24:27 Les jeunes partent parce que...
24:30 Ils voient pas vraiment un avenir pour eux ici, pour l'instant.
24:34 C'est tout.
24:36 On espère que c'est provisoire, qu'ils vont revenir.
24:39 Ou que les jeunes, derrière eux, ne vont pas partir.
24:43 Bon, on va essayer.
24:45 Mais c'est difficile.
24:52 Difficile pour elle aussi de voir que la Tunisie ne fait plus rêver.
24:57 Elle, qui a tellement cru à l'espoir né lors de la Révolution.
25:01 - Celle-là, c'est le 1er anniversaire de la Révolution.
25:07 Donc c'est un an.
25:09 Mouna s'était énormément investie dans le processus démocratique en 2011.
25:14 En lançant notamment une initiative citoyenne,
25:19 un bus qui fait le tour du pays pendant plusieurs semaines
25:23 pour convaincre les Tunisiens d'aller voter.
25:26 - J'y ai cru. Je vivais avec.
25:30 Je dormais avec, je me réveillais avec.
25:32 Je mangeais plus pendant des semaines, pendant des mois, tellement...
25:36 Y avait autre chose de plus important que tout...
25:40 Que la vie quotidienne que je menais avant.
25:43 On pensait qu'on allait très vite pouvoir arriver à mettre en place
25:47 les institutions et la croissance économique
25:50 et l'amélioration de la situation sociale.
25:53 Mais on a échoué. On a échoué sur les 3 volets.
25:57 On a complètement échoué.
25:59 A la veu d'échec, succède désormais pour Mouna l'angoisse de l'avenir.
26:06 La cote d'alerte a été atteinte le 25 juillet 2021.
26:12 Ce jour-là, le chef de l'Etat fait une annonce fracassante.
26:17 - Ma 1re décision, c'est de suspendre les fonctions du Parlement.
26:25 La Constitution n'autorise pas sa dissolution,
26:31 mais elle permet de geler ses activités.
26:35 Plus de Parlement, Keïs Saïed limoge également son 1er ministre.
26:41 Et supprime le Conseil supérieur de la magistrature quelques mois plus tard.
26:46 La société tunisienne se fracture entre ses supporters
26:52 et ceux qui voient dans ce 25 juillet un coup d'Etat.
26:56 Saïed fait aussi rédiger une nouvelle Constitution sur mesure
27:04 qu'il soumet à référendum.
27:07 Le scrutin est massivement boycotté.
27:10 Seulement un Tunisien sur 4 approuve le texte.
27:14 Le 14 janvier 2022, lors du 11e anniversaire de la Révolution,
27:22 c'est à coup de matraques et de canons à eau que la foule est dispersée.
27:27 Du jamais vu depuis l'époque Ben Ali.
27:32 (Cris de la foule)
27:36 Ils sont encore quelques opposants, mais plus beaucoup,
27:56 à s'exprimer contre le pouvoir en place.
28:01 Et ce 13 octobre 2023, c'est à la nuit tombée
28:05 dans un petit appartement de la capitale tunisienne qu'ils se retrouvent.
28:09 Le rendez-vous a été fixé à la dernière minute, par précaution.
28:18 - Il y a trop de monde.
28:20 Dalila Mbarek est avocate.
28:23 Plusieurs fois arrêtée et interrogée par la police ces derniers mois,
28:27 elle se sait très surveillée par le régime.
28:30 - Ca nous replonge durement et profondément dans l'époque de Ben Ali
28:35 où toute opposition est muselée, toute opposition est harcelée.
28:40 On était dans un processus vers la démocratie,
28:44 une transition démocratique, là on est en plein transition totalitaire.
28:48 - Merci à tous d'être là.
28:51 Merci aux militants et représentants de tous les partis politiques.
28:57 Réunis ce soir-là, des cadres d'Enarda,
29:01 le parti islamiste au pouvoir après la Révolution.
29:04 Abdelatif Mekki a été ministre de la Santé entre 2011 et 2014.
29:10 Il y a aussi Samir Dilou, ancien ministre islamiste des droits de l'homme
29:17 et porte-parole du gouvernement tunisien entre 2011 et 2014.
29:23 - La question qu'on doit tous se poser, c'est comment on lutte contre Qaïs Saïd ?
29:28 Il ne faut pas le faire en rang dispersé.
29:31 Il y a aussi le fondateur du parti des démocrates progressistes,
29:36 Ahmed Nejib Chebbi, également ministre en 2011.
29:40 - Nos différences ne doivent pas nous déchirer.
29:45 Il faut qu'on garde espoir.
29:49 Pour l'avocate, c'est un petit exploit.
29:53 Ces hommes et ces femmes n'ont pas réussi à s'entendre pour gouverner
29:56 quand ils étaient au pouvoir.
29:58 Et aujourd'hui, ils se parlent.
30:01 - C'est difficile, c'est un accouchement très difficile.
30:07 Dépasser les conflits de 10 ans,
30:10 vous avez la droite et la gauche et les socialistes
30:13 et toute l'opposition qui est réunie.
30:16 C'est peut-être le premier débat depuis le 25 juillet.
30:19 Il y a un début de bilan et d'autocritique.
30:23 Pourquoi on en est là, aujourd'hui ?
30:26 Pourquoi on est arrivés au 25 juillet ?
30:29 Depuis le coup d'état du 25 juillet,
30:32 17 de leurs compagnons de lutte ont été arrêtés.
30:35 8 sont toujours en prison.
30:38 Au mur, leur portrait.
30:41 Celui du frère de Dalila, Jawahar Mbarek,
30:45 homme politique de centre-gauche, en prison depuis plus d'un an.
30:49 Ou celui d'Issam Chebbi, dont la femme est présente ce soir.
30:55 Faiza vit sans son mari depuis le mois de février 2023.
31:07 - Je vais faire des shawarmas.
31:13 J'ai préparé à manger pour Issam.
31:16 Il en aura pour une bonne partie de la semaine.
31:19 Pour vendredi, samedi, dimanche.
31:22 - Issam Chebbi était notaire
31:26 avant de s'engager il y a 20 ans au sein du courant centriste.
31:30 Il a toujours été un homme politique modéré.
31:34 - Ça, c'est une photo de lui dans les couloirs du Parlement.
31:40 Mais depuis le 25 juillet 2021,
31:43 il avait osé critiquer Kaye Sayed à plusieurs reprises et en public.
31:48 Notamment lors de cette émission de radio très populaire.
31:52 - Le président de la République est devenu un monarque tout puissant.
31:57 A un niveau jamais atteint, même sous Ben Ali.
32:01 Il a été arrêté un mois après ses propos.
32:10 - Issam et moi, nous nous rendions tous les deux au marché pour faire nos courses.
32:14 Ils nous ont arrêtés comme si nous étions des terroristes.
32:18 Il y avait tellement de voitures, de policiers.
32:21 Ils se sont emparés d'Issam par la force.
32:24 L'homme politique est immédiatement placé en détention
32:31 sans avoir le droit à un avocat.
32:34 Ce dont il est accusé, avoir fomenté un débat.
32:38 Avoir fomenté un complot contre la sûreté de l'Etat.
32:42 - Issam est en prison parce qu'il est opposant politique.
32:46 Quand j'ai entendu les charges qui pesaient contre lui,
32:49 j'ai trouvé ça ridicule.
32:51 Avoir fait la révolution pour ensuite être accusé de complot,
32:54 c'est n'importe quoi.
32:56 Une fois par semaine, Faiza a le droit de livrer des repas à son mari.
33:06 Son fils Nizar l'accompagne.
33:09 - On va remplacer cette carte d'accès à la prison.
33:14 Elle est usée. J'ai mis un bout de scotch pour qu'elle tienne.
33:18 Pour les proches, le temps est long.
33:21 Cela fait plus d'un an qu'Issam Chebbi est en prison
33:25 et aucune date de procès ne leur a été communiquée.
33:29 - Mon père a perdu beaucoup de poids.
33:31 Il nous a dit aussi que dans sa cellule, la lumière est toujours allumée.
33:35 C'est pour ça qu'il porte une casquette.
33:38 Il y a une caméra braquée sur lui 24 heures sur 24.
33:42 - Tu caches la caméra.
33:47 - On cache la caméra, c'est ça ?
33:49 - C'est interdit.
33:51 - C'est interdit de filmer ici.
33:54 Voilà, filmée discrètement, la prison de Monarguia,
34:01 la plus grande du pays.
34:04 Pour ceux dont il est accusé,
34:06 Issam Chebbi risque la peine de mort,
34:09 comme 8 autres prisonniers politiques en Tunisie.
34:13 A l'étranger, c'est un autre scandale qui a choqué.
34:26 Un message publié sur le compte Facebook de la présidence
34:30 le 21 février 2023, au contenu xénophobe et complotiste.
34:36 Le chef de l'Etat accuse des hordes de migrants clandestins
34:40 d'être à l'origine de violences, de crimes et d'actes inacceptables.
34:45 Sa cible, les 70 000 immigrants originaires d'Afrique subsaharienne
34:51 qui transitent chaque année par la Tunisie avant de rejoindre l'Europe.
34:58 Le lendemain, Keïs Saïed réitère ses accusations.
35:02 - Aujourd'hui, ils veulent changer la composition démographique de la Tunisie.
35:07 C'est un complot et ils sont payés pour ça.
35:10 Ce discours va mettre de l'huile sur le feu des tensions dans le pays.
35:16 Des violences éclatent quelques semaines plus tard à Sfax,
35:21 le grand port de départ des migrants vers l'Europe.
35:25 - Le soir du 3 juillet 2023, tout démarre avec une bagarre
35:29 dans la banlieue nord de la ville.
35:31 Au sol, un Tunisien vient d'être poignardé.
35:34 Il va mourir sur place.
35:36 - Ce sont des Africains qui ont fait le coup.
35:43 Il est en train de mourir.
35:45 C'est dramatique. J'en reviens pas.
35:48 - Je suis désolé.
35:51 C'est dramatique. J'en reviens pas.
35:54 La scène est diffusée en direct sur les réseaux sociaux.
35:57 Dans les minutes qui suivent,
35:59 les habitants du quartier se rassemblent autour du corps.
36:03 Ils sont très vite des centaines,
36:05 armés de bâtons, de barres de fer et de couteaux.
36:09 - On n'en peut plus.
36:14 Ils ne peuvent pas cohabiter avec nous.
36:17 On ne veut pas qu'ils vivent avec nous.
36:21 Ces habitants de Sfax se lancent en pleine nuit
36:24 dans une chasse aux immigrants africains.
36:27 Puis se mettent à chercher leur maison.
36:32 Et quand ils les trouvent, ils les encerclent.
36:35 La police laisse faire.
36:37 Pris au piège, les assiégés se barricadent chez eux.
36:43 Sur cette vidéo,
36:45 on les voit se réfugier sur le toit de leur immeuble.
36:48 Durant 4 jours, ces agressions anti-noirs continuent.
36:52 Selon la version officielle, elles feront 37 blessés.
36:56 La semaine suivante,
37:01 cette fois, ce sont les autorités qui sont à la manoeuvre.
37:05 La police et la garde nationale effectuent des rafles massives
37:09 dans ces mêmes quartiers de Sfax.
37:11 Les subsahariens sont entassés dans ces bus.
37:16 - Vous voyez ?
37:18 Voici la police qui est en train de prendre les Black.
37:21 Ils sont en train de les chasser.
37:23 - Le plan des autorités tunisiennes
37:26 serait de déporter les migrants très loin,
37:29 à des centaines de kilomètres,
37:31 pour les abandonner en plein désert,
37:34 aux frontières de l'Algérie et de la Libye.
37:37 ...
37:48 Ces images ont fait le tour du monde.
37:51 ...
37:59 D'après le décompte des ONG internationales,
38:02 il serait plus de 3 500,
38:05 parmi lesquels des femmes, des enfants,
38:08 à avoir vécu l'enfer.
38:10 27 d'entre eux, au minimum, ont péri dans cette tragédie.
38:14 ...
38:25 Beaucoup de Tunisiens ont été choqués.
38:28 Mais le sentiment anti-immigrés reste largement partagé.
38:32 ...
38:38 Ce matin, Zied Malouli se rend dans le village d'El Hamra,
38:42 à 30 kilomètres au nord de Sfax,
38:45 où des heures entre migrants et policiers ont eu lieu la veille.
38:49 ...
38:52 L'enseignant de 42 ans a monté un groupe Facebook
38:56 appelé "Nettoyons les trottoirs"
38:59 pour protéger ouvertement contre l'immigration clandestine.
39:02 Il est suivi par 215 000 abonnés.
39:05 - Voilà.
39:07 De l'autre côté, à droite aussi, ici, voilà, ils sont...
39:12 Ils cherchent de l'eau parce qu'il y a les puits.
39:15 Voilà, même de l'autre côté, il y a 6 ou 7 personnes.
39:18 Regarde, à droite, là, c'est plein de monde.
39:21 C'est un café pour les subsahariens.
39:24 - Zied Malouli soutient son président sur la question migratoire.
39:28 Selon lui, la Tunisie n'a pas les moyens de gérer un tel afflux.
39:32 - Voilà, partout, c'est partout.
39:35 Certains habitants ici parlent d'occupation, de colonisation.
39:40 Et les habitants, donc, souffrent de ça aussi.
39:45 Ils demandent à l'Etat d'intervenir au moins
39:48 pour protéger les familles qui sont là.
39:52 Voilà.
39:54 - Dis-moi, c'est comment, le climat, ici ?
39:56 - C'est invivable, c'est un peu inquiétant.
39:59 Quand on passe au magasin pour acheter des produits, on trouve rien.
40:05 - Et t'as été embêté par eux ?
40:07 - Ah non, moi...
40:09 Mais quand même, le climat général, c'est un climat, donc, inquiétant.
40:13 Voilà. Merci.
40:15 (en arabe)
40:17 - Indésirables partout, les migrants subsahariens
40:24 se regroupent dans ces plantations d'oliviers à la sortie des villes.
40:29 Ils seraient entre 7 000 et 12 000 à camper autour de ce fax.
40:34 Ils sont en majorité originaire d'Afrique francophone,
40:38 comme Kader, qui vient du Bénin.
40:41 - Voilà. Salut.
40:44 - Son objectif ? Rejoindre l'Europe au plus vite.
40:51 - Tu le vois, on est là, tu vois, là, en vue.
40:54 Acheter ça, c'est normal, tu regardes avec mes enfants.
40:57 Passe avec moi, viens là.
40:59 Ma maison, c'est là où je m'habite, quoi.
41:02 Ça, ça me fait très mal, ça touche le coeur.
41:05 Tu vois ? Faut regarder.
41:07 Tu vois ?
41:09 Tu vois ?
41:11 - Tout ça, là, bon, c'est pas normal pour un être humain, ça va pas.
41:15 - Ici, quand il pleut, tout le monde ne dort pas.
41:19 Les enfants aussi, ils font froid.
41:22 On a besoin de l'eau.
41:24 - Rien ne va ici. Y a rien de manger. Tout est grave ici.
41:27 - Y en a qui ont été emmenés dans le désert, parmi vous ?
41:30 - Dans le désert, on a trop souffri.
41:33 On a marché des kilomètres à pied.
41:37 Derrière, y a pas l'eau.
41:40 Devant, y a pas l'eau. Gauche, droite, y a pas l'eau.
41:43 - Des semaines qu'ils vivent ici,
41:45 et ils n'ont reçu aucune aide extérieure.
41:48 Les ONG, harcelées par le gouvernement, ont déserté la zone.
41:52 Et les migrants ont appris à se méfier de la population locale.
42:17 Ils se disent aussi persécutés par les forces de l'ordre.
42:21 Ces accusations sont graves,
42:35 mais aucune enquête n'a pu être menée,
42:37 ni par la justice, ni par les journalistes.
42:45 En Tunisie, ceux qui pourraient vérifier ces faits
42:48 subissent dorénavant des intimidations au quotidien.
42:52 En 2 ans, le pays a chuté de 48 places
42:55 au classement de la liberté de la presse,
42:58 publié par l'ONG Reporters sans frontières.
43:01 Bonjour à tous.
43:03 A 59 ans, Zied El Elni est l'une des plus grandes figures
43:07 du paysage médiatique tunisien.
43:11 Le journaliste n'a jamais fait la moindre concession.
43:15 Arrêté sous bénalip pour des articles jugés trop critiques,
43:19 le 14 janvier 2011, il essaie d'éclater sa joie.
43:23 Zied El Elni est aujourd'hui chroniqueur politique
43:33 dans cette émission de radio privée.
43:36 L'un des derniers a osé critiquer le virage opéré
43:39 par Kay Sayed ces 2 dernières années.
43:42 - Kay Sayed a d'abord bénéficié d'un grand soutien populaire.
43:46 Malheureusement, avec le coup d'Etat du 25 juillet 2021,
43:52 a démarré une véritable dérive vers l'autoritarisme.
43:56 - Nous sommes en face d'une dictature
44:00 qui est en train de s'installer,
44:03 une dictature qui est en train de faire taire tout le monde.
44:06 Nous sommes en train de combattre pour rester debout.
44:09 - Pourquoi c'est si important pour le pouvoir
44:12 de faire taire les voix discordantes ?
44:15 - On va vers des élections présidentielles en 2024.
44:18 Le seul moyen pour lui, pour garantir
44:21 que la voie d'accession soit libre,
44:24 c'est de faire taire toute voix qui est critique.
44:27 Il veut maintenant rester le plus long possible dans le pouvoir.
44:34 Une dérive autocratique qui lui rappelle
44:37 les années sombres de la dictature Ben Ali.
44:40 Rester 23 ans au pouvoir.
44:43 - Ce qui est en train de se passer,
44:48 c'est quelque chose d'inimaginable.
44:51 C'est quelque chose d'inimaginable.
44:53 - Kay Sayed.
44:55 C'est le pharaon qui règne
44:59 d'une façon absolue sur la Tunisie.
45:03 Coup de théâtre, 2 mois après notre tournage,
45:06 le journaliste tient des propos virulents
45:09 à l'encontre d'une ministre de Kay Sayed.
45:12 - Il nous faut quelqu'un de fiable à ce poste.
45:15 Si elle n'est pas à la hauteur, qu'on la remplace.
45:18 Elle est incompétente.
45:20 Il est arrêté le lendemain.
45:22 Le voici filmé, menotté à l'entrée du commissariat.
45:25 Après 48 heures de garde à vue,
45:30 Zia Delany sera condamné à 6 mois de prison avec sursis.
45:35 Signal que la liberté de la presse
45:40 est bel et bien en danger en Tunisie.
45:43 - T'en as combien, des pancartes ?
45:49 L'espoir de faire changer les choses,
45:52 c'est ce qui anime Wassim, jeune ingénieur de 26 ans.
45:57 - Mets un peu de colle, ici.
46:00 Militant dans un parti du courant démocrate,
46:03 il se prépare avec ses amis à aller manifester.
46:07 - Y a pas d'emploi, y a pas de liberté, y a pas d'unité.
46:14 Donc ce sont les 3 slogans de la révolution.
46:17 La révolution.
46:19 Wassim et ses amis n'y ont pas pris part, trop jeunes à l'époque.
46:23 Mais ils savent les risques pris par leurs aînés.
46:26 - Oui, oui.
46:28 - Si aujourd'hui, nous sommes là, c'est grâce à eux.
46:32 Rien que pouvoir se retrouver et préparer cette manifestation,
46:36 on le doit à ceux qui ont pris part à la révolution,
46:39 à ceux qui ont versé leur sang pour elle.
46:42 - La génération de la révolution tunisienne nous a montré la voie.
46:46 Nous continuons et nous continuerons à nous battre pour eux,
46:51 pour perpétuer leurs rêves.
46:55 - Nous sommes le 14 janvier 2024, 13 ans jour pour jour,
46:59 après que l'ancien dictateur Ben Ali a pris la fuite.
47:03 C'est l'un des rares rassemblements politiques
47:07 encore tolérés par le régime de Qaïs Saïd.
47:10 - Comme d'habitude, le police est toujours là
47:19 dans toutes les manifestations.
47:22 Et surtout après le 25 juillet 2021.
47:26 Sur l'artère principale de la ville, l'avenue Bourguiba,
47:31 ils ne sont que quelques centaines de manifestants,
47:35 divisés en 2 groupes bien distincts.
47:38 D'un côté, les militants et les figures emblématiques
47:42 du parti politique Enarda.
47:44 Ils avaient eu la confiance des Tunisiens
47:46 au lendemain de la révolution,
47:48 sans réussir à répondre à leurs attentes.
47:52 L'ancien ministre islamiste Samir Dilou
47:55 fait aujourd'hui son mea culpa.
47:58 - Est-ce que vous vous sentez un peu responsable ?
48:03 - Une grande part de responsabilité.
48:05 Parce que, quelque part, une révolution,
48:09 c'est un petit miracle.
48:11 Donc le fait de ne pas faire le nécessaire,
48:14 ça nous rend quelque part responsables,
48:18 et il faut l'avouer, toute la classe politique
48:21 qui a été amenée par la révolution tunisienne
48:25 n'a pas su faire le bon choix,
48:27 prendre les bonnes décisions.
48:29 C'est ce qui nous a amenés aujourd'hui
48:31 à cette situation calamiteuse.
48:33 De l'autre côté de l'avenue Bourguiba,
48:37 en face du théâtre national,
48:39 au lieu de la révolution,
48:41 les jeunes représentants du courant démocrate.
48:44 Une opposition dont les divisions
48:46 font le jeu d'un pouvoir qui s'exerce en solitaire.
48:49 Pendant notre tournage,
48:52 la présidence a refusé toutes nos demandes d'interview.
48:55 - Pour arriver à la démocratie,
48:57 il faut tout un parcours.
48:59 Il y a des hauts et des bas.
49:01 Aujourd'hui, peut-être, on est dans le bas,
49:03 mais demain, sûrement,
49:05 et avec beaucoup d'optimisme, je dis ça,
49:07 et avec beaucoup d'assurance,
49:09 demain, le futur sera démocratique.
49:11 - En tant que jeunes Tunisiens, Tunisiennes,
49:13 on nous rêve toujours d'avoir une Tunisie plus libre,
49:16 d'avoir toujours plus de prospérité,
49:18 d'égalité, d'équité et tout ça.
49:20 Garder l'espoir, garder l'optimisme,
49:25 ça doit être, en fait,
49:27 l'arme de toute personne
49:29 qui rêve d'un avenir meilleur.
49:31 - Autant que les matraques des policiers,
49:36 ces jeunes militants engagés en politique
49:39 redoutent l'immense résignation
49:41 qui guette le peuple tunisien.
49:43 Sous-titrage Société Radio-Canada
49:45 ...

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