• il y a 9 mois
Jacques Pessis reçoit Petula Clark : elle a débuté enfant pendant la guerre avant de mener une carrière internationale. A 91 ans, elle affiche une éternelle jeunesse et se raconte. Un rendez-vous exceptionnel.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-01-15##

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News
Transcription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06 Vous avez débuté votre carrière de l'autre côté de la Manche,
00:09 avant de traverser l'Atlantique, avec un long détour par la France.
00:13 Des vagues d'applaudissements vous ont accueillis tout au long d'une carrière unique
00:17 que je vais avoir le privilège d'évoquer aujourd'hui avec vous sur Sud Radio.
00:21 Bonjour Petitla Clark.
00:22 Bonjour, comment ça va ?
00:24 Très bien.
00:25 Ça fait un moment, on ne s'est pas vu.
00:26 Oui exactement, mais vous êtes toujours pimpante, joyeuse.
00:31 Je ne sais pas, mes cheveux ont poussé.
00:34 Qu'est-ce que vous pensez de ça ?
00:35 Ça vous va très bien.
00:36 Pas trop long ?
00:37 Non, non, ça va encore.
00:38 En tout cas, moi je ne peux pas parler de cheveux.
00:40 Alors, le principe des clés d'une vie, c'est d'évoquer votre parcours à travers des dates clés.
00:45 En plus, United Foundation a sorti Valentine Day Concert, Royal Albert Hall,
00:52 un concert extraordinaire qu'on va évoquer tout à l'heure qui s'est passé à Londres.
00:57 Mais encore une fois, on va évoquer votre carrière à travers des dates qui ont été importantes pour vous,
01:01 des dates clés.
01:02 Et la première que j'ai trouvée, Petitla Clark, c'est le 24 novembre 1958.
01:08 C'est votre première télé en France avec cette chanson.
01:11 Mon histoire, c'est l'histoire d'un amour.
01:19 Vous êtes à la télévision dans une émission qui s'appelle "La clé des chants"
01:23 et il y a Robert Hirsch face à vous, muet.
01:25 Vous vous en souvenez ?
01:26 Vaguement.
01:27 Vous savez, c'est loin tout ça.
01:30 C'est un petit peu, comment on dit ça, misty en français.
01:36 C'est loin.
01:38 Mais je me souviens de cette chanson.
01:41 Et cette chanson, en plus, ce qui est extraordinaire, c'est qu'on a toujours donné cette chanson à Dalida,
01:46 alors que vous l'avez créée avant vous.
01:48 Voilà, oui.
01:49 Dalida.
01:50 Parce que j'aimais bien cette fille.
01:52 Oui ?
01:53 Oui.
01:54 Mais finalement, les grandes chansons "Je pars", "L'histoire d'un amour", vous les avez chantées avant elle ?
01:59 Absolument.
02:00 En fait, je suis venue en France grâce à Dalida.
02:05 Parce que je ne parlais pas un mot de français, ça ne m'intéressait pas.
02:09 Je ne comprenais pas.
02:10 La musique française était un peu compliquée pour moi.
02:14 Alors, on m'appelait tout le temps à Londres, il faut absolument venir à Paris chanter à l'Olympia.
02:22 Mais qu'est-ce que c'est l'Olympia ?
02:24 Qu'est-ce que c'est tout ça ?
02:26 Non, non, non, il faut venir parce qu'il y a une fille qui copie vos chansons.
02:30 Et je dis, pourquoi pas ?
02:33 Je suis ravie pour elle, elle a du succès.
02:36 Comment elle s'appelle cette fille ?
02:38 Dalida.
02:39 Oui.
02:40 Alors, j'ai refusé de venir, je ne voulais pas me trouver sur scène à Paris en ne parlant pas un mot de français.
02:50 Mais éventuellement, je suis venue.
02:54 Ce n'était pas facile, mais ça a complètement changé ma vie, bien sûr.
02:59 Bien sûr.
03:00 Alors, vous êtes née près de Londres, je crois, à Ewel.
03:02 Ewell, oui.
03:03 Pardon mon anglais.
03:04 Et votre père et votre mère étaient infirmiers dans un hôpital à Epsom, je crois.
03:10 C'est vrai ça ?
03:11 Oui.
03:12 Bravo.
03:13 Et c'est vrai qu'Epsom est célèbre pour son derby de chevaux, non ?
03:16 Il y a des chevaux, il y a des courses de derby.
03:18 Oui, Epsom, absolument, oui.
03:20 Parce que quand on dit, je suis née à Ewel, les gens me regardent et disent, quoi ?
03:26 Qu'est-ce qu'elle dit Ewel ?
03:27 Même en anglais, Ewel, qu'est-ce que c'est ?
03:29 Mais si je dis Epsom, tout le monde sait ce que c'est, Epsom.
03:33 C'est une course qui existe depuis 1780.
03:36 Oui.
03:37 Alors, il se trouve que votre père aurait voulu être acteur.
03:40 Il ressemblait, je crois, à Errol Flynn, Petula Clark.
03:42 Il était très beau, mon père.
03:44 C'est vrai.
03:46 Et il avait envie d'être acteur, mais ses parents étaient complètement contre.
03:52 Et il a quitté la maison quand il avait 17 ans pour jouer avec une troupe qui voyageait comme ça.
04:02 Mais ses parents l'ont rattrapé.
04:05 Et il a toujours voulu faire quelque chose dans ce métier.
04:11 Bon, il n'a pas pu, mais quand il a entendu sa petite fille, ça c'est moi, qui chantait dans la maison,
04:20 il a dit, c'est pas mal ça.
04:22 Et il est devenu plus ou moins mon manager.
04:26 Mais c'était très amateur.
04:28 Bien sûr.
04:29 Alors, je crois que vous avez commencé à chanter dans les églises.
04:32 Et qu'ensuite, pendant la guerre, vous êtes allée au studio de la BBC chanter.
04:36 Oui, oui.
04:37 Moi, j'ai chanté beaucoup pour la BBC.
04:39 C'était pour les soldats, bien sûr.
04:42 Et puis éventuellement pour le grand public.
04:45 Je suis devenue un genre de vedette, plus ou moins.
04:49 Il y avait une autre petite fille qui faisait plus ou moins la même chose.
04:52 C'était Julie Andrews.
04:54 Exactement.
04:55 Et on faisait pas mal de spectacles ensemble.
04:58 Oui, et alors vous faisiez passer, je crois, à Très-Va des chansons, des messages codés à la résistance.
05:03 On m'a dit ça.
05:05 Je ne sais pas si c'est vrai.
05:07 J'aime bien cette histoire.
05:08 Parce que parfois, je chantais et puis je lisais les messages pour les soldats.
05:15 Tout va bien à la maison, ne vous inquiétez pas, blablabla.
05:19 Mais on m'a dit qu'en fait, c'était codé.
05:22 C'est exactement.
05:24 C'est excitant ça, non ?
05:26 Et puis vous êtes devenue l'idole des militaires, la mascotte.
05:31 Vous faisiez plein de galas pour les militaires.
05:33 C'est vrai.
05:34 Moi, j'étais une jolie petite fille qui chantait pas mal.
05:39 Et je suis devenue mascotte.
05:41 Oui.
05:42 Et j'avais un uniforme aussi.
05:45 Aussi, un uniforme d'enfant, à votre taille.
05:48 Et vous avez fait un gala au Royal Albert Hall de Londres à l'époque.
05:52 Et vous étiez tellement peu émue que vous lisiez une bande dessinée avant le spectacle.
05:58 Absolument vrai.
05:59 J'avais pas de nerfs du tout.
06:02 C'est typiquement l'enfance.
06:04 J'étais là, derrière, dans les coulisses, je lisais ce truc.
06:08 Et puis on m'a tapé sur l'épaule.
06:10 "Petula, c'est à vous maintenant."
06:12 Je ferme mon truc.
06:14 Je vais sur scène devant ce public.
06:17 C'était 6 000 personnes.
06:19 J'ai chanté mes deux petites chansons.
06:22 Et puis je retourne vers mon...
06:26 Vers votre livre.
06:27 Voilà.
06:28 Il se trouve qu'il y a une bande dessinée qui s'appelle Radio Fun,
06:31 qui raconte ces années-là.
06:33 C'est vrai ?
06:34 Oui.
06:35 Oui.
06:36 Vous êtes présentée comme la joyeuse imitatrice de la radio.
06:39 Oui, parce que je faisais les imitations aussi.
06:42 J'étais un peu...
06:44 Quand je parle de ça maintenant, ça me fait un peu rire.
06:48 Mais oui, c'est vrai, j'étais une vedette à cette époque.
06:53 Vous étiez l'équivalent de Shirley Temple à l'époque ?
06:56 Oui, Shirley Temple, c'était beaucoup mieux.
06:59 Et elle avait, comme on dit ça, les dimples.
07:02 Oui.
07:03 Les bas-joues, elle avait les joues.
07:05 Oui, elle était beaucoup plus mignonne.
07:08 Et puis elle était merveilleuse, Shirley Temple.
07:10 Et il se trouve aussi que vous avez commencé à faire du cinéma.
07:14 Et vous avez tourné 25 films entre 10 et 20 ans.
07:18 Oui, parce que j'étais sous contrat de Rank Organization.
07:23 Et oui, j'étais dans beaucoup de films,
07:27 des bons et des mauvais.
07:30 Mais le cinéma était très bizarre.
07:34 J'avais l'habitude de chanter sur scène devant les gens,
07:39 devant le public.
07:41 Et il y avait cette chaleur, que j'aime toujours d'ailleurs.
07:45 Mais au cinéma, c'est beaucoup plus froid,
07:47 c'est beaucoup plus technique.
07:49 Oui, et en même temps, un jour, vous avez chanté devant Winston Churchill, je crois.
07:53 Devant ?
07:54 Winston Churchill, qui était...
07:56 Apparemment, oui.
07:57 Je ne l'avais pas rencontré, mais il était dans la salle.
08:00 C'est incroyable !
08:01 Oui.
08:02 Alors, le cinéma, ça a commencé avec des petits films.
08:05 Je crois que le premier, c'était "Le Général mérite la médaille".
08:08 Et je crois que vous avez échangé votre premier baiser de cinéma avec Alec Guinness.
08:12 Ah oui, oui, oui.
08:13 C'est vrai ?
08:14 Oui, c'était assez...
08:17 Il n'y avait pas beaucoup de passion.
08:21 De passion, oui.
08:22 Mais il était absolument charmant.
08:25 C'était le premier baiser sur le cinéma pour lui et pour moi.
08:29 Incroyable.
08:30 Alors, on était tous les deux nerveux.
08:32 Mais après tout, c'était Alec Guinness.
08:34 Exactement, et on sait la carrière qu'il a fait après.
08:37 Alors, il se trouve aussi qu'à 20 ans, on continuait à vous faire jouer des petites filles.
08:42 C'est ça ?
08:43 Et vous n'aimiez pas Petula Clark.
08:44 Avec le cinéma, on vous obligeait à ne pas fréquenter de garçons, à être encore une petite fille.
08:50 Oui, je pense que je valais beaucoup plus pour le cinéma comme enfant qu'adolescent.
09:00 Les adolescents, à cette époque, c'était quelque chose un peu...
09:04 Oui, il faut les cacher parce qu'ils ont des boutons, c'est pas très attirant.
09:11 Même Shirley Temple était cachée pendant un moment.
09:15 Elle est revenue comme jeune femme.
09:18 C'était pas très facile.
09:22 L'adolescence, pour moi, n'était pas facile.
09:25 En même temps, vous avez à ce moment-là commencé à chanter, vous avez commencé à faire vos premiers disques.
09:30 C'est vrai, oui.
09:31 J'ai travaillé beaucoup pendant toute mon enfance.
09:36 C'était pas du travail pour moi parce que j'aimais ça.
09:40 J'ai toujours aimé chanter.
09:42 Maintenant aussi, j'aime chanter.
09:45 C'est une sensation très profonde pour moi, chanter.
09:54 Et c'était même enfant.
09:58 La première fois que j'ai chanté devant les gens, c'était dans une chapelle en Pays de Galles.
10:06 Parce que ma mère était galloise.
10:09 Et quand les choses étaient un peu difficiles à Londres avec les bombardements et tout ça,
10:17 on allait en Pays de Galles où c'était un peu plus calme.
10:20 La montagne et tout ça.
10:23 Et j'ai parlé gallois.
10:28 C'était un moment dans ma vie où j'ai commencé à comprendre la musique.
10:35 Et j'ai chanté devant une congrégation en chapelle.
10:40 Et ça, c'était merveilleux.
10:43 Je crois que votre mère vous a donné les ostons de solfège.
10:47 Elle vous a appris la musique.
10:49 Pas vraiment.
10:50 Ma mère était très timide.
10:53 Elle était très galloise.
10:55 Elle avait une très jolie voix.
10:57 Mais la chanson, pour moi, c'était une chose naturelle.
11:01 Je n'ai jamais eu les leçons.
11:04 Et votre premier disque comme professionnel, c'est cette chanson.
11:09 Mighty Like a Rose.
11:18 Oui, c'est la chanson que j'ai chantée pour la BBC.
11:23 C'était une émission pour les soldats.
11:27 Ce n'était pas pour l'Angleterre.
11:29 C'était pour les soldats.
11:32 Et il y avait les enfants qui pouvaient venir au studio
11:37 et dire "Hello, Daddy. On va bien. On se fait..."
11:43 Et j'ai fait ça.
11:44 Et pendant les répétitions, il y avait une énorme bombardement.
11:51 Ça s'est passé dans un théâtre qui s'appelle le Criterion,
11:56 qui est toujours là.
11:59 Et la BBC avait pris cet endroit parce que c'est sous terre.
12:04 Et c'était comme un arbre à abri,
12:09 avec des trucs de sable et des trucs partout.
12:12 C'est extraordinaire. Mais ce qui est extraordinaire,
12:14 c'est que vous avez repris cette chanson ensuite.
12:16 Vous l'avez souvent chantée, cette chanson qui était la première chanson.
12:19 C'était ma première chanson à la radio, oui.
12:21 Vous pensiez à l'époque que vous feriez une telle carrière ?
12:24 Je ne pensais à rien.
12:26 Je ne savais pas ce que c'était une carrière.
12:29 Ce n'était pas important pour moi.
12:32 L'important, c'était de chanter.
12:34 Ça me faisait plaisir.
12:36 Et je voyais que ça faisait plaisir aux autres.
12:39 C'est tout.
12:40 Et je me souviens que pendant la guerre,
12:42 vous avez donné plus de 500 représentations.
12:44 C'est vrai. J'ai fait beaucoup de spectacles pour les soldats.
12:48 Et puis, on voyageait dans les trains, spécialement,
12:54 où il n'y avait pas de lumière.
12:56 C'était très secret.
12:58 Et on ne savait pas où on allait.
13:00 Et on arrivait dans les camps et puis on faisait les spectacles.
13:05 Pas seulement pour les Anglais,
13:07 mais il y avait quelques Français quand même, les Free French.
13:10 Il y avait les Canadiens, les Américains.
13:13 C'était notre job pendant la guerre.
13:19 Et puis la guerre s'est terminée.
13:21 Et puis, vous avez chanté en Angleterre et ensuite en France.
13:24 Et on va l'évoquer à travers une autre date importante pour vous,
13:27 le 31 mars 1965.
13:30 A tout de suite sur Sud Radio avec Pétula Clark.
13:34 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
13:37 Sud Radio, les clés d'une vie avec une invitée exceptionnelle, Pétula Clark.
13:41 De passage en France, c'est vrai qu'on ne vous voit pas beaucoup en France.
13:44 C'est vrai. Pas assez.
13:47 Je me retrouve à Paris et c'est vraiment tellement beau.
13:52 Il y a quelque chose en moi qui revivre un peu.
13:56 Vous aimez finalement la France.
13:58 Je l'adore.
13:59 La France vous aime et le 31 mars 1965 est un jour important
14:04 parce que c'est le jour où pour la première fois, vous recevez les bravos du Music Hall
14:08 avec Jacques Brel et Raymond Devos.
14:10 Et le trophée vous est remis par Charles Aznavour.
14:12 Vous vous en souvenez ?
14:13 Oui, je me souviens très bien.
14:15 Et Devos me faisait rire.
14:17 C'était quelque chose.
14:20 Parce qu'il n'y avait pas beaucoup de comiques qui me faisaient rire.
14:24 Parce que les Anglais ont un autre sens du humour.
14:28 Devos, oui.
14:30 Et bien sûr, Aznavour.
14:32 Il était absolument gentil.
14:35 Je me souviens, la première fois que j'ai chanté à l'Olympia,
14:38 j'ai reçu un télégramme et c'était signé "merde Aznavour".
14:45 J'ai dit "mais merde, ça c'est pas très poli ça, qu'est-ce que ça veut dire ?"
14:50 Alors il fallait m'expliquer bien sûr.
14:53 Ça veut dire "bonne chance, bla bla bla".
14:55 Alors il se trouve que la France a commencé justement grâce ou à cause de Dalida.
15:00 Car vous avez participé à un musicorama de Lucien Maurice sur "Entre mes Rouins".
15:05 Qui était à l'époque le fiancé de Dalida.
15:07 Et vous avez accepté après avoir hésité, Patula Clark.
15:10 J'ai accepté.
15:12 Mais je n'étais pas très en forme.
15:15 J'avais un rhume anglais qui coulait.
15:20 Et ma voix, elle allait comme ça.
15:24 Et je suis allée chez un médecin.
15:27 La porte s'ouvre et il y a un monsieur qui ressemble à Napoléon.
15:33 Vraiment, les cheveux et tout.
15:36 Et puis dans la salle d'attente il y avait les instruments anciens de médicament.
15:41 Mais qu'est-ce que c'est cette histoire ?
15:43 Alors il était très charmant.
15:46 Il m'a fait une ordonnance.
15:50 Je ne parlais pas un mot de français.
15:54 On est allé à la pharmacie.
15:56 On m'a demandé ce que c'était.
16:00 Ce sont les suppositoires.
16:03 Je me disais, j'ai une main dans la gorge.
16:05 Qu'est-ce que je fais ? Je les avale ou quoi ?
16:08 Non, ce n'est pas exactement ça.
16:12 Il fallait qu'on m'explique.
16:14 Je me suis dit, ce médecin, Napoléon, qu'est-ce que c'est cette histoire ?
16:22 Mais en fait, ça a marché.
16:25 Il est devenu notre médecin de famille.
16:29 Incroyable.
16:30 Il se trouve que ce musicorama était un triomphe.
16:33 Le lendemain, la maison de Disco Vogue vous appelle pour vous proposer un contrat.
16:38 Oui, dans les bureaux de Vogue, la maison de Disco.
16:46 J'étais là avec le boss.
16:49 Il me parlait.
16:50 Il me dit, vous avez vu le succès d'hier ?
16:54 Il parlait en anglais, bien sûr.
16:56 Il faut absolument venir ici.
16:58 J'ai dit, mais j'ai un gros rhume.
17:02 Je veux rentrer chez moi.
17:03 Je ne me sens pas bien.
17:05 Il faut revenir et chanter en français.
17:08 Je me dis, je ne parle pas le français.
17:10 C'est trop difficile.
17:11 Et puis hop, soudain, il n'y avait plus de lumière dans son bureau.
17:16 Beaucoup de fumée, bien sûr, parce qu'il fumait énormément, ce monsieur.
17:20 Et puis, il dit, il y a ce jeune garçon qui arrive dans la pièce,
17:27 qui se met sur la table, qui change l'ampoule.
17:30 Je me dis, c'est qui ça ?
17:36 Et le chef, il dit, ça, c'est Claude Wolff.
17:39 C'est notre Public Relations.
17:41 Alors, si vous venez ici chanter, c'est lui qui va s'occuper de vous.
17:47 Je me suis dit, ça change tout.
17:52 Deux semaines plus tard, je suis revenue à Paris avec un très mauvais disque en français.
17:59 Mais c'était pour voir Claude Wolff.
18:02 Que vous avez épousé le 8 mai 1961.
18:05 Exactement.
18:06 Alors, il faut savoir que Claude Wolff a organisé une chose extraordinaire.
18:10 Et pour la promotion des discos Vogue, il a fait un concert au Palais des Sports
18:14 avec les jeunes, dont Johnny Hallyday.
18:16 Absolument.
18:17 Et c'est le jour où on a soi-disant cassé les fauteuils, alors qu'il y avait des barrières.
18:21 On a lancé des barrières et ça a été le premier concert de rock à scandale à Paris.
18:26 Oui, Claude est assez fier de ça.
18:30 Il peut être fier parce que tout le monde était contre le rock'n'roll.
18:34 À la radio, vous savez aussi bien que moi, on ne voulait pas passer le rock'n'roll.
18:39 Et voilà.
18:41 Alors, à l'époque, vous ne parlez pas français, Petula Clark.
18:44 Et les premiers disques, vous les enregistrez phonétiquement.
18:47 Oui.
18:48 Ça se passe comment ?
18:50 Ça se passe...
18:52 Bon, il y avait quelqu'un qui recitait les paroles pour moi.
18:57 Alors, j'écrivais ça dans un... presque un autre langage.
19:04 Et en fait, ça sortait... quand je chantais, ça sortait pas trop mal.
19:09 Mais ça ne pouvait pas durer comme ça.
19:12 Petit à petit, j'ai appris le français, mais j'ai jamais pris les leçons.
19:18 Ma sœur, par exemple, parle le français beaucoup mieux que moi
19:23 parce qu'elle était au lycée français à Londres.
19:26 Mais moi, j'ai... tout ce qui était Argo et tout ça...
19:32 Par exemple, il y avait une chanson qui était faite pour moi avec Boris Vion.
19:40 Voilà.
19:41 Ils m'avaient fait tous les deux une chanson en Argo.
19:46 C'était le Java Puppetula.
19:48 Alors, je lisais ça.
19:50 J'ai lisé ça pour ma sœur, qui parle très bien le français.
19:53 Elle a dit "mais ça, c'est pas vraiment le français".
19:58 C'est de l'Argo, c'est du slang.
20:01 Alors, ça, c'était difficile.
20:04 Alors, il y avait la femme à ce moment-là, Jacqueline,
20:09 qui était la femme de...
20:11 Henri Salvador.
20:12 Henri Salvador.
20:13 Une petite femme extraordinaire, d'ailleurs.
20:16 Elle avait toujours les robes coupées jusqu'aux nombrils,
20:20 comme ça, les chapeaux bizarres.
20:23 Elle était égyptienne.
20:25 Elle roulait les airs comme ça.
20:27 Alors, j'ai étudié ses paroles avec elle.
20:31 Alors, pas seulement il y avait mon accent anglais,
20:34 mais il y avait l'accent égyptien aussi.
20:37 C'était assez curieux.
20:39 Henri Salvador a dit de vous un jour, Pettula Clark,
20:42 "Elle est le champagne de la chanson française.
20:46 On ne l'écoute pas, on la mange des yeux.
20:49 C'est une rose qui chante."
20:51 Vous avez fait, je crois, un premier Olympia avec Henri Salvador.
20:54 Oui, j'ai adoré.
20:57 Henri était fantastique.
21:01 Il avait un talent énorme.
21:03 Pas seulement comme...
21:04 Il était drôle, mais jolie voix quand il chantait.
21:09 Il se trouve qu'à l'époque, le premier de vos succès,
21:12 une chanson qu'on écoute encore aujourd'hui, c'est celle-ci.
21:15 (musique)
21:29 C'est vrai que vous devenez à l'époque la copine des copains.
21:31 Vous passez au hit parade de "Salut les copains",
21:33 ce que vous n'imaginiez pas, Pettula Clark.
21:35 Tout ça a été le mystère pour moi.
21:38 C'était vraiment...
21:40 Pour moi, ce n'était pas facile d'être à Paris.
21:46 J'aimais la ville, j'aimais tout ça,
21:49 parce que c'est encore une ville magnifique.
21:52 Mais tout le monde parlait tellement vite.
21:55 Il y avait très peu de gens qui parlaient anglais.
21:57 Alors, j'étais vraiment un peu perdue.
22:00 Mais cette chanson, elle avait quelque chose.
22:05 Elle a toujours quelque chose.
22:08 Je l'ai chantée en anglais, bien sûr.
22:10 Et même dans d'autres langues, car vous avez chanté en Allemagne, partout.
22:15 Oui.
22:16 Et il se trouve en plus qu'il y a une chose très particulière.
22:19 Il y a une autre chanson.
22:21 Vous avez été le pionnière de ce qu'on n'appelait pas encore les études de marché,
22:24 puisque vous avez présenté cette chanson au Golfe de Rouaux
22:28 pour connaître l'opinion des habitués.
22:30 Cette chanson-là.
22:32 Je me sens bien auprès de toi.
22:37 J'ai l'impression d'être en vacances.
22:42 Même quand tu dis rien, même quand tu fais rien, je suis bien.
22:48 Alors, c'est vrai que vous l'avez chantée au Golfe de Rouaux, cette chanson.
22:52 Oui, oui, oui.
22:53 J'aimais bien cette chanson.
22:56 Tout ça a été enregistré à Londres à cette époque.
22:59 Presque tout était enregistré dans les studios à Londres.
23:02 Et vous reveniez à Paris pour faire la promotion.
23:04 Mais les Anglais étaient fiers de vous, car vous étiez l'Anglaise qui a réussi à Paris.
23:08 Ils étaient fiers, mais ils ne comprenaient pas très bien.
23:13 Et après deux ans de vie en France, j'avais pris l'habitude de parler en français.
23:23 Je t'ai invité à faire une émission, un peu comme l'émission qu'on fait aujourd'hui,
23:29 avec un grand monsieur très connu à la télévision.
23:33 « Hello, how are things going? »
23:38 Et je m'étais coincée.
23:41 Je ne trouvais pas les mots en anglais.
23:44 C'était très, très difficile.
23:46 En plus, je commençais à bouger les mains.
23:49 Les gens pensaient que j'étais un petit peu folle.
23:55 Mais il y a eu d'autres moments importants dans votre vie.
23:58 Et il y a une date aussi qui est importante, et on va en parler.
24:01 C'est le 9 octobre 1968.
24:04 A tout de suite sur Sud Radio avec Pétula Clark.
24:07 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
24:10 Sud Radio, les clés d'une vie.
24:12 Une invitée exceptionnelle, Pétula Clark, de passage à Paris.
24:15 On a évoqué vos débuts.
24:16 Et j'ai trouvé une date très importante.
24:19 C'est le 9 octobre 1968, la sortie de ce film.
24:23 « La Vallée du Bonheur » avec Fred Astaire.
24:31 Ah oui. « Tilly and the Rainbow ».
24:35 Exactement. Et c'est le dernier film musical de Fred Astaire.
24:39 Oui.
24:41 C'était merveilleux de travailler avec lui.
24:44 C'était un énorme plaisir.
24:46 C'était dirigé par Francis Coppola.
24:48 Oui, qui débutait.
24:49 Oui, c'était le début pour lui.
24:51 Et le troisième assistant était Georges Lucas.
24:53 Absolument.
24:54 Qui débutait.
24:55 Pas mal.
24:56 Comment vous êtes arrivée dans cette aventure, Pétula Clark ?
24:59 On m'a demandé.
25:01 Ça commence comme ça.
25:03 On m'a demandé et puis je ne pouvais pas refuser.
25:07 En plus, la musique était déjà très connue.
25:10 Cette pièce était très connue.
25:12 Et ce n'était pas facile à faire, ce film.
25:15 Et Francis était très réaliste.
25:19 Il arrive de San Francisco avec Georges Lucas.
25:25 Barbe, beaucoup de cheveux, un peu hippie.
25:31 Et ce film, c'est un genre de mélange de « fairy tale ».
25:38 C'est des choses un peu farfelues.
25:42 Plus le problème raciste.
25:45 Tout ça est mélangé dans ce film.
25:48 Pas facile.
25:49 Mais croyez-moi, on s'est amusé comme des fous pendant le tournage.
25:54 Et Fred Astaire ?
25:56 Je l'adorais.
25:58 On s'aimait beaucoup.
25:59 Et puis on était parti un jour pour faire les extérieurs avec Francis.
26:06 Francis aimait beaucoup chanter.
26:08 C'était un Italien quand même.
26:10 Et il y avait Fred et moi derrière.
26:13 Et Fred, il chantait.
26:15 Je chantais.
26:17 Et on était vraiment comme des enfants.
26:20 Il était aussi très strict pour son métier.
26:27 Il était perfectionniste.
26:30 Il paraît qu'il répétait quelques fois trois mois un numéro de trois minutes pour le cinéma ?
26:35 Oui, absolument.
26:36 Et pendant les week-ends, quand tout le monde, parce qu'il faisait très chaud,
26:40 on tournait dehors, il faisait très chaud à Los Angeles,
26:44 tout le monde partait dans leur maison air-conditionnée, leur piscine.
26:50 Fred est resté avec son chorégraphe au studio, répété.
26:56 C'est extraordinaire.
26:57 Et c'est pour ça que c'est une star mondiale et qu'on connaît encore ses films aujourd'hui.
27:01 Absolument.
27:02 À cette époque, vous êtes aux Etats-Unis, vous êtes éloigné de la France.
27:06 Et il y a une chanson qui, pour moi, correspond à cette question que vous vous êtes posée sur la France.
27:11 Que fais-tu là ? Qu'est-ce que tu l'as ?
27:14 What do you do there ?
27:17 Que fais-tu là ? Qu'est-ce que tu l'as ?
27:20 Je pense aussi à cette chanson.
27:22 C'est l'histoire d'un fantôme.
27:24 C'est une chanson.
27:25 Et je pense à cette chanson parce qu'elle est joyeuse.
27:28 Et c'est vrai que vous vous êtes demandé ce que vous faisiez en France, ce que vous faisiez en Angleterre.
27:32 Oui.
27:33 C'est moi qui ai fait la musique et Pierre Delanoë qui a fait les paroles.
27:39 Pierre, avec son talent énorme.
27:43 Et là, on a écrit cette chanson dans une petite pièce dans notre jardin.
27:48 La Selle Saint-Cloud.
27:50 Et ça a très bien marché.
27:54 Mais toutes les chansons que vous faisiez à cette époque-là se vendaient à 500 000 exemplaires ou alors plus.
27:59 Je ne sais pas. Dans tout ce qui est chiffres, vous savez.
28:02 Mais c'était extraordinaire.
28:04 Toutes les chansons que vous sortiez tous les trois mois étaient 8 parades.
28:08 Ah bon ?
28:09 Oui. Vous en souvenez ?
28:10 Vous viviez ça normalement parce que vous étiez beaucoup plus en France qu'en Angleterre.
28:15 Oui. Mais tout le côté business de ce métier ne m'a jamais intéressée, franchement.
28:23 Je chante parce que j'aime ça.
28:25 Voilà.
28:26 Il y a une chanson aussi qui a été reprise aujourd'hui en souvenir de Jeanne Burkine.
28:31 Il ne faut pas oublier que cette chanson, c'est vous qui l'avez créée.
28:34 Faut pas touger dans la gadoue, la gadoue, la gadoue, la gadoue.
28:40 Ouh, la gadoue, la gadoue.
28:43 Une à une, les gouttes d'eau.
28:47 Cette chanson, c'est à Regensbourg, là, écrite en pensant à l'Angleterre et à la pluie.
28:51 Je suppose. Serge, j'aimais beaucoup Serge.
28:57 La première fois que je l'ai rencontré, Serge, il est venu à notre appartement à Paris.
29:03 J'étais déjà un fan. J'aimais beaucoup sa voix, son style.
29:08 Et il était très nerveux de me rencontrer.
29:12 On était tous les deux comme ça.
29:15 Et puis, il était 4 heures et j'ai dit, est-ce que vous voulez une tasse de thé, Serge ?
29:22 Il a dit, pas vraiment.
29:26 Une bière ? Ah oui, oui, une bière.
29:29 OK, je cherche une bière et j'avais un piano, un magnifique piano à coeur.
29:34 J'étais très fière.
29:36 Alors, il met la bière sur le piano.
29:41 Il commence à jouer et hop, la bière tombe dans le piano.
29:49 Alors, il était dans un état.
29:52 Il a appelé son éditeur pour dire, c'est cuit avec Petiola.
29:58 On dit, elle ne va jamais chanter mes chansons.
30:01 J'ai complètement ruiné son piano.
30:04 C'est pas vrai, mais on a fait pas mal de choses ensemble.
30:09 Et puis, il venait presque toujours au studio quand j'enregistrais pour m'aider.
30:15 Parce que c'était pas toujours facile, Serge.
30:18 Il jouait beaucoup avec les mots.
30:21 Non, non, j'aimais beaucoup Serge. J'aimais Jane aussi.
30:25 Mais vous avez connu Serge Gainsbourg à l'époque où il écrivait beaucoup de chansons pour les autres,
30:29 au temps des Yéyés, et il n'était pas encore l'interprète Edi Gainsbourg.
30:34 Non, il avait complètement changé, bien sûr.
30:37 Mais le talent était là, toujours.
30:40 Et il me faisait rire.
30:43 Il jouait très bien le piano.
30:46 Non, il avait tout.
30:48 Et moi, j'ai trouvé Serge très attirant.
30:51 Et d'ailleurs, il y a un duo.
30:52 Vous avez eu un top A de Petiola Clark avec Les Carpentiers.
30:56 Et vous chantez Lagadou en duo avec lui.
30:59 Oui, ça, c'était drôle.
31:01 C'était drôle.
31:02 Les Carpentiers, c'était une époque aussi fantastique.
31:07 Ils avaient tellement de talent.
31:09 Et vous, ça vous amusait beaucoup de venir faire des tas de choses dans les émissions ?
31:13 On chantait les chansons, bien sûr, mais on faisait les sketchs.
31:18 On faisait les bêtises.
31:21 Et je pense que le public a beaucoup aimé ça.
31:24 Oui. Il y avait aussi le Sacha Chaud où vous apparteniez régulièrement.
31:28 Oui, j'ai chanté beaucoup avec Sacha.
31:31 C'était un copain.
31:32 Et vous avez même fait une tournée avec lui.
31:35 Il y a eu une tournée.
31:37 Une tournée ?
31:38 Oui, une des premières tournées avec lui.
31:40 J'ai retrouvé des traces.
31:42 Avec Sacha ?
31:43 Oui.
31:44 Quelques semaines.
31:46 Si vous dites, c'est sûrement vrai.
31:50 Alors, à cette époque-là, vous vous êtes demandé finalement,
31:54 parce qu'à une époque, la France vous a un peu oublié,
31:56 vous êtes partie aux États-Unis.
31:58 Oui, parce que pendant tout ça, j'enregistrais toujours à Londres.
32:05 Il y avait un jeune producteur, Tony Hatch, qui est venu à Paris.
32:11 Et puis, il m'a dit, franchement, il faut que tu rechantes en anglais.
32:18 Tout ça, le français, c'est allemand, italien, etc.
32:22 Mais il faut que tu rechantes en anglais.
32:24 Je lui ai dit, mais il faut trouver une chanson.
32:27 J'ai dit, j'ai commencé à faire cette chanson.
32:30 Je lui ai dit, oui, je peux l'entendre.
32:34 Il a dit, oui, ce n'est pas tout très fini,
32:37 mais je peux jouer la mélodie au piano, le fameux piano.
32:41 Alors, je vais dans la cuisine, bien sûr, pour faire une tasse de thé.
32:46 Et la première fois que j'entends "Downtown", c'était dans la cuisine.
32:53 Incroyable.
32:54 Et voilà, c'était le début.
32:57 Le succès de cette chanson est incroyable, Pétula.
33:18 C'est énorme. On ne savait pas qu'on faisait un succès si énorme.
33:25 On a enregistré ça à Londres avec un grand orchestre, live.
33:30 Et la première fois que j'ai entendu l'orchestre jouer cette chanson,
33:34 parce que la première fois que je l'ai entendue,
33:36 c'était avec Tony au piano, c'est pas la même chose.
33:40 Mais quand j'ai entendu cet orchestre, j'avais envie de chanter.
33:47 Et c'est toujours un énorme succès.
33:50 Je crois que le disque s'est vendu dès le départ à 3 millions d'exemplaires
33:54 et que vous avez été numéro 1 au Billboard devant les Beatles.
33:57 Oui, les Américains ont tout de suite adoré cette chanson.
34:01 Comment ça s'explique ?
34:03 Il y a certaines choses qu'on ne peut pas expliquer.
34:08 La musique est bonne, les paroles aussi, la production aussi.
34:14 Et puis ma voix, c'est exactement ce qu'il fallait pour cette chanson.
34:19 Mais on a fait beaucoup d'autres chansons.
34:22 Après, il m'a fait 15 énormes succès.
34:26 Oui, mais cette chanson, aujourd'hui encore, aux États-Unis,
34:30 les orchestres et les fanfares défilent sur la 5e avenue avec "Downtown".
34:34 Oh absolument !
34:35 Je me souviens, j'étais à New York, j'étais très jetlaguée,
34:39 je suis très fatiguée, j'étais dans mon lit.
34:42 Il était quoi ? 9h du matin, et puis j'entends...
34:48 (chantonne)
34:52 Mais qu'est-ce que c'est ça ?
34:54 Et c'était une procession sur la 5e avenue, et ils jouaient "Downtown".
35:01 "Downtown", surtout pour les New Yorkais, c'est un genre en thème.
35:06 Toujours maintenant.
35:08 Et la chanson a été un succès en France, en Angleterre, en Hollande, en Norvège et en Australie.
35:14 Oui, les succès, c'est comme ça.
35:18 Et vous avez eu l'Oscar de la meilleure chanson de rock'n'roll de l'année.
35:22 Oui, c'est drôle, non ?
35:24 Ce n'est pas exactement rock'n'roll, mais j'ai eu un deuxième Grammy.
35:32 On va en parler avec une autre chanson.
35:34 Mais en fait, aux États-Unis, pour les Américains, vous êtes une chanteuse de rock'n'roll,
35:40 ce qui n'est pas le cas en France. C'est sur deux images différentes, Petula Clark.
35:44 Je suis une chanteuse, alors je chante un peu de tout.
35:48 J'adore le rock.
35:50 Quand il y a eu tout ce scandale avec Johnny Hallyday,
35:54 "Ce n'est pas de la musique, blablabla", je ne comprenais pas.
35:58 Mais c'est bien, c'est bien, c'est spécial.
36:02 Et puis maintenant, il faut dire que le rock'n'roll est dans toute la musique.
36:08 Exactement. Et vous avez été une pionnière, justement, avec Johnny et quelques autres,
36:12 de découvrir le rock'n'roll, comme vous étiez en Angleterre et en France.
36:16 Et puis, vous êtes devenue, je crois, citoyenne d'honneur de la ville de Reno, dans le Nevada.
36:22 Ah oui !
36:24 Après "Band of Tones", vous avez été couverte de titres, de diplômes, de récompenses.
36:30 Il y a beaucoup de drôles de choses, franchement.
36:34 Quand je suis arrivée à New York, j'étais déjà une énorme vedette, grâce à "Downtown".
36:42 Et ça a continué. Et j'ai chanté partout aux États-Unis.
36:46 Bien sûr à Reno, qui est dans le Nevada, mais Las Vegas, partout.
36:53 Vous avez chanté au César Palace à Las Vegas ?
36:55 Bien sûr, oui.
36:56 Tout le monde ne le fait pas, oui. Céline Dion l'a fait, Lynn Renaud l'a fait.
37:00 Et vous avez chanté longtemps au César Palace. C'est très particulier.
37:03 Oui. C'est un endroit bizarre, Las Vegas.
37:10 J'ai même une copine, j'ai parlé avec elle, et elle arrivait à Londres, à Heathrow.
37:18 "Ah oui, oui, je viens de Las Vegas."
37:22 "Mais pourquoi ?" "Ah, parce que j'aime ça."
37:25 Je trouve, pour une semaine de vacances, c'est merveilleux.
37:29 Mais je lui dis "Mais qu'est-ce que tu fais à Las Vegas, quand même ?"
37:33 Pour moi, j'allais à Las Vegas pour travailler, pour chanter.
37:39 Et c'était merveilleux de chanter là, parce qu'il y avait les meilleurs musiciens,
37:43 un public fantastique, mais tout ce qui est le jeu, ça ne me touchait pas du tout.
37:50 Vous avez bien fait de chanter. D'ailleurs, il y a une autre chose importante dans votre vie,
37:55 une autre date importante d'un concert exceptionnel, qu'on va évoquer à travers une autre date,
38:00 le 14 février 1974. A tout de suite sur Sud Radio avec Pétula Clark.
38:06 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
38:09 Sud Radio, les clés d'une vie. Celles de mon invité exceptionnel, Pétula Clark.
38:14 On vient de mesurer votre parcours depuis la guerre, les années 60, Downtown, c'est extraordinaire.
38:19 Et il y a une autre date importante pour vous, le 14 février 1974.
38:24 C'est un concert exceptionnel au Royal Albert Hall de Londres.
38:29 Et il y a un double CD qui sort justement avec la United Music Foundation, reprenant ces chansons.
38:35 Et c'est vrai que ce concert Royal Albert Hall a été historique pour vous.
38:40 Oui, j'avais déjà chanté au Royal Albert Hall.
38:45 On appelle ça RAH. R-A-H.
38:50 C'est une salle qui a été construite par la reine Victoria à l'honneur d'Albert, son mari.
39:02 Et c'est fantastique comme endroit. C'est très grand, bien sûr.
39:08 Mais au même temps, moi je trouve que quand je suis sur scène à l'Albert Hall, je trouve ça intime.
39:15 Il y a quelque chose de... Il y a de l'âme dans cet endroit.
39:20 Et ce concert-là, c'est le concert de Saint Valentine's Day.
39:27 Saint Valentin, la fête des amoureux.
39:30 Oui, avec l'orchestre symphonique et mon pianiste américain.
39:36 Franchement, moi je trouve qu'il faut écouter ce disque pour entendre ce monsieur au piano.
39:43 Parce qu'il était un génie.
39:46 Et c'était... Quand on chante à l'Albert Hall, c'est vraiment quelque chose.
39:55 On va écouter un premier extrait justement, avec une chanson aussi qui est très célèbre.
39:59 * Extrait *
40:11 Cette chanson, c'est celle qui vous a valu un second Oscar, je crois.
40:15 C'est "I Know A Place". Oui, parce que j'ai gagné deux Grammy Awards.
40:22 Et moi j'ai eu beaucoup de... Awards... Comment on dit ça ?
40:27 Des Oscars.
40:28 Les Oscars pour beaucoup de choses, les disques en or et tout ça.
40:32 Mais les Grammys, c'est spécial. Alors j'en ai deux.
40:37 Et cette chanson, effectivement, "I Know A Place", avec un orchestre symphonique, c'était extraordinaire.
40:42 Alors le disque a été vraiment, je dirais, nettoyé, la bande originale par David Hadzis,
40:48 parce que c'est une pièce de collection, ce double album.
40:51 C'était enregistré par la BBC. Et c'était bien enregistré, mais il y a quand même des petites choses que David a corrigées.
41:04 Mais vocalement, c'est exactement comme c'était ce soir-là.
41:09 Alors la Royal Performance, vous y avez déjà participé à une soirée,
41:14 et vous aviez été présentée, je crois, à la princesse Anne.
41:18 Oui. J'ai rencontré toute la famille royale. Ils sont gentils.
41:26 La reine parlait très bien le français.
41:30 Je me souviens, parce que j'ai tourné un film avec Peter O'Toole, "Goodbye Mr. Chips".
41:36 Et pour la première soirée à Londres, la reine était là.
41:42 Et Claude, mon mari, était à côté de moi. La reine était devant nous.
41:49 Et on était fatigués. On arrivait de Los Angeles, on était complètement jetlagués.
41:56 Alors le film commence, et il y a Claude qui commence à...
42:00 [ronflement]
42:02 Je me disais, mais c'est fini. Ça continue.
42:06 Je lui dis, mais j'ai vu ce film. Oui, moi aussi, mais il y a la reine d'Angleterre devant nous quand même.
42:13 C'est un effort.
42:16 Ça s'est passé plus ou moins bien.
42:19 Et après, on a rencontré la reine, bien sûr.
42:23 Elle était absolument charmante. Elle a parlé en français avec Claude.
42:29 Je lui dis, je suis désolée que vous êtes si fatiguée, mais c'est un très bon film quand même.
42:37 Elle avait parfaitement compris.
42:40 Et le prince Charles était là ou non ? Vous l'avez rencontré, le prince Charles qui est devenu le roi Charles III.
42:45 Oui, je l'ai rencontré à Blackpool, au Liverpool, quelque chose comme ça.
42:52 Très gentil.
42:54 Et lui aussi, très gentil aussi.
42:55 Tous.
42:56 Et tous, vous connaissez vos chansons.
42:58 Oui, mais ils sont très au courant de tout, vous savez.
43:02 Alors, ce qu'on ne sait pas souvent en France, c'est que vous avez fait des tas d'émissions de télévision comme animatrice.
43:07 Il y a eu un show aux États-Unis qui s'appelait "Zizi, spétula".
43:11 Et il y a eu une autre émission de télévision aussi en Angleterre.
43:14 Vous avez animé des émissions de télévision pendant des années.
43:17 Oui, j'avais mes émissions de toutes les semaines. C'était un série.
43:24 Qu'est-ce que c'était comme émission ? Vous présentiez des variétés ?
43:27 Un énorme orchestre.
43:30 Moi, je chantais et parfois les invités.
43:35 D'ailleurs, Sacha est venu.
43:37 Beaucoup de gens.
43:39 Beaucoup de gens.
43:40 Formidable.
43:41 Sacha, justement, il a interprété avec Brigitte Bardot une chanson que vous avez reprise dans ce concert du Royal Albert Hall.
43:49 "You are the sunshine of my life"
43:53 Oui, Stevie Wonder.
43:55 Exactement.
43:56 Et c'est une très belle chanson.
43:58 Merveilleuse.
43:59 Et là aussi, vous vous rendez compte du travail que vous avez fait avec ses cœurs pour ce concert avec l'Orchestre Symphonique ?
44:06 C'est important de faire une bonne préparation.
44:10 Les répétitions sont très difficiles.
44:13 Pas seulement pour moi, mais pour les musiciens, que tout soit en place pour le son, pour les lumières.
44:21 Un spectacle comme ça, ça ne se fait pas tout seul.
44:25 Mais vous avez toujours beaucoup travaillé, Petula Clark.
44:28 Je suppose, oui, mais c'est un travail tellement plaisant.
44:34 Pour moi, c'est un travail qui me fait plaisir.
44:38 C'est un travail tellement plaisant.
44:43 Pour moi, c'est presque pas un travail du tout.
44:46 Il y a quand même eu un tournant, parce qu'un jour, vous avez joué la mélodie du bonheur.
44:51 Et là, ça vous a donné envie de faire des comédies musicales.
44:55 Oui, j'aime ça.
44:59 Les comédies musicales, c'est plaisant parce qu'on peut chanter et jouer.
45:06 Je ne suis pas seulement une chanteuse.
45:10 En fait, quand j'étais toute petite, je voulais être actrice.
45:14 Je voulais être Ingrid Bergman.
45:17 Je crois d'ailleurs que vous avez vu un jour au théâtre Marie Stuart, quand vous étiez enfant, et ça vous a beaucoup marqué.
45:24 Ah oui, mais ça c'est très vieux.
45:26 Qu'est-ce que vous avez trouvé de ces histoires?
45:29 Oui, c'est vrai. J'étais très jeune et mon père m'a emmené voir Flora Robeson,
45:39 qui était une très grande actrice, pas belle du tout, mais une actrice extraordinaire.
45:44 Ah, j'étais là.
45:46 Et puis quand on est sorti, on est monté sur le bus, en haut, et puis j'étais complètement…
45:52 C'est le silence.
45:53 Et puis mon père m'a dit « Mais qu'est-ce que tu as? »
45:57 J'ai dit « Ça, c'est ça que je veux faire. Je veux être actrice. »
46:01 Et donc vous avez été actrice et chanteuse parce que la Mélodie du Bonheur, c'était la première d'une série,
46:06 puisqu'il y a eu d'autres comédies musicales ensuite, à Broadway notamment.
46:10 Il y a Blood Brothers, qui était…
46:14 Qui était un drame musical.
46:16 Oui, c'est très dramatique, oui. Avec David Cassidy, qui jouait mon fils.
46:24 Et oui, il y a quelque chose de spécial qui arrive dans une comédie musicale quand c'est bien fait.
46:35 Parce que les gens sont touchés, pas seulement par l'histoire, mais par la musique, par la voix.
46:41 J'aime beaucoup faire ça.
46:43 Et Blood Brothers, c'était l'histoire d'une pauvre femme abandonnée par son mari avec ses enfants
46:49 et qui devait tout faire pour s'en sortir.
46:51 Et ça n'a pas empêché de continuer à faire des chansons.
46:54 Et dans ce double album du Royal Albert Hall, il y a également celle-ci.
47:09 Ça c'est extraordinaire aussi, parce que Jésus Christ Superstar, on parle de comédie musicale, vous l'avez chantée.
47:14 Ça c'est Jésus Christ Superstar, que je n'ai jamais joué sur scène.
47:19 Mais je connais très bien les gens derrière tout ça.
47:26 Et c'est très puissant, ça a beaucoup changé.
47:32 Il y a actuellement à Paris West Side Story qui jouait.
47:36 Je me souviens la première fois que j'ai vu ça à Londres.
47:40 Tout le monde était complètement ébloui par ça, parce qu'avant les comédies musicales c'était pas...
47:47 Et là c'était un vrai drame avec la musique.
47:53 Il y a une anecdote que Régine m'a racontée un jour.
47:56 West Side Story est montée à Paris, elle va aux répétitions
48:00 et elle voit les comédiens s'échauffer sur un rythme qu'elle ne connaît pas.
48:05 Elle a trouvé le disque et c'était le twist.
48:08 Elle a découvert le twist en voyant les répétitions des comédiens de West Side Story.
48:12 C'est extraordinaire.
48:14 Vous avez fait d'autres comédies musicales, parce qu'il y a eu aussi Sunset Boulevard
48:18 qui a été au théâtre un immense succès.
48:22 Vous avez joué Sunset Boulevard.
48:24 Ah oui, je ne voulais pas le faire.
48:28 Non, je suis rentrée de l'Amérique où j'avais vu Sunset Boulevard à Broadway.
48:35 Et je trouvais que c'était somptueux, magnifique et tout ça, mais ça ne m'a pas touchée du tout.
48:42 Je n'étais pas... Il ne fait pas d'émotion.
48:45 Alors quand je suis rentrée, il y a le téléphone.
48:48 Et c'était le bureau de Lloyd Webber.
48:57 Ah oui, est-ce que vous pouvez venir, on va vous parler.
49:02 Alors le metteur en scène, qui est probablement un des meilleurs metteurs en scène du monde,
49:10 était là et lui, il avait décidé, c'était moi qui allais jouer ce rôle.
49:15 Et moi, j'avais décidé non.
49:18 Alors on a passé une heure ensemble.
49:21 Oui, non, oui, non.
49:24 Et je suis partie toujours avec tout ça, je ne savais pas quoi dire.
49:31 J'ai pris un taxi de Covent Garden, là où on était pour ce meeting, à Chelsea où j'habitais.
49:39 Et il y avait un jeune chauffeur de taxi, Skinhead, genre de punk.
49:47 Oh, le petit, vraiment comme ça, gentil.
49:52 « What are you doing ? Qu'est-ce que vous faites maintenant ? »
49:55 Et j'ai expliqué un petit peu mon problème.
49:58 Est-ce que je fais ça ou non ?
50:01 Bon, ça a pris 20 minutes le voyage.
50:04 J'arrive, je paie le chauffeur de taxi.
50:09 Et je dis alors, il m'a regardée et dit « Oh yeah, do it, fais-le ».
50:15 Et vous l'avez fait ?
50:17 Oui.
50:18 Deux millions de spectateurs.
50:19 Exactement.
50:20 Alors, vous habitez en Suisse, mais vous avez vécu en Suisse à côté d'une légende du cinéma
50:25 dont vous avez chanté la bande originale du film.
50:28 « This is my song, here is a song, a serenade for you. »
50:37 La comtesse de Hong Kong, Charlo.
50:39 Car vous avez vécu à côté de Charlie Chaplin.
50:42 Oui, à côté. Il habitait de l'autre côté du lac. Je ne l'avais jamais rencontré.
50:47 Mais après le succès mondial de cette chanson, j'ai eu un coup de téléphone.
50:54 « Mr. Chaplin would like you to come and have tea. »
50:57 Il aimerait que vous veniez prendre le thé avec lui.
51:00 « Okay ».
51:02 Alors, on est parti et puis on frappe à la porte.
51:06 La porte s'ouvre et voilà, Charlie Chaplin.
51:10 Il était petit, avec les cheveux blancs. Il était un vieux monsieur.
51:15 Mais heureux comme tout.
51:18 Et on a passé un après-midi extraordinaire.
51:22 On a ri. Il m'a fait jouer le piano. Comme ça, il a pu danser.
51:29 C'était un de ces moments inoubliables.
51:33 Un moment inoubliable. On vient en vivre un avec vous, Pétula Clark.
51:36 Car vous accueillir à ce micro, à Sud Radio, était un privilège et un bonheur.
51:40 Vraiment, vous avez des souvenirs extraordinaires.
51:42 Et j'espère que vous allez remonter sur scène un jour ou bientôt. On ne sait jamais.
51:46 Pour le moment, c'était un peu difficile.
51:49 Claude, mon mari, ne va pas très bien.
51:51 Alors, je suis restée à Genève et je fais la cuisine.
51:58 Ouh là là !
52:00 Ça, c'est pas mon truc.
52:02 Mais petit à petit, ça vient.
52:05 Je m'occupe de lui.
52:08 Occupez-vous bien de lui et revenez sur scène quand même.
52:11 En attendant, on va écouter ce double album réalisé grâce au travail de David Haddis sur ce Royal Performer de 1974.
52:19 Merci infiniment d'avoir pris le temps de passer par ici sur Sud Radio.
52:23 C'était une grande joie.
52:24 Et vous revenez quand vous voulez.
52:26 C'est gentil.
52:27 Merci Pétula Clark. L'éclair de vie s'est terminé pour aujourd'hui.
52:30 On se retrouve bientôt. Vous restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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