• il y a 7 mois
Jacques Pessis reçoit Riton Liebman : « Préparez vos mouchoirs » de Bertrand Blier a fait de lui un enfant star. Il a ensuite poursuivi un parcours d’acteur avec plus de bas que de haut. Il le raconte dans un livre, « La vedette du quartier » (Éditions Seguier).

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-05-07##

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Transcription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessy.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06 Des mouchoirs ont fait de vous un acteur qui a fait carrière et pas du tout une vedette Kleenex,
00:11 ni une vedette de quartier.
00:13 Le titre de votre livre confession, "Bonjour, Riton Hillman".
00:17 Bonjour.
00:18 Alors c'est vrai qu'on vous connaît surtout au départ à travers un film, "Préparez vos mouchoirs",
00:22 mais vous avez une carrière étonnante devant vous et un livre encore plus étonnant,
00:26 "La vedette du quartier" qui est sorti chez Séguier et qui va être le fil conducteur de notre rendez-vous
00:30 parce qu'on va mieux vous connaître à travers ce long parcours, parfois chaotique.
00:35 Et le principe des clés d'une vie, c'est d'évoquer votre parcours à travers des dates.
00:39 Et j'en ai trouvé une, votre date de naissance, c'est le 29 janvier 64, je crois.
00:44 C'est ça, exactement.
00:45 Et c'est une date historique parce que c'est ce jour-là que les premières hypothèses ont été décidées
00:50 sur le lieu du Parlement européen à Bruxelles.
00:53 Ah, incroyable.
00:54 Le jour de votre naissance.
00:55 C'est assez fou.
00:56 Alors, vous avez grandi, je crois, dans une famille juive et je crois que votre grand-père parlait yiddish au départ.
01:02 Mais, grands-parents parlaient yiddish, mais des deux côtés, ça parlait yiddish à la maison,
01:06 si bien que chez ma mère, dans la famille de ma mère qui était une famille juive, de gauche, boundiste,
01:12 ça parlait yiddish et du coup, mon père qui est une famille à droite, religieuse et traditionnaliste,
01:20 ça parlait yiddish aussi.
01:22 Et vous alors ?
01:23 Ah non, mais je connais quelques expressions.
01:25 Je connais juste des expressions.
01:27 D'ailleurs, c'est assez drôle parce que Francis Blanche qui a tourné le film "Ma bête s'en va t'en guerre",
01:32 il parle en soi-disant en allemand.
01:34 En réalité, c'est du yiddish copiardat qu'il lui avait écrit entre deux prises.
01:38 Comme quoi.
01:39 Alors, il se trouve que votre grand-père a été fait présumer par les Allemands.
01:43 Il s'en est sorti, mais il a écrit à la reine pour protéger les juifs de Bruxelles.
01:48 Oui, c'est incroyable, le destin de ma famille.
01:51 Mon grand-père paternel avait fait la guerre 14 comme soldat volontaire belge,
01:56 puisqu'en fait, il avait migré en Belgique et il voulait absolument s'intégrer, mon grand-père paternel.
02:02 Il voulait être un notable, un bourgeois, et il avait fait la guerre 14.
02:06 Et comme il parlait yiddish, donc presque allemand,
02:10 il avait fait l'espèce de relation entre les prisonniers de guerre belges et les soldats allemands
02:18 pour obtenir des avantages.
02:21 Et ça avait plutôt bien marché, puisqu'il n'était pas mort, déjà, d'une part.
02:24 Et au retour de la guerre, c'est-à-dire que mon grand-père croyait que ses bons copains belges allaient l'aider, le protéger.
02:32 Et en fait, pas du tout.
02:34 Et mon grand-père n'a eu des cesses que d'essayer de faire comprendre aux Belges
02:38 que les juifs étaient des bons petits gars comme tout le monde, très à droite.
02:42 Il militait presque pour un mouvement rexiste, c'est-à-dire fasciste, juif,
02:48 faire comprendre aux Belges que tous les juifs pouvaient être d'extrême droite,
02:53 il n'y avait pas de problème.
02:55 Et il était persuadé surtout que ces relations allaient le protéger des nazis.
03:01 Et donc il écrivait des lettres à la reine pour lui faire comprendre qu'il fallait protéger les juifs de Belgique.
03:09 Et en fait, ça n'a pas tellement marché, puisque un de ses fils s'est fait déporter.
03:13 – Oui, Henri, et c'est pour ça que vous portez ce prénom. – Exactement.
03:17 – Et vous avez choisi plutôt Rito. – C'est pas moi qui ai choisi.
03:19 C'est-à-dire que mon grand-père a tenu à ce que je m'appelle Henri,
03:22 puisque mon oncle Henri avait disparu à 15 ans déporté par les nazis,
03:26 et donc il avait tenu à ce que je m'appelle Henri,
03:28 mais mes parents n'avaient pas tellement envie de m'appeler par le prénom d'un mort,
03:32 de prononcer le prénom d'un mort à chaque fois qu'ils prononçaient mon nom,
03:35 mais ils n'osaient pas trop lui dire, parce que mon père avait encore peur un peu de son père.
03:40 Mon père était encore un jeune homme quand je suis né.
03:44 Enfin, c'était un homme, mais son père était encore là.
03:47 Et ma tante Rachel, la sœur de ma mère, a trouvé quasi sur mon berceau
03:53 le petit surnom de Riton qui m'a collé à la peau toute ma vie.
03:56 – Et Liebmann, d'ailleurs, il aurait peut-être dû y avoir deux N, je crois.
03:59 – Il y avait deux N, mais c'est un employé de la maison communale, je ne sais plus où,
04:04 un peu moins aîlé que les autres.
04:07 Mais on a eu du bol, puisque Liebmann, ça veut dire homme d'amour,
04:10 donc l'employé en Pologne, il avait été gentil avec nous.
04:14 – Et l'amour de son métier, votre père l'avait, il était enseignant
04:18 et il a vraiment formé des tas de gens.
04:21 Il est resté quelqu'un dans la mémoire de ceux qui l'ont connu, comme un grand professeur.
04:24 – Ah oui, c'est une personnalité très importante en Belgique.
04:27 Évidemment, personne ne le connaît en France,
04:29 puisque tout ce qui se passe outre-Kévrin, comme on dit,
04:32 ils ne savent pas trop en France.
04:34 Mais en Belgique, mon père était, puisqu'il est mort,
04:36 mais une personnalité extrêmement importante de la gauche.
04:39 C'était un militant de gauche, mais qui n'a jamais appartenu à aucun parti.
04:44 Mais c'était une figure de la lutte et du militantisme intellectuel,
04:48 et juif aussi, puisque c'était un des premiers juifs
04:51 qui souhaitait un rapprochement israélo-palestinien
04:56 et une reconnaissance de l'OLP.
04:58 Et il disait qu'il fallait discuter avec l'OLP,
05:01 ce qui déjà à l'époque, nous a valu quelques fameux problèmes à la maison.
05:05 – Alors, je sais aussi qu'il avait une connaissance de tous les lieux,
05:09 et dès que vous étiez quelque part, il racontait l'histoire du lieu.
05:11 – Ah oui, c'est dingue.
05:12 D'ailleurs, mon père, c'est marrant, parce que tu pouvais lui demander
05:14 "Qu'est-ce que tu as fait le 12 septembre 1974 ?"
05:18 et il te répondait ce qu'il avait fait.
05:20 N'importe quelle date, il savait.
05:22 Et c'est parce qu'il avait une conscience politique si aiguë
05:26 qu'il savait ce qui s'était passé le 12 septembre 1900 quelque chose,
05:31 quel était l'élément marquant de la politique à ce moment-là,
05:35 et où est-ce qu'il était, et qu'est-ce qu'il avait fait.
05:37 – Alors, votre mère avait une autre profession,
05:39 elle était psychothérapeute spécialiste de la méthode des parents efficaces.
05:43 On ne peut pas dire que ça ait marché sur vous, surtout à l'école.
05:46 – On est toujours le corps d'un nid de plus mal chaussé, comme on dit.
05:49 Justement, pour en revenir à la famille de ma mère,
05:51 ce qui est marrant, c'est que, comme je vous ai expliqué,
05:54 mon père, figure du militantisme et marqué très à gauche,
05:59 venait d'une famille juive de droite,
06:02 et avait été éduqué dans une famille juive de droite.
06:06 Il s'était caché pendant la guerre, il avait subi la Shoah,
06:08 il avait perdu un frère, il avait été même recueilli par des écoles catholiques,
06:13 mais il était marqué par une volonté, une conscience patriotique belge de droite.
06:20 Et c'est quand il rencontre ma mère, qui vient d'une famille de gauche,
06:24 boundiste, mais à la fois une famille beaucoup plus littéraire, chaleureuse,
06:29 d'humour, de blague juive, là, qu'il vire totalement sa cutie,
06:33 et qu'il fait n'importe quoi, et qu'il se met à être de gauche.
06:35 – Et donc, à l'école, vous n'étiez pas brillant,
06:39 mais votre père vous défendait à chaque fois, Aritha Ribad.
06:41 – Mon père, j'étais le bras armé de mon père pour toutes les conneries que je pouvais faire.
06:46 Comme mon père, malgré cette grande figure intellectuelle,
06:50 ce monument de la gauche belge et ses positions,
06:55 avait été un petit garçon peureux, pas très aimé par sa mère,
07:01 peureux, timide, réservé, et le fait que moi, son fils, j'ose tout, il était ravi.
07:09 – Et à l'époque, vous aviez un rêve, c'était la musique.
07:13 [Musique]
07:18 – Jimmy Hendrix, vous aviez un poster dans sa chambre,
07:21 Jimmy Hendrix et Led Zeppelin, c'était pour vous.
07:23 – Ah oui, moi j'adorais le rock, j'ai appris à lire dans Rock & Folk et dans Best,
07:27 alors que je ne savais pas lire.
07:29 J'étais déjà un gosse en avance, je traînais toujours avec des plus grands,
07:34 on allait au concert ensemble, je faisais plein de trucs,
07:39 j'y fais pas mal de choses trop tôt.
07:41 – Et Jimmy Hendrix, effectivement, avait fait un jour un concert avec Eric Clapton,
07:45 il avait joué avec les dents, il avait mis la guitare derrière sa tête,
07:49 et Clapton est sorti en disant "j'arrête ce métier, il est trop fort pour moi".
07:52 – Ah ouais.
07:53 – Alors, il se trouve aussi qu'un jour, vous êtes au café à côté de l'école,
07:59 et on vous tend une petite annonce qui va changer votre vie, Riton Liebmann.
08:03 – Oui, en fait, c'est un peu plus tard, j'ai 13 ans, je suis allé au lycée,
08:07 je m'emmerde, je ne suis pas un bon élève, effectivement,
08:10 les cours m'emmerdent, j'ai une bande de potes, je pense qu'à rigoler, à faire la fête.
08:16 Et un matin, de septembre 1977, comme on disait chez nous,
08:23 ma mère trouve une annonce dans le journal, où elle s'est marquée,
08:27 Bertrand Blier, réalisateur français, cherche un jeune garçon pour jouer dans un film,
08:32 se présenter à l'hôtel Hilton, et alors il cherchait un petit Belge,
08:36 parce que comme c'était une coproduction franco-belge,
08:40 et que Depardieu et Devers étaient déjà français,
08:42 ils voulaient trouver le petit garçon en Belgique.
08:45 Donc ils sont venus le chercher à Bruxelles, et ma mère est tombée sur l'annonce le matin,
08:49 et elle a foutu le journal dans la poubelle, de peur que, par miracle ou pas,
08:54 par mégarde, je trouve le journal, et elle ne voulait surtout pas que j'aille me présenter.
08:59 Donc elle a foutu le journal dans la poubelle, et c'est l'après-midi même,
09:03 en sortant des cours, que ma petite sœur m'a donné l'annonce,
09:06 parce qu'un professeur lui avait donné en lui disant,
09:09 si quelqu'un doit se présenter, ça peut être que ton frère.
09:12 - Et résultat, vous vous retrouvez à l'hôtel Hilton de Bruxelles,
09:15 et vous prenez l'ascenseur pour le 33ème étage, mais tout à fait par hasard.
09:18 - Mais par hasard, moi je m'en foutais, j'ai accompagné des copains qui voulaient y aller,
09:21 mais moi je m'en foutais. Enfin, c'est ma version du fait.
09:24 C'est ma version des faits. Parce qu'il paraît que Blier aurait dit à quelqu'un
09:28 que quand je suis arrivé dans le bureau, je leur ai dit,
09:31 ne cherchez plus votre rôle, je suis là.
09:34 Mais dans mon souvenir, c'était plus pour déconner,
09:37 pour faire le dingue, que vraiment par une volonté d'être acteur.
09:40 - Oui, mais en même temps, vous entrez dans ce bureau, c'est de suite,
09:43 par hasard, et il y a Blier qui est là.
09:46 - Oui. - Et vous commencez à parler.
09:48 - On commence à parler. - Et tout de suite, il a compris
09:51 qu'il y avait quelque chose en vous. - Oui, après j'ai fait des essais.
09:54 Je n'étais pas tout seul, il ne m'a pas engagé dans les 5 minutes,
09:57 mais il était assez intéressé. Surtout, je me souviens,
10:00 avec ses parents, ils seraient d'accord. Je leur ai dit,
10:03 mes parents s'en foutent, ils sont de gauche, ils me laissent faire ce que je veux.
10:06 Et là, j'ai vu, il a gloussé,
10:09 le producteur, lui,
10:12 il a éternué, ils se sont regardés,
10:15 et puis j'ai bien vu que je marquais des points.
10:18 - Et résultat, vous êtes allé à Paris pour la première fois de votre vie,
10:21 il y a des essais. - Ah oui, d'abord, on a fait des essais,
10:24 on est parti avec mon père, c'était génial.
10:27 - En T, en Trans Europe Express, je vous parle d'un temps.
10:30 Il y avait des mecs, il y avait encore un wagon-restaurant.
10:33 Je me souviens, il y avait des serveurs en blanc qui cuisaient des entrecôtes
10:36 dans le train. - Et il y avait une 3ème classe, puisque
10:39 Brel, quand il est arrivé à Paris, il a appris que la 3ème classe, c'était 6 heures de voyage.
10:42 - Ah bon ? - Oui, à l'époque.
10:45 - Comment un train, il y a un wagon
10:48 première classe qui fait 3 heures, et l'autre... - C'était en 53, c'était avant.
10:51 - Ok, ok, ok. - Donc, vous arrivez à Paris,
10:54 et vous faites des essais. - Je fais des essais, avec Depardieu.
10:57 Bliot avait été génial, parce qu'il avait fait un truc,
11:00 il avait écrit une scène d'essai qui n'était pas
11:03 dans le scénario. Il avait lui-même écrit une scène spécialement
11:06 pour les essais. Et bon, j'étais arrivé avec
11:09 mes essais, j'avais quand même... A partir de ce moment-là, je commence à être dans mes petits
11:12 souliers, parce que je passe du pur
11:15 fantasme, j'entre doucement,
11:18 et j'ai quand même envie, ça commence à m'exciter. Donc je commence
11:21 à avoir un petit peu peur, à avoir envie. Et là,
11:24 j'entends une voix, une voix qui arrive dans le couloir,
11:27 et Depardieu qui arrive dans le bureau, qui explose
11:30 tout comme un ouragan. Enfin,
11:33 oui, c'était des essais. Et j'étais pas très content de moi, parce que j'avais été
11:36 un peu timide face à Depardieu.
11:39 - Je comprends. Et résultat, ça donnait un film,
11:42 et une autre date, le 17 février 1978.
11:45 A tout de suite sur Sud Radio, avec Riton Liebmann.
11:48 - Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessy.
11:51 - Sud Radio, les clés d'une vie. Mon invité, Riton Liebmann.
11:54 Vous sortez vos mémoires, pleines d'émotions.
11:57 On va en parler. "La vedette du quartier",
12:00 un livre chez Séguier. - J'aime pas trop qu'on dise "les mémoires", parce que ça fait
12:03 un peu Général De Gaulle, quoi. C'est plutôt une histoire
12:06 romanesque d'un petit gars qui veut être acteur
12:09 et qui se prend les pieds dans le tapis du showbiz et de la gloire.
12:12 C'est plutôt dans cet esprit-là qu'il le fait, plutôt que raconter
12:15 mes mémoires. - Non, mais vous avez de la mémoire pour le raconter, justement.
12:18 Alors, on va l'évoquer bien sûr, et au fil
12:21 de l'émission. Et donc, si j'ai choisi la date du 17 février
12:24 1978, c'est la date de la sortie à Bruxelles
12:27 de ce film.
12:30 (musique)
12:33 Préparez vos bouchoirs génériques,
12:36 et vous êtes à la première, et vous êtes le seul
12:39 représentant du film à la première, Riton Liebmann. - Bah oui, je crois
12:42 que c'était à Bruxelles, donc encore une fois, les Français s'en foutent un petit peu.
12:45 Depardieu et Devers, ils sont déjà partis
12:48 vers d'autres aventures. Et Blié...
12:51 Je ne sais pas s'il était là ce soir-là. - Non, il n'était pas là ce soir-là.
12:54 - C'est moi qui l'ai écrit ? - Oui. - Bon, alors ça donne ça.
12:57 - Et c'est vrai que, pourtant, Bertrand Blié, vous avez eu de très bons
13:00 rapports avec lui. D'abord, vous aviez des points communs
13:03 en musique. - Bah oui, parce que moi, bon, c'est pas pour me la péter,
13:06 j'étais même un cancre, mais
13:09 j'étais un peu surdoué question musique.
13:12 J'étais assez en avance, j'écoutais à l'époque
13:15 DJK, The Weather Report, des trucs un peu
13:18 pointus, grâce à...
13:21 J'avais été influencé par des plus
13:24 vieux que moi, et j'avais des goûts un peu
13:27 pointus en musique.
13:30 Et quand je lui dis ce que j'écoutais, il me dit "mais c'est dingue, on écoute
13:33 exactement la même chose", alors qu'il avait dans les 40 ans,
13:36 j'en avais 13. - Et en même temps, il vous
13:39 pose une question à chaque fois, "est-ce que tu as lu un livre ?"
13:42 - Ouais, ouais. "Est-ce que tu as lu quelque chose ? Il faut
13:45 toujours lire un truc, bonhomme, il faut toujours lire." Et moi, à l'époque, je le lisais pas
13:48 du tout, et non, je lisais pas de bouquin. - Non, en même temps,
13:51 il travaillait vraiment avec vous, il changeait des choses dans le texte,
13:54 et il vous félicitait pour les tournages, ce que vous n'aimiez pas
13:57 forcément, Rituel Mag. - Ouais, j'aime pas tellement les compliments, moi.
14:00 - C'est curieux. - C'est bizarre. En fait, j'aime pas les
14:03 attaques et j'aime pas les compliments. J'aime rien, en fait, c'est ça.
14:06 Non, mais les compliments, ça me gêne toujours un peu, je sais pas où me foutre.
14:09 J'aime bien, mais une réaction physique,
14:12 ça doit venir de mes... faudrait que j'aille
14:15 voir ça en analyse. - Si je vous dis que votre livre est passionnant
14:18 et qu'on ne le lâche pas, ça vous gênera, quoi. - Ah non, ça me fait
14:21 plaisir, quand même. - Voilà, c'est le cas. Alors, il se trouve aussi
14:24 qu'il était tellement précis, Bertrand Blier, qu'un jour, il a envoyé
14:27 un chauffeur à Bruxelles récupérer votre salopette. - Voilà, c'est ça.
14:30 Parce que je m'étais présenté aux essais avec une salopette...
14:33 Une salopette à la coluche, comment on va dire... Et c'était comme ça
14:36 que je m'étais présenté aux essais. Et donc, je ne l'avais pas
14:39 à emporter sur le film et la costumière
14:42 était même pas au courant et il m'a dit "J'aimerais..." Mais c'était une époque où
14:45 il y avait de l'argent dans le cinéma, quoi.
14:48 Donc, ils n'ont pas hésité une seconde à faire partir un chauffeur de taxi
14:51 pour faire Paris-Bruxelles pour aller chercher la salopette
14:54 dans mon armoire à la maison. - Et puis, alors, Depardieu
14:57 arrive sur le tournage et quand on lit dans ce livre
15:00 comment Depardieu était sur les tournages,
15:03 on pense à aujourd'hui où on le décrit alors que finalement
15:06 c'est son personnage. - Oui, c'était son personnage. Enfin, après
15:09 s'il a eu des attouchements, etc., moi,
15:12 je ne veux pas parler de ça parce que c'est tout à fait
15:15 répréhensible. Mais à l'époque, c'était
15:18 plutôt un ouragan de vulgarité
15:21 mais on n'y prêtait pas plus attention
15:24 que ça, quoi. C'était Depardieu. L'équipe se regardait
15:27 bon, ben, voilà, on le laissait faire
15:30 parce que c'était Depardieu. Et c'était un système
15:33 et tout le monde... Mais aussi, c'était une façon
15:36 de se concentrer. C'est-à-dire que, je ne dis pas que c'est bien, je ne dis pas
15:39 que c'est mal, mais il ne parlait que de cul entre les prises.
15:42 C'était une façon de dégager la pression et dès
15:45 qu'on disait "moteur", il était dans le personnage.
15:48 - Et moi, il y a une chose qui me frappait chaque fois que je voyais qu'il me serrait la main,
15:51 j'ai cru que ma main allait exploser tellement il avait une poigne.
15:54 - C'est un ouragan, c'est un ouragan. - Vous avez même été chez lui, il vous a préparé
15:57 une blanquette de veau à Bougival ? - Oui, parce qu'il était très sympa, parfois
16:00 il était versatile. Des fois, il n'en avait rien à foutre de ma gueule, il ne me parlait pas
16:03 et puis des fois, je ne sais pas ce qu'il lui prenait, il se prenait d'affection pour moi
16:06 et il m'emmenait dans sa Mercedes, on allait faire des tours en voiture
16:09 et il m'emmenait chez lui à Bougival où il me montrait
16:12 les fresques. Ah, c'était très marrant. Je radote
16:15 comme un... ça y est, je radote. Je raconte des anecdotes
16:18 de jus. - C'est ça qui est intéressant. - Mais, il m'avait montré
16:21 des anecdotes... Ah, des anecdotes. Il m'avait montré
16:24 des fresques chez lui que le peintre, le décorateur
16:27 du film de Bertolucci 1900, parce qu'il
16:30 venait de... il sortait de 1900, ok ? Donc, il avait
16:33 fait copain avec l'équipe de 1900, il avait
16:36 un coiffeur italien, il avait un maquilleur italien
16:39 et il avait rencontré le décorateur de Bertolucci
16:42 qui lui avait fait des fresques intérieures
16:45 chez lui dans sa maison. Et il était très content de me montrer ça.
16:48 - Et en même temps, il y avait Patrick Devers qui lui était bon.
16:51 Le suivait un peu, mais c'était très différent Patrick Devers.
16:54 - Oui, il était un peu plus tassiture. Il était plus intérieur, plus réservé,
16:57 plus sombre... Voilà, c'était
17:00 un peu moins jovial avec Patrick. - Moi, je me souviens
17:03 de ses débuts au Café de la Gare, parce qu'il a débuté au Café de la Gare,
17:06 quand il y avait trop de spectateurs, il était celui qui sortait
17:09 avec la lance à incendie pour arroser le public en disant "Vous revenez demain".
17:12 - Oui, mais il était génial aussi à sa façon.
17:15 C'est un acteur extraordinaire. Et puis ce que je voulais dire aussi,
17:18 surtout, le plus important pour moi,
17:21 en dehors de leur personnage sympa, pas sympa,
17:24 ils ont été sur le plateau
17:27 dans les répliques d'une générosité incroyable.
17:30 C'est-à-dire que moi, un petit garçon qui n'avait jamais joué
17:33 et qui n'était pas très bon finalement au début du film,
17:36 j'ai pu me mettre à la hauteur
17:39 à leur niveau, si je puis dire, grâce
17:42 à leur façon de jouer et à leur générosité.
17:45 - Et au départ, Miu Miu devait jouer dans ce film,
17:48 mais elle rompt avec Patrick Devers, donc elle est remplacée par Carole Lohr
17:51 et je crois que ça a été un grand bonheur pour vous, Riton Liban.
17:54 - Pourquoi ? J'aurais été très content avec Miu Miu aussi.
17:57 Non, mais faut être honnête, on me demande toujours
18:00 "Alors, Carole Lohr, tu l'as vraiment en trois petits points ?"
18:03 Mais non, c'était clair, c'est évident que c'était un rôle qui n'avait aucune ambigüité
18:06 et que je n'étais même pas amoureux de Carole Lohr en vrai.
18:09 Je ne dis pas que je n'ai pas eu un petit émoi
18:12 quand elle m'embrasse sur la bouche, mais moi j'étais plutôt
18:15 à fantasmer sur des figurantes du coin plutôt que vraiment sur Carole Lohr.
18:19 - En même temps, elle était au sommet de sa gloire.
18:22 Elle vit aujourd'hui au Québec, elle a fait une apparition dans un sitcom en 2017,
18:25 elle a présenté un long métrage en 2014,
18:28 mais apparemment elle ne fait plus rien pour l'instant.
18:31 - Je ne suis pas au courant. - Non, c'est pour votre culture personnelle.
18:34 Alors, le problème c'est que le film sort, ça marche très bien
18:37 et qu'ensuite il faut rentrer à l'école. - C'est ça, c'est ça le problème.
18:40 Parce que le film c'était une aventure, comme disait ma mère,
18:43 Blié et tout le monde, c'est une aventure, tu vas oublier.
18:46 Donc moi, ok, ok, j'oublie, j'oublie, j'essaye d'oublier,
18:49 je retourne à l'école et puis le film sort et là je deviens
18:52 la vedette du quartier, je suis celui qui a tourné avec...
18:55 Alors qu'en plus, j'avais 14 ans, j'étais pas fini,
18:58 j'étais... Je suis le môme
19:01 qui a fait un gosse et qui a fait l'amour
19:04 à Carole Lorre alors qu'en réalité j'avais même pas fait l'amour moi.
19:07 - C'est fou hein. - J'étais puceau, je ne savais pas et j'avais peur
19:10 des filles, c'était à double tranchant parce que d'une part j'étais
19:13 le mec qui avait tourné avec Depardieu
19:16 et la petite vedette du quartier et en même temps j'étais pas fini
19:19 quoi, j'étais peureux avec les filles.
19:22 Enfin c'était... Et en plus à une époque complètement contractoire
19:25 qui a fait que... Bah tout ça, j'ai sombré.
19:28 - On va en parler justement, mais il se trouve que vous avez même manqué
19:31 l'école pour aller faire des missions, des rendez-vous
19:34 du dimanche de Michel Drucker. - Ouais. - Vous êtes retrouvé dans la loge
19:37 à côté de Claude François qui était en retard. - Ouais c'est vrai, ouais, exactement.
19:40 - Et là aussi vous avez vu Claude François se mettre en colère.
19:43 - Ah oui oui oui, j'ai vu Claude, j'ai vu Claude
19:46 et Michel Drucker paniqué parce que Claude François n'était pas là.
19:49 - Voilà, et c'était à cause d'une chanson dont le playback n'était pas parti.
19:52 - Le téléphone pleure
19:55 Le téléphone pleure
19:58 Quand elle vient...
20:01 - C'était Frédérique, la fille de Jean-Paul Barcoff et d'Iliane Colgruyer, sa secrétaire
20:04 qui est maintenant en script, qui faisait le rôle
20:07 de l'enfant dans cette chanson. Est-ce vrai que Claude François...
20:10 - Ah mais j'ai une anecdote géniale, elle est dans le bouquin je crois.
20:13 - Laquelle ? - Bah quand on est allé voir Claude François.
20:16 - Oui. - Quand on est allé voir Claude François en bande,
20:19 on n'aimait pas du tout Claude, on s'en foutait complètement.
20:22 J'avais un copain qui avait des places, donc on a été, mais nous on préférait
20:25 les Stones, les Santana, les Pink Floyd, et Claude François
20:28 vraiment c'était le dernier des mecs qu'on aimait.
20:31 Mais il y a quand même été. Et on est au fond de la salle comme ça
20:34 et à côté, il y a une petite estrade avec un micro
20:37 on se dit "mais qu'est-ce que c'est que cette estrade, très très loin de la scène"
20:40 et j'ai un copain qui avait un groupe de musique qui coupe le micro
20:43 pour le ramener chez lui. Et on s'en fout, on laisse tomber le truc
20:46 et à la fin, Clo-Clo chante "Le téléphone pleure"
20:49 et là il y a une petite fille qui doit lui répondre mais il n'y a plus de micro.
20:52 Et c'était elle.
20:55 Le pire c'est que je la raconte 30 ans plus tard à un producteur
20:58 Gérard Louvain pour qu'il me produise.
21:01 Et c'était le producteur de Clo-Clo à l'époque
21:04 et il s'était fait virer. Donc encore une fois, je m'étais pris des pieds
21:07 dans le tapis. - Non mais ça s'est arrangé depuis. Mais il se trouve
21:10 que Claude François a hurlé, même en scène avec ses musiciens
21:13 il se retournait pendant une chanson pour hurler
21:16 et comme il y a tellement de cris dans la salle, personne n'entendait ses hurlements.
21:19 Et c'est vrai qu'à l'époque, vous dites "il n'y a qu'une solution maintenant
21:22 si je veux continuer, c'est aller à Paris". - Ah oui, à l'époque, bah oui
21:25 parce que je m'emmerdais de plus en plus à l'école et je commençais
21:28 14, 15 ans, je commence à faire des conneries, c'est-à-dire que je fréquente
21:31 une autre bande qui se défonce
21:34 je m'emmerde, j'arrête l'école, donc comme
21:37 j'arrête l'école, je croyais que ça allait être chouette d'arrêter l'école mais c'est pas génial
21:40 parce que du coup je m'emmerde. Je me lève, je sais pas quoi faire.
21:43 Je vole des raquettes de tennis dans les magasins, mais même pas parce que
21:46 j'aime bien le tennis, juste parce que je sais pas quoi faire.
21:49 Je deviens... je traîne avec des...
21:52 une mauvaise bande, ils étaient adorables, on s'est marrés
21:55 comme des fous, mais je commence à faire... on commence à voler des sacs
21:58 on commence à se défoncer un petit peu
22:01 et là je me rends compte "ça va pas"
22:04 j'ai vraiment envie d'être acteur et c'est là que je décide
22:07 de partir à Paris. Donc je rappelle Bilyé, je suis pas complètement fou
22:10 aussi, parce que mes copains me disent "mais comment tes parents t'ont laissé partir"
22:13 c'est vrai, mais on a préparé le terrain. J'ai rappelé
22:16 Bilyé, j'ai rappelé une femme qui était
22:19 très importante pour moi, qui s'appelait Michèle Cerf
22:22 et qui était habilleuse sur "Préparez vos mouchoirs"
22:25 qui était avec moi tous les jours, qui était une dame
22:28 mais avec qui j'étais resté ami
22:31 chez qui j'allais dormir à Paris, il y avait Bilyé
22:34 qui m'a présenté des contacts et je suis parti
22:37 à Paris avec l'accord de mes parents à condition
22:40 que je passe le conservatoire ou
22:43 la rue Blanche de Paris. Et je suis parti.
22:46 - Justement on va en parler de tout ça parce que ça n'a pas été simple, à travers une autre
22:49 date, le 11 avril 1984. A tout de suite
22:52 sur Sud Radio avec Riton Liebman.
22:55 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessy.
22:58 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Riton Liebman pour ce livre
23:01 "La vedette du quartier" aux éditions Séguier. On a raconté
23:04 vos débuts avec Bertrand Bilyé
23:07 avec "Préparez vos mouchoirs" qui est un film qui vous a
23:10 vraiment lancé. On vous a demandé ensuite souvent comment il est de part
23:13 Dieu, comment il est de vers à tous les coups.
23:16 - J'ai de la chance parce que je connais un acteur
23:19 tous les acteurs ont leur petite
23:22 leur façon d'être connu. J'avais tourné avec Jacques François
23:25 qui est un acteur génial de la comédie française
23:28 qui a fait les rôles les plus intenses du répertoire
23:31 mais il était retenu pour son rôle
23:34 du Père Noël est une ordure où il dit c'est de la merde
23:37 mais c'est de la merde et on l'appelait "c'est de la merde"
23:40 "Ah regarde, c'est de la merde" donc finalement
23:43 dans mon malheur j'ai eu un peu de chance. - Alors la chance aussi
23:46 c'est un premier rôle le 11 avril 1984 avec ce film.
23:49 "J'ai traîné avec ton meilleur ami"
23:52 "Ah oui?"
23:55 "Aldo et Junior" adapté de une BD de Wolinsky
23:58 où vous jouez le fils d'Aldo Matchion
24:01 au départ c'était une bonne idée?
24:04 - Oui c'était toujours une bonne idée
24:07 bon avec les films avec Aldo c'était sûr que c'était pas
24:10 les goûts de mes parents, c'était pas 1900, c'était pas la grande bouffe
24:13 c'était pas Apocalypse Now mais quand on est acteur
24:16 il faut bien payer. Parce qu'il y a un truc dont je ne parle pas tellement
24:19 dans le bouquin mais un truc vrai c'est qu'il fallait quand même
24:22 payer son loyer. La vie d'un acteur c'est ça
24:25 parce que l'air de rien, le bouquin parle beaucoup de la vraie vie
24:28 d'un acteur. Donc une fois que je suis passé de
24:31 petite vedette de préparer le mouchoir
24:34 je suis devenu un acteur normal. Ni une star
24:37 ni quelqu'un. Je travaillais
24:40 un peu, je travaillais bien mais même quand un acteur
24:43 il travaille bien, il fait 3 jours
24:46 4 jours par ci par là. Un acteur ça ne travaille pas
24:49 tous les jours donc j'ai dû apprendre à
24:52 attendre et pour payer mon loyer
24:55 des fois j'ai fait des films où je pouvais m'endormir un peu
24:58 en lisant le scénario. - Oui mais là avec Aldo Matchion en plus
25:01 c'était une vraie comédie, c'était une tête d'affiche qui n'était pas souvent
25:04 pour vous et simplement Aldo Matchion
25:07 on tournait en janvier et Aldo Matchion passait plus son temps à raconter
25:10 sa vie qu'à s'intéresser au film. - Comme moi maintenant.
25:13 - Oui mais lui il avait rencontré Lelouch. - Ah bah si il parlait tout le temps
25:16 de Claude Lelouch, il disait "tu pouvais lui poser
25:19 n'importe quoi comme question, "Salut Aldo comment ça va ?"
25:22 "Ah ça va bien, pourquoi ?" Quand je tournais l'aventure avec
25:25 Claude Lelouch il me disait de faire un petit peu de sport
25:28 il plaçait tout le temps Claude Lelouch dans la conversation.
25:31 - Il faut savoir qu'il avait démarré avec un groupe parodique qui s'appelait
25:34 les Tontos, qui est devenu les Brutos qui s'est produit à Barcelone
25:37 pendant 6 ans, c'est là où il a été repéré par
25:40 Sacha Distel qui l'a engagé à l'Olympia et l'expression
25:43 de Aldo Laclasse c'est "né à l'Olympia".
25:46 - Magnifique. - Mais il a fait une carrière
25:49 en même temps ce film était réalisé par Patrick Schulman
25:52 un metteur en scène génial qui avait fait "La Tendresse Bordel".
25:55 - "La Tendresse Bordel", prof, et moi j'ai fait le seul film
25:58 de Patrick Schulman
26:01 j'ai fait son seul film qui n'est pas marché. - Et c'était un garçon
26:04 charmant qui avait peur de la pollution, il est arrivé
26:07 au restaurant avec ses couverts, je sais pas si vous le savez.
26:10 - Incroyable. - Il avait toujours ses couverts toujours prêts.
26:13 - C'est vrai que ce film n'a pas marché mais en même temps
26:16 vous avez fait plein de petits rôles et au départ le premier
26:19 qui vous a reçu à Paris, rétond-il mal, c'est Bernard Blier.
26:22 - Oui, parce que Bernard Blier m'avait reçu
26:25 parce que Bertrand, j'avais appelé Bertrand
26:28 en disant "ça y est" parce que Bertrand m'a dit
26:31 quand j'étais à Bruxelles et que j'ai commencé à chercher les contacts pour venir
26:34 à Paris, il m'a dit "bon bonhomme, si tu veux être acteur
26:37 faut venir à Paris, c'est la seule solution, tu vas pas rester avec ton
26:40 action belge, faut venir à Paris".
26:43 Ok ok Bertrand, ok ok, on a préparé le truc
26:46 et quand je suis arrivé à Paris, quand mon père m'a trouvé
26:49 une chambre de bonne à la porte de Vincennes et que je suis
26:52 descendu au café pour téléphoner,
26:55 il n'y avait pas de portable évidemment à l'époque, j'ai appelé Bertrand
26:58 je lui ai dit "salut Bertrand, je suis à Paris" et là il y a eu comme un petit
27:01 silence parce que Bertrand, il avait du boulot, il allait pas
27:04 s'occuper de moi toute sa vie, le temps avait passé
27:07 il avait d'autres filmeuses, donc il m'a un peu
27:10 fourgué chez son père, il m'a dit
27:13 "euh... voilà, va voir mon père
27:16 Bernard Blier, il va s'occuper de toi"
27:19 donc je suis traversé Paris, je suis débarqué chez Bernard Blier
27:22 qui lui-même m'a refourgué un autre professeur
27:25 de théâtre pour qu'il me fasse passer le conservatoire.
27:28 Oui, il se trouve que Bernard Blier vous a offert je crois, à Nett, sa femme, des
27:31 desserts, des petits gâteaux. - Oui, Paris-Brest, je m'en souviens encore.
27:34 Un passionné de bouffe, Bernard Blier, il avait une spécialité
27:37 il arrivait dans un restaurant pour prendre l'entrée, il payait
27:40 restaurant suivant, il prenait la plat de résistance et restaurant suivant
27:43 il prenait le dessert. - Incroyable. - Il fallait les meilleures adresses.
27:46 Alors, vous vous trouvez devant un prof pour préparer le conservatoire
27:49 et ça va être une véritable catastrophe. - Ah oui, mais c'est moi la catastrophe
27:52 c'est pas le prof. Le prof
27:55 il était sympa, il faisait son boulot, mais moi si je devenais
27:58 bon, j'avais 18 ans, je me rendais pas compte
28:01 qu'il fallait travailler à l'époque. Pour moi le travail ça n'avait aucune
28:04 valeur, apprendre son texte...
28:07 Je sais pas ce qui s'est passé, mais j'ai pas compris.
28:10 J'ai pas compris qu'il fallait bosser et je commence à sortir, je commence
28:13 à me faire des copains, je suis accepté
28:16 en boîte de nuit et donc je réussis. En fait
28:19 je glandais, j'arrive dans un Paris
28:22 incroyable. Faut dire que c'était un choc.
28:25 Quitter Bruxelles à 16 ans et se retrouver à Paris à 16 balais.
28:28 En ayant un peu fumé des joints
28:31 ce qui rend quand même parano, et se prendre le métro
28:34 les clochards, les halles en construction
28:37 se prendre Paris dans la gueule, c'était quand même assez violent.
28:40 C'est vrai que quand j'y pense je suis encore ému parce que se retrouver
28:43 Porte de Vincennes tout seul à 16 ans
28:46 et donc j'allais me balader
28:49 et en fait c'était assez difficile à cette époque.
28:52 Et ce qui était marrant c'est que j'avais quitté l'école
28:55 et que j'étais tellement seul que quand je voyais
28:58 des jeunes dans mon quartier sortir du lycée
29:01 j'avais envie d'être avec eux alors que moi-même j'avais quitté le lycée.
29:04 Et un jour vous tombez sur un télégramme
29:07 Oui, et donc je rate le conservatoire, je rate
29:10 la rue blanche parce que j'ai rien foutu.
29:13 Et puis bon, parce qu'on est beaucoup, je suis passé de
29:16 enfant star génialissime
29:19 de préparer vos mouchoirs à acteur de 17 ans
29:22 perdu dans la masse de tout.
29:25 J'étais devenu un petit gars normal finalement.
29:28 Donc je rate le conservatoire parce que j'étais pas le seul
29:31 et au moment de ranger mes affaires pour rentrer à la maison
29:34 j'avais pas vu qu'il y avait un télégramme
29:37 d'une casting directeur qui s'appelait Margot Capelier
29:40 Oui, la plus grande casting directeur.
29:43 La plus grande qui m'avait repéré et qui me demandait de passer au bureau
29:46 pour rencontrer Yves Boisset qui préparait le film
29:49 "Allons enfants".
29:52 Et donc vous avez un rôle, un tout petit rôle, ce qui vous déçoit, rit-on l'Ibman.
29:55 Ben oui, bon après c'est romancé
29:58 quand même parce que le bouquin c'est ma vie mais bon
30:01 c'est un petit peu romancé donc je raconte un petit peu
30:04 que je m'attendais à avoir le premier rôle quoi.
30:07 Normal, j'étais le petit gars de préparer vos mouchoirs.
30:10 Et là en lisant le scénario, qu'est-ce que je découvre ? Ah ben non, c'est pas moi le rôle principal.
30:13 Moi je suis juste le copain du copain du copain du rôle principal.
30:16 Donc je râle évidemment mais
30:19 je fais quand même le film et je pars
30:22 avec une bande de potes à la montagne et je rencontre des copains.
30:25 Yves Boisset était un peu tendu parce que Dupont-Lajoie
30:28 qui était le film précédent avait eu quelques soucis
30:31 car il parlait à l'époque du racisme
30:34 et à l'époque on n'en parlait pas du racisme.
30:37 Ça lui avait posé quelques problèmes.
30:40 D'ailleurs il avait peur d'avoir des problèmes sur "Allons enfants". Je me souviens très bien, il avait peur
30:43 des paras et des associations d'anciens combattants.
30:46 Alors il y a eu ce film, il y a eu d'autres films. Il y a un acteur avec qui ça s'est mal passé
30:49 et on le comprend, c'est Richard Berry. Pourquoi on le comprend ?
30:52 Parce qu'il est odieux parfois. Qui a dit ça ? Moi.
30:55 Et je ne suis pas le seul. Richard, si tu nous entends.
30:58 Ah non mais nous avons eu quelques différents
31:01 quelques fois. C'est pas un garçon méchant mais c'est un garçon
31:04 qui peut avoir des colères un peu bizarres. Ah oui, il avait des colères.
31:07 Et on lui en a fait les frais. Voilà, c'est-à-dire que vous ne jouiez pas
31:10 assez bien pour lui. Il fallait bien qu'il s'en prenne à quelqu'un
31:13 et malheureusement c'est tombé sur moi.
31:16 Et en revanche ça s'est mieux passé avec Gérard Losier avec la tête dans le sac.
31:19 Ah oui, il était très charmant, charmant, charmant bonhomme.
31:22 Alors c'est marrant parce que j'ai revu le film
31:25 je me demande ce qu'on en penserait aujourd'hui parce que c'est quand même un gros
31:28 macho de 50 ans
31:31 et disons que la communauté
31:34 LGBT en prend un peu pour son goût. Je me demande
31:37 si le film serait encore passable aujourd'hui. Mais c'était
31:40 quand même un gars charmant. Il ne s'y connaissait pas très bien
31:43 en cinéma. C'était un excellent
31:46 auteur et dessinateur. Mais la mise en scène
31:49 c'est autre chose. La mise en scène, il faut mettre sa caméra.
31:52 Ce qui fait que c'était souvent Guy Marchand
31:55 qui faisait le film. Et Francis Debert
31:58 l'a beaucoup aidé à une époque aussi. Ah, ça je savais pas.
32:01 Alors il se trouve aussi qu'il avait une spécialité, il était nul en autographe.
32:04 Quand il faisait ses BD, et j'en ai vu, les bulles
32:07 il y avait une faute par mot. Donc il y avait beaucoup de travail
32:10 après avec les correcteurs. J'en connais un autre.
32:13 Vous n'êtes pas si mauvais que ça en ce moment.
32:16 Quand savez-vous ? J'ai lu votre livre.
32:19 Il y a eu des correcteurs. Il y a eu aussi le mariage du siècle
32:22 avec La Bande du Splendide. La Bande du Splendide, ça vous amusait
32:25 Hériton Liebman ? Bah oui, c'était chouette. C'est dommage que c'est moi
32:28 qui ai dépassé les limites. Je voulais tellement être aimé
32:31 être vu, être regardé
32:34 que j'en faisais des caisses. Donc je me bourrais la gueule
32:37 juste pour qu'on me regarde. Parce qu'encore une fois, j'avais un petit rôle.
32:40 Et donc qui dit petit rôle, dit
32:43 être livré. Et j'étais jeune.
32:46 Je ne savais pas. Et je voulais tellement qu'ils m'aiment, qu'ils me regardent
32:49 que je faisais des conneries.
32:52 Oui, mais en même temps, eux aussi en faisaient. La nuit, ils faisaient
32:55 des blagues sans arrêt, le Splendide. Oui, eux.
32:58 Ils ne dépassaient pas les limites comme moi. Eux ne se sont pas retrouvés
33:01 en hôpital psychiatrique, dans un coma itinique
33:04 à Budapest. Oui, et carrément
33:07 avec la camisole de force. Ah oui, avec des barreaux sur les
33:10 fêtetres, et des drôles de pantoufles.
33:13 C'est vrai que ça marque
33:16 pour la vie. Mais en même temps,
33:19 il y a eu... Ce Splendide a vraiment
33:22 marché, et c'était une joie de vivre qui était
33:25 communicative. Oui, c'est vrai qu'à l'époque, franchement,
33:28 on ne pensait qu'à déconner.
33:31 C'était le but primordial, c'était se marrer,
33:34 faire les cons. Et puis,
33:37 il y avait les Imogen. Alors là, vous avez fait une série télé,
33:40 et vous étiez en gendarme, alors que vous adoriez porter le képi.
33:43 Oui, ça c'était un peu plus tard.
33:46 C'est une des premières séries
33:49 finalement, qui se passe en Bretagne, avec Lavanon
33:52 et Ben Guigui, en plein coeur de la Bretagne,
33:55 dans la Bretagne profonde. Et moi, je faisais un gendarme.
33:58 Ce qui était marrant, c'est que j'étais habillé en gendarme toute la journée.
34:01 Mais après, j'allais pisser dans la rue, j'allais boire des coups.
34:04 Quand je tournais pas, je me rendais même plus compte que j'étais habillé en gendarme.
34:07 En même temps, Imogen, c'était un personnage de Charles X. Braillat,
34:10 qui avait également écrit, entre autres, un roman,
34:13 Une ravissante idiote, qui a été joué par Brigitte Bardot en 1962.
34:16 C'était un grand auteur de roman.
34:19 Vous aviez souvent porté le képi, mais à Bruxelles, vous voliez les képis ?
34:22 Oui, c'était mon truc. Je volais des képis sur la tronche. - Pourquoi ?
34:25 Comme ça, pour me faire remarquer. J'ai toujours eu envie de me faire remarquer.
34:28 Fou, fou. Autant j'étais timide avec les filles,
34:31 autant j'osais tout dans la vie. Et pour faire rigoler
34:34 mes copains, j'étais capable de voler le képi sur la tronche d'un flic.
34:37 Et quelqu'un qui a voulu faire de vous une star, c'est Philippe Clerc ?
34:40 Oui, j'ai fait un film avec Philippe Clerc.
34:43 Oui, mais il disait que t'es une star.
34:46 C'était son personnage.
34:49 C'est un film avec un scénario écrit en quelques minutes ?
34:52 Quelques heures, allez.
34:55 Lui, il restait sur Jerry Lewis, parce qu'il avait tourné avec Jerry Lewis ?
34:58 C'est vrai. Il avait tourné avec Jerry Lewis et il m'en parlait.
35:01 Il voulait faire de moi le nouveau Jerry Lewis, c'est ça.
35:04 Et alors ? - Je l'écoutais, mais je n'étais pas vraiment convaincu.
35:07 Pourquoi ? - Je ne sais pas. Je ne faisais pas trop confiance.
35:10 J'étais dans mes trucs.
35:13 Et puis, je ne sais pas, je n'avais pas tellement envie d'être le nouveau Jerry Lewis.
35:18 Je préférais être moi-même, en fait.
35:20 D'ailleurs, je crois que c'est Benoît Poulvoorde qui a dit un jour
35:23 "le deuxième Belge le plus drôle, après moi, c'est Hériton Liebman".
35:26 Alors ça, pour dire la vérité, ce n'est pas tout à fait vrai.
35:29 C'est un copain à moi qui a écrit mon Wikipédia et qui a mis ça.
35:34 Ce n'est pas Poulvoorde qui l'a dit. C'est un copain à moi qui s'appelle Eric Hollander
35:37 que je salue si il entend cette interview, mais c'est lui qui a écrit mon Wikipédia.
35:42 Et je n'étais pas tellement d'accord avec ses descriptions,
35:44 mais comme je ne sais pas comment on fait pour corriger un Wikipédia, c'est resté comme ça.
35:48 - Voilà. Et Benoît Poulvoorde n'est pas au courant. - Non, bien sûr.
35:51 - Ce serait trop facile. - Ce serait trop facile.
35:53 - On va aller maintenant à une date importante, celle de la sortie du livre, le 28 mars 2024.
35:58 A tout de suite sur Sud Radio avec Hériton Liebman.
36:01 - Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
36:04 - Sud Radio, les clés d'une vie. Mon invité Hériton Liebman.
36:08 On a évoqué votre parcours et ce parcours, il est dans ce livre
36:11 "La vedette du quartier" chez Séguier, qui est un récit de votre parcours.
36:15 Pourquoi avoir écrit aujourd'hui ce livre ?
36:17 - Déjà parce qu'il faut payer son loyer. - Oui.
36:20 - Il faut bien faire quelque chose de ses journées.
36:22 Et disons qu'à un moment, la vie d'acteur ne me suffisait plus.
36:27 C'est-à-dire que la vie d'un acteur, c'est trois jours par si.
36:30 Même, j'ai joué dans "Police", j'ai joué dans "Le Benex".
36:36 Mais quand on regarde, c'est un jour de tournage, deux jours de tournage.
36:41 Donc les autres jours, il faut bien faire quelque chose.
36:44 Et j'avais en moi cette envie d'écrire.
36:46 Et voilà, plutôt que d'aller à la piscine, au yoga, faire des balades.
36:50 À un moment, je me suis dit "mais vas-y quoi, écris".
36:53 - Et vous avez écrit un seul en scène qui s'appelle "La vedette du quartier"
36:56 que vous avez joué à Bruxelles et à Paris. - Oui, et à Avignon, oui.
36:59 - Et qui est vraiment votre seul en scène, d'ailleurs, qui a touché le public.
37:04 - Oui, ça fait rire, ça fait pleurer.
37:07 Enfin voilà, il y a tout, c'est génial.
37:10 - Alors "La vedette du quartier", c'est le titre de ce livre.
37:12 Vous racontez votre parcours, et notamment les logements minuscules
37:15 que vous avez eus à Vincennes, à Pigalle,
37:17 et cette contradiction avec la vie nocturne dans les discothèques parisiennes.
37:21 - Bah oui, tout à coup, "La vedette du quartier", ça c'est la suite du bouquin.
37:24 C'est-à-dire que petit à petit, je deviens un petit branché de la nuit parisienne.
37:28 - Par les copains que vous rencontrez. - Par les copains.
37:30 J'ai l'impression que j'ai réussi ma vie parce que Prince pisse à côté de moi.
37:33 Je suis copain avec la bande de Florent Pagny, Vanessa Paradis.
37:36 On peut rentrer partout, et je crois que c'est génial.
37:39 Alors qu'à l'intérieur, spirituellement, je suis quand même détruit.
37:43 Parce que c'est génial, je peux aller partout, mais personne ne s'intéresse à moi, en fait.
37:47 - Vous arrivez à l'Elysée Matignon, d'ailleurs, vous allez tomber sur Gainsbourg
37:50 et vous allez finir la nuit chez lui. - Comme tout le monde, quoi.
37:53 - Oui, on va dire comme... En fait, moi je le voyais.
37:55 L'Elysée Matignon était une discothèque qu'on appelait "Le Bureau",
37:58 parce qu'il y avait tout le monde, où l'Elysée Matu vue.
38:01 - Et donc Gainsbourg était là tous les soirs dans la discothèque,
38:04 et souvent c'était le quart de police devant la porte qu'il ramenait chez lui,
38:07 qu'il buvait un coup avec lui.
38:09 - Je me souviens, quand je l'ai rencontré, donc il m'a amené...
38:12 En fait, il jouait au piano à l'Elysée Matignon et personne ne l'écoutait spécialement.
38:16 Et moi j'étais sidéré, et je connaissais Gainsbourg, donc j'avais été l'écouter.
38:20 Et après il m'avait dit "Ah, petit gars, tu vas finir la nuit chez moi,
38:24 donc on est partis chez lui", et il était très gentil.
38:27 - Ah, il était très très gentil.
38:29 Il avait un truc, il parlait "euh" comme ça devant le micro,
38:32 et dans la vie normale, il parlait tout à fait normalement.
38:34 - Il était avenant, il était gentil.
38:36 - Alors, l'Elysée Matignon, et c'est vrai que moi j'y ai traîné comme chroniqueur parisien,
38:40 il y avait de la drogue partout, et la drogue, vous le racontez dans ce livre,
38:43 ça a été votre problème ?
38:45 - Bah moi je suis tombé dedans, comme Obélix, oui, bah moi je peux pas quoi.
38:49 Moi ça a été tout, beaucoup trop, tout le temps,
38:52 alors que voilà, mes copains arrivaient à gérer,
38:55 ou à pas se droguer du tout, ou à se droguer un peu, ou faire la fête,
38:58 moi j'étais ce qu'on appelle dépendant,
39:00 c'est-à-dire qu'une fois que c'est rentré dans ma vie,
39:02 c'était plus fort que moi, et j'ai pas pu m'en passer.
39:05 - Ça a commencé parce que justement, il y avait peu de travail,
39:08 et que c'était une façon de planer.
39:11 - Bah oui, mais vous savez, évidemment, je me suis beaucoup posé la question,
39:15 pourquoi moi je suis tombé là-dedans et pas d'autres,
39:18 et en fait y'a pas tellement de réponses.
39:21 Disons que c'est un terreau, c'est plusieurs facteurs,
39:23 c'est une certaine sensibilité,
39:25 et voilà, on a jamais de réponse vraiment, pourquoi l'un et pourquoi l'autre,
39:29 pourquoi un gars va devenir alcoolique, et pas son cousin ou son frère ?
39:33 C'est mystérieux tout ça.
39:35 - Oui mais vous le racontez avec beaucoup de sincérité et d'émotion,
39:38 et notamment, il fallait trouver l'argent parce que ça coûtait cher, dit Don Liebman.
39:41 - Bah oui, mais bon, on se démerdait.
39:44 - Et puis y'avait quelquefois des descentes de police, y'avait...
39:46 - Oui, bah y'avait tout ça, y'avait le commissariat,
39:49 bon j'ai pas fait non plus des cas, c'était pas du grand banditisme non plus,
39:52 mais des petits cas, c'était des petits larcins,
39:55 des petits vols beaucoup moins glorieux chez les copains,
40:00 il m'est arrivé de voler des sacs chez...
40:02 Non mais c'est pas glorieux, c'est pas mesrine,
40:04 mais j'ai fait des conneries à mon niveau quoi.
40:09 - En essayant à chaque fois d'arrêter la drogue ?
40:11 - Oui, je voulais arrêter, tous mes copains me disaient
40:13 "mais arrête, arrête, arrête, tu fais des conneries, tu fais n'importe quoi, arrête !"
40:17 Et je disais "oui, oui, oui, oui", mais j'y arrivais pas,
40:20 parce que l'idée de me défoncer, quand elle me traversait la tête,
40:24 était plus forte que tout.
40:26 - Et un jour vous avez été pris en flagrant délit,
40:28 et vous en êtes sorti grâce à une pub devant les flics.
40:31 - Oui, bah c'est vrai que je me suis fait arrêter
40:35 en achetant de la cam' dans la rue,
40:37 et que les flics avaient vu Minimir, une pub qui passait à la télé,
40:40 donc ils m'ont laissé partir.
40:42 - Oui mais ça devait être très... parce qu'en plus,
40:44 payer son loyer, les avis de huissier arrivent dans la boîte aux lettres
40:47 parce qu'on a plus d'argent parce qu'on a pris de la drogue.
40:49 - Ouais, bah oui, bah oui, bah oui Jacques, c'est comme ça.
40:53 - Mais moi je me souviens de cette époque,
40:55 et effectivement le poppers notamment traînait partout,
40:58 et une fois dans mon bureau, quelqu'un en a explosé un flacon,
41:04 mais pendant 10 minutes, alors qu'on était à 10 mètres,
41:07 ça sentait, c'était horrible.
41:09 - Ouais mais le poppers, bon c'est un peu pour les enfants de cœur.
41:11 - D'accord, vous avez fait d'autres choses.
41:13 Alors il se trouve aussi qu'il y a les moments de luxe aussi,
41:16 qui sont liés à quelqu'un dont vous voulez reconnaître la voix.
41:19 - Laurent Pagny, d'ailleurs, qui est au best-seller aujourd'hui grâce à son livre,
41:30 et vous l'avez connu alors qu'il n'était rien,
41:33 qu'il travaillait dans un bar au HAL.
41:35 - Oui tout à fait, on s'est connu sur un casting,
41:37 on était deux jeunes acteurs qui passions des essais,
41:39 et puis voilà, on s'est pas lâché parce qu'on avait la même vie,
41:43 lui aussi c'était un petit provincial qui débarquait à Paris,
41:46 qui connaissait pas grand monde, moi non plus,
41:49 et il y avait un autre petit gars qui s'appelait Charlie,
41:52 et même un peu bruel à l'époque,
41:54 et on a formé Aquatuor,
41:56 comme on avait rien d'autre à foutre,
41:58 on traînait tout le temps ensemble.
41:59 - Et lui il chantait dans les bars aussi ?
42:01 - Il chantait dans les bars, il avait déjà une belle voix,
42:04 il savait chanter, et il chantait dans les pianobars.
42:08 - Et vous vous imitiez Johnny de temps en temps ?
42:10 - Je faisais Johnny, Blavillier,
42:14 moi je chantais "Quoi ma gueule"
42:16 et encore une autre chanson de Blavillier.
42:18 - Mais ça touchait pas le public comme Florent Pagny ?
42:20 - Bah c'était pas la même chose, moi je les faisais rigoler,
42:22 et lui il faisait pleurer les filles, et moi je les faisais rigoler.
42:25 - Alors il se trouve aussi qu'il y a du succès,
42:28 et vous allez vous retrouver dans une maison de vacances de rêve
42:31 à Saint-Tropez-Riton-Dibman avec Florent Pagny et Vanessa Paradis.
42:35 - Oui tout à fait, et donc ?
42:37 - Et bien c'est une vie de rêve pendant un mois !
42:39 - Ouais mais c'était pas tellement le rêve en fait, avec le recul,
42:42 parce que j'étais à ce moment là déjà complètement anonyme,
42:47 enfin vous allez me dire je crache dans la soupe,
42:49 parce que j'étais quand même à Saint-Tropez dans une villa,
42:51 avec moto, frigo, nourriture et tout à disposition.
42:57 Mais bon c'était une vie de showbiz, une vie de sortie,
43:03 pour moi honnêtement c'était pas tellement marrant.
43:06 Et puis le problème des bandes, tu peux rentrer dans une bande,
43:09 mais pour un mec égocentré comme moi, je n'étais rien quoi,
43:12 donc c'était pas suffisant.
43:14 - Oui mais en même temps vous étiez cachés,
43:17 parce que Florent Pagny et Vanessa Paradis ne pouvaient pas sortir.
43:21 Moi je me souviens des premières rencontres de Vanessa avec Florent,
43:24 très discrètement, à la sortie des Césars, ils s'étaient cachés,
43:27 je les avais observés, j'avais rien dit bien sûr aux journalistes,
43:30 parce qu'ils étaient traqués par les paparazzi.
43:32 - Ah oui c'était terrible, surtout quand on partait à la campagne,
43:35 ils ne pouvaient pas aller acheter un sandwich sur l'autoroute,
43:37 c'était impossible.
43:39 Alors que moi, tout le monde s'en foutait.
43:42 - Mais en même temps c'était magique,
43:45 parce que je crois que Florent Pagny devait faire un album,
43:48 et donc son producteur lui avait loué la maison.
43:50 - Ah oui, en Italie, à Gouet de la Mélo, c'était incroyable,
43:53 on a resté un mois et demi en Italie,
43:55 et je crois qu'il n'a pas dû faire plus d'une demi-heure de musique.
43:59 - Il se trouve aussi que pour survivre entre deux films,
44:01 vous avez fait des petits boulots,
44:03 vous racontez dans ce livre "La vedette du quartier",
44:05 et vous avez notamment, Hortendy Mann, travaillé dans une boucherie.
44:08 - Ah oui, j'ai travaillé deux heures en boucherie,
44:10 parce que regardez ces mains-là,
44:12 elles n'ont jamais travaillé.
44:14 Je n'ai jamais fait un boulot sérieux, c'est dingue.
44:16 Et à chaque fois que j'avais pas assez de boulot,
44:19 et que je voulais vraiment commencer un autre truc,
44:21 genre travailler sur les marchés,
44:23 aider mon oncle dans son atelier,
44:25 aider un copain dans une miroirerie,
44:27 j'ai tenté des trucs, parce qu'à un moment je ne pouvais plus,
44:30 paf, il y avait un autre rôle qui tombait,
44:32 et je partais sur un film,
44:34 et chaque fois que j'ai tenté,
44:36 donc j'ai tenté d'être bouché un jour,
44:38 parce que j'avais plus de boulot,
44:40 et j'ai fait toutes les conneries du monde dans la boucherie,
44:42 parce que je ne savais pas le faire,
44:44 et ça a duré deux heures avant que je rentre chez moi
44:46 pour aller faire une sieste.
44:48 - Et ça s'est terminé à la caisse, je crois, où vous aviez confondu des prix.
44:50 - Voilà, au lieu de taper 50 euros,
44:52 j'avais tapé 5000 euros, un truc comme ça.
44:54 - Alors il se trouve aussi qu'il y a un livre qui vous a marqué,
44:57 parce que vous avez quand même lu, c'est Martin Eden.
44:59 - Alors ça, oui, c'est le premier livre que j'ai été chercher dans une bibliothèque,
45:04 sans que personne ne me dise...
45:06 euh...
45:08 va...
45:10 que...
45:12 quand j'ai été le chercher, un livre tout seul en fait.
45:14 Il était là, mon bras s'est dirigé vers la bibliothèque,
45:16 et c'était Martin Eden.
45:18 Mais là où j'ai beaucoup...
45:20 où c'est beaucoup moins intéressant,
45:22 c'est que je me suis aperçu que dans tous les films au cinéma,
45:25 chaque fois qu'un héros
45:27 découvre son premier livre,
45:29 c'est toujours Martin Eden.
45:31 Je ne sais pas pourquoi, c'est le livre de la première fois.
45:34 - Et je vais vous le confirmer, puisque Edith Piaf
45:36 avait connu Alain Delon quand il était jeune,
45:38 elle l'appelait Martin Eden,
45:40 et disant "il faut que tu tournes le rôle de Martin Eden à ce début".
45:42 - Je ne sais pas pourquoi, c'est le bouquin de la première fois.
45:46 - Et vous auriez eu envie de tourner le rôle ?
45:48 - Ah oui, pourquoi pas, bien sûr.
45:50 - Alors il y a eu d'autres tentatives,
45:52 notamment le "Court Florent",
45:54 et ça s'est plutôt mal passé,
45:56 parce que vous avez voulu prendre des cours de théâtre.
45:58 - Oui, j'allais aux cours de théâtre, je m'étais inscrit au "Court Florent",
46:00 c'était chouette, mais bon, après,
46:02 il fallait payer, il fallait travailler,
46:04 et moi j'avais un casting pour faire un vrai film,
46:06 donc à l'époque, idiot comme j'étais,
46:08 je ne me suis pas dit "génial, je vais continuer le "Court Florent"".
46:10 Non, je partais sur un film
46:12 pour tenter l'aventure,
46:14 voilà, donc ça ne tenait pas.
46:16 - Et puis le théâtre, vous avez joué la cerisée,
46:18 ça ne passait pas, vous n'aimiez pas apprendre des textes.
46:21 - Voilà, je me suis fait virer par Francis Hissler,
46:23 qui m'a dit "mais il faut travailler quoi".
46:25 Ah bon ? Ah oui d'accord, ok.
46:27 Maintenant j'ai changé, d'ailleurs je travaille beaucoup,
46:30 ce n'est pas pour me lancer des fleurs,
46:32 mais quand on veut écrire, il faut quand même beaucoup travailler.
46:35 Et bon, voilà.
46:37 Mais à l'époque, non, je...
46:39 - Et vous avez beaucoup travaillé,
46:41 c'est vrai que dans les conneries,
46:43 entre guillemets, vous avez fait, sans vous rendre compte,
46:45 vous avez tourné dans un film érotique avec Sophie Favier.
46:47 - Oui, c'est un film érotique,
46:49 en trois dimensions, je tiens à le préciser.
46:51 C'était un des premiers films en trois dimensions,
46:53 avec une caméra qui faisait beaucoup de bruit.
46:55 Mais je ne savais pas que c'était un film érotique.
46:57 C'est le réalisateur, il m'avait rencontré au bain-douche
46:59 à 3h du matin, et il m'avait proposé
47:01 de tourner un film en Corse.
47:03 Et moi j'ai dit "ouais, mais le scénario..."
47:05 "Ah, mais t'inquiète pas, il n'y a pas de scénario,
47:07 tu vas voir, c'est du cinéma expérimental,
47:09 on s'en fout". Et bon, comme j'étais un peu foufou,
47:12 et que j'avais envie d'aller en Corse, j'ai dit "ok".
47:14 Et quand je suis arrivé sur le plateau,
47:16 j'ai vu quand même beaucoup de filles nues
47:18 qui se caressaient les seins.
47:20 Et là j'ai compris que j'étais sur un film érotique.
47:23 Et voilà, c'était comme ça.
47:25 - Et Sophie Favier a arrêté pour faire une émission avec De Chavannes,
47:27 et on lui a beaucoup parlé de ce film érotique.
47:29 - Ah bon ? On lui en a beaucoup parlé ?
47:31 - Ah oui, les journalistes s'en sont mêlés parce qu'ils ont su.
47:33 Et dans ce livre, vous parlez aussi beaucoup de vos parents,
47:35 Riton Liebman,
47:37 et notamment de votre père, avec qui vous êtes allé
47:39 le 10 mai 81 à la Bastille,
47:41 le soir de la victoire de François Mitterrand.
47:43 - Oui, c'était une date très importante pour mon père.
47:45 Il est venu de Bruxelles,
47:47 et il a pris sa voiture,
47:49 et il est allé klaxonner avec tout le monde.
47:51 Et comme moi j'habitais déjà à Paris,
47:53 on s'est vus ce soir-là,
47:55 on a été bouffer au restaurant ensemble,
47:57 et moi déjà, j'avais qu'une envie,
47:59 c'était de quitter mon père pour aller danser au bain-douche.
48:01 - Et ce que vous avez fait d'ailleurs.
48:03 - Et c'est ce que j'ai fait pendant qu'il dormait.
48:05 - Alors ce livre, c'est une étape,
48:07 parce qu'avec votre franchise et le fait que vous travaillez aujourd'hui,
48:09 vous avez réalisé des courts-métrages,
48:11 demain vous pouvez aller beaucoup plus loin,
48:13 réaliser un long-métrage, faire d'autres choses.
48:15 - Oui, j'ai réalisé un long-métrage qui s'appelle "Je suis supporter du standard",
48:17 et qui est sorti.
48:19 - Et maintenant l'avenir,
48:21 maintenant que vous travaillez beaucoup,
48:23 et que tout ça est passé,
48:25 vous avez un avenir devant vous.
48:27 - Il était temps.
48:29 - Il y a une interview que vous avez réalisée aussi
48:31 avec Alain Chabat,
48:33 qui était à l'époque animateur de Radio Monte-Carlo,
48:35 et je crois que ce jour-là vous êtes endormi.
48:37 - Exactement.
48:39 - Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
48:41 - Je l'ai rencontré sur un bateau,
48:43 j'avais passé des vacances tout seul,
48:45 à faire la fête, et le gars,
48:47 il n'était pas connu, il n'était pas Alain Chabat d'aujourd'hui.
48:49 - Ah non, il était animateur à Radio Monte-Carlo.
48:51 - Il était animateur,
48:53 mais il était content de rencontrer le petit gars qui préparait le mouchoir,
48:55 et il avait sa voiture, donc il me propose
48:57 de me ramener
48:59 de Barcelone à Paris,
49:01 tout un trajet où il va me poser plein de questions,
49:03 il était ravi, et moi je lui dis
49:05 "Ok", je suis monté dans sa voiture,
49:07 et je me suis endormi, malheureusement pour lui,
49:09 je me suis endormi sur le parking de Barcelone,
49:11 et je suis arrivé à Paris. - Et il n'y a pas eu d'interview.
49:13 - Donc il n'y a pas eu d'interview. - J'espère qu'aujourd'hui,
49:15 vous n'êtes pas endormi avec cette interview.
49:17 - Ah non, j'espère que les auditeurs non plus.
49:19 - Aucune chance, en tout cas je recommande
49:21 ce livre "La vedette du quartier"
49:23 chez Séguier, et vous ne serez pas seulement la vedette du quartier,
49:25 parce que encore une fois,
49:27 vous avez maintenant un avenir devant vous,
49:29 les conneries c'est le passé. - Exactement.
49:31 - C'est le mal que je vous souhaite.
49:33 - Merci beaucoup. - "La vedette du quartier"
49:35 chez Séguier, série Ton Liebman,
49:37 et je le recommande à celles et ceux qui nous écoutent.
49:39 Et puis, continuez comme ça et revenez avec d'autres films.
49:41 - Avec plaisir.
49:43 - "Les clés d'une vie" c'est terminé pour aujourd'hui,
49:45 on se retrouve bientôt, restez fidèles,
49:47 à l'écoute de Sud Radio.

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