Jacques Pessis reçoit Jean-Marie Poiré : réalisateur de « Papy fait de la résistance » et de « Les visiteurs », il raconte dans un live les coulisses des tournages. Le rire à l’écran se retrouve dans sa plume (éditions Michel Lafon).
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-05-21##
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00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:05 Le rire a été votre moteur et pas seulement quand vous avez prononcé ce mot sur les
00:10 tournages de films que vous avez réalisés.
00:12 Un passé lointain, en particulier fait de vous un réalisateur toujours très présent.
00:17 Bonjour Jean-Marie Poiré.
00:19 Bonjour.
00:20 Alors c'est vrai qu'on vous retrouve non pas avec un film mais avec un livre, Rire
00:25 est une fête, chez Michel Laffont, qui sont vos mémoires, vos mémoires caches.
00:28 Et c'est vrai que vous aviez plein de choses à raconter, on va évoquer ces mémoires.
00:33 Mais en même temps évoquer votre parcours parce que le principe des clés d'une vie,
00:36 c'est d'évoquer votre parcours depuis les débuts.
00:38 Les clés d'une longue vie alors.
00:40 Voilà, et alors la première date que j'ai trouvée c'est le 15 février 1974.
00:45 C'est la première fois qu'on parle de vous dans les journaux et pas dans n'importe
00:49 quel journal, Rock et Folk, dans le numéro 85.
00:52 Il y a un article écrit par Paul Alessandrini à propos du premier groupe français qui
00:57 ont se présenté comme un groupe de rock.
00:59 Alors là c'est pas Jean-Marie Poiré, c'est Martin Dune.
01:08 C'est Martin Dune, voilà.
01:09 Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Oui parce qu'en fait j'avais commencé
01:12 à chanter en Amérique, de façon parfaitement accidentelle en vérité.
01:18 J'habitais à l'époque, c'était dans les années 70-71, j'habitais à Californie.
01:30 Et pour vivre j'avais fait des films en 8 mm, ce qui était des films assez, pratiquement
01:36 de la peinture, c'était des films à double exposition, un peu psychédélique, à moitié
01:41 porno en fait d'ailleurs.
01:42 Il y avait beaucoup de nus au milieu, et c'était assez sympa.
01:47 Et je passais ces films dans les soirées et on se faisait payer en cash, c'était
01:54 participation aux frais.
01:56 Et je m'appelais Martin Blues à l'époque, Blues B L O O S.
02:02 Et puis ce truc a pris de l'ampleur en fait.
02:06 J'ai la chance que la vie me sourit souvent.
02:08 Et donc ce truc a pris de l'ampleur, au début c'était pratiquement faire de la
02:12 manche devant le métro quoi.
02:14 Et puis petit à petit c'est devenu presque une entreprise et un jour une femme très
02:18 très chic m'a appelé pour me dire "Vous êtes Martin Blues Entreprises, l'anniversaire
02:24 de mon mari, est-ce que vous feriez une soirée, combien vous prenez ?"
02:27 Alors j'ai dit "Je vais expliquer le système du cash", elle a dit "Ah c'est très
02:30 original".
02:31 Et du coup on s'est retrouvés dans une soirée, je n'ai jamais vu de ma vie entière
02:36 autant de Lamborghini, de Bentley décapotable, c'était tout le freak possible de la Californie
02:42 qui était là et il y avait des montagnes de billets.
02:46 Et voilà, donc je me suis retrouvé là et ce jour-là tout a foiré.
02:51 Mes projecteurs tombaient en panne, j'avais une nana qui me mettait des photos qui plaisaient
02:56 beaucoup qui n'est pas venue.
02:58 Tout a été une horreur et elle est venue gueuler en disant "Faut rendre l'argent,
03:01 vous allez prendre le micro".
03:02 Et j'avais un associé mexicain qui était un petit peu un bandit et qui a dit "Mais
03:07 attendez, vous n'avez pas entendu Martin chanter, c'est la deuxième partie du spectacle,
03:12 la première est un peu merdique, on a eu des problèmes techniques, c'est vrai.
03:15 Attendez voir la deuxième partie quand Martin chante".
03:17 Je n'avais jamais chanté de ma vie.
03:20 Donc j'ai appris que je suis chanteur, donc elle s'en va, elle dit "Ah bon, on va attendre".
03:25 J'ai dit "Mais t'es marteau ou quoi ? Tu vas chanter à ta chanson".
03:29 Alors ma chanson, j'avais écrit une chanson qui avait trois couplets.
03:33 Donc j'avais trois couplets, ça commençait bien les paroles, parce que ça commençait
03:40 pas, quand j'étais petit j'avais envie d'être dans l'interneur, c'est pas un rêve bizarre.
03:44 Donc ça c'était marrant comme début.
03:46 Mais enfin bon, j'ai dit "Mais qu'est-ce que je fais ?" Elle m'a dit "Toi, on coûte
03:49 rien de pognon, il faut qu'on le fasse".
03:50 Donc je suis parti et j'ai improvisé pendant 45 minutes, les yeux rivés sur le pognon,
03:57 et j'ai fait une impro, j'ai inventé n'importe quoi.
04:01 En fait j'ai raconté le script que j'avais dans la tête, que je voulais écrire.
04:05 Et comme je parlais avec un accent épouvantable, à la Maurice Chevalier, ils étaient pliés
04:11 en cas de rire, et j'ai commencé comme ça, comme chanteur en réalité.
04:15 Donc j'ai commencé comme chanteur aux Etats-Unis.
04:18 J'ai d'ailleurs failli faire un cabaret de New York ultra connu qui s'appelle Max Kansas
04:25 City, où tout le monde a commencé.
04:28 Betty Midler, Velvet Underground, Bruce Springsteen, tout le monde a joué là.
04:34 Et d'ailleurs le bonhomme m'a dit "Ah ouais j'aime bien ce que tu fais, je vais t'engager".
04:40 Et je pouvais pas payer mon hôtel, j'avais plus un radi.
04:43 Donc j'ai dit "J'ai combien comme avance ?" Il dit "Tu te fous de ma gueule, comme avance
04:47 ! Mais tu dois payer pour jouer ici".
04:49 Tout le monde a commencé ici.
04:51 Alors voilà, ton salaire c'est 90% de réduction sur le premier whisky, deuxième whisky, 10%
05:00 de réduction, après tu payes de ta poche, ça va ? Bon.
05:03 Donc j'avais plus un rond et là j'ai eu la chance, comme j'avais déjà écrit des
05:07 films, que l'hôtenière m'appelle pour me proposer de retravailler sur un film d'ailleurs
05:12 qui ne s'est pas fait.
05:13 J'ai dit d'accord mais ils m'ont envoyé un billet en first en plus, donc je suis revenu
05:19 au cinéma.
05:20 Mais cet orchestre où vous chantez Lola Cola, là aussi c'était un orchestre un peu antiqué,
05:26 je crois que vous vous répétiez à Villejuif, qu'il y avait le financement avec des petits
05:31 vols de moto, trafic de cam', c'était pas moi.
05:35 Moi je ne volais rien.
05:36 C'est vrai qu'ils m'avaient dit "on a tout le matériel".
05:39 Ils avaient un matériel fou, ils avaient un studio et en fait le matériel, j'ai dit
05:46 "mais il vient d'où ?" "On l'a acheté à la maison de la radio".
05:48 Ils venaient à la maison de la radio avec un camion, ils avaient embarqué un studio
05:54 pratiquement et moi j'avais écrit une chanson et j'avais une amie qui est une chanteuse
05:59 merveilleuse qui malheureusement est décédée, qui s'appelait Tali Brown, qui est une chanteuse
06:04 de jazz et une chanteuse de blues extraordinaire.
06:07 Je voulais lui envoyer la chanson que j'avais composée et ils m'ont entendu et c'est là
06:13 qu'ils m'ont proposé de faire un groupe et je l'ai fait au début par amusement.
06:18 Il s'est trouvé que j'ai été embarqué par la vie, c'est-à-dire que tout à court
06:22 on avait un copain qui était un pianiste mondialement connu qui s'appelait Alexis
06:29 Wassenberg.
06:30 Alexis Wassenberg est venu, il a dit "je vais revenir avec un copain à moi".
06:36 Il revient avec le patron de son copain, c'était le patron de Pat et Marconi.
06:40 Donc il vient, on joue et il se trouve qu'on fait ce disque.
06:44 Pour la petite histoire amusante, à un moment donné, d'ailleurs ça relie un peu le cinéma
06:52 parce que je l'ai un peu raconté dans un film qui s'appelait "Mon meilleur copain",
06:55 mais j'ai été poursuivi par un jeune homme qui me suivait partout, à tous les concerts,
07:01 qui me disait "pourquoi tu restes avec eux ? Viens, c'est toi qui as du talent, laisse
07:04 tomber, je te fais signer chez Yul's Head Artists".
07:08 Donc j'ai trahi mon groupe pour aller signer chez Yul's Head Artists en tant que Martin
07:13 Dune tout seul, qui a été un fiasco total.
07:16 Je leur ai conseillé, il y avait une fille qui tournait autour du groupe, qui chantait
07:23 très très bien, qui était américaine, elle chantait très bien, elle était amoureuse
07:26 de mon bassiste.
07:27 Et quand je m'en allais, je la voyais faire des bœufs et à un moment donné, on nous
07:32 a proposé de faire l'Olympia, première partie d'un groupe anglais.
07:34 Et ils sont venus me redemander "est-ce que tu veux pas le faire avec nous pour faire
07:38 l'Olympia ? Il faut faire l'Olympia !"
07:40 Alors je lui ai dit "écoutez, prenez Chrissie" et ils ont engagé cette américaine qui,
07:46 deux ans après, a été la première vedette mondiale puisqu'elle était la chanteuse
07:49 de Pretenders.
07:50 Et elle en parle toujours, Chrissie Haim, la chanteuse de Pretenders, a commencé dans
07:57 mon groupe Les Frenchies.
07:59 Vous avez aussi été photographe sous le pseudonyme d'Antonin Berg, je crois, Jean-Marie
08:04 Fauré.
08:05 C'est une autre vie ça.
08:06 En fait, je voulais pas du tout faire de cinéma.
08:08 Pas du tout, non.
08:09 Pas du tout.
08:10 J'hésitais beaucoup entre la photographie pour une raison très profonde.
08:16 En fait, j'avais vu un film d'Antonioni qui s'appelait Blow Up, qui était sur la
08:23 photographie de mode et je trouvais que le photographe était entouré de bombes.
08:28 Donc je me disais "ça c'est un métier merveilleux".
08:31 Voilà, photographe de mode, enfin on a pas le temps du tout de s'occuper des bombes.
08:37 Généralement c'est l'assistant qui les saute.
08:39 Parce qu'on s'occupe d'autre chose.
08:41 Alors j'hésitais entre photographe de mode et prix Nobel de littérature.
08:47 C'était les deux jobs qui me faisaient hésiter.
08:50 Et en fait j'ai choisi finalement, ou c'est plutôt le cinéma qui m'a choisi.
08:54 Mais c'est assez amusant parce que le cinéma c'est une photo médiocre avec une littérature
08:58 médiocre.
08:59 Mais c'est la combinaison des deux qui finit par faire des très bons films.
09:03 Oui, et celui qui est le premier qui a cru en vous c'est Bernard Blier qui a dit "toi
09:07 tu es de la roulotte".
09:08 Oui.
09:09 Il pensait que j'étais un saletain banque et que j'amusais beaucoup.
09:12 Mon père était un grand producteur de films.
09:15 Alain Poiret bien sûr.
09:16 Voilà.
09:17 200 films je crois.
09:18 350 films.
09:19 500 millions de spectateurs.
09:21 Donc vraiment une carrière absolument légendaire.
09:23 Mais alors il trouvait que le cinéma n'était pas du tout… En fait il n'avait aucune
09:28 confiance dans l'avenir du cinéma.
09:29 Donc il me disait "non tu vas faire avocat, tu vas faire ce que tu veux mais tu vas faire
09:34 des études".
09:35 Donc il voulait pas.
09:36 Et c'est vrai que Bernard Blier avait repéré que j'étais quand même… que j'avais
09:40 l'âme d'un saletain banque en fait.
09:42 Mais c'est vrai que Bernard Blier a une particularité.
09:44 Il arrivait sur le plateau en disant "bonjour les cons".
09:46 Oui.
09:47 Bonjour mes cons.
09:48 Oui comme ça.
09:49 Oui.
09:50 Tous les matins.
09:51 Bonjour mes cons.
09:52 Mais c'est un personnage aussi… Je sais que… Je sais pas si vous le savez mais
09:53 il déjeunait… Quand il déjeunait, il prenait un premier plat dans un restaurant, il payait,
09:57 et un second plat dans un autre restaurant, il payait, et le dessert dans un troisième
10:00 restaurant.
10:01 C'était un personnage extravagant.
10:03 Totalement.
10:04 Dur quand même.
10:05 Il avait des tâches, il avait des tâches, il avait des tâches, il avait des tâches
10:06 avec des tas de formules.
10:07 Et d'ailleurs il disait beaucoup ce qui était vrai d'ailleurs, qu'Audiard lui
10:10 piquait des phrases.
10:11 Et parce qu'il avait quand même un sens de la formule.
10:14 Bon il m'amusait beaucoup.
10:16 Il avait toujours une espèce d'argot, de goye, qui était extrêmement sympathique.
10:23 Et j'étais ravi de le retrouver quand j'ai fait "Twist = Moscou".
10:28 Alors qu'il m'avait refusé de jouer dans "Papier fait de la résistance".
10:31 Alors justement ça c'est votre carrière de cinéma.
10:33 On va en parler dans quelques instants à travers une autre date, le 9 janvier 1978.
10:38 A tout de suite sur Sud Radio avec Jean-Marie Poiret.
10:41 Sud Radio, les clés d'une vie.
10:44 Jacques Pessy.
10:45 Sud Radio, les clés d'une vie.
10:46 Mon invité Jean-Marie Poiret pour son livre "Rire est une fête" chez Michel Laffont.
10:51 Des mémoires cachent.
10:52 Alors, on a évoqué "Voix début" dans la chanson.
10:55 On va évoquer bien sûr ce livre tout à l'heure.
10:57 Mais "Voix début" et "Ma faim précoce".
11:00 Oui, "Ma faim".
11:01 Il y a eu d'autres choses.
11:02 Alors le 9 janvier 1978, c'est votre première télé.
11:06 On vous découvre sur le tournage de votre premier film.
11:09 C'est vrai que ça bloque les mecs quand on les drame.
11:13 Mais aussi tu leur sautes dessus comme si c'était une sonica.
11:15 "Le petit câlin" qui est un film qui a finalement un avance sur son temps puisque c'est l'émancipation
11:19 des femmes à la fin des années 70 avant tous les mouvements d'aujourd'hui.
11:23 Oui, c'est un film que j'ai écrit parce que j'étais assez agacé par le fait qu'à
11:29 cette époque, toutes les stars étaient des hommes.
11:32 En dehors de Romy Schneider et d'Annie Gerardo, il y avait deux vedettes féminines quand
11:36 même.
11:37 Mais il y avait Belmondo, Delon, Noiret, Defunes, Gabin encore qui n'avait pas fini sa carrière.
11:44 Il n'y avait que des hommes.
11:45 C'était que des histoires d'hommes.
11:47 Et moi, ça m'agacait beaucoup parce que j'ai souvent fait des films en fonction de ce que
11:52 j'aurais aimé voir moi comme spectateur.
11:55 Et en l'occurrence, les femmes changeaient de façon considérable et je trouvais ça
12:01 très intéressant.
12:02 Donc, j'ai écrit ce scénario.
12:05 Je n'ai pas trouvé d'ailleurs de metteur en scène pour le faire.
12:09 Et après, j'ai décidé de le faire moi-même.
12:13 J'ai eu la chance de tomber sur un producteur qui en plus était un producteur porno.
12:18 C'est un truc de fou.
12:20 Mon frère, Philippe Poiré, avait une entreprise très importante qui s'appelait le groupe
12:28 Xpand.
12:29 Et comme beaucoup de ces grosses entreprises, à Roland-Garros, il faisait des espèces
12:34 de déjeuners mondains.
12:35 Et après, on allait voir dans les loges, Björn Borg massacrait tous ses partenaires.
12:42 Et donc, ce jour-là, il y avait ce type qui avait gagné beaucoup d'argent dans le porno
12:47 et qui m'avait dit « je voudrais faire un film de porno intelligent ».
12:49 Alors, j'ai dit « c'est quoi un film de porno intelligent ? »
12:53 Alors, j'ai dit « vous voulez dire érotique ? »
12:55 C'est-à-dire, j'aimais beaucoup Georges Bataille par exemple.
12:58 Donc, j'ai dit « vous voulez un truc ? »
13:00 « Oui, comme ça, mais quand même avec des scènes de porno.
13:03 »
13:04 Alors, finalement, j'ai dit non, évidemment.
13:05 On a parlé de ce scénario et il m'a dit « ah, ça m'intéresse, c'est pas mal.
13:14 »
13:15 Donc, il a proposé de le faire.
13:16 Et puis après, il n'avait pas assez de sous, donc il est allé voir un producteur
13:21 connu, c'est-à-dire mon papa.
13:23 Et puis après, il a trouvé mon papa épouvantable parce que « ton père est un tyran, il n'écoute
13:28 pas ce qu'on dit.
13:29 »
13:30 En vérité, je crois d'ailleurs que ce producteur, c'est pas très dans l'air d'aujourd'hui,
13:34 mais ce producteur voulait faire… ça lui plaisait beaucoup, un sujet avec les femmes
13:40 parce que comme il faisait des films porno, il avait affaire à des actrices qui étaient
13:45 des actrices pornographiques professionnelles.
13:48 Et donc, il s'était dit « je vais élargir mon chantier ». Donc, il voulait rencontrer
13:52 des jeunes actrices.
13:53 Voilà.
13:54 Alors, sur ce film, il y a une particularité, c'est que Edmond Sechamp, votre directeur
13:58 de la photo, a un fils qui en même temps est en train de démarrer, qui est Renaud.
14:02 Qui est son neveu.
14:04 Et il démarrait en même temps.
14:06 Exactement.
14:07 Renaud démarrait en même temps.
14:08 Et d'ailleurs, j'ai rencontré Renaud à la sortie de mon film.
14:13 On a fait une émission de radio ensemble.
14:15 Je crois que c'était RTL, qui avait un chapiteau à Lyon.
14:20 Et on s'est retrouvé… c'est comme ça que j'ai connu Renaud à ce moment-là,
14:25 qui commençait à débuter, que je trouvais absolument génial.
14:28 Et moi, je présentais… c'était assez drôle parce que le coproducteur du film était
14:37 Yves Robert.
14:38 Et alors, il avait vécu une journée de cauchemar.
14:40 Il avait une émission à l'époque où on mettait un personnage dans une voiture, enfermé
14:47 en plein soleil dans une DS.
14:48 Et ce qui est stupéfiant pour la radio, parce qu'on aurait pu le mettre dans une voiture
14:54 qui ne soit pas vraiment dehors.
14:55 Donc, les gens tapaient sur la carrosserie, disant "qui est là-dedans ? Qui est là-dedans ?"
14:59 Et donc, il y avait un concours à découvrir qui était le personnage dans la voiture.
15:05 Et il avait passé une journée d'enfer en plein soleil à Lyon, plein ce bel cours.
15:10 Le malheureux, pour m'aider à la promotion de mon film, il est sorti exsangue de cette
15:16 voiture en eau.
15:18 Et votre premier film, en réalité, c'était une interview de Françoise Sagan à la Tour
15:22 Eiffel, je crois.
15:23 Oui, alors ça, c'était pas supposé être mon premier film.
15:29 J'étais en fait, à l'époque, stagiaire.
15:32 Mon parrain était directeur de Gaumont Actualité.
15:38 Et c'est mon parrain qui a...
15:40 J'étais fâché avec mon père.
15:43 J'avais fait une fugue.
15:44 Je voulais être artiste.
15:46 Je ne voulais pas continuer mes études.
15:49 C'était une grosse fâcherie.
15:51 Donc, mon parrain est intervenu, a dit "je vais le prendre comme stagiaire, assistant
15:57 opérateur aux actualités".
15:58 Alors, il se trouve que les opérateurs d'actualité étaient très bons chefs opérateurs, mais
16:04 ils étaient un peu des bourrins parce qu'ils avaient l'habitude de filmer du sport.
16:10 Ils filmaient très bien à la va-vite, mais ils n'avaient pas beaucoup le rapport avec
16:14 les gens.
16:15 Et moi, j'ai toujours eu un très bon contact avec les gens.
16:18 Donc, je me suis retrouvé par hasard metteur en scène.
16:21 Parce qu'ils sont arrivés chez Sagan.
16:23 Sagan était très timide.
16:24 On n'entendait pas un mot de ce qu'elle disait tellement elle parlait bas.
16:28 Donc, ils étaient complètement paniqués.
16:30 Et puis, je ne sais pas pourquoi, j'ai parlé avec elle cinq minutes.
16:33 "Mais elle t'a la bonne.
16:35 Alors, vas-y, occupe-toi du truc, pose-lui des questions."
16:38 Donc, j'ai improvisé des questions et j'ai même à un moment donné, je trouvais ça
16:41 statique son appartement qui était un peu triste, qui était au champ de Mars.
16:45 Et j'ai dit "tiens, pourquoi on..."
16:47 C'est d'ailleurs une liberté incroyable.
16:49 Ça n'existerait plus aujourd'hui.
16:51 Aujourd'hui, filmer sur la tour Eiffel, il faut demander six mois à l'avance une autorisation.
16:55 Là, j'ai dit "on y va".
16:56 On a pris trois tickets.
16:57 On est monté avec les caméras dans les ascenseurs.
16:59 Elle m'a dit "c'est incroyable, j'habite en France.
17:02 Je ne suis jamais monté dedans.
17:04 Je n'ai jamais vu Paris de là-haut."
17:05 On a extraordinairement sympathisé.
17:07 C'était une femme d'une drôlerie incroyable.
17:11 Elle ne pensait qu'à dire des bêtises.
17:12 Et comme je n'aime dire que des bêtises, on riait comme des bossus et on est devenus
17:17 très copains.
17:18 - Et puis, quelqu'un qui vous a vraiment mis le pied à l'étrier, Jean-Marie Poiret,
17:21 c'est Michel Audiard.
17:22 - Ah, c'est mon papa.
17:24 C'est mon papa de cinéma.
17:25 Michel, c'est une rencontre incroyable parce que je n'ai jamais su d'ailleurs pourquoi.
17:33 Je crois que ça a été une sympathie littéraire en réalité.
17:37 Parce que j'ai rencontré Michel dans un cocktail mondain.
17:41 Moi, j'étais là parce que je n'avais pas de sous.
17:44 J'étais avec une copine.
17:45 J'ai dit "avant d'aller en boîte, on va aller manger gratos".
17:49 Parce qu'à l'époque, il y avait des gros buffets.
17:51 Ce n'est plus comme maintenant.
17:52 Maintenant, il y a du saumon à varier.
17:54 À l'époque, il y avait vraiment des grands traiteurs qui amenaient une bouffe magnifique.
17:57 Donc, on se bourrait de petits sous.
17:59 - Oui, et puis on entrait comme on voulait.
18:00 - On entrait comme on voulait.
18:01 Et là, j'ai eu Audiard qui m'a parlé.
18:04 Et une discussion mondaine de trois minutes est devenue une discussion très amicale qui
18:10 a duré 20 minutes, un quart d'heure.
18:12 On a parlé de littérature.
18:13 Et moi, je m'entends toujours avec les gens sur la littérature en fait.
18:18 Ce n'est pas une blague quand je dis que j'aurais dû être prix Nobel de littérature parce
18:22 que mon ambition, c'était la littérature, les livres.
18:25 Et Michel est l'homme le plus cultivé que j'ai connu.
18:28 Il avait lu tous les livres.
18:31 Et donc, on a parlé de plein de choses.
18:33 Et j'ai eu le bol d'aimer des amis à lui.
18:37 Moi, j'étais fan d'Antoine Blondin.
18:40 Bon, il faut être débile pour ne pas être fan de Blondin.
18:43 Mais je ne me rendais pas du tout compte que c'était un copain à lui.
18:47 Et après, j'ai rencontré Blondin, dont la conversation n'était pas aussi amusante
18:52 que ça parce qu'il ne parlait que de sport et de vélo.
18:55 - Oui, quand il n'avait pas bu.
18:56 - Oui, quand il n'avait pas bu.
18:57 Après, il ne parlait plus du tout.
19:00 Et puis, on a parlé de Perret, du caporal épinglé, de plein de gens que j'ai rencontrés
19:04 chez Michel après, en fait, parce que c'était ses amis.
19:07 Et on est devenus amis littéraires comme ça.
19:13 Et puis, un beau jour, il m'appelle.
19:15 Et ce n'est pas lui qui m'appelle, c'est un secrétaire qui me téléphone et me dit
19:18 "Voilà, Michel Ludière, je voudrais vous voir pour que vous travailliez pour lui".
19:21 Et j'ai depuis devenu assistant.
19:24 Je n'avais aucune envie de continuer comme assistant.
19:27 Et j'y étais, mais vraiment avec les pieds de plomb.
19:30 Et je me suis dit "J'aime tellement ce type-là, je le trouve tellement brillant,
19:35 je vais quand même y aller".
19:36 Mais en arrivant, je me suis suicidé.
19:38 J'ai dit "Michel, avant qu'on commence à parler, je ne veux pas faire assistant.
19:43 Je préfère crever de faim, je ne veux pas faire assistant".
19:45 Et il m'a dit "Mais pourquoi tu penses que je veux te faire faire assistant ?"
19:49 "Non, je veux que tu sois auteur".
19:51 J'ai dit "Pardon ?"
19:53 "Oui, je veux que tu sois auteur.
19:55 J'ai créé mon premier film, je veux que tu sois auteur".
19:57 Alors, cette histoire que je raconte est un mensonge total,
20:03 parce que j'oublie un détail.
20:05 Il m'a bien promis d'être auteur, et j'ai été auteur,
20:08 mais il ne m'avait pas dit qu'on était sept.
20:10 Donc il ne prenait aucun risque en réalité.
20:13 On était sept auteurs autour de la table,
20:16 donc il avait mis plein de gens.
20:18 Moi, ça m'avait un peu agacé, parce que je me suis dit
20:22 "Déjà, on est mal payé, mais il faut diviser par sept".
20:25 Donc, c'était compliqué.
20:27 Alors, ça m'a pris un ouïe de film pour virer tout le monde.
20:31 Et c'était pour prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages.
20:35 Les films qu'il réalisait, qui à l'époque ont été critiqués,
20:38 mais qui sont des chefs-d'oeuvre aujourd'hui.
20:39 Formidable film, formidable film !
20:41 Très gros succès, formidable film,
20:44 et une rencontre incroyable.
20:46 Cet homme m'a tout appris en fait.
20:48 Il était génial, on est bien d'accord.
20:50 Une autre date importante dans votre vie,
20:52 c'est le 26 octobre 1983.
20:54 On en parle dans quelques instants sur Sud Radio,
20:56 avec Jean-Marie Poiret.
20:58 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessus.
21:02 Sud Radio, les clés d'une vie.
21:04 Mon invité est Jean-Marie Poiret, pour ses souvenirs.
21:06 "Rire est une fête" chez Michel Laffont.
21:08 Un livre à ne pas manquer.
21:10 Moi en le lisant, j'étais mort de rire.
21:12 Donc on va en parler tout à l'heure.
21:14 Mais déjà, vos souvenirs sont déjà des souvenirs souriants.
21:17 On a évoqué vos débuts.
21:19 Votre envie de ne pas faire du cinéma, c'est peut-être la seule chose que vous avez ratée.
21:21 Et puis, il y a le 26 octobre 1983,
21:25 avec un film qui est sorti.
21:27 "Papy fait de la résistance",
21:35 un film qui n'aurait jamais dû se tourner au départ, Jean-Marie Poiret.
21:37 Oui, c'était un film qui était beaucoup trop cher.
21:39 Et en fait, au départ, c'était un film qui avait...
21:43 C'était une pièce de théâtre de Martin Lamotte et Christian Clavie.
21:47 Et quand ils ont proposé au producteur, moi j'étais pas encore dans le coup,
21:51 il avait dit "mais c'est beaucoup trop cher, alors on va prendre une vedette pour compenser,
21:57 parce que vous n'êtes pas assez connue".
21:59 Et donc, on avait obtenu l'accord de Louis de Funès, pour jouer Papy.
22:03 Et Louis est mort, malheureusement.
22:07 Alors, d'abord, Louis de Funès était un type qui adorait la comédie,
22:13 donc il allait voir toutes les pièces de théâtre,
22:15 il connaissait tous les acteurs, il avait adoré cette pièce, il avait adoré "Le Splendide".
22:19 Et donc, il était très content de faire ça.
22:23 La seule chose qu'il voulait, c'était un rôle qui ne soit pas trop long,
22:25 parce qu'il venait d'avoir un problème cardiaque,
22:27 il ne voulait pas se fatiguer trop, son cœur en tout cas.
22:31 Et pas un truc dans lequel il courait partout,
22:33 il avait peur de courir, de cette énergie qu'il donnait dans les autres films,
22:38 il ne voulait pas le faire.
22:39 Mais en plus de ça, moi, j'ai une histoire d'amitié avec Louis de Funès,
22:43 parce que j'ai connu Louis de Funès sur des films où j'étais assistant.
22:47 - Le Grand Restaurant, je crois.
22:49 - Le Grand Restaurant et Oscar.
22:51 Et il m'adorait, parce que, en particulier sur Oscar,
22:57 toute l'équipe le vomissait.
23:01 Alors maintenant, les gens, depuis qu'il est mort,
23:03 depuis qu'il est devenu une légende,
23:05 personne ne va reconnaître ça, et tout, moi dire "je l'ai toujours aimé",
23:08 mais c'est pas vrai, les gens le détestaient, les techniciens le détestaient,
23:12 ils ne riaient pas, faisaient leur job, sérieusement,
23:15 et même avec un certain mépris pour lui.
23:17 Donc la seule personne sur le plateau d'Oscar qui riait, c'était moi.
23:22 J'étais la seule personne qui avait généralement une manche de pullover
23:26 pour ne pas faire de bruit, et il me voyait du bout du plateau,
23:29 et il avait compris que j'étais un fan, j'étais son fan,
23:34 et d'ailleurs, j'ai même un jour réalisé que c'était moi qui dirigeais le film,
23:39 parce que c'était hallucinant comme histoire,
23:42 mais figurez-vous que j'avais un rencard avec une beauté,
23:46 je ramais comme un malade pour avoir ce rencard,
23:49 parce qu'elle avait une aventure avec un garçon beaucoup plus joli que moi,
23:54 plus âgé, très marrant, et qu'il y avait une jaguar en plus,
23:58 donc je ne vous dis pas le problème, non ?
24:01 J'avais réussi à choper un rencard,
24:04 et puis au dernier moment, elle me fout un lapin,
24:07 elle me fait appeler pour dire "non, je ne peux pas,
24:10 je ne peux pas tromper mon copain, c'est pas possible, je m'y mets".
24:13 "Mais on dîne ensemble, c'est pas..."
24:15 "Oui, oui, je te connais, on dîne ensemble, puis après tu voudras que..."
24:18 "Non, non, non, laisse tomber."
24:20 Je suis à bord du désespoir, hésitant à me jeter dans la Seine,
24:24 ou à partir, à marcher droit devant, jusqu'au périphérique,
24:28 voilà, elle me jetait sous une voiture,
24:30 et donc je suis revenu dans un état de morosité sur le plateau total,
24:35 je me suis assis dans un coin du plateau, sur mon petit tabouret au fond du plateau,
24:39 et là j'entends un truc qui me réveille, parce que j'entends "46e" et un clap,
24:45 puis "47e", un nombre de prises considérable,
24:49 donc je fais "mais qu'est-ce qui se passe ?"
24:51 et je voyais Funès, les yeux rivés sur moi, paniqués,
24:55 parce que je ne riais pas, j'étais au bord des larmes,
24:58 et j'ai compris qu'en fait, il disait à Molinaro "ah ben celle-là est bonne, c'est quand je riais en fait".
25:04 C'était mon père qui produisait le film, donc je dis "merde, faut que je fasse un effort".
25:09 Malgré mon désespoir intense, j'ai fait "hahaha", et j'ai entendu dire "bon, celle-là est bonne".
25:16 - Alors "Papy fait de la résistance" se fait, Jean-Marie Poiré, avec l'équipe du Splendide finalement,
25:20 plus Jacqueline Maillant, ça n'a pas été facile, parce que Maillant, elle était excellente au théâtre,
25:25 et c'est Pierre Barillé qui me l'a raconté, quand il est allé voir la pièce le soir,
25:30 elle avait changé les choses sans prévenir les auteurs.
25:33 - Oui, d'abord elle inventait du texte, elle rajoutait des choses,
25:38 et surtout le problème de Jacqueline, c'était que c'était la reine du théâtre,
25:45 tout était fait autour d'elle, tous les autres acteurs étaient des fervaloirs de Jacqueline Maillant.
25:52 Et là elle s'est retrouvée dans un film dans lequel ce n'était pas le cas,
25:55 c'est-à-dire qu'il y avait d'autres comédiens, il fallait donc aussi qu'ils jouent,
25:59 donc c'est la première fois qu'elle était comme ça en but, alors ça l'a gassé un petit peu.
26:04 Et la deuxième chose, c'est que les gens ne savent pas,
26:08 Jacqueline Maillant a commencé avec de funès dans les Branquignons.
26:12 - C'est une follure ! Et il y a même une scène formidable,
26:15 elle rentre en scène en disant qu'il y a une fuite de gaz,
26:19 Pierre Brasseur sort affolé, il a compris que c'était un gag,
26:23 et il l'a engagé dans une pièce d'allure ensuite.
26:25 - Ah oui, c'est incroyable !
26:27 Donc elle était l'ami de de funès, et donc leur chemin s'écarte,
26:33 il devient la méga-star de cinéma qu'il était,
26:36 et elle devient une vedette de théâtre, elle a toujours été un peu frustrée par ça.
26:40 Donc quand elle est arrivée sur tapis, j'étais absolument accablé,
26:45 parce que le premier jour de tournage, elle m'a demandé de rajouter du texte,
26:51 donc j'ai dit écoutez, si vous rajoutez du texte, on le fera,
26:55 on va faire d'abord la prise qui me plaît, et puis après je ferai un essai avec vous
26:59 pour avoir le temps de réfléchir si c'est bien ou pas bien,
27:02 mais je peux pas au déboté comme ça accepter votre truc,
27:05 ce qui lui a pas tellement plu, et la deuxième chose,
27:08 c'est que j'ai vu qu'elle en faisait des wagons,
27:10 c'est-à-dire qu'au théâtre, les acteurs finissent par s'ennuyer,
27:14 et donc petit à petit, ils en rajoutent, ils en rajoutent,
27:17 le public rit, donc ça les conforte dans ça,
27:21 ce qui est d'ailleurs ce que Pierre Mondy,
27:23 qui est un fantastique metteur en scène de théâtre,
27:25 a appelé les mauvais rires, parce qu'il dit,
27:27 il y a un moment où on dépasse l'histoire,
27:31 où on dépasse le scénario, pour faire des singeries.
27:35 Et elle a commencé par des singeries,
27:37 alors j'étais absolument effondré,
27:39 donc j'ai dit "coupé", j'ai dit "c'est formidable",
27:42 à l'époque j'étais encore un peu diplomate,
27:44 après j'ai peut-être pris la grosse tête,
27:46 j'y l'ai été moins, mais à cette époque-là,
27:48 j'étais encore humble, et donc je dis "Jacqueline,
27:52 formidable, on va changer la caméra de place,
27:54 venez, je veux vous parler", donc je l'ai emmené à part,
27:56 et je lui ai dit "écoutez, voilà, il y a un malentendu,
27:58 Jacqueline, je vais vous demander de ne pas être drôle".
28:01 Elle m'a dit "pardon ?"
28:02 Je lui ai dit "oui, vous serez toujours drôle".
28:05 Je lui ai dit "je voudrais que vous soyez chic,
28:08 je voudrais que vous soyez maillant, en fait,
28:10 je vous ai pas engagé pour me faire le pitre,
28:12 je vous ai engagé parce que,
28:14 j'ai dit "vous voyez la Calas,
28:16 il n'y a pas plus chic que la Calas,
28:18 il n'y a pas plus snob, mais votre vie aussi,
28:20 vous passez vos vacances à Saint-Tropez,
28:22 vous êtes sur des rivas,
28:24 vous avez un appartement sublissime,
28:26 avec la plus belle vue de Paris,
28:28 je lui ai même dit "il paraît que vous êtes assez chiante au théâtre,
28:31 enfin, pardon, je lui ai dit "oui, oui,
28:33 il paraît que vous êtes une diva,
28:34 vous êtes un peu emmerdante".
28:36 Je lui ai dit "soyez ça, soyez la maillon".
28:39 Alors elle a été un peu vexée,
28:41 elle m'a dit "écoutez,
28:43 je ne voyais pas les choses comme ça,
28:44 moi je vais essayer",
28:45 ce qui prouve d'ailleurs l'extraordinaire talent
28:47 et l'humilité de ses acteurs.
28:50 Et je dois dire qu'elle m'a foutu les larmes aux yeux
28:52 parce qu'à la fin du film,
28:53 elle a frappé à la porte de ma loge,
28:55 elle m'a dit "je suis venu vous remercier
28:57 de votre direction parce que c'est absolument formidable,
29:00 je suis enchanté de ce rôle".
29:02 Et elle était un pur génie dans ce rôle.
29:05 - Alors il y a aussi un film génial
29:07 que vous avez réalisé
29:09 et dont la bande originale est un classique.
29:11 "Les Visiteurs"
29:17 qui au départ est une histoire que vous aviez imaginée
29:19 à 17 ans je crois, Jean-Marie Foirel.
29:21 - Oui, c'est un court-métrage.
29:23 En fait, j'avais été épaté par "La Place d'Arras",
29:26 qui est une suce de splendeur.
29:28 Et je trouvais tellement jolie cette place
29:31 que j'avais imaginé un court-métrage
29:34 avec un bûcher, une sorcière.
29:37 Et puis j'avais marqué le postulat, en fait.
29:40 C'était une femme, sa sœur,
29:42 elle était brûlée et elle jetait un sort.
29:45 Et en parlant de ça, sa sœur mettait du poison
29:48 dans le vin du seigneur.
29:50 Et comme vous savez, les enfants de chœur
29:53 ont buvé le vin de messe en cachette,
29:55 donc il avait un valet qui buvait en cachette
29:58 un peu de son pinard.
30:00 Et les deux partaient parce que le sort
30:03 faisait aller dans le temps.
30:05 Et c'était une histoire assez triste.
30:07 Et j'avais écrit ça, c'était un court-métrage,
30:09 un grand spectacle, il faut être complètement
30:11 d'une prétention pour imaginer qu'on allait
30:13 me donner du pognon pour faire ça.
30:15 Donc je m'étais dit, ça va le faire
30:17 si j'ai une vedette pour le faire.
30:19 Alors j'avais un plan machiavélique.
30:21 J'ai proposé Jacques Couille à un acteur
30:24 qui jouait dans "Les tontons-flingueurs"
30:27 qui passait ses week-ends chez mes parents.
30:30 Et je savais qu'il était très copain
30:32 avec Robert Hossein, qui était une grosse vedette
30:34 à l'époque. Donc j'ai proposé le rôle
30:36 du valet à Dalban.
30:38 Et je lui ai dit, tu crois que Robert
30:40 Frelchevalier... Il me dit, je vais lui faire lire.
30:43 Donc je m'étais dit, si j'ai Robert Hossein,
30:46 alors je vais trouver du pognon pour faire
30:48 ce court-métrage. Et Hossein a été très malin
30:51 parce qu'il a battu en touche, il voulait pas
30:53 se fâcher avec le fils d'un producteur.
30:55 Donc il m'a dit, c'est tellement génial,
30:57 tu devrais en faire un long.
30:59 - Et c'est comme ça que c'est né.
31:01 Robert Dalban et Hossein étaient copains,
31:03 ils jouaient dans tous ses spectacles.
31:05 Et moi je me souviens de "Danton et Robespierre"
31:07 où ils ont bien dîné avant.
31:09 Et Robert Dalban s'est endormi pendant
31:11 la représentation, il s'est réveillé soudain,
31:13 il a parlé du dîner et d'autres choses.
31:15 On a dû baisser le rideau.
31:17 - Ah là là, c'est génial. Très copain.
31:19 - Un personnage extraordinaire.
31:21 - Alors, "Les Visiteurs" là aussi,
31:23 ça a failli se placer, parce que le producteur
31:25 Alain Terzian, qui n'est pas vraiment un artiste,
31:27 a pensé que ça ne marcherait jamais,
31:29 que les films du Moyen-Âge, ça ne marchait jamais.
31:31 - Oui, oui. Il a pas voulu le faire.
31:33 D'ailleurs il ne l'a pas fait en fait.
31:35 Il a signé comme producteur,
31:37 mais en réalité il n'était que producteur exécutif
31:39 puisqu'il a refusé de faire le film.
31:41 Et moi il m'a dit, c'est pas possible,
31:43 des films sur le Moyen-Âge qui ont marché,
31:45 il faut remonter à François 1er,
31:47 il faut remonter à François 1er,
31:49 en 1952. Alors j'ai dit, c'est génial.
31:51 Parce qu'on a un autoroute,
31:53 vous voulez toujours faire le film qui a marché l'année d'avant.
31:55 Il l'a déjà fait.
31:57 Je me souviens, c'était "La Tendresse Bordel",
31:59 j'avais dit, voilà, donc vous voulez le faire maintenant,
32:01 bonjour bordel, comment vas-tu bordel, etc.
32:03 Donc je lui ai dit, voilà, moi je trouve qu'il faut faire ça.
32:05 Et il a pas osé me dire non.
32:07 Il m'a dit, c'est trop cher.
32:09 Il faut enlever 20 millions de francs d'époque,
32:11 3 millions d'euros.
32:13 Et il m'a dit, c'est trop cher.
32:15 Il m'a dit, c'est trop cher.
32:17 3 millions d'euros.
32:19 Pfff.
32:21 J'ai dit, mais c'est pas possible.
32:23 Donc je lui ai proposé,
32:25 j'ai réfléchi pendant 2 heures,
32:27 j'ai marché en long dans le parc Montceau,
32:29 et je suis revenu, je lui ai dit,
32:31 voilà j'ai une idée, tu trouves qu'il y a
32:33 3 millions d'euros à couper,
32:35 moi je te propose d'en rajouter 3 au contraire, en plus.
32:37 Et je te fais 2 films.
32:39 Et il était tellement
32:41 estomaqué,
32:43 il m'a dit, mais il faut faire une fin qui amène au deuxième.
32:45 J'ai dit, mais il y avait eu un film de
32:47 Fritz Lang qui s'appelait "Le tigre du Bengale"
32:49 et "Le tombeau hindou" qui avait été fait
32:51 en 2 volets comme ça,
32:53 et ça se faisait beaucoup dans les années 30,
32:55 donc j'avais dit, on pourrait faire ce truc là.
32:57 Et il m'a dit, oui, oui,
32:59 enfin il l'a pas fait, et il a même dégoûté
33:01 Gaumont de le faire,
33:03 puisqu'à un moment donné, on m'a dit,
33:05 on va faire autre chose, vous allez écrire autre chose.
33:07 Et je lui ai dit, écoutez,
33:09 lisez votre contrat, vous avez,
33:11 en Amérique on appelle ça un "first look",
33:13 un regard,
33:15 vous avez le droit à un regard
33:17 sur le scénario, une priorité.
33:19 Donc j'ai dit, c'est pas grave,
33:21 je vais aller voir Claude Berry,
33:23 Clavier va aller voir
33:25 Christian Fechner,
33:27 et si ils veulent pas,
33:29 alors on en reparlera, mais pour l'instant, non.
33:31 Et le patron
33:33 de Gaumont à l'époque,
33:35 qui était Patrice Ledoux,
33:37 m'a appelé le lendemain
33:39 pour me faire, écoute,
33:41 tu veux,
33:43 je t'invite à déjeuner, il m'avait invité à déjeuner
33:45 dans un restaurant étoilé, j'ai dit ça c'est bon signe,
33:47 parce que généralement, on vous invite dans les restaurants étoilés,
33:49 donc cher, que s'il y a
33:51 une suite, parce que si c'est
33:53 pour vous dire non, on vous invite même pas,
33:55 on vous offre un McDo,
33:57 et donc,
33:59 là il m'a dit, tu veux vraiment faire ça ?
34:01 Alors j'ai dit oui, il m'a dit, bon bah alors,
34:03 on y va, mais il faut enlever un peu d'argent,
34:05 alors on a coupé des scènes,
34:07 mais moi j'y croyais dur
34:09 comme fer, parce que
34:11 c'est la réaction de Clavier qui m'a,
34:13 je sais pas comment m'en dire,
34:15 la chance d'avoir
34:17 comme partenaire des acteurs aussi
34:19 marrants, qui ont le sens de l'humour,
34:21 qui ont le sens des sujets,
34:23 fait que s'ils éclatent de rire quand on leur propose
34:25 quelque chose, c'est bon signe,
34:27 c'est mieux que l'expertise d'un mec en col
34:29 gris, soi-disant décideur
34:31 d'un grand studio, qui généralement
34:33 rit quand il se brûle.
34:35 - En tout cas, non seulement
34:37 ils ont ri, mais des millions de spectateurs
34:39 ont ri, et il y a beaucoup d'anecdotes
34:41 dans ce livre à propos
34:43 des visiteurs, que je vous recommande,
34:45 et ce livre, on va en parler à travers une autre date,
34:47 la date de sortie, le 11 avril
34:49 2024. A tout de suite sur Sud Radio,
34:51 avec Jean-Marie Poiret.
34:53 - Sud Radio, les clés d'une vie,
34:55 Jacques Pessis. - Sud Radio, les clés
34:57 d'une vie, mon invité Jean-Marie Poiret.
34:59 Pour ce livre, Rire est une fête,
35:01 qui est sorti le 11 avril 2024,
35:03 on a commencé à parler de vos souvenirs, il y en a beaucoup
35:05 dans ce livre. D'abord, pourquoi avoir écrit
35:07 aujourd'hui ce livre, Jean-Marie Poiret ?
35:09 - J'ai écrit ce livre d'abord parce que
35:11 je deviens vieux, et donc à un moment donné,
35:13 je crois que je ne me souviendrai plus de rien,
35:15 c'était le moment ou jamais,
35:17 mais c'est un truc qui me...
35:19 C'est la répétition,
35:21 parce que quand on va à des dîners,
35:23 on fait des dîners avec des gens, et évidemment
35:25 à un moment on vous pose des questions,
35:27 les gens aiment certains films,
35:29 vous posez des questions sur d'autres, vous demandent
35:31 plein de choses, et moi, je suis
35:33 assez bavard,
35:35 donc je raconte,
35:37 et en général, je vois les gens qui roulent à terre de rire,
35:39 donc je me dis quand même
35:41 qu'il y a un potentiel, et c'est d'ailleurs, en réalité,
35:43 mon amie Sylvie Tessu,
35:45 avec qui je dîne un soir,
35:47 et qui, je ne sais pas comment c'est venu,
35:49 je raconte deux, trois histoires,
35:51 elle était pliée, et elle me dit
35:53 "tu devrais écrire un bouquin, parce que
35:55 c'est vraiment marrant".
35:57 Alors, ça a fait son chemin dans ma tête,
35:59 et comme j'ai beaucoup noté
36:01 des souvenirs, j'ai toujours
36:03 des petits calepins, je note les bêtises
36:05 des gens, si quelqu'un sort une
36:07 ânerie, je vais, si
36:09 une anecdote, je peux l'avoir notée, après je pompe les calepins,
36:11 ça c'est autre chose.
36:13 Mais enfin,
36:15 brusquement, je me suis dit "ben voilà, je vais faire ça",
36:17 et j'ai pris, je dois dire,
36:19 beaucoup de plaisir, c'est un travail fou,
36:21 parce que je ne me suis pas du tout rendu compte
36:23 au départ
36:25 du problème de taille,
36:27 parce que quand on écrit,
36:29 j'avais une copine qui était journaliste,
36:31 je me souviens, ça me tuait,
36:33 elle travaillait pour le Nouvel Observateur,
36:35 et on lui disait
36:37 "il y a trois feuillets", alors c'était
36:39 calibré, il y avait un carré, comme ça,
36:41 on écrit dedans, on ne peut pas changer
36:43 l'endroit où ça commence, on ne peut pas changer
36:45 la police,
36:47 donc évidemment quand on arrive au bout des trois feuillets,
36:49 c'est fini. Donc, j'aurais dû
36:51 faire ça pour écrire le livre, parce que
36:53 moi j'ai commencé sur une page comme ça, blanche,
36:55 sur un ordinateur, avec une écriture petite,
36:57 et puis à un moment je me suis dit
36:59 "mais combien ça fait de pages ça ?"
37:01 Alors, j'ai commencé à prendre un bouquin,
37:03 j'ai compté toutes les lignes,
37:05 j'ai compté tous les caractères,
37:07 j'en ai pris deux, trois, j'ai fait comme ça, j'ai fait une moyenne
37:09 des trois, et alors j'ai rentré
37:11 le nombre de lignes, j'ai rentré
37:13 des trucs sur mon machin, et puis ça a mouliné,
37:15 et puis je vois écrit 1150, alors j'ai dit "oh là là, ça va pas le faire !"
37:20 Donc j'ai toujours pris à la base,
37:22 j'ai écrit ce livre qui est un peu plus condensé.
37:25 - Mais vous pourriez faire un tome 2 tellement c'est drôle.
37:27 - Moi je peux faire un tome 2, 3, 4, 7, 8,
37:29 9 et 12 ! - Ne vous gênez pas.
37:31 Alors, la préface est de Christian Clavier, parce que
37:33 Christian Clavier c'est une vraie amitié de 30 ans
37:35 pour vous, Jean-Marie Poirier. - Oui, c'est une amitié,
37:37 c'est une complicité,
37:39 c'est... d'abord on avait une société de production
37:41 ensemble, qui a produit
37:43 "Les Visiteurs" d'ailleurs, et qui a produit
37:45 "Les Visiteurs 2" et "Les Anges Gardiens".
37:47 C'est une rencontre...
37:50 Christian a deux qualités pour moi,
37:53 d'abord c'est un acteur de génie,
37:55 donc ça c'est quand même très important,
37:57 il peut transformer une réplique
37:59 médiocre comme "Ok" en un truc
38:01 légendaire, et puis c'est un grand auteur,
38:05 et qui a le sens
38:07 des sujets, parce que
38:09 il y a beaucoup de gens qui ont un petit peu
38:11 le sens de la réplique, comme ça,
38:13 mais ça fait des rires fugitifs,
38:16 et si on veut rester dans la durée,
38:18 il faut raconter des histoires.
38:20 C'était un producteur
38:22 qui s'appelait Ariane Mouchkine,
38:24 qui était un très très grand producteur
38:26 français du 20ème siècle,
38:28 on lui avait dit qu'est-ce qu'il faut pour faire un film,
38:30 il avait dit "l'histoire, et puis l'histoire,
38:32 et puis l'histoire". Donc c'est ça la base.
38:35 Et donc Christian est un grand auteur,
38:37 un grand partenaire,
38:39 on échange des idées,
38:41 et puis on a une complicité,
38:43 on a une complicité de moqueur,
38:45 on est des Vauriens.
38:47 - Alors il se trouve que "Les anges gardiens"
38:49 dont vous parlez, ça vous a permis de rencontrer...
38:51 - C'est mieux écrit que ça, puisque je dis "on est",
38:53 "nous sommes des Vauriens",
38:55 il n'y a pas de faute de français dans mon livre.
38:57 - Non, non.
38:59 Dans ce film "Les anges gardiens",
39:01 et là c'est un passage irrésistible dans le livre,
39:03 vous évoquez un Gérard Depardieu
39:05 qu'on ne connaît pas forcément,
39:07 qui a essayé de tourner, et qui a tenu parole
39:09 parce qu'il a perdu 20 kilos,
39:11 mais vous avez découvert un Gérard Depardieu,
39:13 quand on parle d'un ogre, c'est au-delà de cela,
39:15 Jean-Marie Foiré ? - C'est tout et son contraire.
39:17 Gérard est un phénomène,
39:19 et je m'en méfiais un petit peu,
39:21 parce que c'est lui qui m'a proposé
39:23 de travailler,
39:25 il m'a réveillé un matin pour me dire "je voudrais faire un film avec vous",
39:27 donc c'est une chance qu'on ne refuse pas,
39:29 parce que c'est un des plus grands acteurs
39:31 de tous les temps, donc c'est un acteur immense,
39:33 mais en même temps j'avais compris
39:35 que c'était un phénomène, donc je me suis beaucoup renseigné
39:37 sur lui,
39:39 et d'ailleurs, je m'empresse de dire,
39:41 parce que j'ai lu un truc qui m'a exaspéré
39:43 dans le journal hier, dans lequel
39:45 une jeune actrice dit
39:47 "tous les producteurs savent
39:49 ou savaient que Depardieu
39:51 est un prédateur", quelle affirmation
39:53 péremptoire, gratuite
39:55 et mensongère,
39:57 personne ne m'a jamais dit ça, alors que je me suis
39:59 renseigné, on m'a expliqué qu'il buvait
40:01 comme un malade, qu'il sortait
40:03 des obscénités, qu'il pouvait
40:05 piquer ses costumes,
40:07 qu'il s'en allait
40:09 au milieu des prises, qu'il était
40:11 un enfant
40:13 gâté du cinéma.
40:15 - Bien sûr.
40:17 - Et moi, donc, la première rencontre avec lui,
40:19 j'ai dit "je vais tout de suite taper
40:21 un coup de poing sur la table", j'ai été très aimable,
40:23 très flatteur, au-delà
40:25 de flatteur, parce que moi j'ai dit à propos,
40:27 et j'ai commencé à... de manchette,
40:29 parce que je me suis dit "il faut qu'il sache qui est
40:31 le patron, je veux pas souffrir".
40:33 Donc, moi, quand je
40:35 sens qu'il y a un problème,
40:37 je suis un peu
40:39 suicidaire là-dessus, je fonce dans le tas,
40:41 parce que ça passe ou ça casse.
40:43 Et on a eu des rapports absolument
40:45 merveilleux, ça n'empêche pas qu'il a
40:47 essayé de me piquer mon
40:49 décor, pour l'emmener dans son
40:51 château. - Oui, il vole les décors
40:53 et les costumes, c'est un point commun avec Jean-Luc Godard
40:55 qui est cleptomane d'ailleurs. - Oui, d'accord.
40:57 Mais sauf qu'alors, ce qui est très très drôle,
40:59 c'est qu'il s'est trompé de décor.
41:01 C'est incroyable, parce qu'il a piqué
41:03 le décor du film d'en face.
41:05 La police est venue pour m'arrêter,
41:07 en disant "vous avez piqué le décor".
41:09 J'ai dit "vous foutez de moi, j'ai rien à foutre de votre décor".
41:11 Et c'est un
41:13 machino sur mon film qui a fait
41:15 "Monsieur Poiré, je peux vous parler ? Vous savez, c'est
41:17 Monsieur Depardieu, il est venu avec un camion
41:19 ce matin". Ils ont tout embarqué.
41:21 Donc j'ai déboulé au maquillage,
41:23 je lui ai dit "Gérard, t'as piqué le décor ?"
41:25 "Non, pas du tout". "Mais si, si,
41:27 t'as piqué le décor du film d'en face".
41:29 "Ah bon, c'est pas le tien ?"
41:31 J'ai dit "ben non". "Ah merde". Alors il a rappelé
41:33 "Allez, ramenez, revenez les gars, c'est gouré".
41:35 - Il vole
41:37 les décors, ça je savais pas. - Mais il vole le décor
41:39 du film d'en face. Et alors
41:41 il est absolument désarmant, c'est que je lui ai dit
41:43 "Mais si j'ai bien compris,
41:45 si ça avait été mon décor,
41:47 ça ne te gênait pas de le piquer".
41:49 Et il a ri. Il rit comme un enfant.
41:51 Et on lui
41:53 pardonne tout, parce qu'il a un charme
41:55 fou. - Mais il y avait un jour un buffet
41:57 avec des petits fours,
41:59 et là ça a été terrible. - Ah oui,
42:01 c'est-à-dire qu'on tournait dans un avion,
42:03 et c'était j'ai supposé de la première classe,
42:05 et donc Air France,
42:07 très gentiment, m'avait
42:09 prêté un avion, donc on était garés
42:11 au fin fond
42:13 de Roissy
42:15 sur une piste égarée,
42:17 c'est-à-dire très très loin, c'était très compliqué pour moi.
42:19 Et donc le matin on faisait évidemment
42:21 le plein de petits fours,
42:23 et puis à un moment donné, en plein milieu d'une prise, alors qu'on jouait à la comédie,
42:25 je vois passer une hôtesse
42:27 avec un plateau sur lequel il y avait
42:29 deux malheureux petits fours qui se
42:31 battaient en duel. Donc je découpais,
42:33 je me disais "mais c'est quoi ce plateau ?"
42:35 Je me disais "par rapport à Air France, on ne peut pas avoir..."
42:37 Je veux dire, bon, moi je suis
42:39 le mec d'Air France, je vois passer une fille
42:41 avec deux petits fours et un papier vide.
42:43 Je me dis "c'est pas possible".
42:45 Donc l'accessoire riche m'a dit "mais...
42:47 remplissez le plateau !"
42:49 Je venais par là, alors
42:51 il me fait venir, il me fait "c'est Gérard ce matin,
42:53 il est venu, il a mangé tout le frigo."
42:55 Bon...
42:57 - Et en plus il vous a fait un sale tour
42:59 un jour, il avait des papiers
43:01 il n'avait pas appris son texte.
43:03 - Il apprenait jamais son texte.
43:05 Je crois maintenant qu'il a une oreillette
43:07 quand on lui dicte.
43:09 Mais alors il faisait un truc qui est absolument fou,
43:11 c'est que je ne voyais pas trop ce truc-là.
43:13 C'est-à-dire que le matin il arrive avec des papiers
43:15 et il colle les papiers sur son partenaire
43:17 d'en face avec son texte.
43:19 Et un jour je le vois...
43:21 Donc j'avais gueulé, j'avais dit "je veux pas que tu mettes tes papiers"
43:23 alors il finasse.
43:25 C'est un type
43:27 brillant, très intelligent
43:29 et un acteur formidable.
43:31 Il peut vous emmener n'importe où, il vous raconte
43:33 n'importe quoi et il part.
43:35 Donc à un moment donné je le vois faire un espèce de truc
43:37 pratiquement de l'acteur studio.
43:39 Il se met dans un coin de l'avion,
43:41 il prend une tête renfreniée,
43:43 il s'appuie sur la paroi et je lui dis
43:45 "mais qu'est-ce que c'est que ça, tu me fais l'acteur studio ?"
43:47 "Mais non, pourquoi ?"
43:49 "Mais c'est quoi cette mimique ?"
43:51 Et puis je vais voir, je vois le chandelier de fauteuil,
43:53 il avait mis tout le texte.
43:55 Il avait refusé là, il avait été le metteur ailleurs.
43:57 Donc j'ai pris tout le texte,
43:59 j'ai tout déchiré. "Mais t'es con ou quoi ?
44:01 Mais qu'est-ce que tu fais, t'es con ?"
44:03 J'ai dit "mais écoute, tu apprends ton texte."
44:05 "Mais j'ai pas le temps, ça va, on va perdre une heure."
44:07 "On perdra une heure, tu sauras ton texte."
44:09 Alors il est parti.
44:11 Cet enfoiré m'a fait pouvoir rester deux heures et demie
44:13 pour me punir.
44:15 Il est revenu, il était un génie.
44:17 Je lui ai dit "toi, quand tu sais ton texte, tu es un génie."
44:19 "Parce que tu es libre,
44:21 tu peux exprimer tes sensations."
44:23 "C'est-à-dire que quand tu lis,
44:25 t'es un peu moins bon."
44:27 - Alors moi je me souviens de la Bête de la jungle, qu'il jouait au théâtre de la Madeleine
44:29 avec Fanny Ardant, il avait une oreillette bien sûr.
44:31 Et un jour, à la fin du spectacle,
44:33 l'oreillette tombe en panne.
44:35 Il pense que le spectacle est fini,
44:37 il est sorti, Fanny Ardant a fait les cinq dernières minutes toute seule.
44:39 - C'est extraordinaire.
44:41 C'est typique de Gérard.
44:43 - J'ai aussi appris quelque chose
44:45 dans ce livre,
44:47 Jean-Marie Poiré,
44:49 c'est que vous ne reconnaissez pas les gens,
44:51 vous n'êtes pas du tout filière de Miss.
44:53 Et un jour, vous avez confondu
44:55 Gégé Junior avec un autre artiste.
44:57 - Ah oui !
44:59 J'avais un copain qui s'appelait Gégé Junior,
45:01 qui malheureusement est mort,
45:03 et qui était un petit acteur,
45:05 avec une frange, qui avait fait un disque,
45:07 qui jouait dans l'Hôtel de la plage de Michel Lang,
45:09 un petit rôle.
45:11 On s'est rencontrés, on est devenus
45:13 copains, sans plus.
45:15 Et puis un jour, je suis tombé sur lui,
45:17 alors il avait fait un 45 tours,
45:19 et ça n'avait pas du tout marché,
45:21 ça avait été un gros flop, son 45 tours.
45:23 Je ne sais pas s'il en avait fait un ou deux,
45:25 mais il avait fait des trucs comme ça, ça ne marchait pas.
45:27 Et puis un jour, au studio de Biancourt, à la cantine,
45:29 je tombe sur lui, donc je l'embrasse,
45:31 je lui dis "comment tu vas ?"
45:33 "Et toi ?" "Qu'est-ce que tu fais ?"
45:35 "Je fais la promo pour mon disque."
45:37 "Ah, tu as fait un nouveau disque ?"
45:39 Un peu étonné, il me fait "oui, j'ai fait un nouveau disque."
45:41 "Ah, c'est formidable, c'est formidable,
45:43 je suis vachement content pour toi."
45:45 Il me dit "parce que derrière, il y a un studio
45:47 où on fait des clips,
45:49 et on fait un clip là-bas."
45:51 "C'est quoi, c'est un 45 tours ?"
45:53 "45 tours ? Mais non, c'est un album."
45:55 "Ah, tu vas faire un album ? Tu vas faire un album !
45:57 C'est fantastique de faire un album !"
45:59 Je lui ai dit "vraiment, je suis content pour toi."
46:01 Et je vois,
46:03 plus ça allait, plus je vois le mec un petit peu étonné,
46:05 et puis, très bien,
46:07 je le quitte,
46:09 parce que je sentis un malaise à un moment.
46:11 J'ai dit "bon, ben écoute, à bientôt,
46:13 j'ai rejoint mon équipe de montage."
46:15 Et quand je suis arrivé, mon monteur m'a fait
46:17 "Ah, tu es très copain avec Téléphone,
46:19 c'était Jean-Louis Aubert, au top de sa gloire."
46:21 "Tu fais un album ?
46:23 Mais c'est incroyable !
46:25 Formidable !"
46:27 Alors, je pense qu'il a dû...
46:29 Il s'est peut-être dit que je voulais le vanner,
46:31 ou que j'étais un salopard,
46:33 mais en fait,
46:35 c'est pas reconnu.
46:37 - Il y a aussi une autre chose dans ce livre, on apprend plein de choses,
46:39 c'est l'incident diplomatique que vous avez provoqué
46:41 un jour, avec une statue
46:43 et Margaret Thatcher.
46:45 - Oui, oui.
46:47 Je dis d'ailleurs,
46:49 "Margaret Thatcher dormait dans ma chambre."
46:51 Ce qui est vrai, parce que...
46:53 C'était le début du chapitre.
46:55 "Margaret Thatcher dormait dans ma chambre."
46:57 Mais en fait, parce qu'on m'a viré de ma chambre
46:59 pour mettre "Margaret Thatcher" à la place.
47:01 Et moi, je faisais
47:03 une cascade.
47:05 Je devais faire une cascade. C'est pas moi d'ailleurs qui l'ai tournée,
47:07 c'était une deuxième équipe. Et j'avais trouvé
47:09 un décor qui me plaisait beaucoup,
47:11 et les Chinois m'ont refusé ce décor
47:13 à Hong Kong.
47:15 C'est pas possible, parce qu'on inaugure une statue
47:17 pour Margaret Thatcher, pour la remercier
47:19 d'une négociation qu'elle avait faite, brillante,
47:21 d'ailleurs, qui n'ont d'ailleurs
47:23 pas été suivies des faits.
47:25 Donc, ils l'adoraient, parce qu'elle avait
47:27 obtenu de garder
47:29 le dollar de Hong Kong, 50 ans,
47:31 de liberté de la presse.
47:33 C'était très bien démerdé.
47:35 Donc, il y avait cette statue.
47:37 On m'a dit "c'est pas possible". Alors j'ai dit "écoutez,
47:39 je vais protéger votre statue,
47:41 on va mettre une énorme
47:43 benne, on va remplir
47:45 cette benne de pierre,
47:47 on va mettre derrière une deuxième benne
47:49 bourrée de pierre, il y en aura pour des tonnes
47:51 et des tonnes, et donc le camion qui va
47:53 heurter le truc, ça sera
47:55 bloqué par la benne." Donc, ils m'ont
47:57 dit "très bien".
47:59 Et puis, on m'a téléphoné pour me dire
48:01 "il y a un petit pépin". Alors, le
48:03 casque de la Chine,
48:05 demi-débile,
48:07 il avait écrasé
48:09 une cabine téléphonique contre la benne.
48:11 Bon, c'était suffisant. Après, le metteur de scène
48:13 a crié "coupez". Et lui,
48:15 on ne sait pas pourquoi, a reculé, et puis
48:17 il a réavancé, et puis il a
48:19 reculé, il a réavancé.
48:21 Et j'ai dit "mais arrêtez, arrêtez".
48:23 Alors, la première benne a tapé dans la deuxième,
48:25 qui était sur un terrain un peu glissant,
48:27 et l'autre est parti comme une luge avec
48:29 5 tonnes de cailloux, et est allé
48:31 pulvériser la statue de Margaret Thatcher
48:33 qui était en miettes. Donc, le soir,
48:35 en dehors de risquer d'être
48:37 condamné à mort, parce que, même si
48:39 c'était encore la Chine non-communiste,
48:41 c'était pas marrant, bon, j'ai eu une convocation
48:43 et on m'a dit "qu'est-ce qu'on peut faire ? Vous êtes
48:45 dans le cinéma, vous allez pouvoir remplacer la statue."
48:47 "Mais, mon décorateur n'est pas dans la nuit,
48:49 qu'est-ce que tu veux faire ?"
48:51 "Non, non, on peut essayer de la réparer."
48:53 "Oui, mais elle vient inaugurer
48:55 demain !" Alors, le lendemain,
48:57 Margaret Thatcher est arrivée, et à sa
48:59 grande stupeur, il y avait une statue
49:01 pratiquement à 150 mètres,
49:03 bon, et elle était sur un truc,
49:05 quand elle a acheté le truc
49:07 pour retirer le...
49:09 le... - Le voile. - Le voile,
49:11 c'était une poulie qui faisait 150 mètres,
49:13 bon, elle est arrivée,
49:15 elle a retiré, on a applaudi,
49:17 bon, et la rade a dit
49:19 "j'aimerais bien aller la voir de près."
49:21 Et ils ont dit "en effet, en tant que temps, là, parce qu'on a eu une réunion
49:23 à la mairie, là, excusez-nous,
49:25 Madame le ministre, mais c'est pas possible."
49:27 Et puis, les Chinois, ils aiment pas perdre
49:29 la face, donc ils... Alors elle est partie,
49:31 elle a regardé sa statue, comme ça,
49:33 en disant que... Et heureusement qu'elle n'a pas
49:35 été voir de près, parce que c'était rafistelé
49:37 avec du scotch !
49:39 Ils l'avaient tout remis avec du scotch,
49:41 et ils avaient mis un peu de peinture verte,
49:43 de faux bronze, comme ça,
49:45 c'était une horreur ! Alors maintenant, comme les Chinois
49:47 n'ont finalement pas respecté
49:49 leur accord avec Thatcher,
49:51 je pense que la statue est à la baille
49:53 depuis longtemps !
49:55 - Il y a énormément d'anecdotes dans ce livre,
49:57 "Rire est une fête", moi j'en pleure tellement,
49:59 on rit ! Vraiment,
50:01 écrivez la suite, écrivez d'autres livres,
50:03 Jean-Marie Poiret, parce que "Rire est une fête",
50:05 chez Michel Laffont, d'ailleurs, j'ai vu,
50:07 il était numéro 1 des ventes chez Amazon,
50:09 et vous avez encore plein de choses à raconter, n'hésitez pas,
50:11 et vous reviendrez dans "Les clés d'une vie" pour en parler !
50:13 - Avec plaisir, Jacques, parce que c'est toujours un plaisir !
50:15 - Et réciproquement, "Les clés d'une vie" s'est terminé pour aujourd'hui,
50:17 On se retrouve bientôt, restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.